CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 24 juin 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8955
CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 24 juin 2021 : RG n° 19/01649 ; arrêt n° 489
Publication : Jurica
Extrait : « Qu'en effet l'offre de crédit acceptée le 15 janvier 2015 comporte la stipulation d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur avec subrogation conventionnelle au profit du prêteur : « conformément à l'article 1250, 1° du code civil, le prêteur qui a réglé le solde du prix de vente est subrogé dans tous les droits et actions du vendeur nés de la présente clause de réserve de propriété, et ce, jusqu'au remboursement complet de sa créance » ;
Attendu cependant que selon l'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne ; Qu'en l'espèce, n'apparaît pas être l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ;
Qu'il s'ensuit qu'apparaît donc inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule, sur le fondement de l'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; Que dès lors, le fait que l'intimé a signé la stipulation d'une clause de réserve de propriété portant les mentions plus haut rappelées et accepté la subrogation ne saurait, à raison du caractère inopérant de cette subrogation consentie par le vendeur, justifier la demande de restitution du véhicule ;
Que la clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; Qu'ainsi cette clause doit dès lors être réputée non écrite comme abusive de sorte que la société SOMAFI-SOGUAFI ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de débouter la société SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt. »
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 JUIN 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/01649. Arrêt n° 489. N° Portalis DBV7-V-B7D-DFY3. Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 1er février 2019, enregistrée sous le R.G. n° 11-18-001435.
APPELANTE :
SA SOMAFI-SOGUAFI
[...], [...], Représentée par Maître Gérard P., avocat au barreau de Guadeloupe, St Martin & St Barthélémy
INTIMÉE :
Mademoiselle X.
[...], [...], Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 799 alinéa 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 26 avril 2021.
Par avis du 30 avril 2021 le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de : Mme Claudine FOURCADE, présidente de chambre, Mme Christine DEFOY, conseillère, Mme Joëlle SAUVAGE, conseillère, qui en ont délibéré. Les parties ont été avisées que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 juin 2021.
GREFFIER : Lors du dépôt des dossiers et du prononcé : Mme Claudie SOLIGNAC, greffier placé.
ARRÊT : Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile. Signé par Mme Claudine FOURCADE, Présidente de chambre, et par Mme Claudie SOLIGNAC, greffier placé, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre de contrat acceptée le 15 janvier 2015, la société SOMAFI-SOGUAFI a consenti à Mme X. une offre de crédit accessoire à la vente d'un véhicule d'un montant de 20.900 euros au taux débiteur fixe de 8,10 % (taux annuel effectif global de 9,07 %), remboursable par 84 mensualités de 333,24 euros hors assurance facultative.
Suite à des incidents de paiement, la société a, en date du 19 octobre 2017, adressé à l'emprunteur, une lettre recommandée de mise en demeure de régler les échéances échues et restées impayées. Par lettre recommandée du 20 novembre 2017, la société SOMAFI-SOGUAFI a adressé à l'emprunteur une lettre recommandée ayant pour objet la notification de la déchéance du terme valant mise en demeure de lui régler sous huit jours le montant total des sommes restant dues en principal, intérêts et indemnités soit : 20.641,58 euros.
Par acte d'huissier en date du 25 mai 2018, la société SOMAFI-SOGUAFI a fait assigner Mme X. devant le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre aux fins de la voir condamner à lui payer les sommes suivantes :
- 20.641,58 euros, avec intérêts au taux conventionnel ;
- 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Selon jugement contradictoire rendu le 1er février 2019, le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre a :
- déclaré recevable l'action engagée par la société SOMAFI-SOGUAFI contre Mme X. ;
- prononcé la déchéance pour la société SOMAFI-SOGUAFI de son droit aux intérêts contractuels pour l'offre de prêt acceptée le 15 janvier 2015 et destinée à l'achat du véhicule de marque NISSAN JUKE ;
- condamné Mme X. à payer à la société SOMAFI-SOGUAFI la somme de 13.346,18 euros ;
- écarté l'application des dispositions relatives au taux d'intérêt légal et à l'application du taux légal majoré ;
- dit que la somme de 13.346,18 euros ne produira pas d'intérêts et ne pourra pas faire l'objet d'un intérêt au taux légal majoré ;
- débouté la société SOMAFI-SOGUAFI de sa demande en restitution du véhicule de marque NISSAN JUKE ;
- débouté Mme X. de sa demande de délai de paiement ;
- débouté la société SOMAFI-SOGUAFI de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme X. au paiement des dépens.
Par déclaration en date du 13 décembre 2019, la société SOMAFI-SOGUAFI a interjeté appel de ce jugement.
Par acte d'huissier de justice remis à personne le 27 janvier 2020, elle a signifié sa déclaration d'appel, ses conclusions et pièces à Mme X.
Mme X., intimée, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mars 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Les dernières conclusions déposées le 15 janvier 2020 par l'appelante, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
La société SOMAFI-SOGUAFI demande de :
- réformer la décision querellée en toutes ses dispositions ;
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 20.641,58 euros avec les intérêts au taux conventionnel de 8,09 % ;
- ordonner à Mme X. d'avoir à restituer le véhicule NISSAN JUKE objet du contrat ;
- condamner la même à lui payer la somme de 1.500 euros par l'application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens distraits au profit de Maître P.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en paiement au titre du prêt à la consommation :
Attendu qu'aux termes de l'alinéa premier de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en application de l'article L. 311-24 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ;
Qu'en l'espèce, la société SOMAFI-SOGUAFI produit notamment l'offre de contrat de crédit signée le 15 janvier 2015, le tableau d'amortissement du prêt, l'historique de compte, la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) en date du 15 janvier 2015, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs, la fiche de dialogue (revenus et charges), la lettre recommandée du 19 octobre 2017 de mise en demeure de régler les échéances échues et restées impayées et la lettre recommandée du 20 novembre 2017 ayant pour objet la notification de la déchéance du terme valant mise en demeure de lui régler sous huit jours le montant total des sommes restant dues ;
Que le prêteur verse également aux débats : les bulletins de paie de l'emprunteur de novembre et décembre 2014, ses relevés de compte courant d'octobre et novembre 2014, son avis d'impôt 2014, la photocopie de sa carte nationale d'identité et son justificatif de domicile ;
Que d'une part, ces documents prouvent l'obligation dont le prêteur réclame l'exécution en ses principe et montant ;
Que d'autre part, il en résulte que le prêteur justifie avoir satisfait à ses obligations d'informations précontractuelles prévues par les articles L. 311-6 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable en la cause ainsi qu'à son obligation de consultation du FICP prévue par l'article L. 311-9 du même code ;
Que le dernier décompte arrêté au 12 septembre 2019 présente une dette globale de 20.641,58 euros comprenant la somme de 4.902,69 euros au titre du solde impayé sur les mensualités échues, le capital restant dû d'un montant de 14.573,05 euros et l'indemnité conventionnelle de 8 % s'élevant à 1.165,84 euros ;
Qu'en conséquence, il conviendra d'infirmer le jugement querellé et de condamner Mme X. à verser à la société SOMAFI-SOGUAFI la somme de 20.641,58 euros augmentée des intérêts à compter du 19 octobre 2017, date de la mise en demeure, au taux contractuel de 8,09 % sur la somme de 19.475,74 euros et au taux légal sur la somme de 1.165,84 euros.
Sur la demande de restitution du véhicule :
Attendu que la société SOMAFI-SOGUAFI sollicite que soit ordonnée la restitution du véhicule à l'organisme prêteur en application de la clause de réserve de propriété prévue au contrat ;
Qu'en effet l'offre de crédit acceptée le 15 janvier 2015 comporte la stipulation d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur avec subrogation conventionnelle au profit du prêteur : « conformément à l'article 1250, 1° du code civil, le prêteur qui a réglé le solde du prix de vente est subrogé dans tous les droits et actions du vendeur nés de la présente clause de réserve de propriété, et ce, jusqu'au remboursement complet de sa créance » ;
Attendu cependant que selon l'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne ;
Qu'en l'espèce, n'apparaît pas être l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ;
Qu'il s'ensuit qu'apparaît donc inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule, sur le fondement de l'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Que dès lors, le fait que l'intimé a signé la stipulation d'une clause de réserve de propriété portant les mentions plus haut rappelées et accepté la subrogation ne saurait, à raison du caractère inopérant de cette subrogation consentie par le vendeur, justifier la demande de restitution du véhicule ;
Que la clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Qu'ainsi cette clause doit dès lors être réputée non écrite comme abusive de sorte que la société SOMAFI-SOGUAFI ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de débouter la société SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt.
Sur les mesures accessoires :
Attendu que l'intimée qui succombe sera condamnée au paiement des dépens d'appel ;
Que l'équité commande de ne pas laisser à la charge de la société SOMAFI-SOGUAFI les frais non compris dans les dépens et nécessaires à la défense de ses intérêts en justice ;
Que dès lors, Mme X. sera condamnée à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe ;
Confirme le jugement rendu le 1er février 2019 par le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a débouté la société SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule de marque NISSAN JUKE et condamné Mme X. aux dépens de première instance,
L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne Mme X. à verser à la société SOMAFI-SOGUAFI la somme de 20 641,58 euros augmentée des intérêts à compter du 19 octobre 2017, date de la mise en demeure, au taux contractuel de 8,09 % sur la somme de 19.475,74 euros et au taux légal sur la somme de 1.165,84 euros ;
Condamne Mme X. à verser à la société SOMAFI-SOGUAFI la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme X. au paiement des dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Gérard P. en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Signé par Claudine FOURCADE, président, et par Claudie SOLIGNAC, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président
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