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CA VERSAILLES (3e ch.), 21 octobre 2021

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 21 octobre 2021
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 19/05322
Date : 21/10/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/07/2019
Référence bibliographique : 5855 (notion de non professionnel, association), 6979 (non professionnel, L. 21 février 2017, application dans le temps), 6392 (contrats interdépendants incluant une location financière), 5712 (obligation de mise en cause), 6942 (L. 21 févr. 2017, application dans le temps)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9220

CA VERSAILLES (3e ch.), 21 octobre 2021 : RG n° 19/05322 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Aux termes de l'article L. 212-2 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016, les dispositions de l'article L. 212-1 (définissant les clauses abusives) sont applicables aux contrats conclus entre des professionnels et de non-professionnels.

Selon l'article liminaire du code de la consommation dans sa version résultant de l'ordonnance du 14 mars 2016, applicable à compter du 1er juillet 2016, le non-professionnel est toute personne morale qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

Cette définition a été modifiée par la loi n° 2017-203 du 21 février 2017 de ratification qui prévoit que le non-professionnel est une personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles. Cependant, la loi de ratification ne contient pas de disposition transitoire concernant cette modification qui n'est pas qualifiée d'interprétative par ladite loi et qui ne présente pas un tel caractère, s'agissant d'une définition différente, n'ayant pas le même effet. Partant, la définition du non-professionnel résultant de cette loi entrée en vigueur le 23 février 2017 ne saurait être appliquée au contrat litigieux, conclu le 20 août 2016.

L'association intimée est une personne morale qui a agi à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, puisqu'elle n'a pas de telles activités. En effet, il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une association à but non lucratif, dont rien n'établit qu'elle développe une activité rémunérée. Elle doit donc être considérée comme un non-professionnel, peu important que le contrat signé fasse état de location de biens à usage professionnel. Les dispositions relatives aux clauses abusives se trouvent dès lors applicables, dont l'article R. 212-2 3° du code de la consommation cité par l'intimée, étant précisé qu'aux termes de l'article R. 212-5 dudit code, les dispositions des articles R. 212-1 à R. 212-4 sont également applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels. »

2/ « L'article R. 212-2 du code de la consommation dispose : Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (...) 3° Imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné.

En l'espèce, les conditions générales de location longue durée stipulent en leur article 11.1 : […]

L'article 12-2 des conditions générales de maintenance produites par l'association prévoit : […]

L'article 12-3 des conditions générales de maintenance stipule : […]

Le contrat de maintenance n'est pas produit par l'intimée mais il résulte des conditions générales qu'il lie le revendeur, soit Xerox, à la locataire et que le paiement de l'intégralité du forfait de maintenance et des pages dues ainsi que de la pénalité institués par ces clauses l'est en faveur du revendeur. Celui-ci n'ayant pas été appelé en la cause, la demande visant à déclarer abusives lesdites clauses ne saurait être accueillie.

Il résulte de l'article 11.1 des conditions générales de location que dans tous les cas de résiliation anticipée du contrat, le locataire est redevable de l'indemnité de résiliation, même dans l'hypothèse d'une résiliation anticipée qui ne fait suite à aucun manquement de sa part, comme en cas de résiliation anticipée à son initiative (autorisée par l'article 10 des conditions générales sous réserve de l'accord de la société Grenke location et du paiement des sommes visées à l'article 11) ou de résiliation judiciaire qui peut être motivée par l'inexécution des obligations incombant à la société Grenke location. Ainsi, selon la clause critiquée, cette dernière est dans tous les cas, y compris lorsque la résiliation anticipée du contrat est étrangère à un manquement du locataire et résulte exclusivement d'une défaillance de sa part, la bénéficiaire de cette indemnité, qui lui garantit notamment le paiement intégral des loyers jusqu'au terme prévu du contrat et une pénalité de 10 %.

En ce sens, la clause litigieuse a, à l'évidence, pour effet de créer, au détriment du consommateur ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la circonstance qu'une clause des conditions générales (l'article 3) prévoit que le bailleur cède les droits et actions qu'il détiendrait contre le fournisseur à raison d'un retard, d'une non conformité, d'un défaut ou vice affectant les produits n'ayant pas pour effet de faire disparaître ou d'amoindrir ce déséquilibre significatif.

De plus, dans l'hypothèse où la résiliation anticipée fait suite à un manquement du locataire, comme un défaut de paiement de loyers, l'indemnité de résiliation s'analyse en une clause pénale, ce que ne conteste pas la société Grenke location. Une telle clause vise à indemniser la bailleresse du préjudice effectivement subi.

Or, l'indemnité, qui comprend le paiement de tous les loyers restant à échoir jusqu'au terme convenu du contrat majorés de 10 %, sans tenir aucun compte des loyers déjà payés, du moment où survient la résiliation, de la durée d'utilisation du matériel, de sa valeur résiduelle ou de revente apparaît manifestement disproportionnée.

La bailleresse ne rapporte pas la preuve contraire, en particulier dans le cas d'espèce. Le contrat devait durer 63 mois. La société Grenke location prouve avoir payé le matériel 23 378,24 euros TTC. Le loyer a été acquitté du mois de septembre 2016 au mois de juin 2017, soit pendant 10 mois, ce qui représente la somme de 4 512 euros et un déficit pour la bailleresse par rapport au prix d'achat de 18 866,24 euros. Or, la seule somme réclamée au titre des loyers hors taxe à échoir est de 18 800 euros. Et la société Grenke location ne justifie pas de la valeur vénale du matériel et du prix retiré de son éventuelle revente, étant souligné que le matériel n'a été utilisé que pendant environ une année et qu'aucune dégradation du bien n'est alléguée, de sorte que sa dépréciation est nécessairement limitée. Le caractère abusif de la clause est à cet égard aussi constitué.En conséquence, il convient de juger que la clause 11.1 des conditions générales de location est abusive et réputée non écrite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/05322. N° Portalis DBV3-V-B7D-TLAR. Code nac : 00A. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES, 2e ch. : R.G. n° 18/07288.

LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SAS GRENKE LOCATION

N° SIRET : XXX, [...], [...], [...], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Mélina P., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 24624, Représentant : Maître Zahra A.-K., Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire : 149

 

INTIMÉE :

ASSOCIATION ENTRAIDE AUX ORPHELINS DE CENTRAFRIQUE

N° SIRET : YYY [...], [...], représentée par sa présidente, Madame X., Représentant : Maître Manoha B., Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 318 - N° du dossier A13/2009 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/ZZZ du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 2 juillet 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-José BOU, Président, Madame Françoise BAZET, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société Grenke location et l'association Entraide aux orphelins de Centrafrique, ci-après l'association, ont conclu le 20 août 2016 un contrat de location longue durée portant sur un copieur Xerox 6655, moyennant le paiement de 63 loyers mensuels de 376 euros HT.

Par lettre du 15 septembre 2017, la société Grenke location a mis en demeure l'association de lui payer la somme de 1.402,70 euros au plus tard le 30 septembre 2017, à défaut de quoi le contrat serait résilié. Selon une nouvelle lettre du 16 octobre 2017, la société Grenke location a avisé l'association de la résiliation du contrat et lui a réclamé le paiement de la somme de 20.661,81 euros.

Par acte d'huissier du 26 septembre 2018, la société Grenke location a assigné l'association devant le tribunal de grande instance de Versailles en paiement.

Par jugement réputé contradictoire du 16 mai 2019, le tribunal a :

- condamné l'association à payer à la société Grenke location la somme de 6.821,81 euros outre les intérêts au taux légal majoré de 0,2 point à compter du 16 octobre 2016,

- ordonné la capitalisation des intérêts qui seront dus pour une année entière à compter de la date de l'assignation,

- condamné l'association à restituer à ses frais, le copieur Xerox 6655,

- condamné l'association aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître L.,

- condamné l'association à payer à la société Grenke location la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté la société Grenke location du surplus de ses demandes.

Suivant déclaration du 18 juillet 2019, la société Grenke location a interjeté appel du jugement en ses dispositions ayant condamné l'association au paiement de la somme principale de 6 821,81 euros et de celle de 500 euros au titre de l'indemnité procédure ainsi qu'à restituer le matériel.

Par arrêt du 26 novembre 2020, la cour a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 10 décembre 2020.

[*]

La société Grenke location prie la cour, par dernières conclusions du 9 juin 2021, de :

- déclarer la société Grenke location recevable et bien fondée en son appel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* constaté la résiliation de plein droit du contrat de location aux torts et griefs de l'association,

* condamné l'association à payer à la société Grenke location la somme de 1.821,81 euros,

- réformer, respectivement infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- débouter l'association de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

en conséquence, statuant à nouveau :

- condamner l'association à payer à la société Grenke location la somme de :

* 20.680 euros assortie des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 16 octobre 2017, date de la dernière sommation extrajudiciaire au titre de l'indemnité de résiliation,

* 40 euros au titre des frais de recouvrement,

- condamner l'association à payer à la société Grenke location une indemnité de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal en sus au titre de la procédure de première instance et la somme de 3.000 euros au titre de la procédure d'appel,

- condamner l'association aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Par dernières écritures du 10 juin 2021, l'association prie la cour de :

sur l'appel principal de la société Grenke location :

- déclarer que les articles 12-2 et 12-3 des conditions générales de maintenance et l'article 11.1 des conditions générales de location sont abusifs,

- dire que lesdites clauses sont réputées non écrites,

- débouter la société Grenke location de l'ensemble de ses demandes visant à la confirmation et à la réformation du jugement,

sur l'appel incident de l'association :

- déclarer l'association recevable et bien fondée en sa demande,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

- déclarer que les articles 12-2 et 12-3 des conditions générales de maintenance et l'article 11.1 des conditions générales de location sont abusifs,

- dire que lesdites clauses sont réputées non écrites,

- dire qu'aucune indemnité de résiliation n'est due par l'association, les clauses la prévoyant étant réputées non écrites,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de location aux torts exclusifs de la société Grenke location au 13 juillet 2017,

- dire que l'association n'est redevable d'aucun arriéré,

- condamner la société Grenke location à verser à l'association la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- enjoindre la société Grenke location à récupérer à ses frais le matériel Xerox 6655,

- débouter la société Grenke location de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Grenke location à payer à Me B. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

- condamner la société Grenke location aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le tribunal a retenu que le défaut de paiement des loyers justifiait la résiliation du contrat et la condamnation de l'association à régler les loyers échus impayés. Il a ramené le montant de la somme réclamée en application de l'article 11.1 des conditions générales à 5.000 euros, considérant qu'il s'agissait d'une clause pénale et qu'elle devait être réduite faute de justification que la défenderesse avait été correctement avertie des sanctions encourues. Il a jugé les frais de recouvrement non justifiés. Il a réduit la majoration du taux de l'intérêt légal, analysée aussi en une clause pénale, comme étant manifestement excessive, la ramenant à 0,2 points. Il a rejeté la demande d'astreinte, l'échec d'un essai amiable de restitution n'étant pas avéré.

Devant la cour, la société Grenke location sollicite la confirmation du jugement ayant constaté la résiliation de plein droit du contrat tandis que l'association demande le prononcé de sa résiliation judiciaire au 13 juillet 2017, soit antérieurement à la date d'effet de la résiliation de plein droit invoquée par la société Grenke location. Il convient dès lors d'examiner d'abord la demande de l'association.

 

Sur la résiliation judiciaire du contrat au 13 juillet 2017 :

Au visa de l'article 1217 du code civil, l'association soutient que la société Grenke location a manqué gravement à ses obligations en opérant deux prélèvements pour le loyer de janvier 2018 (en fait janvier 2017), en n'effectuant que partiellement le remboursement de cet indu et seulement deux mois plus tard ainsi qu'en la relançant pour des loyers payés.

La société Grenke location conteste toute manœuvre fautive. Elle prétend que le second prélèvement de janvier 2017 correspond aux frais d'assurance et que la lettre de relance du 12 juin 2017 a été motivée par le rejet du prélèvement effectué au titre du mois de mai 2017.

* * *

En application de l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige dès lors que le contrat a été conclu avant le 1er octobre 2016, la résolution judiciaire du contrat suppose une inexécution d'une gravité suffisante.

Il résulte du relevé du compte bancaire de l'association que le 2 janvier 2017, deux prélèvements ont été opérés au profit de la société Grenke location, l'un de 451,20 euros et l'autre de 642,90 euros.

Il est constant que le premier prélèvement correspond au loyer mensuel de janvier 2017.

La société Grenke location soutient que le second représente les frais d'assurance. Cette explication est corroborée par les pièces versées aux débats. En effet, l'article 9 des conditions générales de location longue durée prévoit que le locataire a l'obligation d'assurer à ses frais les produits loués et que « le locataire peut s'assurer auprès de la compagnie de son choix, toutefois si dans les 6 semaines suivant la prise d'effet du contrat, il n'a pas envoyé d'attestation d'assurance au bailleur, ce dernier intégrera les produits loués au contrat cadre d'assurance dommages du bailleur aux frais du locataire ». L'appelante verse en outre aux débats la lettre adressée par elle le 9 septembre 2016 à la locataire aux termes de laquelle elle lui a rappelé ces stipulations, lui indiquant qu'à défaut d'envoi dans le délai prévu de l'attestation d'assurance, les frais d'assurance seraient exigibles, soit 642,90 euros pour une année complète correspondant exactement à la somme prélevée litigieuse.

Or, l'association ne justifie pas avoir souscrit une assurance auprès d'une société de son choix. La circonstance que la société Grenke location ait procédé le 8 mars 2017 à un virement de 560,75 euros au profit de l'association ne permet pas de déterminer qu'il s'agit d'un remboursement partiel de la somme de 642,90 euros et de remettre en cause le bien-fondé de l'explication fournie par la société Grenke location, étant souligné par ailleurs que l'association ne critique pas l'obligation d'assurance instituée par le contrat.

Le 12 juin 2017, la société Grenke location a adressé une lettre de rappel à l'association, concernant le loyer mensuel du mois de mai 2017.

L'association prétend qu'en réalité, ce loyer avait été régulièrement prélevé mais n'en justifie pas, faute de produire son relevé de compte bancaire du mois de mai 2017, alors que la société Grenke soutient que ce prélèvement avait été rejeté par l'établissement bancaire de l'association.

Le caractère injustifié du second prélèvement de janvier 2017 et de la lettre de relance du 12 juin 2017 n'est donc pas établi. A défaut de tout autre manquement invoqué, l'association sera déboutée de sa demande de résiliation.

 

Sur la résiliation de plein droit du contrat :

La société Grenke location sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la résiliation de plein droit du contrat de location, arguant avoir rempli toutes ses obligations au contraire de l'association qui n'a pas exécuté son obligation de paiement aux échéances convenues.

L'association réplique que compte tenu des manquements de la société Grenke location, elle n'a eu d'autre choix que d'arrêter les prélèvements automatiques et que la société Grenke location doit être déboutée de sa demande.

* * *

En application de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Les conditions générales du contrat de location prévoient en leur article 10 qu'en cas de retard de paiement de 3 loyers consécutifs ou non, ou d'un loyer trimestriel, le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur par courrier recommandé adressé au locataire.

Par lettre recommandée datée du 15 septembre 2017 reçue par l'association le 19 septembre 2017, la société Grenke location a mise en demeure l'association de lui payer la somme de 1 402,70 euros, représentant trois mois de loyer outre des frais de recouvrement, lui précisant qu'à défaut de paiement pour le 30 septembre suivant, le contrat serait résilié conformément à ses conditions générales.

Il est constant que l'association ne s'est pas exécutée dans le délai qui lui a été laissé pour faire obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire. Les manquements de la bailleresse invoqués par l'association pour justifier son abstention ne sont pas établis ainsi qu'il résulte des énonciations précédentes. Par suite, et comme la société Grenke location s'en est prévalue dans sa lettre recommandée datée du 16 octobre 2017, reçue le 19 octobre 2017, le contrat de location s'est trouvé de plein droit résilié.

 

Sur les conséquences de la résiliation anticipée du contrat :

La société Grenke location réclame le paiement de la somme de 1.821,81 euros comprenant les loyers échus impayés et celle de 20.680 euros en application de l'article 11.1 des conditions générales.

L'association s'y opposant en se prévalant en premier lieu du caractère abusif de cette clause ainsi que des articles 12-2 et 12-3 des conditions générales de maintenance au visa des articles L. 212-1 et suivants du code de la consommation, il convient d'abord d'examiner ce moyen, qui suppose préalablement de déterminer si l'association est en droit de se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives.

 

1. Sur l'application des dispositions relatives aux clauses abusives :

La société Grenke location soutient que le contrat a un lien direct avec l'activité professionnelle de l'association, le copieur ayant été loué pour les besoins de celle-ci. Elle en déduit qu'il ne peut être fait application des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives au bénéfice de l'association.

Celle-ci réplique qu'elle est une association à but non lucratif et que son activité, de collecte d'objets de puériculture ou de vêtements usagés aux fins de distribution en Centrafrique, est sans rapport avec la location de matériels de reprographie. Elle affirme n'avoir aucune activité professionnelle ou économique et que la collecte ainsi que l'acheminement des effets susvisés ne nécessitent pas l'usage d'un copieur.

* * *

Aux termes de l'article L. 212-2 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016, les dispositions de l'article L. 212-1 (définissant les clauses abusives) sont applicables aux contrats conclus entre des professionnels et de non-professionnels.

Selon l'article liminaire du code de la consommation dans sa version résultant de l'ordonnance du 14 mars 2016, applicable à compter du 1er juillet 2016, le non-professionnel est toute personne morale qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

Cette définition a été modifiée par la loi n° 2017-203 du 21 février 2017 de ratification qui prévoit que le non-professionnel est une personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles. Cependant, la loi de ratification ne contient pas de disposition transitoire concernant cette modification qui n'est pas qualifiée d'interprétative par ladite loi et qui ne présente pas un tel caractère, s'agissant d'une définition différente, n'ayant pas le même effet. Partant, la définition du non-professionnel résultant de cette loi entrée en vigueur le 23 février 2017 ne saurait être appliquée au contrat litigieux, conclu le 20 août 2016.

L'association intimée est une personne morale qui a agi à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, puisqu'elle n'a pas de telles activités. En effet, il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une association à but non lucratif, dont rien n'établit qu'elle développe une activité rémunérée. Elle doit donc être considérée comme un non-professionnel, peu important que le contrat signé fasse état de location de biens à usage professionnel. Les dispositions relatives aux clauses abusives se trouvent dès lors applicables, dont l'article R. 212-2 3° du code de la consommation cité par l'intimée, étant précisé qu'aux termes de l'article R. 212-5 dudit code, les dispositions des articles R. 212-1 à R. 212-4 sont également applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels.

 

2. Sur le caractère abusif des clauses :

La société Grenke location s'oppose à la demande visant à déclarer réputées non écrites les clauses contestées. Elle souligne qu'elles ont été librement consenties et conteste leur caractère abusif ou excessif, arguant qu'elle a effectué l'investissement aux lieu et place du locataire, que l'indemnité de résiliation a pour but d'assurer l'équilibre économique du contrat, que le prix de la location ne tient pas compte de la maintenance et des consommables dont le locataire doit faire son affaire personnelle, que la dépréciation de la valeur du matériel est sans incidence sur l'indemnité de résiliation anticipée et que les loyers versés ont pour but de permettre le remboursement du prix mais également, naturellement, la réalisation d'un bénéfice.

L'association rétorque que les clauses incriminées des conditions générales de maintenance et de location imposent au locataire, pour toute rupture anticipée du contrat, le paiement de toutes les sommes dues jusqu'au terme du contrat ainsi qu'une pénalité égale à 10% de ces sommes, à titre d'indemnité de résiliation. Elle invoque le déséquilibre créé au détriment du locataire qui est tenu à cette indemnité même lorsqu'il a des raisons de résilier le contrat et le montant disproportionné des indemnités ne tenant compte ni de la valeur résiduelle du matériel, ni des frais dont le bailleur est déchargé.

* * *

Aux termes de l'article L. 212.1 du code de la consommation, en vigueur à la date du contrat :

Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s 'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Un décret pris dans les mêmes conditions, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

L'article R. 212-2 du code de la consommation dispose :

Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :

(...) 3° Imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné.

En l'espèce, les conditions générales de location longue durée stipulent en leur article 11.1 :

Conséquences de la terminaison anticipée du contrat :

En cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l'article précédent ou en cas de résiliation judiciaire du contrat ou de prononcé judiciaire de sa caducité et, plus généralement, en cas de terminaison anticipée du contrat, quel qu'en soit le motif ou le fondement, le locataire restera tenu de payer au bailleur, en compensation du préjudice subi, les loyers échus, les intérêts de retard de paiement éventuels restant dus, et les loyers à échoir jusqu'au terme initialement prévu du contrat pour la période contractuelle en cours majorés de 10 % à titre de sanction. Les intérêts commenceront à courir à compter de la première présentation au locataire de la lettre de résiliation.

L'article 12-2 des conditions générales de maintenance produites par l'association prévoit :

Les parties reconnaissent que la durée du contrat est une condition déterminante à l'origine d'une grille tarifaire adaptée à cette durée et au volume de pages négocié et qui a entraîné l'obligation de maintenir un stock de pièces détachées, de consommables et la mobilisation d'équipes de techniciens qualifiés et compétents. Toute rupture anticipée entraînerait un déséquilibre de l'économie du contrat au détriment du revendeur qui exigera, outre le paiement de toutes sommes dues, le paiement de l'intégralité du forfait de maintenance et des pages dues jusqu'au terme de la durée initialement prévue au bon de commande. Le volume de pages dû correspond à la moyenne réalisée pendant la durée l'exécution de la maintenance ou, à défaut de relevé compteurs, à l'estimation, le minimum retenu ne pouvant pas être inférieur à l'engagement de volume figurant sur le bon de commande le cas échéant. Le coût page unitaire appliqué sera celui de l'année en cours.

L'article 12-3 des conditions générales de maintenance stipule :

En outre le client sera redevable envers le revendeur d'une pénalité égale à 10 % du montant du forfait de maintenance et des pages dus jusqu'au terme de la durée initialement prévue au bon de commande.

Le contrat de maintenance n'est pas produit par l'intimée mais il résulte des conditions générales qu'il lie le revendeur, soit Xerox, à la locataire et que le paiement de l'intégralité du forfait de maintenance et des pages dues ainsi que de la pénalité institués par ces clauses l'est en faveur du revendeur. Celui-ci n'ayant pas été appelé en la cause, la demande visant à déclarer abusives lesdites clauses ne saurait être accueillie.

Il résulte de l'article 11.1 des conditions générales de location que dans tous les cas de résiliation anticipée du contrat, le locataire est redevable de l'indemnité de résiliation, même dans l'hypothèse d'une résiliation anticipée qui ne fait suite à aucun manquement de sa part, comme en cas de résiliation anticipée à son initiative (autorisée par l'article 10 des conditions générales sous réserve de l'accord de la société Grenke location et du paiement des sommes visées à l'article 11) ou de résiliation judiciaire qui peut être motivée par l'inexécution des obligations incombant à la société Grenke location. Ainsi, selon la clause critiquée, cette dernière est dans tous les cas, y compris lorsque la résiliation anticipée du contrat est étrangère à un manquement du locataire et résulte exclusivement d'une défaillance de sa part, la bénéficiaire de cette indemnité, qui lui garantit notamment le paiement intégral des loyers jusqu'au terme prévu du contrat et une pénalité de 10%.

En ce sens, la clause litigieuse a, à l'évidence, pour effet de créer, au détriment du consommateur ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la circonstance qu'une clause des conditions générales (l'article 3) prévoit que le bailleur cède les droits et actions qu'il détiendrait contre le fournisseur à raison d'un retard, d'une non conformité, d'un défaut ou vice affectant les produits n'ayant pas pour effet de faire disparaître ou d'amoindrir ce déséquilibre significatif.

De plus, dans l'hypothèse où la résiliation anticipée fait suite à un manquement du locataire, comme un défaut de paiement de loyers, l'indemnité de résiliation s'analyse en une clause pénale, ce que ne conteste pas la société Grenke location. Une telle clause vise à indemniser la bailleresse du préjudice effectivement subi.

Or, l'indemnité, qui comprend le paiement de tous les loyers restant à échoir jusqu'au terme convenu du contrat majorés de 10 %, sans tenir aucun compte des loyers déjà payés, du moment où survient la résiliation, de la durée d'utilisation du matériel, de sa valeur résiduelle ou de revente apparaît manifestement disproportionnée.

La bailleresse ne rapporte pas la preuve contraire, en particulier dans le cas d'espèce. Le contrat devait durer 63 mois. La société Grenke location prouve avoir payé le matériel 23 378,24 euros TTC. Le loyer a été acquitté du mois de septembre 2016 au mois de juin 2017, soit pendant 10 mois, ce qui représente la somme de 4 512 euros et un déficit pour la bailleresse par rapport au prix d'achat de 18 866,24 euros. Or, la seule somme réclamée au titre des loyers hors taxe à échoir est de 18 800 euros. Et la société Grenke location ne justifie pas de la valeur vénale du matériel et du prix retiré de son éventuelle revente, étant souligné que le matériel n'a été utilisé que pendant environ une année et qu'aucune dégradation du bien n'est alléguée, de sorte que sa dépréciation est nécessairement limitée.

Le caractère abusif de la clause est à cet égard aussi constitué.

En conséquence, il convient de juger que la clause 11.1 des conditions générales de location est abusive et réputée non écrite.

Il s'ensuit que la société Grenke location sera déboutée de sa demande en paiement des loyers à échoir majorés fondée sur cette clause. En revanche, l'association doit être condamnée au paiement des loyers échus qui restent dus indépendamment de cette clause, le contrat devant être exécuté jusqu'à sa résiliation, soit 1 804,80 euros.

Si la société Grenke location reproche au tribunal d'avoir réduit la majoration de l'intérêt légal (de 5 points) en cas de retard de paiement prévue par l'article 4.3 des conditions générales pour violation du principe de la contradiction, elle ne conteste pas qu'il s'agit bien d'une clause pénale et elle a été en mesure de faire valoir ses observations sur ce point devant la cour. Cette majoration très importante qui s'applique dès la sommation apparaît manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi résultant du seul retard dans le paiement. Elle sera réduite à 0,5 points. L'association sera donc condamnée à payer la somme de 1.804,80 euros avec intérêts au taux légal majoré de 0,5 points à compter du 19 octobre 2017, date de réception de la mise en demeure datée du 16 octobre 2017.

L'association sera également condamnée à payer la somme de 40 euros au titre de l'indemnité de recouvrement conformément à l'article 17 des conditions générales de location.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association à restituer le matériel à ses frais, conformément à l'article 13 des conditions générales de location.

 

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral :

Il résulte des énonciations précédentes que les manquements invoqués contre la société Grenke location tenant à des prélèvements et relances injustifiés ne sont pas fondés. De plus, la réalité d'un préjudice moral éprouvé par l'association du fait des prétendues fautes de la société Grenke location n'est étayée par aucun élément. Cette demande sera rejetée.

 

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association aux dépens de première instance, celle-ci succombant au moins pour partie. Mais les dépens d'appel seront laissés à la charge de la société Grenke location, qui échoue pour l'essentiel en son recours. Il n'y a pas lieu à condamnation au titre des frais non compris dans les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné l'association Entraide aux orphelins de Centrafrique à restituer à ses frais le matériel Xerox 6655 et aux dépens ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :

Dit que la clause 11.1 des conditions générales de location de longue durée est abusive et réputée non écrite ;

Condamne l'association Entraide aux orphelins de Centrafrique à payer à la société Grenke location les sommes de :

- 1.804,80 euros au titre des loyers échus impayés avec intérêts au taux légal majoré de 0,5 points à compter du 19 octobre 2017 ;

- 40 euros au titre des frais de recouvrement ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Grenke location aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                                       Le Président,