CA VERSAILLES (16e ch.), 3 novembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9934
CA VERSAILLES (16e ch.), 3 novembre 2022 : RG n° 21/04403
Publication : Judilibre
Extrait : « Par ailleurs, la Congrégation ne peut voir prospérer sa demande tendant à voir déclarer réputée non écrite cette clause qu'elle qualifie d'abusive.
Cette demande n'est certes pas soumise à la prescription que lui oppose la société la société Dexia dès lors qu'elle ne s'analyse pas en une demande d'annulation.
Une clause abusive n'a cependant vocation à être sanctionnée que dans les contrats entre consommateurs ou non-professionnels et professionnels lorsqu'elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Sur la qualité de non-professionnelle revendiquée par la Congrégation, d'abord, force est cependant de considérer qu'elle a conclu un contrat de prêt destiné à financer un investissement immobilier comportant notamment la création d'une maison de retraite pour lequel elle a passé avec une association une convention d'assistance à maîtrise d'ouvrage ; qu'en outre, aux termes des statuts de l'association qui en assure le fonctionnement, celle-ci agit « conformément aux orientations et directives de ladite Congrégation fondatrice » ; qu'il est également versé aux débats un contrat de bail consenti par la Congrégation qui porte sur l'ensemble immobilier financé au moyen du prêt comprenant 78 locaux répartis sur 2007 m² utiles moyennant un loyer annuel principal de 122.000 euros.
Sur l'indemnité en cause, ensuite, il ressort des écritures de la Congrégation que, sans débat sur la finalité et le mode de calcul clairement exprimé de cette indemnité telle que présentée par la société Dexia, elle se borne à se prévaloir, en termes généraux ou hypothétiques et non point en se prévalant d'un faisceau d'éléments permettant de déceler, par-delà l'absence de réciprocité, des éléments justifiant du caractère « significatif » du déséquilibre proscrit, d'une indemnité « exorbitante » renvoyant à des « données complexes », « inintelligible », ou à son rattachement à une « clause noire » ou bien encore au fait qu'il est « difficilement contestable » que la société Dexia accordera immédiatement après remboursement anticipé un nouveau prêt entraînant la double perception d'intérêts sur un même capital pour une même période.
Il en résulte que la qualité de non-professionnelle de la Congrégation ne peut être retenue et qu'au surplus elle ne fait pas la démonstration requise d'un déséquilibre significatif, en sorte que ne sont pas satisfaites les conditions requises pour qualifier d'abusive ladite clause.
Et il s'évince de tout ce qui précède que la société Dexia est fondée à prétendre que les parties demeuraient liées par le contrat conclu en 2004 et notamment par sa clause relative à l'indemnité de remboursement anticipé au paiement de laquelle elle pouvait prétendre dès lors que cette condition financière n'a pas été modifiée par l'avenant conclu en 2009 formant avec le contrat initial un tout indivisible. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
SEIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU3 NOVEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/04403. N° Portalis DBV3-V-B7F-UUEQ. Code nac : 53D. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 mai 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE : R.G. n° 17/00098.
LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
SA DEXIA CREDIT LOCAL
N° Siret XXX (RCS Nanterre), [Adresse 1], [Adresse 1], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Sophie PORCHEROT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 - N° du dossier 382805 - Représentant : Maître Jean-Fabrice BRUN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701, substitué par Maître Marie SANTORI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
INTIMÉE :
ASSOCIATION CONGRÉGATION DES SOEURS DE NOTRE DAME DE LA COMPAS SION DE [Localité 3]
[Adresse 2], [Adresse 2], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P173 - N° du dossier 15.00180
Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 septembre 2022, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte du 30 décembre 2004, la société Dexia Crédit Local (ci-après : Dexia) a consenti à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] (ci-après : la Congrégation) un prêt dénommé Periolys destiné au financement d'une maison de retraite, au montant de 1.800.000 euros pour une durée de 32 ans et portant intérêts :
- dans une phase de mobilisation durant la période du 15 décembre 2004 (inclus) au 1er janvier 2007 (exclu) au taux variable indexé Eonia auquel s'ajoutait une marge de 0,44 %,
- dans une phase de consolidation durant une deuxième période distinguant des tranches d'amortissement à un taux indexé sur le taux Euribor 3, 6 ou 12 mois avec une marge de 0,34 % et des tranches d'amortissement à taux fixe, outre une option de passage à taux fixe.
L'article 5 de ce contrat intitulé « option de passage en taux fixe » comportait, notamment, des stipulations relatives au remboursement anticipé (art 5.3) et à l'indemnité de remboursement anticipé (art 5.4).
Par ailleurs, par acte sous seing privé du 11 janvier 2005, la Congrégation a conféré à la société Dexia, en cas d'incidents de paiement et/ou d'exigibilité anticipée du prêt garanti le droit d'obtenir à tout moment le rachat partiel ou total d'un contrat de capitalisation dénommé Dexcapi sur lequel l'épargne constituée au 17 décembre 2004 représentait un montant de 450.000 euros.
En réponse à une « proposition de refinancement de prêt à taux révisable ou variable en prêt à taux fixe » formulée par la société Dexia dans une lettre du 14 septembre 2009, la Congrégation en a accepté les termes par courriel du 18 septembre 2009 et la banque lui a répondu que l'option de ce passage à taux fixe sera effective à la date du 1er octobre 2009.
Après avoir vainement sollicité, par lettre du 15 juillet 2014, la renégociation de ce prêt et un échange de courriels sur les modalités de son éventuel remboursement anticipé, par lettre du 29 décembre 2014 la Congrégation, invoquant les termes et conditions de l'offre commerciale de financement « qui stipulaient (…) notamment les avantages d'un remboursement partiel ou total gratuit » a informé la banque qu'elle contestait devoir la somme de 343.455 euros réclamée au titre de l'indemnité de remboursement anticipé.
Le 6 novembre 2015, faisant suite à un échange de courriers où les cocontractants maintenaient leurs positions, la société Dexia, visant un courrier électronique du 15 octobre 2015 par lequel la Congrégation exprimait sa volonté de procéder à un remboursement anticipé du prêt, sollicitait son accord pour y procéder à la date du 1er janvier 2016 moyennant le paiement du capital restant dû (au montant de 1.493.665,38 euros) et de l'indemnité de remboursement anticipé (au montant de 485.611,87 euros).
A la suite de nouveaux courriers aux termes desquels la Congrégation informait la société Dexia de son dessein persistant de procéder au remboursement du prêt sans pour autant régler l'indemnité de remboursement anticipé dont elle contestait l'exigibilité, puis du remboursement du seul capital restant dû à la date du 31 décembre 2015, puis de l'envoi d'une lettre datée du 22 avril 2016 par laquelle la société Dexia l'informait qu'après l'avoir vainement mise en demeure de lui régler l'indemnité de remboursement anticipé en cause, elle procédait au rachat du contrat de capitalisation du 15 décembre 2004 affecté à hauteur de la somme précitée, la Congrégation a assigné la société Dexia en nullité du contrat de crédit sur le fondement du dol, subsidiairement aux fins de condamnation à lui restituer l'indemnité de remboursement anticipée en raison de son inopposabilité, ou de sa perception indue sollicitant plus subsidiairement sa condamnation au paiement du montant de cette indemnité ainsi qu'à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses diverses fautes, ceci selon acte du 27 décembre 2016.
Par jugement contradictoire rendu le 7 mai 2021 le tribunal judiciaire de Nanterre a, avec exécution provisoire :
- déclaré irrecevable, car prescrite, l'action en nullité du contrat de prêt conclu le 30 décembre 2004,
- déclaré recevable la demande en restitution de l'indemnité de remboursement anticipé,
- condamné la société Dexia Crédit Local à payer à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] les sommes de :
* 485.611,87 euros représentant l'indemnité de remboursement anticipé indûment prélevée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2016,
* 40.000 euros à titre de dommages-intérêts,
* 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Dexia Crédit Local aux dépens avec distraction au profit de la Selarl Cloix & Mendes-Gil,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire.
[*]
Par dernières conclusions (n° 3) notifiées le 04 août 2022, la société anonyme Dexia Crédit Local, appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 9 juillet 2021, demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1304 du code civil, dans leur version applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, 2270-1 et 2262 du code civil dans leur version applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, 2224 du code civil, 122 et suivants du code de procédure civile, L. 121-1 et suivants du code de la consommation :
- d'infirmer le jugement (entrepris) en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable, car prescrite, l'action en nullité du contrat de prêt conclu le 30 décembre 2004 et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
à titre principal,
- de déclarer irrecevables l'intégralité des demandes de la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion en ce qu'elles sont prescrites,
à titre subsidiaire,
- de débouter la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause
- de condamner la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion à verser à la société Dexia Crédit Local la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la Selarl Reynaud avocats, agissant par maître Sophie Porcherot, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Par dernières conclusions d'intimée avec appel incident (n° 3) notifiées le 05 septembre 2022, la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] prie la cour, visant les articles 1116 et 1182, 1134 alinéas 1 et 3, 1147, 1315, 1162 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, L. 132-1, L. 121-1 et suivants du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l'offre de crédit, L. 533-11 à L. 533-22 du code monétaire et financier :
- d'infirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] en nullité du contrat de prêt Periolys conclu suivant offre du 01/12/2004 acceptée le 10/12/2004 et ayant fait l'objet d'un acte signé le 30/12/2004, ainsi que de sa demande visant aux restitutions réciproques, et donc à la condamnation de la société Dexia Crédit Local à lui restituer la somme de 2.984.652,27 euros au titre des sommes versées, et après compensation des créances réciproques au titre des restitutions, la somme de 1.184.652,27 euros, et en ce qu'il a débouté la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] de toute demande plus ample ou contraire au jugement,
subsidiairement
- de confirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il a condamné la société Dexia Crédit Local à (lui) payer la somme de 485.611,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2016 sur le fondement de la répétition de l'indu et à lui payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour prélèvement fautif de l'indemnité de remboursement anticipé,
si la cour ne devait pas devait pas faire droit aux demandes ci-dessus ou seulement partiellement
- de statuer sur la demande complémentaire de dommages et intérêts que la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] formulait devant le tribunal à hauteur de la somme de 485.611,87 euros et d'infirmer, en conséquence, le jugement en ce qu'il a rejeté ladite demande,
en tout état de cause
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Dexia Crédit Local au paiement d'une somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux dépens de première instance,
statuant sur les chefs critiqués et les demandes formées par les parties :
à titre principal
- de prononcer la nullité du contrat de prêt Periolys conclu suivant offre du 01/12/2004 acceptée le 10/12/2004 et ayant fait l'objet d'un acte signé le 30/12/2004, ainsi que de tous les actes subséquents dont celui du 14/09/2009,
- de dire et juger en conséquence qu'au titre des restitutions réciproques, la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] est tenue de restituer le capital prêté à hauteur de 1.800.000 euros, et la société Dexia Crédit Local est tenue de restituer l'ensemble des sommes perçues au titre du contrat de prêt à hauteur de 2.984.652,27 euros,
- d'ordonner la compensation des créances réciproques,
- en conséquence, après compensation des créances réciproques, de condamner la société Dexia Crédit Local à payer à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] la somme de 1.184.652,27 euros,
à titre subsidiaire
- de dire et juger que la clause de l'acte du 30/12/2004 dont se prévaut la société Dexia Crédit Local est inapplicable, à tout le moins inopposable à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3], ou à défaut de la réputer non écrite,
- de dire et juger que l'indemnité de remboursement anticipé prélevée par la société Dexia Crédit Local est indue,
- de condamner, en conséquence, la société Dexia Crédit Local à payer à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] la somme de 485.611,87 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mai 2016 en restitution de la somme perçue indûment,
- de condamner la société Dexia Crédit Local à payer à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du prélèvement indu de ladite somme et de l'abus dans la mise en œuvre de la garantie dont elle bénéficiait,
à titre très subsidiaire, si la Cour devait considérer que l'indemnité de remboursement anticipé est due au moins partiellement,
- de condamner la société Dexia Crédit Local au paiement de dommages et intérêts du fait de ses manquements dans la conclusion et l'exécution du contrat et de ses pratiques commerciales trompeuses,
- de condamner la société Dexia Crédit Local à payer à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] la somme de 485.611,87 euros à titre de dommages et intérêts,
- de condamner également la société Dexia Crédit Local à payer à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'abus dans la mise en œuvre de la garantie dont elle bénéficiait,
- de débouter la société Dexia Crédit Local de toutes autres demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause
- de condamner la société Dexia Crédit Local à payer à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Dexia Crédit Local au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de la demande de nullité du contrat de prêt fondée sur le dol :
Se prévalant des dispositions de l'article 1304 alinéa 2 (ancien) du code civil selon lequel la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur provoquée qu'il allègue, la Congrégation reproche au tribunal, sur appel incident, d'avoir déclaré prescrite son action en nullité du contrat conclu en 2014 en jugeant que l'examen de l'offre de prêt acceptée le 10 décembre 2004 par un lecteur normalement diligent permettait de comprendre, dès son émission et au plus tard dès la signature du contrat, respectivement les 15 et 30 décembre suivants, qu'il contenait une indemnité de remboursement anticipé, contrairement à ce qui avait été initialement mentionné dans la proposition de financement formulée par lettre du 1er décembre 2004 qui incluait entre « autres avantages » la « possibilité de remboursement partiel ou total sans indemnité » ainsi que « la possibilité de passage en taux fixe à tout moment (si les conditions vous intéressent) sans frais ».
La Congrégation soutient qu'elle ne s'est aperçue de son erreur que le jour où elle a voulu renégocier le prêt et, à défaut, le rembourser par anticipation en découvrant alors qu'il contenait des clauses relatives à une éventuelle indemnité de remboursement anticipé, comme le démontre son courrier du 29 décembre 2014, de sorte que son action introduite le 27 décembre 2016 n'est nullement prescrite.
Elle estime qu'à tort, la société Dexia déduit de la circonstance que, dans un premier temps, la Congrégation, après analyse par un conseiller financier qui n'avait d'ailleurs pas mission de l'éclairer dans l'opération de financement, l'a interrogée sur le montant de cette indemnité de remboursement anticipé la preuve qu'elle en avait précédemment connaissance et soutient que sa croyance en l'absence d'indemnité de remboursement anticipé s'est trouvée confortée par le courrier de la société Dexia du 14 septembre 2009 qui l'incitait à opter pour un passage à taux fixe en mentionnant dans son annexe une « indemnité de remboursement anticipé : 0,00 % ».
De la même façon, elle reproche au tribunal d'avoir omis de retenir, d'une part, la complexité de la clause stipulée à l'article 5.3 prévoyant que l'indemnité pouvait être ou ne pas être due selon les cas, combinée aux promesses de Dexia dans le cadre de l'offre présentée dans ses courriers des 28 octobre et 1er décembre 2004, d'autre part, le fait que le courrier du 14 septembre 2009 (date à laquelle le délai quinquennal n'était pas expiré) confirmait son analyse quant à l'absence de cette indemnité et empêchait toute action dans le délai imparti, ajoutant que cet élément fonde le report du point de départ du délai de prescription à la date effective de la découverte du dol, soit au moment du remboursement anticipé en 2014.
Elle tire, enfin, argument de cette proposition de passage à taux fixe du 14 septembre 2009 pour dire que si on l'analyse en un « nouveau prêt », il mettait fin au contrat initial, sans paiement d'une quelconque indemnité, de sorte qu'il n'y aurait pas lieu pour la Congrégation d'intenter une action pour dol. Elle estime que les manœuvres opérées à cette dernière date constitutives, en soi, d'un dol faisant courir un nouveau point de départ à l'action et que ce n'est qu'en 2014 qu'elle a été en mesure d'en prendre conscience.
Elle entend préciser, pour finir, que le contrat n'a été édité que le 15 décembre 2004, soit postérieurement à la délibération du conseil de la Congrégation du 10 décembre 2004 dont le procès-verbal ressort d'un document pré-établi par Dexia et porte donc sur un contrat inexistant, que l'acceptation du 15 décembre 2004 se référait à l'acceptation de l'offre du 1er décembre 2004, qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un éventuel projet de contrat antérieur.
Et en conclut qu'au vu des termes confus des actes émis, des contradictions entre les divers documents et des manœuvres poursuivies en 2009, il y a bien lieu à report du point de départ du délai de prescription.
Ceci étant exposé, il ressort de la procédure que pour solliciter « la nullité du contrat de prêt Periolys conclu suivant offre du 01/12/2004 acceptée le 10/12/2004 et ayant fait l'objet d'un acte signé le 30/12/2004, ainsi que de tous les actes subséquents dont celui du 14/09/2009 », la Congrégation soutient que l'absence d'exigibilité d'une indemnité de résiliation anticipée dans la présentation de son offre commerciale contenue dans ses lettres des 28 octobre et 1er décembre 2004 a déterminé son consentement et qu'elle a signé l'acte de prêt dont elle poursuit la nullité dans la croyance erronée de sa « faculté de sortir à tout moment du contrat gratuitement ».
Il convient de considérer qu'à juste titre, le tribunal dont la société Dexia s’approprie la motivation a considéré que, dès la signature du contrat, le 30 décembre 2004, la Congrégation était en mesure de déceler, par elle-même et à la simple lecture de l'acte de prêt, qu'il contenait de manière très apparente des stipulations relatives à l'exigibilité, à certaines conditions précisément explicitées en pages 8 et 9/12 du contrat, d'une indemnité de remboursement anticipé et de tirer toutes conséquences de leur contrariété avec les échanges précontractuels qu'elle invoque au soutien de son action en nullité.
Il peut être ajouté que la mention entre parenthèses : « si les conditions vous intéressent », dans l'hypothèse d'un passage à taux fixe, dans le document de deux pages constituant l'offre commerciale incriminée était de nature à attirer l'attention de la Congrégation sur ce point lorsqu'elle a contracté.
Il lui appartenait, par conséquent, si elle entendait se prévaloir d'une erreur provoquée, d'agir dans le délai de cinq ans ayant pour point de départ le 30 décembre 2004, soit jusqu'au 30 décembre 2009.
L'option de passage en taux fixe entrée dans le champ contractuel et qui est devenue effective selon accord des parties réalisé par un avenant conclu en septembre 2009, dont la Congrégation se prévaut en cause d'appel, n'a pas modifié les stipulations relatives à l'indemnité de résiliation anticipée de l'article 5 du contrat.
La société Dexia fait d'ailleurs observer que si les conditions de réaménagement des prêts au 01/10/2009 qu'elle explicitait en annexe de son courrier contenaient l'indication d'une indemnité de remboursement à 0,00 %, cette mention concernait « les conditions indicatives de remboursement anticipé » à cette date, soit dans l'hypothèse d'un remboursement lorsque le contrat prévoyait un taux variable (avec un capital remboursé de 1.728.422,93 euros), les caractéristiques indicatives du refinancement au taux de 4,47 % étant, quant à elle, explicitées dans une seconde colonne figurant en regard et ne faisant pas état de l'indemnité de remboursement anticipé.
C'est par conséquent à tort que la Congrégation qui dirige son action en nullité non contre les stipulations de l'avenant de 2009 mais contre l'entier contrat présente cette dernière convention comme un nouveau contrat ce qui aurait pour effet de reporter le point de départ de la prescription au 14 septembre 2009 en se prévalant, qui plus est, de la découverte de l'erreur provoquée en décembre 2014.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il déclare irrecevable, comme prescrite, l'action en nullité du contrat.
Sur la demande de restitution de l'indemnité de remboursement anticipé :
Il convient de rappeler que pour faire droit à la demande de la Congrégation de ce chef, le tribunal a d'abord jugé que, contrairement à ce que faisait valoir la Congrégation, l'offre contenue dans la lettre de la société Dexia datée du 1er décembre 2004, en ce qu'elle n'était pas signée par l'emprunteur ni ne comportait d'engagement irrévocable de l'une ou l'autre des parties, ne pouvait être regardée comme opérant la rencontre de leurs volontés sur les conditions essentielles du contrat et, ne constituant donc pas un véritable contrat de prêt qui aurait été confirmé par l'instrumentum établi le 30 décembre 2004, considéré que cette offre ne relevait pas des dispositions de l'article 1134 du code civil invoqué.
Il en a conclu que la Congrégation ne pouvait en demander l'exécution.
Se prononçant ensuite sur la portée de l'acte signé en 2009, présenté par la Congrégation comme un nouveau contrat ne prévoyant pas d'indemnité de remboursement anticipé, le tribunal a retenu que la Congrégation n'a pas formé de demande de passage en taux fixe dans les conditions prévues au contrat ni complété l'annexe « demande de passage au taux fixe » stipulée et que, de son côté, la société Dexia n'a présenté, le 14 septembre 2009, qu'une « proposition de refinancement » - s'analysant en une lettre circulaire en ce qu'elle était adressée à « monsieur le maire », et évoquait « votre commune » ' qui comportait une annexe mais sans référence aux stipulations du contrat de 2004.
Il en a conclu qu'il s'est agi d'une nouvelle offre acceptée sans modification par la Congrégation, que la rencontre des consentements sur les modalités de ce nouveau prêt se situe à la date du 18 septembre 2009, que ce contrat de prêt a par la suite été exécuté selon ses modalités, qu'il ne prévoyait pas, contrairement au contrat de 2004 éteint, de clause relative à une indemnité de remboursement anticipé et que la banque était par conséquent mal fondée à en demander le paiement et à en prélever le montant, comme elle l'a fait sans autorisation, sur un contrat donné en nantissement.
Si la société Dexia appelante poursuit le confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que les parties n'étaient pas engagées par l'offre formulée le 1er décembre 2004, étant observé que la Congrégation ne reprend ce moyen (au § II-B-2) que dans l'hypothèse où sa demande de restitution de l'indemnité de remboursement fondée sur la répétition de l'indu et sa demande indemnitaire (au § II-B-1) ne seraient pas accueillies, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré, en méconnaissance de la volonté des parties, qu'un nouveau contrat de prêt avait été conclu en 2009 remplaçant le premier à des conditions différentes qui ne prévoyaient pas d'indemnité de remboursement anticipé.
L'appelante reproche au tribunal d'avoir dénaturé les termes du contrat conclu en 2004 en retenant que la demande de passage en taux fixe était soumise à une obligation de forme alors qu'aucun formalisme obligatoire, indispensable à la validité de cette demande, n'était imposé par l'article 5.1 du contrat.
Elle lui fait ensuite grief d'avoir méconnu la portée et la teneur des courriers des 14 et 18 septembre 2009 alors qu'il en résulte que le passage en taux fixe a été réalisé à l'initiative de la Congrégation et que, selon la volonté des parties, ce passage s'est opéré dans le cadre du contrat de prêt conclu en 2004.
Elle soutient encore que le tribunal a ignoré le comportement des parties, en particulier leur absence de volonté novatrice en 2009, qui atteste pourtant de manière univoque qu'il n'a jamais été question de conclure un nouveau prêt.
Elle lui reproche enfin de ne pas avoir jugé utile de déclarer irrecevables les prétentions contradictoires de la Congrégation en application de la théorie de l'estoppel alors que le comportement des parties jusqu'à son remboursement, en 2015, a porté sur la poursuite du contrat signé le 30 décembre 2004 dont la nullité est pourtant poursuivie.
En réplique à l'argumentation de la Congrégation - qui fait valoir, dans l'hypothèse où la cour retiendrait que la société Dexia peut se prévaloir des clauses de l'acte du 30 décembre 2004, qu'elle n'a pu donner son consentement à la clause litigieuse qu'elle qualifie d'incompréhensible et qu'en toute hypothèse il s'agit d'une clause abusive qui a permis à la société Dexia de bénéficier d'un paiement forcé en dépit de son opposition - l'appelante, rappelant que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce point puisqu'il a retenu qu'un nouveau contrat a été conclu en 2009, oppose à l'intimée la prescription de son action en contestation de la validité de cette clause acquise depuis le 19 juin 2013, ajoutant qu'il en va de même de l'action portant sur les faits incriminés de 2009 qui s'est trouvée prescrite depuis le 18 septembre 2014.
Ceci étant exposé et s'agissant de la présentation commerciale sommaire de l'offre de financement du 1er décembre 2004, c'est par motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal a considéré, en l'absence d'une rencontre des volontés sur les caractéristiques essentielles du contrat qu'elle n'engageait pas irrévocablement les parties et que la Congrégation ne pouvait en demander l'exécution.
S'agissant de la conversion en un prêt à taux fixe, en 2009, du contrat initialement prévu à taux variable que les parties avaient dûment signé le 30 décembre 2004, pour statuer comme il l'a fait le tribunal a considéré qu'un nouveau contrat s'était formé entre les parties en septembre 2009, autonome par rapport au contrat antérieur conclu le 30 décembre 2004 dont il opérait novation.
Sans qu'il y ait lieu de retenir la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui dès lors que n'est pas invoquée une contradiction lors du débat judiciaire, il convient toutefois de considérer qu'aux termes de l'article 1271 (devenu 1330) du code civil, la novation ne se présume pas, qu'elle doit clairement résulter des actes et qu'en cas d'emprunt, il ne suffit pas, pour l'opérer, de modifier les modalités de remboursement, ainsi que cela résulte, d'ailleurs, de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 1ère, 17 juin 2015, pourvoi n° 14-16493, publié au bulletin).
Il n'est pas démontré en l'espèce que cette modification des modalités de remboursement qui a donné lieu à l'édition d'un nouveau tableau d'amortissement édité le 21 septembre 2009 (adressé à la Congrégation le 1er octobre 2010) sur la base d'un prêt à échéances constantes au montant, à cette date, de 1.728.422,93 euros et au taux d'intérêts de 4,470 %, remboursable en 109 échéances quadriannuelles à compter du 1er janvier 2010 (pièce n° 10 de Dexia) ait modifié l'économie du contrat initial.
Les faits de la cause ne permettent pas davantage de retenir l'intention de nover des parties.
Il résulte, en effet, de leur échange de correspondances (pièces 8 à 10 de Dexia) que la soeur Supérieure Générale de la Congrégation, après avoir manuscritement remplacé sur le document reçu (à savoir une annexe adressée par télécopie le 16 septembre 2009) le titre « à titre indicatif, les conditions de réaménagement des prêts seraient les suivantes» par « les conditions de réaménagement des prêts sont les suivantes » et signé ce document en y apposant le cachet de la Congrégation, a déclaré remercier la banque pour sa réponse et donné son accord à la proposition de passage en taux fixe.
Pour démontrer l'absence d'intention de nover, la banque peut également tirer utilement argument de la circonstance que la sœur Supérieure Générale a pu opter pour ce passage en taux fixe sans qu'il ait été nécessaire qu'elle obtienne l'habilitation du Conseil général de la Congrégation alors qu'elle avait été requise pour contracter en 2004 (et obtenue le 10 décembre 2004 selon la pièce n° 6 qu'elle produit).
A mêmes fins, elle peut se prévaloir des demandes de précisions sur le montant de l'indemnité de résiliation anticipée - dont il peut être relevé qu'elle était mentionnée pour mémoire en (e) dans les avis d'échéances postérieurement émis (pièces 12 et 13) - qui lui ont été adressées par la Congrégation à l'occasion de sa première demande de renégociation du prêt le 15 juillet 2014 (pièces 13 à 16).
S'agissant des autres moyens invoqués par la Congrégation, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal mais ainsi que le fait valoir la société Dexia, la demande de passage en taux fixe n'imposait aucune obligation de forme indispensable à sa validité dès lors que l'article 5.1 du contrat du 30 décembre 2004 stipulait : « l'emprunteur peut demander, à l'aide de l'annexe « demande de passage en taux fixe » le passage définitif en taux fixe de toute tranche d'amortissement ».
Il ne peut donc être tiré aucune conséquence juridique sur la validité de cette clause.
Par ailleurs, la Congrégation ne peut voir prospérer sa demande tendant à voir déclarer réputée non écrite cette clause qu'elle qualifie d'abusive.
Cette demande n'est certes pas soumise à la prescription que lui oppose la société la société Dexia dès lors qu'elle ne s'analyse pas en une demande d'annulation.
Une clause abusive n'a cependant vocation à être sanctionnée que dans les contrats entre consommateurs ou non-professionnels et professionnels lorsqu'elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Sur la qualité de non-professionnelle revendiquée par la Congrégation, d'abord, force est cependant de considérer qu'elle a conclu un contrat de prêt destiné à financer un investissement immobilier comportant notamment la création d'une maison de retraite pour lequel elle a passé avec une association une convention d'assistance à maîtrise d'ouvrage ; qu'en outre, aux termes des statuts de l'association qui en assure le fonctionnement, celle-ci agit « conformément aux orientations et directives de ladite Congrégation fondatrice » ; qu'il est également versé aux débats un contrat de bail consenti par la Congrégation qui porte sur l'ensemble immobilier financé au moyen du prêt comprenant 78 locaux répartis sur 2007 m² utiles moyennant un loyer annuel principal de 122.000 euros.
Sur l'indemnité en cause, ensuite, il ressort des écritures de la Congrégation que, sans débat sur la finalité et le mode de calcul clairement exprimé de cette indemnité telle que présentée par la société Dexia, elle se borne à se prévaloir, en termes généraux ou hypothétiques et non point en se prévalant d'un faisceau d'éléments permettant de déceler, par-delà l'absence de réciprocité, des éléments justifiant du caractère « significatif » du déséquilibre proscrit, d'une indemnité « exorbitante » renvoyant à des « données complexes », « inintelligible », ou à son rattachement à une « clause noire » ou bien encore au fait qu'il est « difficilement contestable » que la société Dexia accordera immédiatement après remboursement anticipé un nouveau prêt entraînant la double perception d'intérêts sur un même capital pour une même période.
Il en résulte que la qualité de non-professionnelle de la Congrégation ne peut être retenue et qu'au surplus elle ne fait pas la démonstration requise d'un déséquilibre significatif, en sorte que ne sont pas satisfaites les conditions requises pour qualifier d'abusive ladite clause.
Et il s'évince de tout ce qui précède que la société Dexia est fondée à prétendre que les parties demeuraient liées par le contrat conclu en 2004 et notamment par sa clause relative à l'indemnité de remboursement anticipé au paiement de laquelle elle pouvait prétendre dès lors que cette condition financière n'a pas été modifiée par l'avenant conclu en 2009 formant avec le contrat initial un tout indivisible.
Le jugement sera infirmé en ce que, faisant droit à la demande de restitution, il en décide autrement.
Sur la demande indemnitaire subsidiairement formée par l'intimée à hauteur du montant de l'indemnité perçue par la banque et sur la sanction de l'abus de mise en œuvre de la garantie
Au soutien de la première de ces demandes dont n'a pas eu à connaître le tribunal en raison de la solution qu'il donnait au litige, la Congrégation incrimine diverses fautes de la société Dexia commises depuis la naissance de la relation contractuelle jusqu'à son dénouement par le remboursement anticipé, engageant, selon elle, sa responsabilité.
Elle invoque des manquements de la banque à ses obligations de contracter et d'exécuter de bonne foi le contrat ainsi que des pratiques de publicité et commerciales trompeuses et lui impute, par ailleurs, à faute des manquements à ses devoirs d'information, de mise en garde et de conseil tant au stade de la formation du contrat que de son exécution.
Elle estime que son dommage, évalué au montant de l'indemnité de remboursement anticipé abusivement prélevé et qui s'est réalisé à cette date, est consécutif de ce comportement fautif.
Enfin, en réplique à la fin de non-recevoir tirée de la prescription que lui oppose la société Dexia, elle précise qu'elle n'invoque pas un risque d'endettement excessif né de l'octroi du crédit au soutien de son grief tiré du manquement au devoir de mise en garde.
Elle affirme que la banque l'a délibérément induite en erreur par ses agissements trompeurs et qu'elle pouvait légitimement ignorer le dommage lors de la souscription du crédit, invoquant une nouvelle fois le fait que tant en 2004 qu'en 2009, la société Dexia l'a laissée dans la conviction qu'elle bénéficiait d'une faculté de remboursement anticipé sans frais.
S'agissant de sa seconde demande indemnitaire, elle sollicite la confirmation du jugement qui a sanctionné l'abus dans la mise en œuvre, hors incident de paiement et contre son gré, de la garantie en condamnant la banque à lui verser la somme de 40.000 euros alors que cette dernière, invoquant tant les stipulations du contrat de prêt que l'acte de délégation de créance pris en exécution de l'engagement convenu, poursuit l'infirmation du jugement en cette disposition.
Sur la recevabilité de l'action en responsabilité :
La Congrégation explicite, dans ses écritures, les manquements de la société Dexia à ses devoirs d'information et de conseil, à son devoir de mise en garde concernant le risque financier spécifique lié à l'opération et la mise en œuvres de certaines options comme à son obligation générale de contracter de bonne foi ou encore à celle de ne pas user de publicités trompeuses ou de communiquer des informations trompeuses dans la commercialisation de ses produits.
Elle lui reproche ponctuellement, après l'avoir encouragée à souscrire le contrat de prêt au moyen d'une offre trompeuse quant aux options de son produit, l'omission d'informations décisives outre des agissements ou déclarations de nature à l'induire en erreur.
Force est de considérer, à l'instar de la société Dexia, que ces manquements, qui doivent être examinés dans le cadre du présent litige dont l'objet porte sur la stipulation de l'indemnité de remboursement anticipé du prêt insérée au contrat, se situent au moment de sa formation, le dommage résultant de ces manquements consistant en la perte de chance de ne pas contracter, de sorte que le délai de prescription quinquennale de l'action en responsabilité de la Congrégation, qui ne présente pas une défense au fond, a pour point de départ la date de formation du contrat.
Il peut s'en déduire, comme le fait la société Dexia, que pour contester les manquements que la Congrégation prétend lui imputer à faute, cette dernière, qui disposait dès la formation du contrat, le 30 décembre 2004, de tous les éléments lui permettant d'agir en responsabilité, se devait d'agir au plus tard le 19 juin 2013, par application de l'article 2224 (nouveau) du code civil et des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008.
S'agissant des manquements de la banque à ses obligations par ailleurs incriminés à l'occasion de la réalisation du passage en taux fixe et qui ont conduit à l'adoption de l'avenant matérialisé le 1er octobre 2009, la société Dexia peut, de la même façon, se prévaloir du fait que la Congrégation - qui se prévaut ici d'un manquement au devoir de collaboration prévu à l'article L 202 des principes du droit européen des contrats en évoquant une offre « peu claire, imprécise et trompeuse » - disposait, au plus tard le 18 septembre 2009, de tous les éléments lui permettant d'exercer son action en responsabilité à son encontre si bien qu'elle s'est trouvée prescrite à la date du 18 septembre 2014.
S'il est vrai que le point de départ de la prescription peut être différé afin de prendre en considération la situation factuelle en cause, notamment le caractère profane d'un emprunteur qui, au titre du devoir de mise en garde, a pu bénéficier dans d'autres espèces d'un report de ce point de départ au jour du premier incident de paiement qui lui permettait alors d'appréhender les conséquences éventuelles d'un tel manquement, la banque démontre, comme il a été dit ci-avant, que la Congrégation qui se prévaut sur ce point des dispositions de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier, (lequel porte sur le choix de l'instrument financier et non point sur le risque d'endettement excessif généré par l'octroi du prêt) ne peut être regardée , ainsi qu'il a été dit, comme un emprunteur non-averti.
Elle n'était donc pas tenue au devoir de mise en garde invoqué.
Il suit de là que la société Dexia est fondée à se prévaloir de l'irrecevabilité de sa demande indemnitaire fondée sur les divers manquements ainsi invoqués du fait de la prescription de l'action.
Sur l'action en responsabilité fondée sur le manquement à « l'obligation d'information au cours de l'exécution du contrat en 2014-2016 » :
La Congrégation invoque cet autre manquement au § 87 de ses dernières conclusions selon un unique moyen ainsi formulé : «la banque a également manqué à son obligation d'information au cours de l'exécution du contrat en 2014-2016 lorsque la Congrégation a manifesté sa volonté de procéder à un remboursement anticipé, au vu des multiples courriers contradictoires émis par la banque générant la confusion sur la procédure à mettre en œuvre (cf pièces n° 15 à n° 19) ».
Ayant introduit la présente instance par assignation délivrée le 27 décembre 2016, la prescription de son action en responsabilité ne peut lui être opposée.
Sur le fond, toutefois, il ressort des divers courriers de la banque ainsi visés (datés du 08 au 21 décembre 2015) et à l'examen desquels la Congrégation qui en était destinataire renvoie la cour, qu'ils lui ont été adressés en réponse au souhait par elle exprimé le 9 novembre 2015 de procéder à un remboursement anticipé du contrat de prêt, qu'ils ont pour objets successifs le remboursement anticipé du contrat de prêt, une offre indicative de refinancement, le remboursement anticipé partiel du contrat de prêt, l'indemnité actuarielle du contrat et qu'ils comportent en annexe des documents et propositions chiffrés.
La Congrégation limitant sa démonstration du caractère « contradictoire » de ces courriers et de la « confusion » qu'ils ont pu générer à la seule affirmation reprise ci-dessus - incidemment sans permettre à son adversaire, du fait de leur imprécision, d'en débattre utilement au mépris du principe du contradictoire - la cour ne saurait valablement se prononcer sur la responsabilité de la banque de ce chef et accueillir, partant, sa demande à ce titre.
Elle en sera, dans ces conditions, déboutée.
Sur la sanction de l'abus de mise en œuvre de la garantie :
Il convient de rappeler que pour condamner la société Dexia au paiement de la somme indemnitaire de 40.000 euros de ce chef, le tribunal, après avoir retenu l'existence d'un nouveau contrat, autonome, noué en 2009 qui ne prévoyait pas d'indemnité de résiliation anticipée en a déduit que la banque était dès lors mal fondée à en demander le paiement et qu'elle en a abusivement prélevé le montant sur le contrat donné en nantissement qui ne prévoyait d'ailleurs la faculté de rachat partiel que dans des conditions restrictives, ceci malgré l'opposition formelle de la Congrégation.
Eu égard à ce qui précède et plus précisément sur l'absence de novation par le passage en taux fixe convenu en 2009, la société Dexia est fondée à se reporter aux stipulations du contrat de prêt conclu le 30 décembre 2004, lequel prévoyait en son article 6.8 intitulé « garanties » :
« 6.8.1 La garantie constitue l'un des éléments déterminant de l'engagement de Dexia Crédit Local.
6.8.2 -Délégation de créance ' En garantie du remboursement de toute somme due en principal, intérêts, intérêts de retard, commissions, indemnités, frais et accessoires en exécution du présent contrat de prêt d'un montant en principal de 1.800.000 euros, l'emprunteur s'engage à consentir par acte sous seing privé conforme au projet ci-annexé, au profit de Dexia Crédit Local, une délégation de créance acceptée par le débiteur délégué portant sur la créance détenue par l'emprunteur sur Dexia Epargne Pension (débiteur délégué) au titre du contrat de capitalisation n° ' à versements adossés au Fonds Général DEP. L'emprunteur s'engage à ce que le montant de l'épargne investie au titre du contrat de capitalisation visé ci-dessus soit toujours supérieur ou égal à 25% du capital restant dû au titre du contrat de prêt. »
Il était en outre convenu, à l'article 4.3.3 du contrat relatif à l'indemnité de remboursement anticipé susceptible d'être exigée dans le cadre d'un emprunt à taux fixe, que :
« Dexia communiquera à l'emprunteur, dans les meilleurs délais, le taux d'actualisation ainsi déterminé (au paragraphe précédent) et, le cas échéant le montant de l'indemnité de remboursement anticipé calculée sur cette base et exigible à la date du remboursement anticipé»
Enfin, l'acte de délégation de créance conclu les 11, 15 et 30 décembre 2004 (pièce n° 27 de Dexia) entre la Congrégation (le délégant) Dexia Epargne Pension (le délégué) et Dexia Crédit Local (le délégataire) prévoyait l'affectation en garantie du contrat de capitalisation souscrit auprès de Dexia Epargne Pension et propriété du délégant.
En son article 2 relatif à la délégation de créance, il était convenu :
(au point 2.2) que « la présente délégation est consentie à concurrence des sommes dues par le délégant à Dexia Crédit Local au moment de leur exigibilité et à hauteur de l'épargne constituée (…) »
et (au point 2.4) qu' « en cas d'incidents de paiement et/ou d'exigibilité anticipée du prêt garanti, le délégant confère à Dexia Crédit Local le droit d'obtenir à tout moment du délégué le rachat total/partiel à son profit du contrat de capitalisation susmentionné dans les conditions et sous les réserves de l'article 2.2 ci-dessus ».
Il résulte des pièces versées aux débats que la Congrégation a été avisée par courrier de la banque du 6 novembre 2015, succédant à des courriers des 06 février et 31 juillet 2015, qu'elle était redevable de la somme de 485.611,87 euros au titre de l'indemnité de remboursement anticipé dont le mode de calcul précis figurait dans un document annexe.
Eu égard aux solutions ci-avant données au présent litige, il y a donc lieu de considérer que la société Dexia disposait d'une créance certaine, liquide et exigible en vertu du contrat de prêt et qu'elle demeurait impayée en dépit de ses courriers de mise en demeure des 19 janvier et 22 avril 2016 adressés par plis recommandés (également produits).
Aux termes de cette dernière mise en demeure, la banque informait enfin, in fine, la Congrégation qu'elle allait procéder au rachat partiel du contrat de capitalisation à hauteur de sa créance.
L'article 6.8.2 du contrat sus-repris qui fait expressément figurer au rang des impayés les « indemnités » et 2.4 de l'acte de délégation de créance qui ouvre droit au rachat « en cas d'incidents de paiement », lesquels peuvent être entendus, selon la doctrine, comme une difficulté venant perturber le processus normal de paiement d'une dette, permettent à la cour de considérer que la société Dexia n'a commis aucun abus dans la mise en œuvre de sa garantie.
Par suite, le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la faute de la banque en la condamnant au paiement de la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice invoqué.
Sur les autres demandes :
La solution donnée au litige conduit à infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais non répétibles et aux dépens.
L'équité commande de condamner la Congrégation à verser à la société Dexia la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboutée de ce dernier chef de demande, l'intimée qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action en nullité du contrat de prêt conclu le 30 décembre 2004, et statuant à nouveau ;
Déboute la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] de sa demande de restitution de la somme de 485.611,87 euros ;
Déclare irrecevable, comme prescrite, l'action en responsabilité de la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] formée à titre subsidiaire à l'encontre de la société Dexia Crédit Local SA fondée sur ses manquements fautifs lors de la formation du contrat de prêt ;
Déboute la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] de sa demande indemnitaire formée à titre subsidiaire à l'encontre de la société Dexia Crédit Local SA fondée sur ses manquements fautifs lors de l'exécution du contrat de prêt ;
Déboute la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Dexia Crédit Local SA fondée sur l'abus dans la mise en œuvre de la garantie dont elle bénéficiait ;
Condamne la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3] à verser à la société Dexia Crédit Local SA la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
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