CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 27 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8792
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 27 janvier 2021 : RG n° 19/03380
Publication : Jurica
Extrait : « La demande subsidiaire formée par la société SKG Italia, à la fois sur le fondement délictuel du déséquilibre significatif et sur celui de la mauvaise foi et de la déloyauté dans l'exécution du contrat, tend à une indemnisation à hauteur de 374.223 euros correspondant à la valorisation du stock invendable et non repris par PSA outre 35.084 euros correspondant à la perte de marge du fait de l'absence de toute négociation sur l'évaluation du yen préjudiciable à SKG et provoquant un déséquilibre contractuel.
Si la société PSA soutient que cette demande nouvelle en appel est irrecevable, la cour considère au contraire qu'elle tend à la même fin que les prétentions indemnitaires formées en première instance, si bien qu'elle doit être déclarée recevable.
S'agissant du bien fondé et en premier lieu, la cour retient qu'il n'est nullement établi que la société PSA ait manqué à son obligation de bonne foi contractuelle et de loyauté en refusant de négocier à la suite de l'appréciation du yen par rapport à l'euro que lui faisait valoir la société SKG Italia pour obtenir une augmentation du prix.
Par ailleurs, la société SKG Italia ne démontre pas qu'elle était liée à la société PSA par un contrat qui interdisait au titre de la bonne foi la baisse des commandes qu'elle allègue, ou qui obligeait la société PSA, au cas de commandes fermes n'atteignant pas le niveau de l'estimation des besoins annuels communiqués au fournisseur, à l'indemniser des stocks constitués par celui-ci. Par ailleurs, nulle déloyauté de la société PSA n'est établie pour le fait d'avoir annoncé les prévisions de commandes dont la société SKG Italia indique que c'est à cause d'elles si elle a constitué le stock litigieux.
La demande subsidiaire n'est donc pas justifiée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
En second lieu, s'agissant du déséquilibre significatif allégué, en présence du système de la commande ouverte adopté par les parties et en l'absence voulue par les parties de tout contrat cadre venant préciser leurs obligations en cas de variation du cours du yen ou en cas commandes fermes inférieures aux prévisions annoncées par le client, ni le refus de la société PSA d'intégrer la variation du cours du yen dans une négociation, ni le non-respect des prévisions de commandes ne caractérise un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2°.
Par ailleurs, en 2011 ou 2012, la théorie de l'imprévision n'était pas encore admise en droit positif.
La société SKG Italia sera donc déboutée de sa demande subsidiaire. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 27 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/03380 (10 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-B7JRM. Décision déférée à la cour : jugement du 26 novembre 2018 - Tribunal de commerce de PARIS : R.G. n° 16/52454.
APPELANTE :
SOCIÉTÉ SKG ITALIA
société de droit italien, Ayant son siège social [...], [...], RCS de PARME : XXX, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Florence G. de la SELARL SELARL P. - DE M. - G., avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, Ayant pour avocat plaidant Maître Edouard F. de la SCP F. T. P. ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0010
INTIMÉE :
SA PSA AUTOMOBILES
Ayant son siège social [...], [...], N° SIRET : YYY, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Matthieu B. G. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Ayant pour avocat plaidant Maître Emmanuel F. de l'AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R169
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Dominique GILLES, conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Laure DALLERY, présidente de chambre, Monsieur Dominique GILLES, conseiller, Madame Sophie DEPELLEY, conseillère, qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Madame Cyrielle BURBAN
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Laure DALLERY, présidente de chambre et par Madame Hortense VITELA-GASPAR, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société PSA Automobiles (PSA) est un groupe international de construction automobile.
La société de droit italien SKG Italia est un fournisseur de pièces et de composants pour l'industrie automobile.
En 2001, la société PSA a confié à la société SKG France puis, courant 2009, à la société SKG Italia le développement et la fabrication d'un capteur de température et d'hygrométrie pour l'habitacle des véhicules.
Par acte extrajudiciaire du 2 septembre 2016, la société SKG Italia a assigné la société PSA devant le tribunal de commerce de Paris, en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales établies et manquement contractuel.
C'est dans ces conditions que par jugement du 26 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit que les demandes de la SAS de droit italien SKG Italia au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et au titre de la faute de la société PSA Automobiles SA anciennement dénommée SA Peugeot Citroën Automobiles sont recevables ;
- débouté la SAS de droit italien SKG Italia de sa demande de 485.115 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;
- débouté la SAS de droit italien SKG Italia de sa demande de 411.723 euros au titre de la faute contractuelle de la société PSA Automobiles SA anciennement dénommée SA Peugeot Citroën Automobiles ;
- condamné la SAS de droit italien SKG Italia à verser à la société PSA Automobiles SA anciennement dénommée SA Peugeot Citroën Automobiles la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la SAS de droit italien SKG Italia aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 77,84 euros dont 12,76 euros de TVA.
Le 13 février 2019, la société SKG Italia a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.
[*]
Vu les dernières conclusions de la société SKG Italia, notifiées et déposées le 10 novembre 2020, demandant à la cour de :
Vu le jugement entrepris,
Vu les articles L. 442-5-I-6 et L. 442-6-I-2 anciens du code de commerce,
Vu les articles 1134 et 1147 anciens du code civil,
Vu l'article 565 du code de procédure civile,
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :
* débouté SKG Italia de ses demandes visant à voir engager la responsabilité de PSA pour rupture abusive, sans préavis, des relations commerciales établies avec SKG et de ses demandes indemnitaires présentées à ce titre,
* condamné SKG Italia à supporter les dépens de première instance et à payer à PSA la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* subsidiairement dit que SKG n'avait commis aucune faute contractuelle et débouté PSA de toutes les demandes indemnitaires formées à ce titre,
Et statuant à nouveau,
Au principal sur la rupture des relations commerciales établies,
- déclarer SKG recevable à agir,
- constater que les notifications de rupture en novembre 2012, interviennent après la rupture, de fait, des relations en février 2012 et, en outre, avec un préavis d'un mois, qui n'a été suivi d'aucune commande,
- rejeter l'argument selon lequel les circonstances économiques et les sanctions contre l'Iran devraient être analysées comme des évènements de force majeure justifiant une rupture des relations sans aucun préavis,
- rejeter l'argument selon lequel une commande ouverte justifierait, à elle seule, l'absence de préavis de rupture,
- constater que PSA Automobiles SA était informée depuis le mois de juin 2012, réitéré en septembre 2012 de l'état des stocks détenus par SKG,
- constater qu'après les tests techniques en 2016, les pièces étaient en état de fonctionnement,
- dire et juger qu'informée de l'état du stock détenu par SKG, il appartenait à PSA Automobiles SA, faute de solutions appropriées, de reprendre le stock, à hauteur des 70.000 pièces déclarées,
En conséquence du fait de la rupture brutale des relations,
- dire et juger que SKG Italia aurait dû bénéficier d'un délai de préavis de 12 mois,
- condamner PSA Automobiles SA à payer à SKG Italia la somme de 74.585 euros HT, correspondant à sa perte de marge brute, en réparation du préjudice subi pour rupture abusive, sans préavis écrit, des relations commerciales et, subsidiairement, la somme de 49.045 euros si par extraordinaire le tribunal devait calculer le préjudice subi par SKG sur la perte de marge sur coût variable,
- condamner PSA Automobiles SA à payer à SKG Italia la somme de 446.931,00 euros (394.431 euros +52.500 euros) en indemnisation du préjudice subi correspondant à la valeur vénale des pièces en stock invendables et non reprises par PSA, ce inclus les frais de stockage à hauteur de 52.500 euros,
A titre subsidiaire, sur le comportement fautif de PSA, si par extraordinaire la cour devait débouter SKG Italia de ses demandes formées au titre de la rupture abusive des relations commerciales établies,
- constater que PSA n'a pas loyalement exécuté ses obligations en créant un déséquilibre contractuel résultant d'informations aléatoires et fluctuantes sur les commandes 2012 et de l'absence de toute négociation sur l'évaluation du Yen subi par SKG en 2011/2012,
- constater que cette déloyauté n'a pas permis à SKG d'avoir une visibilité et un éclairage suffisant lui permettant d'avoir une gestion saine de son activité, en particulier de ses stocks,
- condamner PSA Automobiles à payer à SKG Italia la somme de 374.223 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la valorisation du stock invendable et non repris par PSA,
- condamner PSA Automobiles à payer à SKG Italia la somme indemnitaire complémentaire de 35.084 euros, correspondant à sa perte de marge du fait de l'absence de toute négociation sur l'évaluation du yen préjudiciable à SKG et provoquant un déséquilibre contractuel,
En tout état de cause,
- condamner PSA Automobiles SA à payer à SKG la somme de 6.000 euros en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner PSA Automobiles SA à payer à SKG la somme de 30.000 euros HT, à parfaire, au titre de la présente instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner PSA Automobiles SA aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
Vu les dernières conclusions de la société PSA Automobiles, intimée, notifiées et déposées le 16 novembre 2020, il est demandé à la cour d'appel de Paris de :
Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile,
Vu les articles 30 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 564 et 565 et l'article 910-4 du code de procédure civile,
Vu l'article L. 442-1 du code de commerce, anciennement article L. 442-6,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris le 26 novembre 2018, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société de droit italien SKG Italia et retenu l'existence d'une relation commerciale établie remontant à l'année 2001,
L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable la société de droit italien SKG Italia en ses demandes à l'encontre de la société PSA Automobiles SA et la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- débouter la société de droit italien SKG Italia de l'ensemble des demandes indemnitaires formulées à titre principal au titre d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies,
- déclarer irrecevables et infondées les demandes formulées par la société de droit italien SKG Italia au titre d'un prétendu comportement fautif de la société PSA Automobiles SA, et par conséquent l'en débouter,
En tout état de cause,
- débouter la société de droit italien SKG Italia de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société de droit italien SKG Italia à payer à la société PSA Automobiles SA la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens instance, dont distraction au profit de Maître Matthieu Boccon G..
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, La cour,
Les relations commerciales entre les parties ont été matérialisées par une commande ouverte de 2001 se référant à un dossier de consultation et à l'offre initiale de la société SKG France.
Les relations commerciales étaient mises en œuvre par une estimation des besoins annuels communiquée au fournisseur et par des commandes fermes qui déclenchaient l'approvisionnement et la facturation des pièces livrées.
En septembre 2011, la société PSA a communiqué à la société SKG Italia un « budget pièce à pièce » faisant apparaître un volume annuel de 134 000 pièces et a indiqué n'avoir pas de visibilité sur la « fin de série ».
En octobre 2011, la société PSA a consulté la société SKG Italia sur sa capacité à augmenter ses cadences de production du fait d'un projet en Iran.
En 2012, les commandes fermes de la société PSA à la société SKG Italia n'ont cependant représenté que 17.200 pièces, produites essentiellement en janvier et février. La société PSA justifie cette baisse par la crise du secteur automobile et l'embargo européen vis-à-vis de l'Iran.
Les 19 et 20 novembre 2012, la société PSA a annoncé l'arrêt de livraison de pièces pour ses différents sites, avec effet au 31 décembre 2012.
La fabrication des pièces au Japon et l'organisation logistiques mises en par la société SKG se sont traduites, selon le fournisseur, par l'existence d'un stock d'attente de 71.000 pièces ne correspondant pas à des commandes de la société PSA.
En 2014 et 2015 la société SKG a demandé, sans l'obtenir, la prise en charge de ce stock par la société PSA.
Sur la recevabilité des demandes de la société SKG Italia au regard de son intérêt à agir :
La société PSA allègue que la société SKG Italia n'a pas d'intérêt à agir pour solliciter une indemnisation liée à des pièces pour automobile ni sur le fondement délictuel ni sur le fondement contractuel, dès lors qu'elle ne fabrique pas les pièces litigieuses et ne démontre pas les avoir acquises ou les détenir. Selon la société PSA, seule la filiale japonaise qui a fabriqué les pièces a intérêt à agir. Elle ajoute que les factures versées aux débats par la société SKG Italia (Pièces SKG Italia, n°16 à n°24) ne permettent d'établir ni la production, ni tout état de cause la livraison effective des pièces, ni leur règlement par la société SKG Italia. La société PSA demande à la Cour de déclarer irrecevables les demandes de la société SKG Italia et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
La société SKG Italia soutient qu'elle a un intérêt direct et personnel à solliciter l'indemnisation des préjudices subis du fait de la rupture brutale des relations commerciales opérée par la société PSA. Elle précise qu'elle a produit une attestation de son expert-comptable et les factures, non contestées, pour démontrer qu'elle a acquis de son fournisseur japonais le stock de pièces, qu'elle détient et dont elle réclame l'indemnisation. La société SKG Italia ajoute que la société japonaise TKG n'est pas une de ses filiales. Elle demande ainsi à la cour de rejeter la demande d'irrecevabilité de la société PSA.
Sur ce,
L'attestation d'expert-comptable produite par la société SKG Italia démontre qu'au 30 mars 2018 cette société était propriétaire selon sa comptabilité analytique vérifiée par les opérations d'inventaire de 71.274 pièces du produit « capteur de température » pour système de conditionnement identifié par le code article SKG 01AAP000200 (Incar Sensor Code fournisseur 9644113080/4411137) achetées pour un coût unitaire de 540 yen, ces données étant corroborées par les factures établies par la société japonaise TDK, les documents d'importation revêtus du cachet de la société SKG Italia, mais aussi les ordres d'achat qu'elle a émis auprès de la société japonaise.
Il sera donc retenu que l'intérêt personnel de la société SKG Italia pour agir en paiement et en remboursement des frais de réception, stockage et gestion exposés au titre de l'acquisition de pièces automobiles produites au japon et spécifiques à la société PSA est démontré, la société PSA devant en conséquence être déboutée de sa fin de non-recevoir.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la demande de la société SKG Italia est recevable.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies alléguée par la société SKG Italia :
La société SKG Italia considère que si le tribunal de commerce de Paris a bien considéré que les relations commerciales entretenues avec la société PSA étaient établies et que la rupture est intervenue en février 2012 sans aucun prévis, la cour doit infirmer le jugement en ce que le tribunal de commerce de Paris l'a déboutée de sa demande d'indemnisation résultant de la rupture brutale aux motifs qu'elle serait justifiée par des circonstances extérieures et indépendantes de la société PSA.
S'agissant de l'existence de relations commerciales établies, selon la société SKG Italia, les relations commerciales qu'elle a entretenues avec la société PSA ont duré 10 ans, elles ont débuté en 2001et ont pris fin début 2012. Elle précise que si elle s'est substituée à la société SKG France en 2009, elle a eu la volonté de placer leur partenariat dans la continuité du premier partenariat entre la société PSA et la société SKG France et qu'ainsi sa relation avec la société PSA constitue le prolongement de ce premier partenariat.
Concernant la continuité des partenariats entre la société PSA et la société SKG France, puis entre la société PSA et la société SKG Italia, celle-ci précise que les activités de la société SKG France lui ont été transférées avec l'accord exprès de la société PSA, laquelle a notamment validé le transfert d'activité du site de la société SKG France à celui de la société SKG Italia. Elle ajoute que les activités transférées portent sur la fabrication du même produit, le capteur de température, et qu'aucun autre contrat n'a été conclu distinctement.
La société PSA soutient que ses relations commerciales avec la société SKG Italia n'ont débutées qu'en 2009 et que la période de 2001 à 2009 lors de laquelle elle entretenait des relations commerciales avec la société SKG France ne doit pas être prise en compte, dès lors que les parties n'ont pas formulé d'accord exprès sur la continuation de ces relations. La société PSA affirme que la société SKG Italia ne produit aucun document daté de 2009 établissant la volonté des parties de la substituer à la société SKG France.
Elle affirme également que leurs relations commerciales sont discontinues et ne revêtent pas le caractère « établi » au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce dès lors que les commandes n'étaient pas régulières et que leur partenariat s'inscrivait dans un processus de commandes ouvertes constituant un aléa exclusif de toute attente légitime quant à la pérennité du partenariat.
La société PSA soutient également que la société SKG Italia ne produit aucun document justifiant une quelconque régularité de commandes qu'elle a souscrites auprès de la société SKG France ou auprès de la société SKG Italia, puisque le tableau versé au débat, d'ailleurs seulement relatif aux années 2009 à 2011 incluse n'est pas certifié.
Enfin la société PSA expose que la collaboration avec la société SKG Italia s'est inscrite à la suite d'un appel d'offres sur la base d'un partenariat de commande ouverte, qui se caractérise par l'absence d'engagement du donneur d'ordre tant sur la durée de la relation avec le fournisseur que le volume des produits à commander. Elle précise que ce partenariat est courant dans le secteur de l'automobile. Ainsi, le nombre de commandes est fluctuant d'une année à l'autre, en l'occurrence en 2010 et 2011 les commandes se sont élevées à 115.000 pièces mais en 2009 elles se sont élevées à 64.000. Par ailleurs, selon la société PSA la réalisation de commandes successives ne permet pas de caractériser l'existence d'une relation commerciale en l'absence de cadre contractuel.
Sur ce,
Le tribunal de commerce a retenu l'existence d'une relation commerciale unique initiée avec la société SKG France par la société PSA, suivant une commande ouverte en prévision du démarrage d'une série du 1er juillet 2002, pour des quantités indéterminées mais laissant espérer qu'elles seraient importantes, ce qui aurait été effectivement le cas tout au long de la période comprise entre 2002 et la date de la rupture, nonobstant les différences de volume d'une année sur l'autre.
Toutefois, en dehors de la commande initiale du 13 mars 2001 pour une livraison suivant programmes à faire parvenir à compter de la date du démarrage de la série le 1er juillet 2002, la société SKG Italia, qui ne produit pas de facture pour la période 2002-2009 ni aucun document chiffré permettant d'appréhender les volumes effectivement commandés au cours de cette période échoue à rapporter la preuve de la relation commerciale établie antérieurement à 2009, alors que la société PSA affirme que par nature ces commandes sont fluctuantes si bien que le fournisseur n'est jamais légitimement en situation de croire que, d'une année sur l'autre, le niveau des commandes restera important.
Mais surtout, si les pièces produites par la société SKG Italia, en particulier le document interne à PSA intitulé 'Transfert partiel' et le courriel du 2 mars 2009 de M. C.-B., ingénieur en charge des transferts de fournisseurs de la société PSA, démontre que celle-ci, en accord avec sa direction des achats, a validé le changement de lieu d'expédition des pièces SKG, qui pour autant sont restées les mêmes bien que ce lieu soit transféré à compter du 30 mars 2009 de Sélestat à Parme, il n'est nullement établi par ces documents qui ne concernent que les contingences d'expédition des marchandises, bien qu'ils rapprochent explicitement l'ancienne raison sociale SKG France de la nouvelle SKG Italie SPA, que l'identité des pièces a déterminé l'intention des parties de se situer dans la continuité de la relation commerciale après et avant ce transfert.
C'est pourquoi il n'est pas établi que la société SKG Italia ait été substituée à la société SKG France au sein de la même relation commerciale d'accord entre les partenaires commerciaux.
La relation commerciale établie pour la période 2001-2009 n'est donc nullement établie.
S'agissant de la période 2009-2012, PSA conteste le tableau des chiffres d'affaires réalisés produit par la société SKG Italia au motif, exact, qu'il n'est pas certifié, étant observé que les factures afférentes à la période ne sont pas davantage produites.
La cour ne peut donc tenir pour établi que pour 2009 le volume commandé a été de 75.000 pièces, alors que selon le tableau contesté il n'a été que de 65.100 pièces pour le montant le plus élevé, montant seul susceptible de correspondre aux commandes effectuées auprès de la société SKG Italia dès lors que les commandes auprès de la société SKG France ne peuvent être prises en compte.
Dans ces conditions, si ainsi que le soutient la société SKG Italia, l'année 2010 a bien correspondu à 115.500 pièces commandées, soit plus du double de l'année précédente et si l'année de 2011 a bien correspondu à 117.600 pièces, la diminution de 2012 à 17.900 pièces commandées ne peut s'inscrire dans la rupture d'une relation commerciale établie, faute de recul suffisant depuis 2009 ayant pu permettre à la société SKG Italia d'après les volumes commandés, de légitimement prévoir que des quantités importantes seraient commandées.
Faute de preuve de la relation commerciale établie alléguée, la société SKG Italia sera déboutée de sa demande au titre de la rupture commerciale établie, le jugement étant donc confirmé sur ce point avec d'autres motifs.
Sur le fondement subsidiaire :
La demande subsidiaire formée par la société SKG Italia, à la fois sur le fondement délictuel du déséquilibre significatif et sur celui de la mauvaise foi et de la déloyauté dans l'exécution du contrat, tend à une indemnisation à hauteur de 374.223 euros correspondant à la valorisation du stock invendable et non repris par PSA outre 35.084 euros correspondant à la perte de marge du fait de l'absence de toute négociation sur l'évaluation du yen préjudiciable à SKG et provoquant un déséquilibre contractuel.
Si la société PSA soutient que cette demande nouvelle en appel est irrecevable, la cour considère au contraire qu'elle tend à la même fin que les prétentions indemnitaires formées en première instance, si bien qu'elle doit être déclarée recevable.
S'agissant du bien fondé et en premier lieu, la cour retient qu'il n'est nullement établi que la société PSA ait manqué à son obligation de bonne foi contractuelle et de loyauté en refusant de négocier à la suite de l'appréciation du yen par rapport à l'euro que lui faisait valoir la société SKG Italia pour obtenir une augmentation du prix.
Par ailleurs, la société SKG Italia ne démontre pas qu'elle était liée à la société PSA par un contrat qui interdisait au titre de la bonne foi la baisse des commandes qu'elle allègue, ou qui obligeait la société PSA, au cas de commandes fermes n'atteignant pas le niveau de l'estimation des besoins annuels communiqués au fournisseur, à l'indemniser des stocks constitués par celui-ci. Par ailleurs, nulle déloyauté de la société PSA n'est établie pour le fait d'avoir annoncé les prévisions de commandes dont la société SKG Italia indique que c'est à cause d'elles si elle a constitué le stock litigieux.
La demande subsidiaire n'est donc pas justifiée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
En second lieu, s'agissant du déséquilibre significatif allégué, en présence du système de la commande ouverte adopté par les parties et en l'absence voulue par les parties de tout contrat cadre venant préciser leurs obligations en cas de variation du cours du yen ou en cas commandes fermes inférieures aux prévisions annoncées par le client, ni le refus de la société PSA d'intégrer la variation du cours du yen dans une négociation, ni le non-respect des prévisions de commandes ne caractérise un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2°.
Par ailleurs, en 2011 ou 2012, la théorie de l'imprévision n'était pas encore admise en droit positif.
La société SKG Italia sera donc déboutée de sa demande subsidiaire.
* * *
Il résulte de ce qui précède que, par substitution de motifs, le jugement entrepris sera confirmé, puisqu'il a rejeté les demandes de la société SKG Italia et a exactement statué sur les frais et dépens.
L'ensemble des demandes de la société SKG Italia sont recevables mais sont mal fondées et doivent être rejetées.
La société SKG Italia, qui succombe en appel, sera condamnée à payer à la société PSA une somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE la société SKG Italia recevable en sa demande principale,
DÉCLARE la société SKG Italia recevable en sa demande subsidiaire,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
DÉBOUTE la société SKG Italia de toutes ses demandes,
CONDAMNE la société SKG Italia à payer à la société PSA une somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société SKG Italia aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Hortense VITELA-GASPAR Marie-Laure DALLERY
Greffière Présidente
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps
- 6154 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Ancien art. 1134 C. civ.
- 6165 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Nature de l’action du Ministre
- 6212 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Locations financières sans option d’achat
- 6225 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Vente
- 6250 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Procédure - Voies de recours