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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 18 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 18 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 19/00488
Date : 18/11/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 5/01/2019
Référence bibliographique : 5823 (crédit, application dans le temps), 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office), 5725 (R. 632-1, relevé d’office, prescription), 6094 (taille des caractères)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9266

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 18 novembre 2021 : RG n° 19/00488 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le contrat litigieux ayant été conclu le 15 décembre 2008, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010. »

2/ « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit à la consommation qui consacre dans sa lecture pour la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public européen. Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles R. 311-6 et L. 311-13 et la société Financo est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté. »

3/ « Il incombe au prêteur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation. »

4/ « Aux termes de l'article R. 311-6 du code de la consommation, le contrat de crédit doit être rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit. Le corps huit correspond à « 3 mm en points Didot » et il est admis qu'on mesure le corps d'une lettre de la tête des lettres montantes, l, d, b, à la queue des lettres descendantes, g, p, q. Le blanc que l'on remarque d'une ligne à l'autre provient du talus existant entre les lettres qui ne montent ni ne descendent. Il suffit, pour s'assurer du respect de cette prescription réglementaire, de diviser la hauteur en millimètres d'un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu'il contient. Le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.

En l'espèce, il convient de noter que l'appelante ne produit pas à hauteur d'appel l'original de l'offre de crédit ni même un original vierge similaire mais une photocopie dépourvue de bordereau de rétractation, dans un format agrandi qui n'est pas intégralement contenu dans la feuille format A4 puisque le texte est coupé sur le côté gauche des pages 1, 2, 3 et 5. Dès lors, rien ne permet d'infirmer la vérification opérée par le premier juge sur plusieurs paragraphes du contrat produit. Par ailleurs, le rapport d'expertise produit, qui ne concerne nullement le cas de l'espèce, ne revêt aucun caractère probant.

La violation, caractérisée ci-dessus, des dispositions de l'article R. 311-6 précité est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, par application de l'article L. 311-33 al. 1 du code de la consommation, depuis l'origine. En effet, le prêteur doit à peine d'une telle sanction remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par l'article L. 311-13, lequel prévoit qu'un décret, en l'occurrence l'article R. 311-6, précise les caractéristiques du modèle-type. En l'absence d'une ou plusieurs des informations prévues par ce dernier texte, le contrat ne satisfait pas aux conditions légales, et à l'absence de ces informations, il faut assimiler leur mention en caractères insuffisamment lisibles en raison de la typographie utilisée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/00488 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-B7BSB. Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 novembre 2018 - Tribunal d'Instance du RAINCY – R.G. n° 11-18-001432.

 

APPELANTE :

La société FINANCO

société anonyme à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège N° SIRET : XXX [...], [...], [...], représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H. K. H. H., avocat au barreau de l'ESSONNE

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], [...], représenté par Maître Dominique N. L., avocat au barreau de PARIS, toque : B0420, assisté de Maître Philippe G., avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN 371

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], [...], [...], représentée par Maître Dominique N. L., avocat au barreau de PARIS, toque : B0420, assistée de Maître Philippe G., avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN 371

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon offre préalable acceptée le 15 décembre 2008, la société Financo a consenti à M. X. et Mme Y. un prêt accessoire à une vente, d'un montant en capital de 50.000 euros, remboursable en 120 mensualités de 608,52 euros, hors assurance, moyennant un taux d'intérêt annuel de 7,92 % calculé sur les sommes empruntées.

Saisi le 9 août 2018 par la société Financo d'une demande tendant principalement à la condamnation des emprunteurs au paiement d'une somme de 28.555,27 euros, le tribunal d'instance du Raincy, par un jugement réputé contradictoire rendu le 8 novembre 2018 auquel il convient de se reporter, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à compter de la date de conclusions du contrat et débouté la société Financo de sa demande en paiement.

Après avoir contrôlé la recevabilité de l'action, le premier juge a retenu que l'offre préalable de contrat méconnaissait les exigences de l'article R. 311-6 du code de la consommation. Il a relevé que les emprunteurs ne devaient plus aucune somme à la société Financo suite à la déchéance du droit aux intérêts.

Par une déclaration en date du 5 janvier 2019, la société Financo a relevé appel de cette décision.

[*]

Aux termes de conclusions remises le 5 septembre 2019, la société Financo demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel,

- de dire qu'il n'y a lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

- de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 28.555,27 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,92 % l'an à compter de la mise en demeure du 16 janvier 2018, et la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce, l'appelante soutient que le moyen tiré de l'irrégularité formelle de l'offre préalable est irrecevable comme prescrit.

Subsidiairement, elle soutient que l'offre est parfaitement lisible et bien rédigée en « corps huit ». Elle fait remarquer que le premier juge n'a fourni aucun exemple d'un paragraphe de l'offre qui méconnaîtrait cette exigence.

[*]

Par des conclusions remises le 7 juin 2019, M. et Mme X. demandent notamment à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et de condamner l'appelante à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés reprennent à leur compte la motivation du tribunal. Au visa de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ils rappellent que le législateur n'a émis aucune limite temporelle à l'office du juge en droit de la consommation et que le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre n'est donc pas prescrit.

Ils soutiennent que l'offre de prêt n'était pas intégralement rédigée en corps huit, et que le prêteur encoure la déchéance du droit aux intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le contrat litigieux ayant été conclu le 15 décembre 2008, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010.

Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l'action en paiement du prêteur n'est pas contestée.

 

Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts :

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit à la consommation qui consacre dans sa lecture pour la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public européen.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles R. 311-6 et L. 311-13 et la société Financo est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.

 

Sur le bien-fondé de la déchéance du droit aux intérêts :

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation.

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le premier juge a retenu le non-respect du corps huit.

L'appelante a rétorqué que l'offre préalable était régulière et conforme aux dispositions de l'article R. 311-6 du code de la consommation, que le contrat respectait le corps huit comme l'attestait le rapport d'expertise définissant le corps huit, qu'il ne fallait pas se contenter de mesure les lettres mais également les espaces entre les lettres et donc le paragraphe et non seulement une ligne comme l'a fait le premier juge. Elle ajoute que le tribunal n'a fourni aucun exemple d'un paragraphe de l'offre de prêt qui serait inférieur au corps huit.

Aux termes de l'article R. 311-6 du code de la consommation, le contrat de crédit doit être rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit. Le corps huit correspond à « 3 mm en points Didot » et il est admis qu'on mesure le corps d'une lettre de la tête des lettres montantes, l, d, b, à la queue des lettres descendantes, g, p, q. Le blanc que l'on remarque d'une ligne à l'autre provient du talus existant entre les lettres qui ne montent ni ne descendent.

Il suffit, pour s'assurer du respect de cette prescription réglementaire, de diviser la hauteur en millimètres d'un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu'il contient. Le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.

En l'espèce, il convient de noter que l'appelante ne produit pas à hauteur d'appel l'original de l'offre de crédit ni même un original vierge similaire mais une photocopie dépourvue de bordereau de rétractation, dans un format agrandi qui n'est pas intégralement contenu dans la feuille format A4 puisque le texte est coupé sur le côté gauche des pages 1, 2, 3 et 5. Dès lors, rien ne permet d'infirmer la vérification opérée par le premier juge sur plusieurs paragraphes du contrat produit. Par ailleurs, le rapport d'expertise produit, qui ne concerne nullement le cas de l'espèce, ne revêt aucun caractère probant.

La violation, caractérisée ci-dessus, des dispositions de l'article R. 311-6 précité est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, par application de l'article L. 311-33 al. 1 du code de la consommation, depuis l'origine. En effet, le prêteur doit à peine d'une telle sanction remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par l'article L. 311-13, lequel prévoit qu'un décret, en l'occurrence l'article R. 311-6, précise les caractéristiques du modèle-type. En l'absence d'une ou plusieurs des informations prévues par ce dernier texte, le contrat ne satisfait pas aux conditions légales, et à l'absence de ces informations, il faut assimiler leur mention en caractères insuffisamment lisibles en raison de la typographie utilisée.

Enfin, l'article L. 311-15 du code de la consommation prévoit que pour faciliter l'exercice de la faculté de rétractation reconnue au débiteur, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable.

De surcroît, la présence du bordereau est exigée par les modèles-types d'offres préalables fixés par les articles R. 311-6 et R. 311-7 du code de la consommation. Ce formulaire doit, conformément au modèle type de bordereau et à l'article R. 311-7 comporter un certain nombre de mentions obligatoires, tant au recto qu'au verso.

En l'espèce, force est de constater que l'exemplaire en photocopie produit par le préteur est dépourvu de bordereau détachable, de sorte que la preuve de la régularité n'est pas rapportée.

La déchéance du droit aux intérêts a donc été prononcée à juste titre. Le jugement est par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Condamne la société Financo aux entiers dépens d'appel ;

- Condamne la société Financo à payer à M. X. et Mme Y. épouse X. une somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                                       La présidente