CA CAEN (1re ch. civ.), 16 février 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8790
CA CAEN (1re ch. civ.), 16 février 2021 : RG n° 18/03179
Publication : Jurica
Extrait : « Que par un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 8 décembre 2009, la clause contenue à l'article N° 1 du contrat d'amodiation a été considérée comme abusive dans les termes suivants : […] ;
Considérant que se prévalant de cette décision monsieur X. a par deux reprises, par des courriers des 12 novembre 2013 et 2 décembre 2013, manifesté par écrit sa volonté de résilier le contrat d'amodiation en cause ; Que confrontée à cette volonté, la société PORT-DEAUVILLE a souhaité se conformer à la décision de la Cour de cassation en reconnaissant implicitement mais de manière non équivoque, que la clause N°1 était abusive y compris dans le contrat de monsieur X., admettant ainsi les effets de cette jurisprudence tirée de l'article L. 132-1 du code de la consommation sur le contrat d'origine ;
Que pour ce faire, ladite société a adressé à monsieur X. un avenant le 4 décembre 2013, pour approbation, que ce document qui a été signé par monsieur X. à une date non mentionnée mais nécessairement postérieure au 4 décembre, a porté sur l'article 5 de la convention en litige pour le modifier comme suit : - « l'emplacement faisant l'objet de la présente amodiation peut être vendu ou cédé. La sous location est autorisée sous réserve d'acceptation du dossier par la Capitainerie. Pour cette dernière les papiers du bateau ainsi que l'attestation d'assurance sont obligatoires pour la validation de la sous-location » ;
Que la cour considère à l'analyse de ce document qu'il ne peut pas être affirmé qu'il y a eu par celui-ci une novation selon les dispositions de l'article 1273 ancien du code civil qui édicte ce que suit : « la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte » ; […] ;
Qu'il ne peut pas être affirmé que par cet avenant qui a modifié l'article 5 du contrat litigieux, il s'en est suivi que l'article N° 1 ne revêtait plus de caractère abusif, car la Cour de cassation a déclaré abusive ladite clause au motif notamment de l'absence de faculté pour l'amodiataire de résilier la convention pour un motif légitime, alors par les dispositions de l'article 5 portent sur l'impossibilité de céder ou de sous louer ; Qu'il en résulte que l'avenant de décembre 2013 modifiant l'article 5 de la convention en cause en permettant de vendre, céder ou sous-louer, n'excluait pas pour autant une résiliation pour un motif légitime ; Qu'ainsi en l'absence de modification de l'article N° 1, il ne peut pas être soutenu que cette disposition n'a plus revêtu de caractère abusif, par la simple modification d'une clause N° 5 qui ne faisait dans sa version d'origine que l'aggraver ; Qu'il ne doit être accordé à l'avenant en litige aucune portée juridique sur la résiliation qui a été demandée, et cela d'autant que celle-ci n'était pas contractuellement aménagée, qu'aucun délai de préavis n'était convenu ;
Que dans ces conditions sans qu'il soit utile d'envisager l'application des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation, il convient d'infirmer le jugement entrepris, de constater que la résiliation du contrat était possible, qu'elle a été réclamée par monsieur X., ce qui a été confirmé par la lettre recommandée de son conseil du 28 décembre 2016, sachant qu'aucun débat n'est engagé par la société PORT DEAUVILLE sur le motif légitime, celui de l'appelant étant le fait de ne plus avoir de bateau et de ne plus occuper l'emplacement ».
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° RG 18/03179. N° Portalis DBVC-V-B7C-GGEY. ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX en date du 17 octobre 2018 : R.G. n° 17/00395.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [...], [...], représenté et assisté de Maître Jérémie P., avocat au barreau de CAEN
INTIMÉE :
La Société PORT DEAUVILLE SA
N° SIRET : XXX, [...], [...], prise en la personne de son représentant légal, représentée et assistée de Maître Marc R., avocat au barreau de LISIEUX
DÉBATS : A l'audience publique du 17 décembre 2020, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme FLEURY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. GUIGUESSON, Président de chambre, Mme COURTADE, Conseillère, M. GANCE, Conseiller,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 16 février 2021 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme LE GALL, greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte sous seing privé en date du 8 novembre 1972, conclu par la SARL société d'étude et de réalisation PORT-DEAUVILLE concessionnaire de l'exploitation du port de plaisance de Port-DEAUVILLE, pour une durée de 50 ans, monsieur Y. est devenu amodiataire d'une place d'amarrage et de mouillage N° 80XX pour la durée de la concession par l'Etat.
Par un acte sous seing privé du 12 juillet 1976, la société d'étude et de réalisation PORT-DEAUVILLE a résilié le contrat précité au profit de monsieur Y. et monsieur X. est devenu amodiataire aux mêmes conditions de ladite place, celle-ci étant devenue le N° 13XXX, suivant un avenant en date du 15 mars 1992.
Par acte d'huissier en date du 23 mars 2017, monsieur X. a fait assigner la SA PORT DEAUVILLE venant aux droits de la SARL précitée devant le tribunal de grande instance de Lisieux aux fins de voir constater la résiliation à la date du 12 novembre 2013 du contrat en litige et pour voir la société en défense lui rembourser les sommes éventuellement perçues depuis cette résiliation.
Par un jugement en date du 17 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Lisieux a principalement :
- débouté monsieur X. de ses demandes en constat de résiliation du contrat d'amodiation conclu le 12 juillet 1976, et l'a condamné à payer à la SA PORT-DEAUVILLE la somme de 1.300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par une déclaration en date du 7 novembre 2019, monsieur X. a interjeté appel.
[*]
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 16 juillet 2019, monsieur X. sollicite :
- de réformer le jugement entrepris ;
- de débouter la société PORT DEAUVILLE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- de constater la résiliation du contrat d'amodiation à la date du 12 novembre 2013 et de condamner la société PORT-DEAUVILLE à lui rembourser les sommes éventuellement perçues depuis cette résiliation ;
- Subsidiairement :
- de constater la résiliation réclamée à la date qu'il plaira, et de condamner la société PORT-DEAUVILLE à lui rembourser les sommes éventuellement perçues depuis cette résiliation ;
- de condamner la société en cause à lui verser la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 14 octobre 2019, la société PORT-DEAUVILLE sollicite :
- de confirmer le jugement entrepris ;
- de condamner monsieur X. à lui payer la somme de 7.344, 88 euros représentant l'arriéré de charges existant, outre celle de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 novembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Considérant que monsieur X. soutient qu'en application de la jurisprudence de la Cour de cassation du 8 décembre 2009, il était justifié à pouvoir résilier le contrat en litige ;
Que s'agissant de l'avenant signé en l'espèce aucune des énonciations de celui-ci ne permet de constater que la relation contractuelle en litige a été maintenue, qu'il n'y a pas eu de novation avec une volonté de reprendre l'obligation ancienne ;
Que l'avenant dont s'agit ne peut pas avoir pour effet de replacer les parties dans leur lien contractuel, et cela d'autant que la SA PORT DEAUVILLE a manqué à son obligation pré-contractuelle visée à l'article L. 111-1 du code de la consommation, monsieur X. n'ayant pas eu conscience de la portée éventuelle de l'acte signé par lui ;
Considérant que la société PORT-DEAUVILLE répond que l'avenant qui a été établi l'a été pour être en conformité aux dispositions de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, puisqu'il stipule que l'emplacement peut être vendu ou cédé, que la clause abusive qui avait été relevée par la Cour de cassation a été supprimée, qu'il ne peut pas y avoir une quelconque violation de l'obligation d'information précontractuelle, que l'avenant du 4 décembre 2013 est postérieur aux deux courriers de monsieur X., dans lequel ce dernier indiquait son souhait de résilier le contrat d'amodiation ;
Considérant que le contrat d'amodiation établi entre les parties à l'instance en date du 12 juillet 1976 comporte une clause N° 1 qui énonce que le concessionnaire amodie pour la durée de la concession à l'amodiataire qui accepte, le poste d'amarrage et de mouillage dénommé, soit pour une durée de 50 ans ;
Que par cette convention, le poste d'amarrage et de mouillage accordé à monsieur X. était le N° 80XX, que par un avenant du 15 mars 1992, il a été décidé ce que suit :
- « que la place d'amarrage et de mouillage dénommée 80XX appartenant à monsieur X. depuis le 12 juillet 1976 fait l'objet d'un échange standard contre la place d'amarrage et de mouillage dénommée 13XXX » ;
Que par un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 8 décembre 2009, la clause contenue à l'article N° 1 du contrat d'amodiation a été considérée comme abusive dans les termes suivants :
« Quand l'article 1 du contrat d'amodiation a pour objet et pour effet de maintenir l'amodiataire dans les liens contractuels pendant la durée de la concession en lui imposant de payer les charges portuaires afférentes à l'emplacement amodié, sans lui réserver la faculté de résilier la convention pour un motif légitime et alors que d'une part l'article 5 lui interdit de céder ou de sous-louer l'emplacement tandis que le règlement de police du port ne prévoit la possibilité d'un transfert de jouissance du poste d'accostage qu'en cas de vente d'un navire et assujettit ce transfert à un accord formel du concessionnaire et que d'autre part la société est autorisée à disposer de l'emplacement au profit de tiers passé un délai d'inoccupation de 7 jours, de sorte que la société ne justifie pas d'un préjudice en cas de résiliation moyennant un préavis de 7 jours; qu'il en résulte un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, que la clause contenue à l'acte 1er du contrat d'amodiation est donc abusive et partant réputée non écrite » ;
Considérant que se prévalant de cette décision monsieur X. a par deux reprises, par des courriers des 12 novembre 2013 et 2 décembre 2013, manifesté par écrit sa volonté de résilier le contrat d'amodiation en cause ;
Que confrontée à cette volonté, la société PORT-DEAUVILLE a souhaité se conformer à la décision de la Cour de cassation en reconnaissant implicitement mais de manière non équivoque, que la clause N°1 était abusive y compris dans le contrat de monsieur X., admettant ainsi les effets de cette jurisprudence tirée de l'article L. 132-1 du code de la consommation sur le contrat d'origine ;
Que pour ce faire, ladite société a adressé à monsieur X. un avenant le 4 décembre 2013, pour approbation, que ce document qui a été signé par monsieur X. à une date non mentionnée mais nécessairement postérieure au 4 décembre, a porté sur l'article 5 de la convention en litige pour le modifier comme suit :
- « l'emplacement faisant l'objet de la présente amodiation peut être vendu ou cédé. La sous location est autorisée sous réserve d'acceptation du dossier par la Capitainerie. Pour cette dernière les papiers du bateau ainsi que l'attestation d'assurance sont obligatoires pour la validation de la sous-location » ;
Que la cour considère à l'analyse de ce document qu'il ne peut pas être affirmé qu'il y a eu par celui-ci une novation selon les dispositions de l'article 1273 ancien du code civil qui édicte ce que suit : « la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte » ;
Qu'en effet, l'avenant en litige ne comporte aucune disposition permettant d'en déduire clairement que les parties ont entendu reprendre leur lien contractuel, que ce document expédié 2 jours après le courrier de monsieur X. du 2 décembre ne fait nullement état de la demande de résiliation ;
Que cet acte ne comporte aucune indication sur ses conséquences juridiques en cas d'approbation ;
Qu'il n'y a eu par la suite aucun acte positif et non équivoque de monsieur X. permettant de conforter sa volonté de reprendre l'engagement contractuel, dont il avait demandé la résiliation et cela d'autant que sachant que l'emplacement en cause pouvait être vendu pour se libérer de la convention, il n'a effectué strictement aucune démarche à cet effet, n'ayant jamais manifesté sa volonté de vendre son emplacement ou de le sous-louer comme une prétendue novation à laquelle il aurait consenti, le lui aurait permis ;
Qu'il ne peut pas être affirmé que par cet avenant qui a modifié l'article 5 du contrat litigieux, il s'en est suivi que l'article N° 1 ne revêtait plus de caractère abusif, car la Cour de cassation a déclaré abusive ladite clause au motif notamment de l'absence de faculté pour l'amodiataire de résilier la convention pour un motif légitime, alors par les dispositions de l'article 5 portent sur l'impossibilité de céder ou de sous louer ;
Qu'il en résulte que l'avenant de décembre 2013 modifiant l'article 5 de la convention en cause en permettant de vendre, céder ou sous-louer, n'excluait pas pour autant une résiliation pour un motif légitime ;
Qu'ainsi en l'absence de modification de l'article N° 1, il ne peut pas être soutenu que cette disposition n'a plus revêtu de caractère abusif, par la simple modification d'une clause N° 5 qui ne faisait dans sa version d'origine que l'aggraver ;
Qu'il ne doit être accordé à l'avenant en litige aucune portée juridique sur la résiliation qui a été demandée, et cela d'autant que celle-ci n'était pas contractuellement aménagée, qu'aucun délai de préavis n'était convenu ;
Que dans ces conditions sans qu'il soit utile d'envisager l'application des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation, il convient d'infirmer le jugement entrepris, de constater que la résiliation du contrat était possible, qu'elle a été réclamée par monsieur X., ce qui a été confirmé par la lettre recommandée de son conseil du 28 décembre 2016, sachant qu'aucun débat n'est engagé par la société PORT DEAUVILLE sur le motif légitime, celui de l'appelant étant le fait de ne plus avoir de bateau et de ne plus occuper l'emplacement ;
Que la cour en conséquence constatera la résiliation du contrat d'amodiation à la date du 26 décembre 2016, date à laquelle le conseil de monsieur X. a confirmé la résiliation du contrat d'anneau et de mouillage, l'appelant n'ayant pas mentionné de date précise dans ses courriers des 12 novembre et 2 décembre 2013 ;
Que la cour ne condamnera pas la société PORT-DEAUVILLE à rembourser à monsieur X. les sommes éventuellement perçues depuis cette résiliation, en ce que cette demande s'avère être indéterminée et non déterminable en l'absence de documents utiles versés à cette fin ;
Que s'agissant de la demande en paiement présentée par la société PORT DEAUVILLE, au titre des charges arriérés, qu'au regard de l'appel de charges en cours de l'année 2016, restant le seul exigible compte tenu de la résiliation constatée, et du versement de 2.398,32 euros réalisé le 30 janvier 2017 ainsi que de celui de 29,13 euros, que la cour écartera la demande en paiement présentée par la société PORT DEAUVILLE en l'absence d'autre décompte, sachant que le courrier adressé à monsieur X. le 30 janvier 2017 mentionne à cette date un solde des années antérieures égal à zéro ;
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité permet d'accorder à monsieur X. la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de la société PORT DEAUVILLE à ce titre étant écartée, qui partie perdante supportera les dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe.
- Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- Déboute la société PORT-DEAUVILLE de toutes ses demandes en ce compris de celle formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Constate la résiliation du contrat d'amodiation liant monsieur X. à la société PORT-DEAUVILLE à la date du 28 décembre 2016 ;
- Déboute monsieur X. du surplus de ses demandes ;
- Condamne la société PORT-DEAUVILLE à payer à monsieur X. la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la société PORT DEAUVILLE en tous les dépens qui seront recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL G. GUIGUESSON
- 5835 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Existence d’une clause
- 5734 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause réputée non écrite
- 5835 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Existence d’une clause
- 6131 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Résolution ou résiliation sans manquement - Résiliation par le consommateur
- 6133 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Durée initiale
- 6428 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Port de plaisance (manutention - location d’emplacement)