CA LYON (6e ch.), 18 novembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9260
CA LYON (6e ch.), 18 novembre 2021 : RG n° 21/02539
Publication : Jurica
Extrait : « Conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au 14 juin 2004, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment des non-professionnels ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'article préliminaire du code de la consommation précise en outre que pour son application, on entend par consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
En l'espèce, la SCI Nobilis prétend qu'en sa qualité de non professionnelle, elle est recevable à se prévaloir du caractère abusif de la clause de remboursement du prêt en devise figurant au contrat régularisé le 14 juin 2004 avec la Banque Populaire des Alpes. Cette dernière lui oppose le fait qu'elle est une personne morale qui a souscrit un prêt à des fins professionnelles, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de ces dispositions.
Or, la SCI Nobilis, en sa qualité de personne morale, ne peut être qualifiée de consommateur.
Par ailleurs, et nonobstant les affirmations contraires de l'appelante, la SCI Nobilis a une activité d'achat et de mise en location de bien immobilier comme en atteste la lecture de ses statuts desquels il résulte qu'elle a pour objet social « l'acquisition par voie d'apports ou d'achat, la prise à bail avec ou sans promesse de vente, la location, l'administration, l'exploitation de tous immeubles bâtis ou non bâtis, de tous droits immobiliers, l'acquisition par voie d'apports ou d'achats et la gestion en commun de valeurs mobilières, parts sociales ou droits immobiliers». Il ressort en outre de la lecture du contrat de prêt que celui-ci a été contracté pour l'acquisition un appartement avec garage, dont il n'est ni allégué ni démontré qu'il était destiné à l'habitation des associés.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'emprunt souscrit pour l'acquisition d'un appartement conformément à l'activité de la SCI Nobilis d'achat et de gestion de tous biens immobiliers, a ainsi été contracté pour les besoins de son activité professionnelle, de sorte que, comme l'a relevé le premier juge, l'appelante n'est pas recevable à agir sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation aux fins de voir réputer non écrite comme abusive la clause relative au remboursement du prêt. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
SIXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/02539. N° Portalis DBVX-V-B7F-NQI3. Décision du TJ de LYON (4e ch.) du 16 mars 2021 : R.G. n° 20/03790
APPELANTS :
M. X.
né le [date] à [ville], [adresse], [...], [...]
Mme Y. épouse X.
née le [date] à [ville], [adresse], [...], [...]
SCI NOBILIS
[...], [...], [...], Représentés par Maître Jacques A. de la SCP JACQUES A. ET PHILIPPE N., avocat au barreau de LYON, toque : 475, assisté de Maître R. de la SARL R. & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIN
INTIMÉE :
BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES
[...], [...], Représentée par Maître Bertrand DE B. de la SELARL DE B., avocat au barreau de LYON, toque : 654, assisté par Maître Christophe F., avocat au barreau de PARIS
Date de clôture de l'instruction : 12 octobre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 octobre 2021
Date de mise à disposition : 18 novembre 2021
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Dominique BOISSELET, président - Evelyne ALLAIS, conseiller - Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée en application d'une ordonnance du 1er président de la Cour d'appel de LYON du 29 juin 2021, assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier. A l'audience, Raphaële FAIVRE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
En vertu d'un acte reçu le 14 juin 2004 par Maître Z., notaire associé à [ville A.], la société Banque Populaire des Alpes, aux droits de laquelle vient la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a consenti à la SCI Nobilis, représentée par Pierrick V. deux prêts immobilier, un prêt en devises in fine représentant la contre-valeur en CHF de la somme de 218.595 euros à taux variable d'une durée de 180 mois et un prêt en euros in fine d'un montant de 218.595 euros à taux fixe d'une durée de 180 mois également.
Ces deux prêts ont été consentis sous le bénéfice :
- d'une hypothèque en 1er rang pour un montant de 437.190 euros sur l'immeuble sis à [...],
- du cautionnement personnel, solidaire et indivisible de Mme Y. à hauteur de 502.768,50 euros,
- du cautionnement personnel, solidaire et indivisible de M. X. à hauteur de 502.768,50 euros,
Les mensualités du 25 décembre 2014 et du 25 janvier 2015 du prêt n° 07044180 n'ont pas été réglées par la SCI Nobilis.
Selon lettre recommandée du 9 novembre 2015,la société Banque Populaire des Alpes, aux droits de laquelle vient la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a dénoncé les concours bancaires consentis à la SCI Nobilis, laquelle a mis en vente le bien immobilier acquis à l'aide des prêts immobiliers consentis par la banque au prix de 500.000 euros ce qui lui a permis de procéder au remboursement anticipé intégral du prêt n° 07043985 débloqué en contre-valeur Francs Suisses et au remboursement anticipé partiel du prêt n° 07044180 souscrit en euros.
Les mensualités du prêt n° 070044180 n'étant plus réglées, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a, le 31 juillet 2017, prononcé la déchéance du terme du prêt.
Par acte d'huissier du 17 juin 2020, la SCI Nobilis, M. X. et Mme Y. ont fait délivrer assignation à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes devant le tribunal judiciaire de Lyon en vue de voir :
- annuler le contrat de prêt en devises,
- ordonner la restitution réciproque des sommes perçues dans leur contrevaleur en euros au jour de leur perception afin de replacer les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la signature du contrat,
Avant dire droit sur le montant des restitutions,
- enjoindre à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de produire un relevé du prêt faisant apparaître toutes les sommes perçues au titre de ce dernier dans leur contrevaleur en euros au jour de la perception et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement avant dire droit,
Une fois le relevé communiqué,
- juger que la SCI Nobilis doit restituer une somme de 218.595 euros à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes,
- condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à restituer à la SCI NOBILIS la somme de 319.900,09 euros représentant la contrevaleur en euros du remboursement intégral en francs suisses du prêt lors de la vente du bien outre la totalité des échéances d'intérêts et assurances, dans leur contrevaleur en euros au moment de leur règlement, perçues entre le déblocage du prêt et son remboursement,
- ordonner une compensation entre les créances réciproques et condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à verser à la SCI Nobilis le solde en sa faveur,
- juger que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes n'a pas respecté son devoir d'information vis-à-vis de la SCI Nobilis et vis-à-vis de Monsieur et Madame X.,
- subsidiairement, juge que le manquement de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à son devoir d'information vis-à-vis de l'emprunteur engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de Monsieur et Madame X.,
- en toute hypothèse, condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à indemniser les préjudices subis par la SCI Nobilis et par Monsieur et Madame X.,
- si la clause de remboursement n'est pas jugée abusive ou s'il n'est pas prononcé l'annulation du contrat de prêt, qu'il fixe le préjudice de la SCI Nobilis à la différence entre les sommes effectivement versés par celle-ci à la Banque Populaire dans leur contrevaleur en euros et les sommes qu'elle aurait eu à verser si le prêt avait été contracté en euros et condamne la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à lui verser cette somme,
- fixer le préjudice matériel et moral subi par Monsieur et Madame X. à la somme de 80.000 euros et condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à lui verser cette somme.
Par conclusions signifiées le 17 novembre 2020, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon d'un incident aux fins de voir :
- déclarer irrecevables les demandes de la SCI Nobilis qui a la qualité d'emprunteur professionnel et ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, ces demandes étant en outre prescrites depuis le 8 mars 2004 et au plus tard depuis le 23 avril 2010,
- déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts des époux X. comme étant prescrite en application des articles 2224 du code civil, L. 110-4 du code de commerce depuis le 8 mai 2004, et au plus tard depuis le 23 avril 2010,
Par ordonnance du 16 mars 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon a :
- déclaré irrecevable l'action de la Sci Nobilis et de Monsieur et Madame X.,
- condamné in solidum la SCI Nobilis, Monsieur et Madame X. à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SCI Nobilis et Monsieur et Madame X. aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 8 avril 2021, Monsieur et Madame X. ainsi que la SCI Nobilis ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle :
- a déclaré irrecevable leur action,
- les a condamné in solidum à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum aux dépens,
[*]
Dans leurs conclusions notifiées par voie dématérialisée le 27 mai 2021, la SCI Nobilis, M. X. et Mme Y. demandent à la Cour, sur le fondement des articles L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au 14 juin 2004, des articles 1231-1, 2224 et 1240 du code civil de :
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon du 16 mars 2021 en ce qu'elle a :
- déclaré irrecevable leur action,
- les ont condamné in solidum à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum aux dépens,
Statuant à nouveau :
- débouter la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de l'ensemble de ses fins de non-recevoir,
- renvoyer le dossier à la mise en état devant le tribunal judiciaire de Lyon,
- condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à leur payer la somme de 5.000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens de l'incident et de l'appel.
[*]
Dans ses conclusions notifiées par voie dématérialisé le 8 juin 2021, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes demande à la Cour sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la consommation (ancien article L. 132-1 alinéa 1), de l'article 2224 du code civil et de l'article L. 110-4 du code de commerce de :
- confirmer l'ordonnance sur incident rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon le 16 mars 2021 en toutes ses dispositions,
- Ce faisant,
- déclarer irrecevable la SCI Nobilis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions pour les motifs exposés dans les présentes écritures,
- déclarer irrecevables comme prescrits, Monsieur et Madame X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions pour les motifs exposés dans les présentes écritures,
- débouter la SCI Nobilis, Monsieur et Madame X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner solidairement la SCI Nobilis, Monsieur et Madame X. à lui payer en complément de l'indemnité de 2.000 euros allouée en première instance, une somme supplémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Bertrand de B., avocat au barreau de Lyon sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
La clôture de la procédure est intervenue le 12 octobre 2021, et l'affaire plaidée le même jour a été mise en délibéré au 18 novembre 2021.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la SCI Nobilis :
Conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au 14 juin 2004, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment des non-professionnels ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'article préliminaire du code de la consommation précise en outre que pour son application, on entend par consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
En l'espèce, la SCI Nobilis prétend qu'en sa qualité de non professionnelle, elle est recevable à se prévaloir du caractère abusif de la clause de remboursement du prêt en devise figurant au contrat régularisé le 14 juin 2004 avec la Banque Populaire des Alpes. Cette dernière lui oppose le fait qu'elle est une personne morale qui a souscrit un prêt à des fins professionnelles, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de ces dispositions.
Or, la SCI Nobilis, en sa qualité de personne morale, ne peut être qualifiée de consommateur.
Par ailleurs, et nonobstant les affirmations contraires de l'appelante, la SCI Nobilis a une activité d'achat et de mise en location de bien immobilier comme en atteste la lecture de ses statuts desquels il résulte qu'elle a pour objet social « l'acquisition par voie d'apports ou d'achat, la prise à bail avec ou sans promesse de vente, la location, l'administration, l'exploitation de tous immeubles bâtis ou non bâtis, de tous droits immobiliers, l'acquisition par voie d'apports ou d'achats et la gestion en commun de valeurs mobilières, parts sociales ou droits immobiliers». Il ressort en outre de la lecture du contrat de prêt que celui-ci a été contracté pour l'acquisition un appartement avec garage, dont il n'est ni allégué ni démontré qu'il était destiné à l'habitation des associés.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'emprunt souscrit pour l'acquisition d'un appartement conformément à l'activité de la SCI Nobilis d'achat et de gestion de tous biens immobiliers, a ainsi été contracté pour les besoins de son activité professionnelle, de sorte que, comme l'a relevé le premier juge, l'appelante n'est pas recevable à agir sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation aux fins de voir réputer non écrite comme abusive la clause relative au remboursement du prêt.
Sur la prescription de l'action en responsabilité pour manquement de la banque à son devoir de conseil :
S'agissant de l'action en responsabilité de la SCI Nobilis :
L'article L. 110-4, I, du code de commerce - dans sa rédaction, antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 applicable en l'espèce - dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
L'article 15 de la loi du 17 juin 2008 a modifié ce texte en ramenant à cinq ans le délai de prescription, qui est désormais celui de droit commun.
Aux termes de l'article 26, II, de cette loi, qui a vocation à s'appliquer en l'espèce, les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
La prescription spécifique de l'article L. 110-4, I du code de commerce, applicable quel que soit le fondement, contractuel ou délictuel, des obligations, n'étant assujettie à aucun régime dérogatoire, sa mise en œuvre relève des règles établies par le code civil, en particulier pour le point de départ de la prescription.
L'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi précitée dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Si les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la prescription s'appliquent immédiatement dans les conditions prévues à l'article 26-II, le point de départ de la prescription demeure déterminé par la loi ancienne, lequel était fixé selon l'article 2270-1 ancien du code civil, à la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation.
Le dommage né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter qui se manifeste, envers l'emprunteur, dès l'octroi des crédits.
En l'espèce, la Sci Nobilis et les époux X., es qualité de caution de la Sci ont assigné la Banque Populaire des Alpes en responsabilité pour manquement de celle-ci à son obligation d'information s'agissant du fonctionnement du prêt en devises et du risque lié à la dépréciation de la monnaie.
La Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes lui oppose la prescription de son action au motif que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consiste en une perte de chance de ne pas contracter qui se manifeste, envers l'emprunteur, dès l'octroi du crédit.
La Sci Nobilis soutient au contraire que le préjudice né du manquement du banquier à son obligation de mise en garde consiste dans une perte de chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, lequel dommage ne survient qu'au moment de la demande de remboursement, et fait valoir qu'elle n'avait aucun moyen au moment de la signature du contrat de prêt in fine en devise d'avoir connaissance du risque de voir les sommes à rembourser en euros augmenter fortement.
Or, si le prêt contracté par la SCI Nobilis par acte du 14 juin 2004 consistait en un prêt in fine, il n'était pas adossé à un placement, de sorte qu'il ne saurait lui être étendu les règles particulières dégagées par la jurisprudence, s'agissant du préjudice et du point de départ du délai de prescription en cas de manquement d'un prestataire de service d'investissement aux obligations d'information, de mise en garde et de conseil auxquelles il peut être tenu à l'égard de son client.
Par ailleurs, l'acte notarié du 14 juin 2004 constatant le prêt litigieux indique que le prêt en devise est un prêt en euros débloqué en contre-valeur francs suisses, que le montant du prêt est donné à titre indicatif, que la contre-valeur en CHF sera déterminée de façon définitive selon le cours de déblocage du prêt à la date de sa réalisation, que le coût total du crédit a été calculé en fonction du montant nominal en euros du prêt et enfin que le montant exact en devises sera défini au moment du dernier déblocage des fonds, en fonction du cours du francs suisse existant à chaque mise à disposition des fonds. Les mêmes mentions figurent également sur l'offre de prêt sous seing privé qui est entièrement annexée à l'acte notarié.
Dès lors, la SCI, dont le gérant, Monsieur V. est familier de la notion de taux de change de part l'ouverture par ce dernier d'un compte « entreprise » en devises suisse pour le remboursement de l'emprunt mais également de part son statut de résident frontalier vivant à [ville D.] et dont les fonctions de directeur induisent un bon niveau de compréhension, était, dès la souscription de l'emprunt, parfaitement informée par les clauses claires et sans ambiguïté du contrat, du caractère non définitif du montant du prêt et de sa soumission aux variations des taux de change entre euros et CHF.
En conséquence, à la date de l'assignation délivrée contre la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, le 17 juin 2020, le délai de prescription de 10 ans, réduit à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, qui a commencé à courir à l'encontre de la SCI Nobilis à la date de la régularisation du contrat le 14 juin 2004, était expiré depuis le 18 juin 2013, dès lors que conformément à l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter de l'entrée en vigueur de ce texte, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
S'agissant de l'action en responsabilité des cautions :
Les époux X., en qualité de cautions de la SCI Nobilis, soutiennent que le préjudice né du manquement du banquier à son obligation de mise en garde consiste dans une perte de chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, lequel dommage ne survient qu'au moment de la demande de remboursement, et font valoir qu'ils n'avaient aucun moyen au moment de la souscription des actes de cautionnement de connaître le risque de voir les sommes à rembourser en euros augmenter fortement.
Or, le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour défaut de mise en garde, exercée par la caution contre la banque, est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui a été adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.
Il convient donc d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter les parties à justifier de la date de mise en demeure de Monsieur et Madame X. par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes d'acquitter les sommes dues au lieu et place de la SCI Nobilis en exécution de l'emprunt au titre de leur engagement de caution.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Déclare prescrite l'action en responsabilité engagée par la SCI Nobilis à l'encontre de la Banque Populaire Auvergne-Rhône-Alpes,
Avant dire droit, sur les autres demandes,
Ordonne la réouverture des débats,
Renvoie l'affaire à la mise en état du 15 février 2022 et invite Monsieur et Madame X. ainsi que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à justifier de la date de mise en demeure de Monsieur et Madame X. par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes d'acquitter les sommes dues au lieu et place de la SCI Nobilis en exécution de l'emprunt au titre de leur engagement de caution, au plus tard le 19 janvier 2022.
Réserve les autres moyens et prétentions des parties ainsi que les dépens,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5821 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Illustrations : Réforme du Code de la consommation - Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
- 5850 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Principes
- 5853 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur tiers au contrat
- 5937 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Prêts
- 5940 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Garanties et sûretés