CA TOULOUSE (2e ch.), 7 juillet 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9147
CA TOULOUSE (2e ch.), 7 juillet 2021 : RG n° 18/00045 ; arrêt n° 401
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Concernant la prescription, il sera en premier lieu observé : - que l'article L. 218-2 du Code de la consommation, qui prescrit par deux ans l'action des professionnels contre les consommateurs, n'a pas vocation à s'appliquer dans un litige intéressant, comme en l'espèce, deux sociétés commerciales, […] »
2/ « Concernant l'existence d'une contrepartie dérisoire, il sera observé que l'article 1169 du Code civil, dont se prévaut l'appelant, n'est applicable qu'à compter d'octobre 2016 alors même que le contrat est antérieur.
Il en est de même de l'article 1171 du même code, également invoqué, qui répute non écrite, dans les seuls contrats d'adhésion, toute clause non négociable qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, un tel article n'étant pas applicable à la date de conclusion du contrat, n'étant au demeurant pas démontré que le contrat litigieux, conclu entre deux sociétés commerciales, était un contrat d'adhésion.
Par ailleurs, les éléments précités démontrent que le cautionnement du prêt accordé à la société CCM 31 par la BRASSERIE DE SAINT OMER était subordonné à la conclusion du contrat d'approvisionnement litigieux, qu'il comportait un engagement de payer de la part de FRANCE BOISSONS, de sorte qu'il ne peut être soutenu que la contrepartie était dérisoire.
Surabondamment, à supposer que l'appelante soit fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 442-1 du Code de commerce, anciennement L. 442-6, ce qu'elle ne fait pas, de tels articles ne peuvent appuyer, en présence d'un déséquilibre significatif entre droits et obligations, qu'une demande en dommages et intérêts et à la condition de rapporter la preuve d'un préjudice.
La demande en nullité sera en conséquence écartée.
Concernant la responsabilité de la société FRANCE BOISSONS, la société CCM 31 ne justifie par aucune pièce d'une faute ou d'un préjudice.
Elle ne justifie pas du déséquilibre significatif qu'elle invoque, ne produit aucun contrat concurrent démontrant que la clause pénale prévue en l'espèce (fixation d'une indemnité à 20 % du chiffre d'affaires) était excessive ou même peu usuelle. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 7 JUILLET 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/00045. Arrêt n° 401. N° Portalis DBVI-V-B7C-MBDV. Décision déférée du 5 janvier 2016 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE – R.G. n° 2014J00589.
APPELANTE :
SARL CCM 31
Prise en la personne de ses mandataires statutaires ou légaux domiciliés en cette qualité audit siège social [...], [...], Représentée par Maître Pascal N. de la SELARL SOCIETE PASCAL N., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST
[...], [...], Représentée par Maître Catherine C.-P. de la SCP C. C.-P., avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. TRUCHE, conseiller faisant fonction de président et P. BALISTA, conseiller, chargé du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : S. TRUCHE, conseiller faisant fonction de président, P. BALISTA, conseiller, I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller.
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par S. TRUCHE, conseiller faisant fonction de président, et par C. OULIE, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SARL CCM 31, créée le 20 décembre 2007, exploite un fonds de commerce de restaurant-bar-brasserie sous l'enseigne X., situé [adresse], depuis le 1er janvier 2008, son gérant étant Monsieur Y.
Le 14 mars 2008, la SARL CCM 31 a signé un contrat de mise à disposition d'une machine à café avec la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD-OUEST.
Le 6 mai 2008, la SARL CCM 31 a signé un contrat de mise à disposition d'enseigne avec la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD-OUEST.
Le 15 juillet 2008, la SARL CCM 31 a souscrit un prêt de 50.456 euros assorti d'une convention de fourniture avec la Banque SCALBERT DUPONT et la BRASSERIE DE SAINT-OMER.
Le 30 juillet 2008, la SARL CCM 31 a signé une convention d'achat exclusif de boissons pour une durée de 5 ans, avec la SARL FRANCE BOISSONS SUD-OUEST, désormais dénommée SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD-OUEST depuis l'assemblée générale extraordinaire du 1re janvier 2010.
Le 12 août 2008, la SARL CCM 31 a signé un contrat avec la société CAFES R. portant sur la mise à disposition d'un moulin à café et d'une machine à café, la SARL CCM 31 s'approvisionnant exclusivement auprès de cette société en matière de café.
Le 5 novembre 2011, la SARL CCM 31 a signé un contrat de mise à disposition de 10 chaises avec la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD-OUEST
Par courrier recommandé du 14 janvier 2014, la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD-OUEST a mis en demeure la SARL CCM 31 de régler les fournitures impayées et le matériel mis à sa disposition en vertu des conventions des 14 mars 2008, 6 mai 2008 et 5 novembre 2011.
La SARL CCM 31 n'a pas donné suite à cette mise en demeure.
Par acte d'huissier du 5 mai 2014, la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD-OUEST a fait assigner la SARL CCM 31 devant le Tribunal de Commerce de Toulouse aux fins de la voir condamner au paiement des sommes suivantes :
- 307,39 euros TTC au titre des factures impayées, à savoir 256,16 euros outre 51,23 euros au titre des pénalités visées dans les conditions générales de vente, à assortir des intérêts conventionnels de 3 fois le taux légal à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2014 ;
- 19.061,51 euros pour non-respect de la convention d'achat exclusif de boissons du 30 juillet 2008 en vertu de son article 7 ;
- 1.200 euros TTC correspondant à la valeur non amortie du matériel mis à sa disposition au titre de la convention du 14 mars 2008 ;
- 2.160,60 euros TTC correspondant à la valeur non amortie de l'enseigne mise à sa disposition au titre de la convention du 6 mai 2008 ;
- 144 euros TTC correspondant à la valeur non amortie du matériel mis à sa disposition au titre de la convention du 5 novembre 2011.
La SARL CCM 31 a notamment excipé en défense de la nullité de la convention d'achat du 30 juillet 2008.
Par jugement du 5 janvier 2016, le Tribunal de Commerce de Toulouse a :
- dit la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST recevable en ses demandes ;
- condamné la SARL CCM 31 à payer à la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST la somme de 256,16 euros, outre la somme de 51,23 euros au titre des pénalités, assortie des intérêts conventionnels de 3 fois le taux d'intérêt légal, à compter du 16 janvier 2014 ;
- condamné la SARL CCM 31 à payer à la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST la somme de 19.061,51 euros ;
- débouté la SARL CCM 31 de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la SARL CCM 31 à payer à la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire.
Par déclaration du 8 janvier 2018, la SARL CCM 31 a interjeté appel du jugement en ce qu'il avait :
- condamné la SARL CCM 31 à payer à la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST la somme de 256,16 euros, outre la somme de 51,23 euros au titre des pénalités, assortie des intérêts conventionnels de 3 fois le taux d'intérêt légal, à compter du 16 janvier 2014 ;
- condamné la SARL CCM 31 à payer à la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST la somme de 19.061,51 euros ;
- débouté la SARL CCM 31 de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la SARL CCM31 à payer à la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par requête du 10 juillet 2018, la société France Boissons Sud-Ouest a saisi le conseiller de la mise en état aux fins d'entendre déclarer d'office l'appel irrecevable en application de l'article 528 du Code de Procédure Civile, au motif que celui-ci aurait été formalisé plus de six mois après la notification du jugement.
Par ordonnance du 8 novembre 2018, le conseiller de la mise en état a :
- rejeté la requête présentée par la société France Boissons Sud-Ouest ;
- condamné la société France Boissons Sud-Ouest à payer à la société CCM 31 la somme de 800 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné la société France Boissons Sud-Ouest aux dépens de l'incident.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 juillet 2018, l'appelante a demandé à la cour de :
A titre principal :
- CONSTATER la prescription de l'action de la SARL FRANCE BOISSONS,
- DÉBOUTER la SARL FRANCE BOISSONS de l'intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire :
- CONSTATER le défaut de cause et le caractère totalement déséquilibré de la convention d'achat exclusif de boissons signée le 30 juillet 2008 comme son caractère potestatif,
- CONSTATER en conséquence la nullité de cette convention,
- A DÉFAUT, DIRE ET JUGER à tout le moins que l'article 7 de la convention d'achat exclusif de boissons signée le 30 juillet 2008 est réputé non écrit,
- EN CONSEQUENCE, DEBOUTER la SARL FRANCE BOISSONS de l'intégralité de ses demandes,
- CONDAMNER la SARL FRANCE BOISSONS à payer à la SARL CCM 31 la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.
A titre plus subsidiaire encore :
- CONSTATER que la SARL FRANCE BOISSONS avait commis des fautes à l'endroit de la SARL CCM 31 et engagé sa responsabilité contractuelle à l'encontre de celle-ci,
- CONDAMNER la SARL FRANCE BOISSONS à verser à la SARL CCM 31 des dommages et intérêts d'un montant identique au montant de la réclamation de la SARL FRANCE BOISSONS,
- DIRE ET JUGER y avoir lieu à compensation entre ces créances réciproques.
A titre infiniment subsidiaire :
- LIMITER le montant de la pénalité contractuelle à la somme de 4.500 euros,
- DEBOUTER la SARL FRANCE BOISSONS de toutes autres demandes.
En toutes hypothèses :
- CONDAMNER la SARL FRANCE BOISSONS au paiement à la SARL CCM 31 de la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante a fait essentiellement valoir :
- que le délai quinquennal de prescription débutait du jour où le créancier avait connaissance de la violation de la convention d'approvisionnement exclusif, que la partie adverse avait connaissance dès la signature des conventions que la concluante entendait se livrer en café auprès de la société CAFES R. de sorte que l'action engagée plus de 5 ans après signature des conventions était prescrite,
- que le contrat litigieux était nul pour défaut de cause alors même qu'il n'existait pas de contrepartie à l'engagement de la concluante, que l'engagement de la société FRANCE BOISSONS d'accorder une garantie de 1.750 € ne pouvait constituer une condition d'octroi du prêt de la BANQUE SCALBERT DUPONT dès lors que ce prêt avait été consenti antérieurement (enregistrement au services des impôts le 15 juillet 2018),
- que, lors de la conclusion d'un contrat synallagmatique, la contrepartie ne devait pas être illusoire ou dérisoire, qu'en l'espèce, la convention du 30 juillet 2008 était manifestement déséquilibrée au détriment de la SARL CCM 31 et comportait des stipulations potestatives, que la garantie sus visée de 1.750 € ne constituait pas une contrepartie comme évoqué précédemment, que la SARL CCM 31 avait débuté son activité au 1re janvier 2008, que la convention du 30 juillet 2008 prévoyait un chiffre annuel en matière de café de 4.500 euros et une quantité conventionnelle de 300 alors même qu'aucune base sérieuse ne permettait de telles prévisions,
- qu'il existait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, étant prévue une clause pénale, en cas d'inexécution, fixée à 20 % du chiffre d'affaires pour la concluante alors même qu'une clause exonérait la partie adverse de responsabilité en cas de circonstances exceptionnelles,
- que le prix des boissons n'était pas déterminable au jour du contrat, aucune stipulation ne permettant de conclure à un prix compétitif qui serait la contrepartie de l'obligation d'approvisionnement exclusif,
- que la nullité ne pouvait donner lieu à des restitutions en raison de sa nature,
- que les manquements contractuels de la SARL FRANCE BOISSONS engageaient en tout état de cause sa responsabilité et justifiaient l'octroi de dommages et intérêts au profit de la SARL CCM 31, d'un montant identique à celui réclamé par la SARL FRANCE BOISSONS,
- que la clause pénale ne pouvait être appliquée sur la totalité du chiffre d'affaires annuel mais sur la seule partie du chiffre d'affaires de la boisson pour laquelle l'obligation d'approvisionnement n'avait pas été exécutée, c'est à dire le café dont le chiffre d’affaires annuel était évalué par la convention à 4.500 euros, étant considéré que, sur cinq ans, la clause pénale (20 %) ne pouvait donc excéder 4.500 euros.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 juin 2018, l'intimée a demandé à la cour de :
- CONFIRMER la décision en ce qu'elle a fait droit aux demandes de la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST en condamnant la SARL CCM 31 au paiement des sommes de :
* 256,16 euros outre la somme de 51,23 euros au titre des pénalités, assorties des intérêts conventionnels de 3 fois le taux d'intérêt légal à compter du 16 janvier 2014 au titre des factures impayées,
* 19.061,51 euros au titre de l'indemnité visée à l'article 7 de la convention d'achat exclusif de boissons,
* 500 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens de l'instance.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour réformait la décision déférée et déclarait nulle la convention d'achat exclusif de boissons, condamner la SARL CCM 31 au versement de la somme de 1.750 euros à titre de répétition de l'indu outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance,
- REFORMER la décision dont appel pour le surplus, vu l'omission de statuer des premiers juges et l'appel incident,
- Vu la convention de mise en disposition du 14 mars 2008 concernant la machine à café,
- CONDAMNER la SARL CCM 31 au paiement de la somme de 1.200 euros TTC correspondant à la valeur non amortie du matériel mis à sa disposition.
- Vu la convention de mise en disposition du 6 mai 2008 concernant l'enseigne,
- CONDAMNER la SARL CCM 31 au paiement de la somme de 2.160,60 euros TTC correspondant à la valeur non amortie du matériel mis à sa disposition.
- Vu la convention de mise en disposition du 5 novembre 2011 concernant les 10 chaises plastiques,
- CONDAMNER la SARL CCM 31 au paiement de la somme de 144 euros TTC correspondant à la valeur non amortie du matériel mis à sa disposition.
En tout état de cause,
- LA CONDAMNER au paiement de la somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP C. C.-P.
Au soutien de ses prétentions, l'intimée a fait valoir :
- que les dispositions consuméristes prévoyant un délai biennal étaient inapplicables au cas d'espèce qui opposait deux sociétés commerciales,
- que les dates d'émission des factures impayées (entre le 24 juillet et le 9 octobre 2013) excluaient toute prescription de l'action lors de son introduction, le 5 mai 2014,
- que ce n'était qu'au terme du contrat que la SARL FRANCE BOISSONS pouvait savoir si les quantités contractuellement convenues avaient été respectées par la SARL CCM 31,
- que les relations contractuelles avaient été interrompues au 9 octobre 2013, cette date correspondant à celle de la dernière livraison, de sorte que l'action introduite le 5 mai 2014 était parfaitement recevable,
- que, contrairement aux allégations adverses, il existait bien une contrepartie qui n'était pas dérisoire, que le prêt consenti à la partie adverse était conditionné au versement d'une somme par la concluante, la BRASSERIE SAINT-OMER n'ayant accepté de se porter caution de la SARL CCM 31 auprès de la BANQUE SCALBERT, par acte du 11 juillet 2008, qu'en raison d'un versement de 3620,72 € par la société FRANCE BOISONS MIDI PYRENEES, ledit versement étant antérieur au prêt (22 avril 2008),
- que la contrepartie étant réelle et l'engagement du débiteur, limité à 20.750 € par an, raisonnable, le présent contrat d'achat exclusif ne pouvait être frappé de nullité,
- que la SARL CCM 31 n'avait pas respecté ses engagements en passant auprès de la SARL FRANCE BOISSONS seulement 23 % des commandes convenues, le contrat d'achat exclusif de boissons du 30 juillet 2008 prévoyant un chiffre annuel de 20.750 euros HT, soit 103.750 euros HT sur cinq années, alors que la SARL CCM 31 n'avait commandé qu'à hauteur de 24.327,05 HT sur cette période,
- que la même société s'était approvisionnée en café auprès d'une société concurrente, en violation de l'accord intervenu,
- qu'au surplus la SARL CCM 31 ne déposait pas ses comptes annuels au Greffe du Tribunal de Commerce ce qui empêche toute détermination de son chiffre d'affaires sur la période considérée, étant observé que ladite société ne produisait aucun élément comptable probant,
- que la clause pénale avait, en, tout état de cause, vocation à s'appliquer en raison de l'inexécution par la SARL CCM 31 de la convention d'achat exclusif et ce indépendamment de l'existence d'un préjudice,
- que la partie adverse ne justifiait pas de la responsabilité contractuelle de la concluante, qu'elle soulevait pour la première fois en cause d'appel,
- qu'aux termes des conventions de mise à disposition, la concluante était fondée à solliciter le remboursement de la valeur non amortie du matériel, les premiers juges ayant omis de statuer sur ce point.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mars 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Concernant la prescription, il sera en premier lieu observé :
- que l'article L. 218-2 du Code de la consommation, qui prescrit par deux ans l'action des professionnels contre les consommateurs, n'a pas vocation à s'appliquer dans un litige intéressant, comme en l'espèce, deux sociétés commerciales,
- que, pour les factures impayées, qui datent de l'année 2013, l'action engagée le 5 mai 2014, moins de deux ans après, ne saurait être prescrite, et ce au visa de l'article 2224 du Code civil, étant rappelé que cet article dispose : les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Concernant l'application de la clause pénale, la demande en paiement est fondée sur une convention d'approvisionnement exclusif liant les parties, signée le 30 juillet 2008, ainsi que sur des mises à disposition de matériel en date des 14 mars et 6 mai 2008 ainsi que du 5 novembre 2011, les pièces en question étant produites aux débats.
La convention d'approvisionnement du 30 juillet 2018 portait sur une quantité déterminée d'achat, soit 9020 cols par an, pour un chiffre d'affaires annuel de 20.750 € (page 3 de la convention).
Le non-respect de la convention, qui ouvrait droit à application de la clause pénale, ne pouvait être connu, compte tenu d'un objectif d'achat annuel, qu'à l'issue d'au moins une année d'application, c'est à dire à compter d'août 2009 de sorte que la prescription quinquennale, qu'elle résulte de l'article 2224 du Code civil ou de l'article L 110-4 du Code de commerce, ne pouvait, en tout état de cause, pas courir avant cette date.
L'action engagée le 5 mai 2014, moins de cinq ans avant la date anniversaire du contrat, n'apparaît donc pas prescrite.
Concernant le défaut de cause, si, au visa de l'article 1131 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat, l'obligation sans cause ne peut avoir aucun effet, il ressort en l'espèce des pièces produites :
- que « FRANCE BOISSONS SUD OUEST a accepté de remettre à la BRASSERIE DE SAINT OMER, à titre de garantie consentie au revendeur une somme de 1.750 € correspondant à 3,50 % du montant en principal du prêt de 50.000 € cautionné par la BRASSERIE DE SAINT OMER, ce versement constituant une condition de l'octroi du prêt accordé à la SARL CCM 31 » (p.2 du contrat),
- qu'il était en outre précisé que « cette contrepartie est un avantage économique et financier réel » déterminant le consentement du revendeur (p.2 du même contrat).
Le contrat apparaissait en conséquence causé en ce qu'il prévoyait des contreparties à l'engagement de la société CCM 31.
Pour prétendre à une absence de cause, cette société ne saurait faire valoir que le crédit était déjà accordé à la date de signature du contrat d'approvisionnement alors même :
- qu'une convention a été signée entre la BRASSERIE DE SAINT OMER, caution du prêt litigieux, et la société FRANCE BOISSONS MIDI PYRENEES aux termes de laquelle cette dernière s'est engagée à verser à la caution du prêt un chèque de 3.620,72 €, en garantie de l'engagement de caution, étant produit au bon de paiement en date du 22 avril 2008 (pièce 17 et 18 de l'intimée),
- que le prêt souscrit par la société CCM 31 rappelait au demeurant le contrat d'approvisionnement litigieux et indiquait en paragraphe 3, comme condition essentielle du cautionnement de la BRASSERIE DE SAINT OMER, que l'emprunteur se fournisse auprès de « FB MIDI PYRENEES à PORTET/GARONNE »,
- qu'il est ainsi établi l'octroi d'un cautionnement lié à la conclusion du contrat d'approvisionnement en question.
Si l'appelante produit des attestations (pièces n° 28 à 40) mentionnant, pour certaines, que la société CCM 31 se fournissait depuis 2008 auprès de la société CAFES R., aucune de ces attestations ne démontre que la société FRANCE BOISSONS avait connaissance de l'engagement de CCM 31 auprès d'un autre fournisseur, le fait qu'un salarié de la société CAFES R. mentionne que les livreurs des deux sociétés se croisaient parfois ne démontrant pas le contraire.
Au surplus, le bon de dépôt de matériel émanant des CAFES R. (pièce n° 9) produit par l'appelante, est daté du 12 août 2008 de sorte que la société CCM 31 ne démontre pas davantage que le contrat conclu avec les CAFES R. était antérieur à celui critiqué.
Concernant l'existence d'une contrepartie dérisoire, il sera observé que l'article 1169 du Code civil, dont se prévaut l'appelant, n'est applicable qu'à compter d'octobre 2016 alors même que le contrat est antérieur.
Il en est de même de l'article 1171 du même code, également invoqué, qui répute non écrite, dans les seuls contrats d'adhésion, toute clause non négociable qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, un tel article n'étant pas applicable à la date de conclusion du contrat, n'étant au demeurant pas démontré que le contrat litigieux, conclu entre deux sociétés commerciales, était un contrat d'adhésion.
Par ailleurs, les éléments précités démontrent que le cautionnement du prêt accordé à la société CCM 31 par la BRASSERIE DE SAINT OMER était subordonné à la conclusion du contrat d'approvisionnement litigieux, qu'il comportait un engagement de payer de la part de FRANCE BOISSONS, de sorte qu'il ne peut être soutenu que la contrepartie était dérisoire.
Surabondamment, à supposer que l'appelante soit fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 442-1 du Code de commerce, anciennement L. 442-6, ce qu'elle ne fait pas, de tels articles ne peuvent appuyer, en présence d'un déséquilibre significatif entre droits et obligations, qu'une demande en dommages et intérêts et à la condition de rapporter la preuve d'un préjudice.
La demande en nullité sera en conséquence écartée.
Concernant la responsabilité de la société FRANCE BOISSONS, la société CCM 31 ne justifie par aucune pièce d'une faute ou d'un préjudice.
Elle ne justifie pas du déséquilibre significatif qu'elle invoque, ne produit aucun contrat concurrent démontrant que la clause pénale prévue en l'espèce (fixation d'une indemnité à 20 % du chiffre d'affaires) était excessive ou même peu usuelle.
L'appelante ne justifie non plus que la quantité d'achat fixée (9020 cols ou 20.750 € par an) était excessive au regard de son activité, étant observé qu'elle ne produit aucun document comptable probant pour justifier de son activité réelle, de son chiffre d'affaires ou de ses résultats.
Les parties reconnaissaient par ailleurs, aux termes du contrat, que le prix de la fourniture était celui de la libre concurrence, « usuellement pratiqué avec des clients de même nature dans la région où se trouve le fonds du revendeur », les mêmes parties déclarant « avoir eu connaissance et accepté les prix et conditions générales de vente ».
Aucun élément n'est produit pour démontrer des prix excessifs.
La société appelante ne saurait indiquer que la clause pénale ne pouvait être appliquée que sur la livraison de café alors même qu'il résulte des pièces n° 21 et 22 de l'intimée que l'engagement ne portait pas uniquement sur le café, étant constatée une insuffisance des commandes globales
Enfin, la société CCM 31 ne justifie ni même n'allègue de manquements contractuels résultant, par exemple, d'un défaut de livraison ou d'une fourniture défectueuse de boissons.
La demande en responsabilité, formée pour la première fois en cause d'appel, sera en conséquence écartée et c'est à bon droit que le tribunal a condamné l'appelante à payer les sommes exigibles en vertu du contrat, n'étant pas démontré le caractère excessif de la clause pénale.
Concernant les demandes reconventionnelles de la société FRANCE BOISSONS, les contrats de mise à disposition signés (pièces n° 5 à 7) prévoyaient que le fournisseur pourrait exiger, en cas de résiliation de la convention, soit la restitution du matériel soit un remboursement de sa valeur sous déduction d'une valeur annuelle déterminée pour chaque contrat.
Les demandes formées par la société FRANCE BOISSONS à ce titre sont conformes aux stipulations contractuelles de sorte qu'elles seront également accueillies.
L'équité ne commande pas application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Succombant, la société CCM 31 supportera les dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de TOULOUSE du 31 octobre 2017 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Rejette la demande en responsabilité formée par la SARL CCM 31.
Condamne la SARL CCM 31 à payer à la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST la somme 1.200 € TTC correspondant à la valeur non amortie de la machine à café mise à disposition.
Condamne la SARL CCM 31 à payer à la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST la somme 2.160,60 € TTC correspondant à la valeur non amortie de l'enseigne mise à disposition.
Condamne la SARL CCM 31 à payer à la SARL FRANCE BOISSONS LOIRE SUD OUEST la somme 144 € TTC correspondant à la valeur non amortie des chaises mises à disposition.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Condamne la SARL CCM 31 aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP C. C.-P.
Rejette toutes demandes plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5858 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Exclusion explicite
- 5942 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Commercialisation et distribution
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)