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CA DOUAI (8e ch. 1), 23 septembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (8e ch. 1), 23 septembre 2021
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 1
Demande : 19/02585
Décision : 21/958
Date : 23/09/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/05/2019
Numéro de la décision : 958
Référence bibliographique : 5834 (clause abusive et avenant), 5835 (absence de clause), 5705 (L. 212-1, imprescriptibilité), 5823 (crédit, application dans le temps), 5997 (portée d’une recommandation)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9138

CA DOUAI (8e ch. 1), 23 septembre 2021 : RG n° 19/02585 ; arrêt n° 21/958

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit. »

2/ « Les appelants dénoncent le caractère abusif de la clause insérée à l'acte de prêt, et maintenue à l'avenant, qui stipule que « les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », et demandent qu'elle soit déclarée non écrite.

La banque oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande, formée par conclusions devant la cour du 25 juillet 2019, soit plus de cinq ans après l'acceptation de l'offre de prêt.

Néanmoins, s'agissant d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, la demande tendant à voir constater une clause abusive, dont la sanction n'est pas la nullité mais le caractère non-écrit, ne s'analyse pas en une demande d'annulation et n'est pas soumise à la prescription quinquennale (Cour cass. 8 avril 2021, n° 19-17.997).

Aussi, la demande des appelants n'est pas prescrite. Il convient dès lors de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la banque et de déclarer les appelants recevables en cette demande. »

3/ « La recommandation n° 05-02 du 14 mai 2005 de la commission des clauses abusives invoquée par les appelants concerne les clauses de calcul d'intérêts dans les conventions de compte de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement, et non pas les crédits immobiliers remboursables par échéances mensuelles, de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause d'intérêts dans le contrat litigieux.

Afin de déterminer si la clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours, comme en l'espèce entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il y a lieu d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit (Cour Cass 21/10/2020 19-18.038), cette clause n'étant pas, en soi, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

Or, s'agissant comme en l'espèce d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,4166, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, qui s'applique au crédit immobilier. Les calculs effectués par la banque dans ses conclusions sur la base d'une année civile de 365 jours et du mois normalisé de 30,4166 jours et sur la base d'une année de 360 jours et du mois de 30 jours, ou encore en utilisant le rapport 1/12ème, appliqués aux échéances n° 20 et n° 40 permettent en effet d'obtenir exactement le même montant d'intérêts.

Seule la première échéance du 5 novembre 2010, correspondant à 43 jours entre le déblocage des fonds et son règlement, présente une anomalie à raison du calcul sur la base d'une année de 360 jours. Cette méthode a en effet entraîné un surplus d'intérêts pouvant être évalué à 7,67 euros (les appelants ayant réglé 559,16 euros d'intérêts au lieu de 551,49 euros), lequel ne suffit pas toutefois à caractériser un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

S'agissant de l'avenant du 27 décembre 2015, bien qu'il ne comporte pas la clause litigieuse, il stipule expressément qu'il n'entraîne pas novation du contrat initial et que toutes les clauses et conditions contenues dans l'acte initial sont maintenues, de sorte que la clause d'intérêts insérée à l'offre initiale du 2 septembre 2010 doit être considérée comme maintenue à l'avenant.

Cependant, les appelants ne démontrent aucunement l'utilisation par la banque de l'année bancaire pour le calcul des intérêts contractuels de l'avenant, ni a fortiori un effet sur le coût du crédit et l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En conséquence, la clause litigieuse n'est pas abusive au sens des dispositions de l'article L.132-1 du code de la consommation, et il convient de débouter M. Y. et Mme X. de leurs demandes à ce titre. »

4/ « Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la seule stipulation au contrat d'une clause prévoyant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours ne peut justifier à elle seule la déchéance du droit aux intérêts et en application de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient aux emprunteurs de démontrer que les intérêts ont été calculés sur la base de 360 jours et que ce calcul a généré à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prescrite par l'article R.313-1 du code de la consommation.

Or, les appelants ne démontrent pas que les intérêts de l'avenant ont été calculés sur la base de l'année bancaire de 360 jours, ni a fortiori, ne démontrent l'existence d'une erreur de plus d'une décimale dans le calcul du TEG mentionné à raison du calcul des intérêts. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/02585. Arrêt n° 21/958. N° Portalis DBVT-V-B7D-SKOQ. Jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Lille.

 

APPELANTS :

Madame X.

née le [date] à [ville] - de nationalité française, [adresse], [...]

Monsieur Y.

né le [date] à [ville] - de nationalité française, [adresse], [...]

Représenté par Maître Éric L., avocat au barreau de Douai et Maître Alexandre B., avocat au barreau de Paris

 

INTIMÉE :

Société Coopérative Banque Populaire du Nord

prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Philippe V., avocat au barreau de Lille

 

DÉBATS à l'audience publique du 9 juin 2021 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Dominique Duperrier, président de chambre, Madame Pauline Mimiague, conseiller, Madame Catherine Menegaire, conseiller.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Duperrier, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 18 mai 2021.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant offre de prêt émise le 17 août 2010 et acceptée le 2 septembre 2010, la banque populaire du Nord a consenti à M. Y. et Mme X. un prêt immobilier numéro 086XXX64 d'un montant de 117.032,54 euros remboursable en 240 mensualités, au taux d'intérêt de 4 % l'an et au TEG de 4,620 %.

Par avenant émis le 15 décembre 2015 et accepté le 27 décembre 2015, les parties sont convenues d'une renégociation du taux d'intérêt du prêt à hauteur de 2,5 % à compter de l'échéance du 5 janvier 2016. Le TEG indiqué dans l'acte est de 3,47 %.

Reprochant à la banque un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours et une erreur du TEG dans l'offre et l'avenant, M. Y. et Mme X. ont, par acte d'huissier délivré le 6 novembre 2017, fait assigner la banque populaire du Nord devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins d'obtenir :

- à titre principal, la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels du prêt et de l'avenant, la substitution du taux d'intérêt légal soit 0,65 % au taux d'intérêt conventionnel à compter du déblocage des fonds jusqu'à la date d'effet de l'avenant et 0,99 % au jour de la prise d'effet de l'avenant jusqu'au terme du prêt,

- à titre subsidiaire, la déchéance du droit aux intérêts à compter de la signature du contrat de prêt et de l'avenant à hauteur du taux d'intérêt légal applicable à ces deux dates,

- en tout état de cause, le remboursement de la somme totale de 20.982,59 euros d'intérêts, outre la production par la banque d'un nouveau tableau d'amortissement sous astreinte, ainsi que sa condamnation à payer la somme de 6.300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement en date du 29 mars 2019, le tribunal de grande instance de Lille a :

- déclaré irrecevables car prescrites les demandes de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et de déchéance du droit aux intérêts conventionnels de l'offre de prêt acceptée le 2 septembre 2010, ainsi que les demandes subséquentes et accessoires,

- débouté M. Y. et Mme X. de leurs demandes de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et de déchéance du droit aux intérêts conventionnels de l'avenant signé le 27 décembre 2015, ainsi que de leurs demandes subséquentes et accessoires,

- condamné in solidum M. Y. et Mme X. aux dépens ainsi qu'à payer à la banque populaire du Nord la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec exécution provisoire.

[*]

M. Y. et Mme X. ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement par déclaration reçue par le greffe de la cour le 2 mai 2019.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 25 juillet 2019, ils demandent à la cour de :

- dire leur appel recevable et bien fondé,

- infirmer la décision du 29 mars 2019 en ce qu'elle a déclaré irrecevables car prescrites leurs demandes de nullité de la stipulation d'intérêts et de déchéance du droit aux intérêts conventionnels de l'offre de prêt acceptée le 2 septembre 2010 ainsi que les demandes subséquentes et accessoires, en ce qu'elle les a déboutés de leurs demandes de nullité de la stipulation d'intérêts et de déchéance aux intérêts conventionnels de l'avenant signé le 27 décembre 2015 et en ce qu'elle les a condamnés à payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 et aux entiers dépens,

- statuant à nouveau,

- constater les erreurs de calcul du TEG et du coût total du crédit du prêt et de l'avenant,

- constater que les intérêts sont calculés sur la base de 360 jours,

à titre principal,

- déclarer abusives et par conséquent réputées non écrites les clauses figurant dans les contrats de prêt et l'avenant prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours et d'un mois de 30 jours,

à titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêts du prêt et de l'avenant,

à titre infiniment subsidiaire,

- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt et de l'avenant à hauteur du taux d'intérêt légal applicable, soit 0,65 % pour le prêt et 0,99 % pour l'avenant,

- dans tous les cas,

- condamner la banque populaire du Nord à leur verser la somme de 18'919,20 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt depuis sa conclusion jusqu'au jour de la conclusion de l'avenant,

- condamner la banque populaire du Nord à leur verser la somme de 2.063,39 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre de l'avenant depuis sa conclusion jusqu'au jour de la présente, sauf à parfaire,

- enjoindre la banque populaire du Nord sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un tableau d'amortissement prenant en considération cette substitution du taux d'intérêt légal, soit 0,99 %,

- en tout état de cause, condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 6 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Fiona B. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Au terme de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2020 la banque populaire du Nord demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. Y. et Mme X. et à tout le moins mal fondées, et a condamné les emprunteurs au paiement d'une indemnité de procédure et aux dépens de première instance,

- rejeter l'intégralité des demandes de M. Y. et Mme X. comme étant irrecevables ou mal fondées,

- condamner solidairement M. Y. et Mme X. au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en cause d'appel,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait l'existence d'une erreur de calcul,

- vu l'ancien article 1147 du Code civil, constater dire et juger que l'erreur est survenue au stade de l'exécution et non de la formation du contrat,

- dire n'y avoir lieu à l'allocation de dommages-intérêts faute de préjudice ou tout au plus condamner la banque au paiement d'une indemnité de 7,67 euros correspondant au différentiel d'intérêts allégué,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait qu'il existe des irrégularités dans le calcul des intérêts conventionnels du fait de la seule présence de la clause critiquée,

- vu l'article L. 312-33 du code de la consommation,

- prononcer la déchéance partielle des intérêts conventionnels à concurrence d'un montant égal à la différence totale d'intérêts conventionnels de 7,67 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour faisait droit à la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ou de déchéance du droit aux intérêts ou prononçait la substitution du taux conventionnel par le taux légal,

- dire et juger que lorsqu'il est substitué au taux conventionnel d'un prêt, l'intérêt au taux légal court à compter la souscription du prêt au taux alors en vigueur et obéit aux variations aux quelles la loi le soumet,

- ordonner la compensation entre les sommes éventuelles devant être remboursées par la banque au titre des intérêts échus est acquittés et le capital restant dû au titre du prêt consenti à M. Y. et Mme X. au jour de la décision à intervenir,

- rejeter le surplus des demandes de M. Y. et Mme X.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mai 2021, et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 9 juin 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit.

 

Sur la demande aux fins de voir déclarer abusive et non-écrite la clause de calcul des intérêts :

Les appelants dénoncent le caractère abusif de la clause insérée à l'acte de prêt, et maintenue à l'avenant, qui stipule que « les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », et demandent qu'elle soit déclarée non écrite.

La banque oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande, formée par conclusions devant la cour du 25 juillet 2019, soit plus de cinq ans après l'acceptation de l'offre de prêt.

Néanmoins, s'agissant d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, la demande tendant à voir constater une clause abusive, dont la sanction n'est pas la nullité mais le caractère non-écrit, ne s'analyse pas en une demande d'annulation et n'est pas soumise à la prescription quinquennale (Cour cass. 8 avril 2021, n° 19-17.997).

Aussi, la demande des appelants n'est pas prescrite. Il convient dès lors de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la banque et de déclarer les appelants recevables en cette demande.

 

Sur le fond :

En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La recommandation n° 05-02 du 14 mai 2005 de la commission des clauses abusives invoquée par les appelants concerne les clauses de calcul d'intérêts dans les conventions de compte de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement, et non pas les crédits immobiliers remboursables par échéances mensuelles, de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause d'intérêts dans le contrat litigieux.

Afin de déterminer si la clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours, comme en l'espèce entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il y a lieu d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit (Cour Cass 21/10/2020 19-18.038), cette clause n'étant pas, en soi, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

Or, s'agissant comme en l'espèce d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,4166, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, qui s'applique au crédit immobilier. Les calculs effectués par la banque dans ses conclusions sur la base d'une année civile de 365 jours et du mois normalisé de 30,4166 jours et sur la base d'une année de 360 jours et du mois de 30 jours, ou encore en utilisant le rapport 1/12ème, appliqués aux échéances n° 20 et n° 40 permettent en effet d'obtenir exactement le même montant d'intérêts.

Seule la première échéance du 5 novembre 2010, correspondant à 43 jours entre le déblocage des fonds et son règlement, présente une anomalie à raison du calcul sur la base d'une année de 360 jours. Cette méthode a en effet entraîné un surplus d'intérêts pouvant être évalué à 7,67 euros (les appelants ayant réglé 559,16 euros d'intérêts au lieu de 551,49 euros), lequel ne suffit pas toutefois à caractériser un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

S'agissant de l'avenant du 27 décembre 2015, bien qu'il ne comporte pas la clause litigieuse, il stipule expressément qu'il n'entraîne pas novation du contrat initial et que toutes les clauses et conditions contenues dans l'acte initial sont maintenues, de sorte que la clause d'intérêts insérée à l'offre initiale du 2 septembre 2010 doit être considérée comme maintenue à l'avenant.

Cependant, les appelants ne démontrent aucunement l'utilisation par la banque de l'année bancaire pour le calcul des intérêts contractuels de l'avenant, ni a fortiori un effet sur le coût du crédit et l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En conséquence, la clause litigieuse n'est pas abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, et il convient de débouter M. Y. et Mme X. de leurs demandes à ce titre.

Sur les demandes de nullité de la stipulation d'intérêts et de déchéance du droit aux intérêts de l'acte de prêt immobilier du 2 septembre 2010

 

Sur la prescription :

L'action en nullité de la stipulation d'intérêts se prescrit par cinq ans, en application de l'article 1304 du code civil.

L'action en déchéance du droit aux intérêts est soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce applicable aux obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants.

En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou non-professionnel, le point de départ de la prescription de l'action en nullité ou en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ou les mentions de l'offre de prêt ne court qu'à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; il se situe donc à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou à défaut, à la date à laquelle l'emprunteur normalement avisé et prudent a été en mesure de la déceler.

Au visa des article L. 313-1, R. 313-1 et L. 313-2, les appelants soutiennent que le TEG est erroné en ce que d'une part, la prime de raccordement d'assurance décès-invalidité d'un montant de 15,22 euros et les intérêts intercalaires d'un montant de 169,05 euros n'ont pas été pris en compte dans l'assiette de calcul du TEG, et d'autre part, que le calcul des intérêts est erroné puisqu'ils a été effectué sur la base d'une année de 360 jours au lieu de 365 conformément à la clause du contrat qui stipule « les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû au taux fixé au conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ». Ils exposent qu'ils n'avaient pas les compétences financières leur permettant de faire des calculs complexes lors de la signature de l'acte, les anomalies affectant le TEG et le calcul des intérêts leur ayant été révélées par l'analyse financière effectuée par l'organisme Européenne d'expertises et d'analyse le 18 avril 2017, qui constitue le point de départ du délai de prescription.

Cependant, dès lors que l'offre comportait une clause spécifiant la base de calcul des intérêts sur l'année bancaire de 360 jours, les emprunteurs pouvaient déceler à la lecture de l'acte le vice susceptible d'affecter le calcul des intérêts.

L'acte comportait également un paragraphe « coût du crédit » mentionnant l'ensemble des frais pris en compte pour calculer le coût total du crédit et le TEG, lequel ne mentionnait pas de frais de raccordement d'assurance décès-invalidité, ni d'intérêts intercalaires, de sorte que les emprunteur pouvait également, dès la lecture de l'acte, constater les anomalies alléguée à ces titre.

En outre, s'agissant plus particulièrement des intérêts intercalaires, les emprunteurs dénoncent avoir réglé à la première échéance, calculée sur 43 jours, 559,16 euros d'intérêts conformément au tableau d'amortissement définitif, au lieu de 390,11 euros prévus au tableau d'amortissement initial, soit 169,05 euros d'intérêts intercalaires qui n'auraient pas été intégrés dans le calcul du TEG.

Or, il ressort que les intérêts mentionnés au paragraphe « coût du crédit » s'élevait à 53.173,06 euros, somme expressément reprise sur le tableau d'amortissement initial prévisionnel, lequel prévoyait une première échéance d'un montant de 744,29 euros, dont 390,11 euros d'intérêts.

Les emprunteurs pouvaient donc également dès le paiement de la première échéance en novembre 2010 et en comparant les tableaux d'amortissement prévisionnel et définitif, constater que les intérêts intercalaires n'étaient pas pris en compte dans le coût du crédit.

Il suit que le point de départ du délai de prescription se situe en l'espèce au jour de l'acceptation de l'offre de crédit le 2 septembre 2010, ou au plus tard, au jour de l'émission du tableau d'amortissement définitif et du paiement de la première échéance du crédit, de sorte que lors de l'exploit introductif d'instance du 6 novembre 2017 les actions en nullité et en déchéance du droit aux intérêts de M. Y. et Mme X. étaient prescrites.

En conséquence, confirmant le jugement déféré, M. Y. et Mme X. seront déclarés irrecevables en leurs demandes de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et de déchéance du droit au intérêts du prêt immobilier du 2 septembre 2010.

 

Sur la demande de nullité de la stipulation d'intérêts et de déchéance du droit aux intérêts de l'avenant du 27 décembre 2015 :

L'analyse financière communiquée par les appelants est contradictoire au sens de l'article 16 du code de procédure civile dès lors qu'elle a été soumise au débat contradictoire des parties et son caractère probant ne pouvait être écarté au seul motif qu'elle a été établie à l'initiative d'une seule partie, d'autant plus que, s'agissant d'une analyse procédant à des calculs mathématiques, les parties sont à même d'apprécier la pertinence des méthodes utilisées et des résultats obtenus, et par-là, sa force probante, comme le fait la banque en présentant ses propres calculs dans ses conclusions.

Il peut être relevé en outre que les appelants ne se fondent pas seulement sur le rapport de leur expert mais également sur la présence d'une clause de calcul des intérêts.

A l'appui de leurs demandes, M. Y. et Mme X. font valoir que la clause de calcul des intérêts sur l'année de 360 jours est prohibée, que le taux de période n'est pas mentionné à l'acte en violation de l'article R. 313-1 du code de la consommation, et que le TEG est mathématiquement erroné et ressort en réalité à 3,48 % selon l'analyse financière de leur expert.

En premier lieu, en application combinée des articles 1907 du code civil, des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile de 365 jours dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel.

Le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours peut être sanctionné s'il génère un surcoût entraînant une erreur dans l'évaluation du TEG indiqué dans l'offre, lequel doit être calculé en tenant compte, notamment, des intérêts.

Il résulte des articles L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation que la mention dans l'offre de prêt d'un TEG erroné, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, et ce, uniquement lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale venant au détriment de l'emprunteur (puisque le TEG est calculé par rapport au taux de période avec une précision d'au moins une décimale selon l'article R. 313-1), inexactitude qu'il appartient à l'emprunteur de démontrer, en application de l'article 9 du code de procédure civile (en ce sens, par exemple : Civ. 1re, 5 juin 2019, pourvoi n° 18-11.459, n° 18-23.497, Civ. 1re, 11 mars 2020, pourvoi n° 19-10.875).

Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la seule stipulation au contrat d'une clause prévoyant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours ne peut justifier à elle seule la déchéance du droit aux intérêts et en application de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient aux emprunteurs de démontrer que les intérêts ont été calculés sur la base de 360 jours et que ce calcul a généré à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prescrite par l'article R.313-1 du code de la consommation.

Or, les appelants ne démontrent pas que les intérêts de l'avenant ont été calculés sur la base de l'année bancaire de 360 jours, ni a fortiori, ne démontrent l'existence d'une erreur de plus d'une décimale dans le calcul du TEG mentionné à raison du calcul des intérêts.

En second lieu, il résulte de l'article L.312-4-1 du code de la consommation applicable lors de la conclusion de l'avenant, qu'en cas de renégociation du prêt, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant diverses informations, notamment relatives au TEG, sans que soit exigée la communication à l'emprunteur du taux de période et de la durée de la période (Cour cass 1ère civ 5 février 2020 n°18-26.769).

Dès lors, le moyen selon lequel le taux de période n'est pas mentionné à l'avenant du 27 décembre 2015 est inopérant.

En troisième lieu, s'agissant de l'erreur purement mathématique qui affecterait le TEG affiché à l'avenant, la cour constate que les appelants n'apportent pas la démonstration d'une erreur de plus d'une décimale, car à supposer exacts les calculs effectués par leur expert, l'écart entre le taux revendiqué de 3,48 % et le taux affiché à l'avenant de 3,47 % n'est que de 0,01 %.

En conséquence, confirmant le jugement déféré, il convient de débouter M. Y. et Mme X. de leurs demandes, ainsi que de leurs demandes subséquentes et accessoires.

 

Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré est confirmé en sa dispositions relative aux dépens.

M. Y. et Mme X. qui succombent en leur appel sont condamnés aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Néanmoins, au vu la disparité économique entre les parties et en équité, le jugement est infirmé en sa disposition relative aux frais irrépétibles et M. Y. et Mme X. sont condamnés à payer à la banque populaire du Nord la somme globale de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en celle relative à l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant ;

Déclare recevable l'action de M. Y. et Mme X. visant à voir déclarer abusive et non-écrite la clause de calcul des intérêts insérée à l'offre du 2 décembre 2010 et à l'avenant du 27 décembre 2015 ;

Déboute M. Y. et Mme X. de leurs demandes visant à voir déclarer abusive et non-écrite la clause de calcul des intérêts insérée à l'offre du 2 décembre 2020 et à l'avenant du 27 décembre 2015 ;

Condamne M. Y. et Mme X. à payer à la banque populaire du Nord la somme globale de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne M. Y. et Mme X. aux dépens d'appel.

Le greffier,                                                    Le président,

G. Przedlacki                                               D. Duperrier