CA NANCY (2e ch. civ.), 4 mars 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8826
CA NANCY (2e ch. civ.), 4 mars 2021 : RG n° 20/00270
Publication : Jurica
Extrait : « La demande tendant à voir déclarer non écrite une clause du contrat de prêt qualifiée d'abusive ne peut être considérée comme une demande nouvelle, en ce qu'elle tend à la même fin que la demande en nullité du contrat de prêt au sens des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, à savoir l'invalidation du contrat de prêt dans son intégralité.
En outre, la demande tendant à voir réputer non écrite une clause ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
Sur le fond, l'article L. 132-1 alinéa 1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Toutefois, l'article L. 132-1 alinéa 2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relatif aux clauses abusives, résultant de la transposition en droit français de la directive 93/13 du Conseil en date du 5 avril 1993, limite le contrôle par le juge national de toute clause contractuelle n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle, notamment de son caractère éventuellement abusif, en ce que : « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».
Ainsi, il incombe au juge, à supposer que la clause litigieuse ne définisse pas l'objet principal du contrat ou, dans le cas contraire, qu'elle ne soit pas rédigée de façon claire et compréhensible, de rechercher d'office si clause n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur.
En l'espèce, il convient de considérer que M. X. a agi en qualité de consommateur en souscrivant auprès de la CRCAM de Lorraine un prêt immobilier destiné à l'achat et à la rénovation d'un immeuble à usage locatif, compte tenu tant de ses compétences professionnelles de professeur agrégé de physique, étrangères à la matière des opérations de crédit, que de son absence d'expérience démontrée en cette matière.
En outre, il y a lieu de constater que la clause de conversion en CHF du prêt, caractérisée par la conversion en Francs suisse des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes du crédit définit l'objet principal du contrat, dans la mesure où le prêt a pour caractéristique essentielle d'être en Francs suisses remboursables en euros, et que le risque de change, inhérent à ce type de prêt, a une incidence sur les conditions de remboursement du crédit.
Or, cette clause figure dans une offre préalable qui précise que le prêt contracté est libellé en Francs suisses et que l'amortissement se fait par la conversion des échéances fixes payées en euros et s'opère selon un taux de change qui est susceptible d'évoluer à la hausse ou à la baisse, par référence au cours de l'eurodevise.
Par suite, la modification du taux d'intérêt stipulé au contrat initial, pouvant intervenir lors des déblocages ultérieurs des sommes destinées à financer les travaux, est liée à la clause de conversion en franc suisse figurant au contrat de prêt, en ce que le nouveau taux d'intérêt appliqué de façon fixe par tranches débloquées dépend de l'évolution du taux de change en euros.
Dans ces conditions, la clause prévoit de façon claire et compréhensible que l'évolution du taux de change peut modifier la charge totale de remboursement et le taux du prêt.
En effet, le consommateur est informé à la fois de la variation du taux de change et de la modification éventuelle du taux d'intérêt, ainsi que du montant de la somme à sa charge, qui doit être clairement indiqué dans un tableau d'amortissement correspondant à chaque déblocage à un taux de prêt différent.
Dès lors, les clauses pesant sur le consommateur de conversion en CHF du prêt et de modification du taux d'intérêt par tranches débloquées ultérieurement ne sont pas abusives. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 4 MARS 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/00270. N° Portalis DBVR-V-B7E-ERAI. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de Nancy, RG n° 16/02307, en date du 28 février 2019.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté par Maître Hervé M. de la SCP J., D. & M., avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DE LORRAINE
sise [...], Représentée par Maître Michèle S., avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 28 janvier 2021, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Francis MARTIN Président de chambre, Madame Nathalie ABEL, Conseillère, Madame Fabienne GIRARDOT, Conseillère, qui a fait le rapport, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 4 mars 2021, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 4 mars 2021, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé accepté le 25 mai 2005, réitéré en la forme authentique le 30 mai 2005, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel (CRCAM) de Lorraine a consenti à M. X. un prêt immobilier d'un montant correspondant à la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 618.800 euros soit, à titre indicatif 957.159,98 CHF, selon le cours de l'eurodevise au 12 mai 2005, remboursable en 67 échéances trimestrielles de la contre-valeur en CHF de la somme de 10.557,62 euros, suivies d'une échéance de la contre-valeur en CHF de la somme de 10.557,58 euros, moyennant un taux d'intérêt nominal de 1,77 % l'an.
Par lettre en date du 13 février 2012, la CRCAM de Lorraine a adressé à M. X. trois propositions de modification du contrat afin d'atténuer ou supprimer le risque de change compte tenu de l'évolution des cours.
Par courrier du 16 mars 2012, la CRCAM de Lorraine a pris acte du souhait de M. X. de ne pas modifier son contrat de prêt.
Par courriers des 29 octobre 2012, 23 mai 2013 et 7 novembre 2013, la CRCAM de Lorraine a informé M. X. de la variation du cours de change suisse par rapport à l'Euro pouvant présenter un risque de change et avoir des conséquences sur le montant des échéances à payer.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 avril 2014, la CRCAM de Lorraine a mis M. X. en demeure de payer la somme de 489.919,31 euros dans un délai de 10 jours, en raison d'un premier incident de paiement non régularisé survenu le 3 août 2013.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 juillet 2014, la CRCAM de Lorraine a notifié à M. X. un décompte des sommes exigibles à cette date à hauteur de la contre-valeur en Franc suisse de 437.434,91 euros, outre 50.642,64 euros au titre des échéances impayées.
Le 20 février 2015, la CRCAM de Lorraine a fait délivrer à M. X. un commandement de payer aux fins de saisie immobilière.
Par jugement du 30 août 2018, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Nancy a sursis à statuer sur la demande de vente forcée de l'immeuble financé au moyen du prêt consenti par la CRCAM de Lorraine, conformément aux dispositions de l'article R322-21 du code des procédures civiles d'exécution.
* * *
Par acte d'huissier en date du 16 avril 2016, M. X. a fait assigner la CRCAM de Lorraine devant le tribunal de grande instance de Nancy afin de voir, à titre principal, déclarer nul et de nul effet le prêt consenti par la banque le 30 mai 2005 et la stipulation d'intérêts sur le fondement des articles 1116 et 1147 du code civil et des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation, et en conséquence, la voir condamnée à lui verser la somme de 618.800 euros.
Par jugement en date du 28 février 2019, le tribunal de grande instance de Nancy statuant par jugement contradictoire en premier ressort a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité du prêt pour dol formée par M. X.,
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels formée par M. X.,
- débouté M. X. de sa demande en nullité de prêt fondée sur l'illicéité de la clause obligeant l'emprunteur à rembourser en monnaie étrangère,
- dit que la CRCAM de Lorraine a manqué à son obligation d'information à l'égard de M. X.,
En conséquence,
- condamné la CRCAM de Lorraine à verser à M. X. la somme de 61.880 euros en réparation de son préjudice,
- dit que la somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- débouté la CRCAM de Lorraine de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la CRCAM de Lorraine à verser à M. X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Maître Patrice C.,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le premier juge a d'une part constaté que la variation du taux des intérêts contractuels ne résultait pas de l'application d'un taux variable mais de l'évolution du taux de change euros/CHF, dont faisaient état les conditions particulières du prêt, et d'autre part, dit que l'action en nullité du prêt pour dol ou pour défaut de conformité du TEG aux dispositions de l'article L313-1 du code de la consommation devait être engagée dans les cinq ans de la conclusion du contrat en vertu des dispositions de l'article 1304 ancien du code civil. Il a rejeté la demande de nullité du prêt fondée sur l'illicéité de la clause obligeant l'emprunteur à rembourser en Francs suisses, en ce que cette clause ne ressortait pas des pièces produites.
Le premier juge a ajouté que le manquement allégué de la banque à son devoir de mise en garde au regard des risques d'endettement liés à l'évolution du taux de change entre l'euro et le franc suisse, reposant en réalité sur l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque d'endettement en découlant, s'analysait davantage comme un manquement de la banque à son devoir d'information ; il a relevé que le prêt ne comprenait aucune clause ni notice informant l'emprunteur, lors de l'octroi du crédit, des modalités précises du remboursement du prêt et des risques liés aux variations du taux de change, ainsi que de leur incidence sur l'amortissement du prêt, et a évalué à 10 % du montant du prêt la perte de chance subie de ne pas contracter.
* * *
Par déclaration enregistrée le 30 janvier 2020, M. X. a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Dans ses dernières conclusions transmises le 19 novembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X., appelant, sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour statuant à nouveau :
- à titre principal, sur le fondement des dispositions des articles 1304, 1116 et 1907 alinéa 2 du code civil, et des articles L. 313-1 et R. 313-1 du Code de la consommation :
* de dire et juger non prescrite l'action en nullité pour dol du contrat de prêt du 30 mai 2005,
* de dire et juger non prescrite l'action en nullité de la stipulation des intérêts contractuels du prêt du 30 mai 2005,
* de prononcer la nullité du contrat de prêt du 30 mai 2005 pour dol,
* de prononcer la nullité de la clause de remboursement en monnaie étrangère et de la stipulation des intérêts conventionnels ainsi que la nullité subséquence du contrat de prêt du 30 mai 2005,
* d'ordonner la restitution par la CRCAM de Lorraine à son profit de la somme totale de 366.363,08 euros, ainsi que de toutes autres sommes qu'elle aurait perçues au titre du remboursement du prêt annulé,
* d'ordonner la restitution par M. X. au profit de la banque de la somme de 618.800 euros,
* d'ordonner la compensation des dettes réciproques des parties,
- à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions des articles L. 132-1 du Code de la consommation et 565 du Code de procédure civile :
* de dire et juger recevables et non prescrites les demandes tendant à voir réputer non écrite la clause de remboursement en devise étrangère et la clause de stipulation d'intérêts conventionnels,
* de réputer non écrite la clause de remboursement en devise étrangère et la clause de stipulation d'intérêts conventionnels,
* d'invalider le contrat de prêt du 30 mai 2005 dans son intégralité,
* d'ordonner la restitution par la CRCAM de Lorraine à son profit de la somme totale de 366.363,08 euros, ainsi que de toutes autres sommes qu'elle aurait perçues au titre du remboursement du prêt annulé,
* d'ordonner la restitution par M. X. au profit de la banque de la somme de 618.800 euros,
* d'ordonner la compensation des dettes réciproques des parties,
- en tout état de cause, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil :
* de dire et juger que la CRCAM de Lorraine a manqué à son obligation pré-contractuelle d'information,
* de condamner la CRCAM de Lorraine, à titre de dommages et intérêts, à lui payer le montant de la créance résiduelle de restitution lui restant due,
* d'ordonner la compensation des dettes réciproques des parties de sorte qu'il ne sera plus redevable d'aucune somme au profit de la banque,
Et subsidiairement, sur le fondement de l'article 1147 du code civil :
* de dire et juger que la CRCAM de Lorraine a manqué à son obligation contractuelle d'information,
* de condamner la CRCAM de Lorraine, à titre de dommages et intérêts, à lui payer le montant de la créance résiduelle de restitution lui restant due,
* d'ordonner la compensation des dettes réciproques des parties de sorte qu'il ne sera plus redevable d'aucune somme au profit de la banque,
* de débouter la CRCAM de Lorraine de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
* de condamner la CRCAM de Lorraine à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,
* de condamner la CRCAM de Lorraine à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de Cour,
* de condamner la CRCAM de Lorraine aux entiers dépens de première instance et d'appel.
A soutien de ses demandes, M. X. fait valoir en substance :
- que les conclusions justificatives d'appel ont été déposées dans les délais prorogés prévus à l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 applicables du 12 mars 2020 au 23 juin 2020,
A titre principal sur la nullité du contrat,
- que la banque a trompé son consentement en lui faisant croire d'une part, qu'il consentait à la souscription d'un prêt à taux fixe de 1,77 % l'an, alors que dans le cadre de la procédure devant le juge de l'exécution de Nancy a été produit un tableau d'amortissement en date du 15 septembre 2015 comportant un taux variable et des échéances d'un montant différent de celui figurant au tableau d'amortissement émis avec l'offre de prêt, et d'autre part, que le tableau d'amortissement mentionnait un prêt en devise CHF tout en prenant en compte sa contre-valeur en euro, soit 618.800, ce qu'il ne pouvait décelé à défaut d'information sur la spécificité d'un prêt en devise impliquant l'existence d'un risque de variation du taux de change Euro/Franc suisse, et l'augmentation du coût du crédit par l'effet de cette variation ; qu'il a précisé que la variation du taux d'intérêts résultait à la fois de la variation du taux de change mais aussi de la variation du taux d'intérêt suivant l'indice retenu, ce qui a été caché au moyen d'une fausse information et d'une réticence dolosive,
- que les actions en nullité pour dol et pour nullité du TEG ne sont pas prescrites, en ce que la dualité du risque sur le taux d'intérêt et le taux de change lui a été cachée jusqu'au 9 février 2012, date de l'entretien ayant précédé la proposition de transformation du prêt, et que la révélation des vices affectant le taux d'intérêt et le TEG n'est intervenue qu'à la suite de la production du tableau d'amortissement du 15 septembre 2015, étant un non-professionnel qui ne pouvait en constater l'erreur,
- que le prêt, contrat de droit interne, contient une clause de paiement en monnaie étrangère interdite, ayant emprunté et remboursé en Francs suisses, s'agissant d'une nullité absolue et d'ordre public,
- qu'une clause imprécise de stipulation d'intérêts, caractérisée par l'absence d'indice de variation, équivaut à l'absence de mention manuscrite exigée pour la validité de l'intérêt, et implique l'inexactitude du TEG indiqué à l'offre de prêt, ce qui est sanctionné par la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels,
- que la clause d'espèces étrangères, ainsi que la clause de stipulation d'intérêts conventionnels, sont déterminantes du contrat,
Subsidiairement sur l'anéantissement du contrat,
- que la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses de remboursement en Francs suisses et de stipulations d'intérêts, qui ne s'analyse pas en une demande de nullité et n'est pas soumise à la prescription quinquennale, doit être déclarée recevable sur le fondement de l'article 565 du code de procédure civile en ce que la nullité du contrat et son anéantissement tendent aux mêmes fins,
- que ni l'offre de prêt ni l'acte authentique ne portent mention de l'existence des risques réels et cumulatifs de taux et de change portant sur la totalité du crédit, et que les clauses de remboursement en devise étrangère et de stipulation d'intérêts insérées au prêt du 30 mai 2005 ne sont pas rédigées de manière claire et compréhensive, ce qui est à l'origine d'un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur, de sorte que le contrat expurgé de ces clauses essentielles sera invalidé dans sa totalité,
En tout état de cause,
- que si le contrat de prêt est annulé ou anéanti, la banque a manqué à son obligation pré-contractuelle d'information sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en ce que M. X. n'a pas été informé des risques liés aux variations du taux de change et du change, ainsi que de leurs incidences sur l'amortissement et le coût du crédit, et qu'il a perdu la chance de ne pas contracter le prêt, évaluée à 100 % du montant de la créance résiduelle de restitution demeurant à sa charge,
- que si le contrat de prêt n'est pas annulé ou anéanti, la banque a manqué à son obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du prêt et les risques liés à la variation du taux d'intérêt et du taux de change, ainsi que de leurs incidences sur l'amortissement et le coût du crédit, et qu'il a perdu la chance de ne pas contracter le prêt, évaluée à 100% de l'intégralité de la créance restant due au titre du prêt du 30 mai 2005, en principal, intérêts, frais et commissions.
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Dans ses dernières conclusions transmises le 31 août 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CRCAM de Lorraine, intimée, demande à la cour :
- de déclarer M. X. irrecevable en ses demandes et de confirmer partiellement le jugement du tribunal de grande instance de Nancy en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en nullité du prêt pour dol et en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, et en ce qu'il a déclaré non fondée la demande en nullité du prêt reposant sur l'illicéité de la clause obligeant l'emprunteur à rembourser en monnaie étrangère,
- de réformer le jugement en ce que la responsabilité de la CRCAM de Lorraine a été retenue au titre d'un manquement à son devoir d'information,
- de rejeter la demande formulée par M. X. visant à obtenir la restitution des sommes respectives de 618.800 euros et de 366.363,08 euros,
- de rejeter la demande formulée par M. X. visant à obtenir sa condamnation à titre de dommages et intérêts au montant de la créance résiduelle de restitution,
- de condamner M. X. à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de confirmer la défenderesse en tous les frais et dépens.
A soutien de ses demandes, la CRCAM de Lorraine fait valoir en substance :
- que la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol court à compter de la date du prêt signé le 30 mai 2005, de sorte que l'action introduite le 16 juin 2016 est prescrite,
- que la prescription relative à la nullité du TEG et à la stipulation d'intérêts conventionnels est acquise ; que le point de départ de la prescription quinquennale des actions en nullité court à compter de l'acceptation de l'offre de prêt, sauf en cas d'erreur affectant le TEG, à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; que le prêt a indiqué le montant du cours du franc suisse au 12 mai 2005, le montant des échéances et le taux d'intérêt fixe de 1,77% l'an, et que la variable relative aux échéances de prêt porte sur le montant de la contre-valeur en CHF de l'échéance et pas sur le taux d'intérêts ; que M. X. a reçu un décompte de réalisation de son prêt par courrier du 1er juin 2005 et qu'il a voulu maintenir les modalités du prêt malgré l'envoi de lettres d'information dès le 13 février 2012 au regard du caractère favorable du taux de change ; que l'exception de nullité ne peut faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui a reçu un commencement d'exécution, en ce que les échéances ont été payées de 2005 jusqu'en 2014,
- que le contrat n'impose pas le remboursement du prêt en monnaie étrangère (CHF), s'agissant d'un prêt stipulé en monnaie suisse comme unité de compte, correspondant au capital emprunté en franc suisse, et remboursable en euros comme instrument de paiement,
- que le moyen nouveau tiré de ce que l'existence d'une clause de conversion en CHF du prêt constitue une clause abusive au sens de l'article L. 112-1 du code de la consommation est irrecevable à hauteur de cour et est atteint pas la prescription courant à compter de la conclusion du prêt, ajoutant que le régime des clauses abusives ne concerne que les clauses accessoires et ne peut porter sur l'objet principal du contrat ; que la clause pesant sur le consommateur n'est pas abusive si le consommateur est informé de la variation et que le montant de la somme à sa charge est clairement indiqué,
- que l'obligation de mise en garde d'un emprunteur non averti n'est due qu'en cas de risque d'endettement excessif apprécié au jour de la conclusion du prêt et dont la charge incombe à l'emprunteur ; que M. X. est un emprunteur averti ; que le prêteur bien que non tenu d'une obligation d'information sur le risque de change, a informé M. X. de ce risque ; que l'obligation du prêteur sur le risque de variation du taux n'est pas prévue par les textes (L. 312-3-1 du code de la consommation)
* * *
La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 décembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des conclusions de l'appelant :
En application des dispositions de l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
Toutefois, l'article 2 de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 dispose que ce qui « aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».
En l'espèce, M. X. a interjeté appel du jugement le 30 janvier 2020, de sorte qu'il devait conclure durant la « période juridiquement protégée » du 12 mars au 23 juin 2020.
Par l'effet des dispositions précitées, M. X. devait conclure avant le 23 août 2020 inclus.
Ayant transmis au greffe ses premières conclusions le 10 août 2020, il y a lieu de rejeter la demande de caducité de la déclaration d'appel formée par l'intimée.
Sur la prescription de l'action en nullité du contrat de prêt pour dol :
L'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que 'dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans (...) ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts'.
Aussi, le point de départ de la prescription fondée sur l'article 1116 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, se situe à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou si tel n'est pas le cas, à la date de la révélation de celle-ci au contractant qui s'en prévaut.
Dans ces conditions, c'est au demandeur en nullité de rapporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance des faits et à laquelle doit être reporté le point de départ de la prescription. En l'absence d'une telle preuve, on revient au principe selon lequel le point de départ du délai de prescription est fixé au jour de la naissance ou de l'exigibilité du droit, soit au jour de l'acte.
La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'a pas modifié cette règle.
En l'espèce, M. X. explique que la dualité du risque sur le taux d'intérêt et le taux de change lui a été cachée, et qu'il n'en a eu connaissance au plus tôt que le 9 février 2012, lors de l'entretien ayant précédé la proposition de transformation du prêt.
En effet, il ressort d'un courrier en date du 13 février 2012, faisant suite à un entretien du 9 février 2012, que trois propositions de transformation de son prêt en euros, valables jusqu'au 1er mars 2012, ont été soumises à M. X. « afin d'atténuer ou supprimer le risque de change ».
Pour autant, M. X. ne justifie à cette date d'aucune interrogation particulière au sujet des effets de l'évolution des cours de change entre l'Euro et le Franc suisse sur le contrat, qui pourrait manifester la découverte du risque allégué.
Au contraire, par courrier du 16 mars 2012, le prêteur a pris acte du refus de M. X. de modifier le contrat de prêt.
Au surplus, il y a lieu de constater que les conditions particulières du prêt ont prévu dès sa conclusion que son montant correspondait à « la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 618.800 euros, soit à titre indicatif 957.159,98 CHF, selon le cours de l'Eurodevise à la date du 12 mai 2005 », et que les intérêts du crédit, de même que le montant des échéances, étaient définis par référence à la contre-valeur en CHF (Franc suisse) d'une somme en euros, évaluée « selon le cours de l'Eurodevise en date du 12 mai 2005 ».
Il en résulte donc qu'à la date de conclusion du contrat de prêt, l'évolution des cours de change entre l'Euro et le Franc suisse affectant le remboursement de la somme prêtée ressortait de l'acte de prêt sous seing privé, réitéré en la forme authentique.
Par ailleurs, il convient de constater que le prêt litigieux était destiné pour fraction à financer l'achat d'un immeuble et pour le surplus à financer l'exécution de travaux, de sorte qu'il donnait lieu à des déblocages successifs.
Or, il ressort des conditions générales du prêt émargées par M. X. que, « s'il s'agit d'un taux fixe, ce taux pourrait être modifié après la période de garantie de taux », et que « lorsqu'un ou plusieurs déblocages subiront une variation de taux d'intérêt, il fera ou feront l'objet d'une ligne de prêt distincte et de l'envoi à l'emprunteur d'un tableau d'amortissement pour chaque déblocage à un taux de prêt différent », ajoutant que « le cas échéant, les parties conviennent de se rencontrer pour se mettre d'accord sur le taux d'intérêt qui serait applicable à la fraction restant à réaliser ».
Il en résulte donc qu'à l'occasion d'un ou plusieurs déblocages pour financer les travaux, le taux d'intérêt stipulé fixe pour la première partie de la somme prêtée destinée à financer l'achat de l'immeuble, pouvait être modifié tout en demeurant fixe pour les sommes débloquées ultérieurement, en cas de variation du taux de change, et ce avant la réalisation totale du prêt.
Ainsi, la variation du taux d'intérêt ressortait des conditions contractuelles du prêt.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que M. X., qui se prévaut de la nullité du contrat de prêt pour dol, ne rapporte pas la preuve du report du point de départ de la prescription quinquennale à une date postérieure au contrat.
Dès lors, dans la mesure où l'examen de la teneur de la convention permettait de constater la dualité du risque sur le taux d'intérêt et le taux de change, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce que le point de départ de la prescription se situe à la date de l'acceptation de l'offre préalable de crédit par l'emprunteur le 29 mai 2005, réitérée par acte authentique établi le 30 mai 2005, de sorte que l'action en nullité du prêt pour dol introduite par M. X. était prescrite à la date de l'acte introductif d'instance du 16 juin 2016.
Sur la prescription de l'action en nullité de la stipulation des intérêts contractuels :
Par application des dispositions de l'article 1304 du code civil, le point de départ de la prescription de l'action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels en cas de mention d'un TEG erroné dans l'acte de prêt, fondées sur les articles 1907 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation, est fixé au jour où l'emprunteur a connu cette erreur ou au jour où elle lui a été révélée, mais aussi à compter du jour où il aurait dû connaître cette erreur.
Aussi, le délai de prescription quinquennal correspond à la date à laquelle l'emprunteur avait la possibilité de s'apercevoir de l'erreur, sans que cela implique qu'il l'ait effectivement connue et qu'elle lui ait été révélée, ce qui permet de prendre en compte les erreurs apparentes figurant dans les contrats et pouvant être constatées à la lecture de leur contenu.
Or, M. X. soutient que la clause imprécise de stipulation d'intérêts caractérisée par l'absence d'indice de variation, équivaut à l'absence de mention manuscrite exigée pour la validité du prêt à l'article L. 313-2 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, impliquant l'inexactitude du TEG indiqué à l'offre de prêt.
Pour autant, en l'espèce, il convient de rappeler, tel qu'énoncé supra, que les conditions générales du prêt émargées par M. X. prévoyaient que le taux fixe pourrait être modifié après la période de garantie de taux, et que les déblocages soumis le cas échéant à un changement de taux à chaque tranche débloquée feraient l'objet d'une ligne de prêt distincte et de l'envoi à l'emprunteur d'un tableau d'amortissement, pour chaque déblocage à un taux de prêt différent.
Il en résulte que la modification éventuelle du taux d'intérêt par tranches débloquées n'était pas liée à l'évolution d'un indice de variation, ce qui ressort de la lecture des conditions générales de l'offre de prêt émargées par M. X.
Ainsi, M. X. ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'indice de variation au contrat, au soutien du moyen tiré de la nullité de la stipulation des intérêts contractuels impliquant l'inexactitude du TEG et par suite la nullité du contrat de prêt.
Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce que le point de départ de la prescription se situe à la date de l'acceptation de l'offre préalable de crédit par l'emprunteur le 29 mai 2005, réitérée par acte authentique établi le 30 mai 2005, de sorte que l'action en nullité du prêt pour inexactitude du TEG introduite était prescrite à la date de l'acte introductif d'instance du 16 juin 2016.
Sur l'illicéité de la clause de remboursement en monnaie étrangère et sur la nullité subséquente du contrat de prêt :
Dans un contrat en droit interne, la monnaie de paiement doit être nécessairement le franc français ou l'euro, et non une monnaie étrangère.
Ainsi, les clauses de paiement en espèces étrangères sont sanctionnées d'une nullité d'ordre public excluant toute confirmation.
En revanche, la validité des clauses d'indexation sur une monnaie étrangère servant d'unités de compte est subordonnée au respect des conditions de la réglementation des indexations, telles qu'elles résultent de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, à savoir l'existence d'une « relation directe » entre la monnaie choisie et « l'objet de la convention » ou « l'activité de l'une des parties ».
Ainsi, l'activité de banquier de l'une des parties au contrat, s'agissant de faire « commerce d'argent », permet valablement à une banque française d'indexer une obligation résultant d'un prêt sur une monnaie étrangère, même dans une opération purement interne.
En l'espèce, la clause de remboursement de l'offre de prêt présentée par la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine est libellée comme suit : « 67 échéances de la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 10.557,62 euros, soit à titre indicatif 16.330,53 CHF selon le cours de l'Eurodevise à la date du 12 mai 2005 » et « une échéance de la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 10.557,58 euros, soit à titre indicatif 16.330,47 CHF selon le cours de l'Eurodevise à la date du 12 mai 2005 ».
Il en résulte que la clause prévue au contrat de prêt litigieux ne prévoit pas de paiement en espèces étrangères, mais une indexation sur une monnaie étrangère servant d'unités de compte.
Par suite, la relation directe du taux de change (dont dépendait la révision du taux d'intérêt initialement stipulé pour les déblocages ultérieurs destinés à financer les travaux) avec l'activité de la banque, est suffisamment caractérisée.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du contrat de prêt fondée sur l'illicéité de la clause de remboursement en monnaie étrangère.
Sur la demande tendant à voir déclarer non écrite la clause de remboursement en devise étrangère et de stipulations des intérêts :
La demande tendant à voir déclarer non écrite une clause du contrat de prêt qualifiée d'abusive ne peut être considérée comme une demande nouvelle, en ce qu'elle tend à la même fin que la demande en nullité du contrat de prêt au sens des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, à savoir l'invalidation du contrat de prêt dans son intégralité.
En outre, la demande tendant à voir réputer non écrite une clause ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
Sur le fond, l'article L. 132-1 alinéa 1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Toutefois, l'article L. 132-1 alinéa 2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relatif aux clauses abusives, résultant de la transposition en droit français de la directive 93/13 du Conseil en date du 5 avril 1993, limite le contrôle par le juge national de toute clause contractuelle n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle, notamment de son caractère éventuellement abusif, en ce que : « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».
Ainsi, il incombe au juge, à supposer que la clause litigieuse ne définisse pas l'objet principal du contrat ou, dans le cas contraire, qu'elle ne soit pas rédigée de façon claire et compréhensible, de rechercher d'office si clause n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur.
En l'espèce, il convient de considérer que M. X. a agi en qualité de consommateur en souscrivant auprès de la CRCAM de Lorraine un prêt immobilier destiné à l'achat et à la rénovation d'un immeuble à usage locatif, compte tenu tant de ses compétences professionnelles de professeur agrégé de physique, étrangères à la matière des opérations de crédit, que de son absence d'expérience démontrée en cette matière.
En outre, il y a lieu de constater que la clause de conversion en CHF du prêt, caractérisée par la conversion en Francs suisse des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes du crédit définit l'objet principal du contrat, dans la mesure où le prêt a pour caractéristique essentielle d'être en Francs suisses remboursables en euros, et que le risque de change, inhérent à ce type de prêt, a une incidence sur les conditions de remboursement du crédit.
Or, cette clause figure dans une offre préalable qui précise que le prêt contracté est libellé en Francs suisses et que l'amortissement se fait par la conversion des échéances fixes payées en euros et s'opère selon un taux de change qui est susceptible d'évoluer à la hausse ou à la baisse, par référence au cours de l'eurodevise.
Par suite, la modification du taux d'intérêt stipulé au contrat initial, pouvant intervenir lors des déblocages ultérieurs des sommes destinées à financer les travaux, est liée à la clause de conversion en franc suisse figurant au contrat de prêt, en ce que le nouveau taux d'intérêt appliqué de façon fixe par tranches débloquées dépend de l'évolution du taux de change en euros.
Dans ces conditions, la clause prévoit de façon claire et compréhensible que l'évolution du taux de change peut modifier la charge totale de remboursement et le taux du prêt.
En effet, le consommateur est informé à la fois de la variation du taux de change et de la modification éventuelle du taux d'intérêt, ainsi que du montant de la somme à sa charge, qui doit être clairement indiqué dans un tableau d'amortissement correspondant à chaque déblocage à un taux de prêt différent.
Dès lors, les clauses pesant sur le consommateur de conversion en CHF du prêt et de modification du taux d'intérêt par tranches débloquées ultérieurement ne sont pas abusives.
Sur le manquement de la CRCAM de Lorraine à son obligation contractuelle d'information :
Au préalable, il convient de considérer qu'au regard de ses compétences professionnelles (exerçant la profession de professeur agrégé de physique au jour du prêt) et de son inexpérience en matière de crédit, de même que de la nature complexe de l'opération de crédit, M. X. doit être considéré comme un emprunteur non averti.
Ainsi, la banque dispensatrice de crédit devait informer l'emprunteur sur les caractéristiques du prêt qu'elle lui proposait de souscrire afin de lui permettre de s'engager en toute connaissance de cause.
M. X. soutient que la banque a manqué à son obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du prêt et les risques liés à la variation du taux d'intérêt et du taux de change, ainsi que de leurs incidences sur l'amortissement et le coût du crédit.
En l'espèce, il ressort du contrat de prêt désigné sous l'appellation « opération devise MLT » qu'il porte sur la contre-valeur en Francs suisse de la somme de 618.800 euros, soit la somme de 957.159,98 CHF selon le cours de l'Eurodevise à la date du 12 mai 2005, et qu'il est remboursable sur une durée de 204 mois en fonction de demandes de mise à disposition des fonds formées jusqu'au 4 novembre 2006.
Le contrat précise en outre que la contre-valeur en Franc suisse est calculée par référence au cours de l'Eurodevise à la date du 12 mai 2005.
Il est indiqué plus précisément que les intérêts du crédit calculés au taux fixe de 1,77 % sur la contre-valeur en Francs suisse de la somme de 618.800 euros sont évalués à la contre-valeur en Franc suisse de la somme de 99.118,12 euros.
De même, le coût de l'assurance décès invalidité correspond à la contre-valeur en Franc suisse de la somme de 29.449,44 euros (pris en compte à 100 % pour le calcul du TEG), et les frais de dossier sont évalués à la contre-valeur en Franc suisse de la somme de 3.000 euros.
En outre, les frais de prise de garantie sont évalués à la contre-valeur en Franc suisse de la somme de 6.147,84 euros.
Dans ces conditions, le prêteur a évalué le coût du crédit à la contre-valeur en Franc suisse de la somme de 137.715,40 euros et le taux effectif global à 2,4521 % l'an.
Le prêt prévoit par ailleurs des remboursements en 68 échéances trimestrielles d'un montant correspondant à la contre-valeur en Franc suisse de la somme de 10.557,62 euros pendant 67 échéances et de 10.557,58 euros pour la dernière échéance.
Dès lors, il convient de considérer que M. X. a été informé à la date du contrat de prêt de ses caractéristiques et plus précisément du risque de variation du taux de change par la mention de la contre-valeur en franc suisse selon le cours de l'Eurodevise à la date du 12 mai 2005.
Par ailleurs, il est indiqué qu'il s'agit d'un prêt à échéances constantes, reprises au tableau d'amortissement dit « théorique » annexé au contrat et émargé par M. X.
En effet, il est indiqué au paragraphe des conditions générales intitulé « les conditions liées au déblocage des fonds » et aux « modalités de déblocage de fonds », qu'un remboursement est prévu sous forme de paliers au taux fixé pour la période d'amortissement des fonds débloqués au fur et à mesure de l'avancement des travaux, s'agissant d'un prêt destiné pour fraction à financer des travaux, en ce que le prix d'achat de l'immeuble mentionné à l'acte de vente est de 470.000 euros et que le prêt DEVISE MLT est d'un montant total en contre-valeur en Franc suisse de 618.800 euros.
Ainsi, le contrat de prêt précise que le calcul des intérêts et la date de première échéance seront déterminés par la date de première mise à disposition des fonds partiellement débloqués, conformément au paragraphe intitulé « remboursement du prêt, paiement des intérêts, indemnités », qui prévoit que le taux fixe de remboursement prévu à chaque palier peut être modifié après la période de garantie de taux en cas de variation du taux d'intérêt par rapport à celui convenu, de sorte que les déblocages subissant une variation du taux d'intérêt devront donner lieu à l'établissement d'une ligne de prêt distincte et à l'envoi d'un tableau d'amortissement pour chaque déblocage à un taux de prêt différent.
Ainsi, il convient de considérer que M. X. a été informé à la date du contrat de prêt du risque de détermination d'un taux d'intérêt différent à l'occasion et pour chaque déblocage de fonds.
Dans ces conditions, M. X. a été informé des caractéristiques essentielles du prêt comportant des variations du taux de change selon le cours de l'Eurodevise et du taux d'intérêt en fonction des dates de déblocage partiel des fonds, ayant une incidence sur les modalités de remboursement du crédit aussi bien au regard du montant du capital restant dû que du montant des échéances.
En outre, la banque dispensatrice de crédit est également tenue, lors de l'octroi d'un prêt à un emprunteur non averti, d'une obligation de mise en garde à raison des capacités financières de ce dernier et des risques d'endettement excessif né de l'octroi du prêt.
En effet, l'obligation d'information sur les risques de variation du taux de change et du taux d'intérêt relève plus spécifiquement de l'obligation de mise en garde du prêteur.
Or, il appartient à l'emprunteur qui invoque un manquement de la banque à cette obligation de mise en garde d'apporter la preuve que le prêt n'était pas adapté à sa situation financière et créait, de ce fait, un tel risque d'endettement excessif.
En l'espèce, M. X. ne justifie pas de sa situation financière à la date du prêt.
Ainsi, il ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un risque d'endettement excessif résultant de la souscription du prêt.
Dans ces conditions, M. X. ne peut utilement se prévaloir d'un manquement de la CRCAM de Lorraine à son obligation de mise en garde.
Dès lors, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la CRCAM de Lorraine avait manqué à son obligation d'information à l'égard de M. X. et l'a en conséquence condamnée à lui verser la somme de 61.880 euros en réparation de son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Sur la condamnation de première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la CRCAM la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur les demandes accessoires :
M. X. qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, et sera débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X. sera condamné à verser à la CRCAM la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a dit que la CRCAM de Lorraine avait manqué à son obligation d'information à l'égard de M. X. et l'a en conséquence condamnée à lui verser la somme de 61.880 euros en réparation de son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, ainsi que la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
DEBOUTE M. X. de sa demande en dommages et intérêts pour manquement de la CRCAM de Lorraine à son obligation d'information,
DEBOUTE M. X. de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DECLARE recevable la demande nouvelle de M. X. tendant à voir réputer non écrites et abusives la clause de remboursement en monnaie étrangère et la clause de stipulation d'intérêts conventionnels,
DEBOUTE M. X. de sa demande d'invalidation du contrat de prêt au titre des clauses abusives,
DEBOUTE M. X. de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles à hauteur de cour,
CONDAMNE M. X. à payer à la CRCAM de Lorraine la somme de 500 € (cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. X. aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en dix-huit pages.
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5721 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Loi du 17 mars 2014
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 5838 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat : contrat synallagmatique inversé (consommateur créancier du prix)
- 5851 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Absence de lien avec la profession
- 9742 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Monnaie étrangère