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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 9 décembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 9 décembre 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 20/02354
Date : 9/12/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/01/2020
Référence bibliographique : 5823 (crédit, application dans le temps), 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9301

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 9 décembre 2021 : RG n° 20/02354

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le contrat litigieux ayant été conclu le 25 octobre 2013, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016. »

2/ « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 312-28 et L. 312-29 et la société Créatis est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté. »

3/ « Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 9 DÉCEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/02354 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBMZ7. Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 octobre 2019 - Tribunal d'Instance d'IVRY SUR SEINE – R.G. n° 11-19-002563.

 

APPELANTE :

La société CREATIS

société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège N° SIRET : XXX, [...], [...], [...], représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H.-K.-H.-H., avocat au barreau de l'ESSONNE

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville], [adresse], [...], [...], DÉFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant offre préalable acceptée le 25 octobre 2013, la société Créatis a consenti à Mme X. un prêt personnel de regroupement de crédits d'un montant de 23.500 euros remboursable au taux de 8,01 % en 108 mensualités de 326,62 euros, assurance comprise.

À la suite d'impayés, la société Créatis s'est prévalu de la déchéance du terme le 5 octobre 2018.

Saisi le 18 juin 2019 par la société Créatis d'une demande tendant principalement au paiement d'une somme de 18.419,58 euros, le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine par un jugement réputé contradictoire rendue le 25 octobre 2019 auquel il convient de se référer a :

- déclaré la société Créatis déchue de son droit aux intérêts ;

- condamné Mme X. à payer à la société Créatis la somme de 8.590,24 euros au titre du solde du crédit, décompte arrêté au 19 septembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2018 ;

- dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

- dit que les intérêts au taux légal ne pourront pas faire l'objet d'une majoration de cinq points deux mois après le caractère exécutoire du jugement ;

- débouté la société Créatis du surplus de ses demandes.

Le tribunal, après avoir vérifié la recevabilité de la demande en paiement, a principalement retenu au visa des articles L. 311-8 et R. 313-12 alinéa 1 du code de la consommation que la société Créatis n'avait pas remis l'information relative au regroupement de crédits ni fourni les explications lui permettant de déterminer si le contrat était adapté à ses besoins et à sa situation.

[*]

Par une déclaration d'appel en date du 28 janvier 2020, la société Créatis a relevé appel de la décision.

Aux termes de ses conclusions remises en date du 24 mars 2020, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts et en ce qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts,

- de condamner Mme X. à lui payer la somme de 18.419,58 euros, avec intérêts au taux contractuel de 8,01 % l'an à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2018,

- d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,

- de condamner Mme N. K. à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce que le moyen soulevé par le juge de première instance selon lequel elle serait déchue de son droit aux intérêts est irrecevable car prescrit.

En outre, elle soutient au visa des articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation qu'ils ne sont pas applicables dans le cadre d'un regroupement de crédits et par conséquent qu'il n'y pas lieu de prononcer la déchéance de son droit aux intérêts.

L'appelante informe qu'elle verse aux débats le document d'information propre au regroupement de crédits.

[*]

La déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été régulièrement signifiées à l'intimée en date du 25 mars 2020, conformément aux dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile. L'intimée n'a pas constitué avocat.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2021.

Par message adressé par le RPVA le 18 novembre 2021 et au visa de l'article 442 du code de procédure civile, l'appelante a été invitée à produire la fiche d'informations précontractuelles remise à Mme X. Elle n'a pas donné suite à cette demande.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Le contrat litigieux ayant été conclu le 25 octobre 2013, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l'action en paiement du prêteur n'est pas contestée.

 

Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts :

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 312-28 et L. 312-29 et la société Créatis est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.

 

Sur le bien-fondé de la déchéance du droit aux intérêts :

L'article L. 311- 48 (désormais L. 341-1 et L. 341-2) du code de la consommation dispose que le prêteur est déchu du droit aux intérêts, lorsqu'il ne satisfait pas aux conditions d'informations précontractuelles prévues par les articles énumérés et contenues dans le code de la consommation.

En application de l'article L. 313-15 devenu L. 314-13 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, le prêteur qui consent une opération de regroupement de crédits comprenant un ou plusieurs contrats de crédits mentionnés à l'article L. 311-16 effectue le remboursement du montant dû au titre de ces crédits directement auprès du prêteur initial. Lorsque l'opération porte sur la totalité du montant restant dû au titre d'un crédit renouvelable, le prêteur rappelle à l'emprunteur la possibilité de résilier le contrat afférent et lui propose d'adresser sans frais la lettre de résiliation signée par l'emprunteur.

Les dispositions de l'article L. 311-6 du code de la consommation dans leur version applicable en la cause, prévoient que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur communique à l'emprunteur par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation.

Pour retenir une déchéance du droit aux intérêts, le premier juge a considéré que le document produit par la banque n'était pas conforme et a retenu une contravention aux dispositions des articles L. 311-8, L. 313-15, R. 313-12 et R. 313-13 du code de la consommation.

Ce texte dans sa version issue du décret du 30 avril 2012 et applicable aux opérations de regroupement de crédits dont l'offre est émise à compter du 1er janvier 2013, prévoit que le prêteur remet un document d'information comportant, de manière claire et lisible, en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit, notamment :

d) une estimation de l'indemnité de remboursement anticipé si le contrat prévoit une telle indemnité ;

e) Les modalités prévues pour le remboursement anticipé, notamment, le cas échéant, son délai de préavis contractuel.

Le contrat prévoit expressément en son article I-2 une possibilité de remboursement anticipé. La société Créatis communique le document d'information propre au regroupement de crédits daté du 29 août 2013 mais ne produit pas la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées.

Elle encourt par conséquent une déchéance du droit aux intérêts. En l'absence de toute autre contestation, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut,

- Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

- Condamne la société Créatis aux dépens d'appel,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                           La présidente