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TGI TARASCON (9e ch. 1re sect.), 28 mars 1997

Nature : Décision
Titre : TGI TARASCON (9e ch. 1re sect.), 28 mars 1997
Pays : France
Juridiction : Tarascon (TGI)
Demande : 01306/96
Date : 28/03/1997
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 30/05/1996
Décision antérieure : CA AIX-EN-PROVENCE (15e ch. civ.), 10 octobre 2002
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 997

TGI TARASCON (9e ch. 1re sect.), 28 mars 1997 : RG n° 01306/96

(sur appel CA Aix-en-Provence (15e ch. civ.), 10 oct. 2002, RG n° 97-10636 ; arrêt n° 1119)

 

Extrait : « Attendu que le formulaire d'adhésion présenté aux souscripteurs se présente sous la forme d'une plaquette intitulée en page 1 « Providencial - maintien de revenus - PDG, gérants, artisans, commerçants, professions libérales » ; que la plaquette expose ensuite en pages 2, 3 et 4 en gros caractères les modalités de détermination du montant d'indemnités journalières effectué librement par le souscripteur par un calcul « montant de la cotisation pour 100 Francs d'indemnité » multiplié par « le nombre d'unités choisies » ; qu'à la suite de ces explications techniques figure en page 5 le formulaire d'adhésion fixant le montant de la cotisation trimestrielle en fonction du montant d'indemnité journalières choisi et formalisant la demande d'adhésion du souscripteur ; qu'à la page 6 est porté le questionnaire médical ; qu'enfin aux pages 7 et 8 figurent les conditions générales du contrat, imprimées dans un corps de caractères extrêmement réduit ;

Attendu que le souscripteur normalement avisé est en droit de s'attendre à trouver dans la partie rédigée en caractères gras de la plaquette les informations essentielles du produit qui lui est proposé ; que la stipulation figurant à l'alinéa 9 de l'article 5 de ces conditions générales présente un caractère substantiel, en ce qu'elle vise à limiter la prestation attendue au moment de son exécution en fonction des revenus du souscripteur ; Attendu que cette particularité du contrat n'est en aucune manière précisée dans le reste de la plaquette, dont la lecture laisse à penser, à défaut d'indications en ce sens, que le « montant garanti » correspond au montant qui sera effectivement versé ; que l'imprécision est favorisée par les mentions répétées de formules telles que « maintien de revenu » ou « revenu de substitution », lesquelles n'ont aucun pouvoir informatif, et ce en dépit de l'argumentation des sociétés défenderesses, en l'absence d'éléments de référence tels que le niveau des revenus « maintenus » ou la valeur des revenus auxquels il est « substitué » ; Qu'il n'est fait mention de la stipulation litigieuse que de façon discrète, au neuvième alinéa du corps d'un article qui en compte douze ; que cette façon de procéder à l'information du cocontractant caractérise la volonté sinon d'occulter mais tout au moins de rendre fort mal aisé l'accès à un élément déterminant du contrat ;

Attendu que le caractère abusif de la disposition litigieuse ne doit pas s'apprécier en fonction de sa seule littéralité ; que certes les parties disposent du droit de limiter contractuellement l'objet des prestations réciproques en vertu de circonstances qu'elles ont préalablement défini, si ces limitations sont clairement et librement consenties ; Attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que les circonstances qui entourent la conclusion de ce contrat, et notamment compte tenu de la forme de la plaquette de souscription, des mentions mises en évidence et de celles qui délibérément ne le sont pas confèrent à ce texte un caractère abusif en ce qu'il a pour effet de créer, au détriment de Mme X., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; Qu'en effet cette dernière s'est acquittée d'une cotisation d'un montant fixé pour une prestation de 400 Francs par jour d'indemnités journalières alors que ces paiements ne correspondaient pas à la réalité de ses revenus définitivement pris en compte au moment de la réalisation de la garantie ; qu'il lui a été en définitive versé 6 Francs par jour ; que le déséquilibre manifeste et excessif entre les prestations des parties résulte de l'avantage conféré à l'assureur par les conditions de conclusion du contrat et l'atténuation volontaire de la portée de la disposition contractuelle incriminée ;

Attendu que l'argumentation des sociétés défenderesses sera écartée, en ce qu'elles estiment que la clause litigieuse porte sur l'objet principal ou sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert ; qu'en effet l'objet principal du contrat consiste dans le versement d'indemnités par l'assureur en contrepartie du paiement des primes au cas de survenance des événements envisagés ; que la clause litigieuse porte sur les modalités de l'exécution du contrat et non sur la définition de son objet ; que la seconde branche de son argument n'a aucun rapport avec le présent litige, la contestation ne portant pas sur les primes versées ;

Que dès lors, il y a lieu de déclarer la première phrase de l'alinéa neuf de l'article 5 des conditions générales du contrat « Providencial » abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, et en conséquence non écrite, en l'état du fait que cet élément essentiel du contrat ne figure ni aux conditions particulières, ni dans les documents de présentation ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARASCON

JUGEMENT DU 28 MARS 1997

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° : 01306/96. AIDE JURIDICTIONNELLE : Décision du [date] au profit de Mme X.

 

DEMANDERESSE :

Madame X.

domiciliée [adresse], représentée par Maître FABRE-BILLY

 

DÉFENDERESSES :

- La SA LE GROUPE APRIL

dont le siège social est situé [adresse]

- La Société SPRINKS SA

dont le siège social est [adresse], INTERVENANT VOLONTAIRE

représentées par Maître Philippe MAIRIN, assisté de Maître BELIN de CHANTEMELE avocat à LYON

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : Monsieur PERRONE, Juge, siégeant à juge unique en application de l'article 801 du NCPC, assisté de : Mme GILLES Greffier,

PROCÉDURE : Date de l'ordonnance de clôture : 22 janvier 1997 - Date des débats : 29 janvier 1997

Décision : Contradictoire - Premier ressort

Délibéré : À l'issue des débats, les parties ont été avisées de la date du prononcé de la décision. En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte d'huissier en date du 30 mai 1996, Mme X. a fait assigner le Groupe April SA pour faire déclarer abusives certaines stipulations du contrat d'assurance maladie complémentaire qu'elle a conclu avec cette société. Elle sollicite le paiement d'indemnités journalières pour un montant total de 30.400 Francs, outre la somme de 20.000 Francs à titre de dommages-intérêts.

La SA Sprinks est intervenue volontairement, en sa qualité d'assureur, pour défendre à la présente instance, et le Groupe April SA a demandé à être mis hors de cause, en sa qualité de société de gestion et de courtage d'assurances.

Ces sociétés s'opposent aux demandes de Mme X., arguant d'une clause du contrat, laquelle prévoit que le calcul des indemnités journalières est effectué en fonction des revenus réels du bénéficiaire, cette clause ne présentant selon elles aucun caractère abusif. Elles demandent la condamnation de Mme X. à payer à chacune d'entre elles la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la condamnation aux dépens avec distraction au profit de leur conseil

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 1997.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'il convient d'accueillir la SA Sprinks en son intervention volontaire, motivée par les relations contractuelles qu'elle entretient avec le Groupe April SA ;

Attendu que Mme X. a souscrit par demande d'adhésion de sa part du 13 mars 1995 et certificat d'adhésion émanant du Groupe April en date du 10 mai 1995 un contrat dénommé « Providencial » dont l'objet est de garantir des revenus en cas de cessation d'activité de l'adhérent à la suite d'une maladie ou d'un accident ; que la garantie a été souscrite pour un « montant garanti » de 400 Francs par jour ;

Attendu que Mme X. a interrompu son activité, dans des circonstances ouvrant droit à garantie, du 26 décembre 1995 au 20 février 1996 ; que la Groupe April a versé des indemnités journalières d'un montant de 6 Francs par jour, arguant du compte de résultat fiscal de l'exercice 1995 de Mme X., lequel fait apparaître un résultat bénéficiaire de 2.016 Francs ;

Attendu que la société entend faire application des dispositions contractuelles, lesquelles prévoient, notamment à l'article 5 des conditions générales, qu’« en cas d'accident ou de maladie garantis, l'assurance prévoit le versement d'une indemnité journalière (...) l'indemnité journalière versée ne pourra, en aucun cas, être supérieure au revenu que l'assuré aurait perçu si l'assuré n'avait pas interrompu son activité » ;

[minute page 3] Attendu que Mme X. entend dénier toute portée à ces dernières dispositions, qu'elle considère comme abusives, dans la mesure où le montant de l'indemnité journalière est déjà fixée par l'adhésion initiale et par le montant de la cotisation puisque l'adhérant ne peut savoir ni quand il tombera malade ni quels seront ses revenus au moment de sa maladie ; que l'existence de cette clause procure un avantage manifestement excessif au Groupe April et qu'elle rentre donc dans la définition de la clause abusive prévue par l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;

Qu'elle indique de plus que cette clause est insérée dans les conditions générales du contrat, document qu'elle affirme n'avoir jamais eu en sa possession, malgré les mentions figurant à la demande d'adhésion et au certificat d'adhésion ; qu'elle considère que le fait de signer une convention d'adhésion comportant cette mention, et sans qu'il puisse être constaté de manière irréfragable que l'adhérent a pu effectivement prendre connaissance des conditions générales avant la conclusion du contrat est la définition exacte de la clause abusive telle que décrite au troisième alinéa de l'article L. 132-1 ;

Attendu que le formulaire d'adhésion présenté aux souscripteurs se présente sous la forme d'une plaquette intitulée en page 1 « Providencial - maintien de revenus - PDG, gérants, artisans, commerçants, professions libérales » ; que la plaquette expose ensuite en pages 2, 3 et 4 en gros caractères les modalités de détermination du montant d'indemnités journalières effectué librement par le souscripteur par un calcul « montant de la cotisation pour 100 Francs d'indemnité » multiplié par « le nombre d'unités choisies » ; qu'à la suite de ces explications techniques figure en page 5 le formulaire d'adhésion fixant le montant de la cotisation trimestrielle en fonction du montant d'indemnité journalières choisi et formalisant la demande d'adhésion du souscripteur ; qu'à la page 6 est porté le questionnaire médical ; qu'enfin aux pages 7 et 8 figurent les conditions générales du contrat, imprimées dans un corps de caractères extrêmement réduit ;

Attendu que le souscripteur normalement avisé est en droit de s'attendre à trouver dans la partie rédigée en caractères gras de la plaquette les informations essentielles du produit qui lui est proposé ; que la stipulation figurant à l'alinéa 9 de l'article 5 de ces conditions générales présente un caractère substantiel, en ce qu'elle vise à limiter la prestation attendue au moment de son exécution en fonction des revenus du souscripteur ;

Attendu que cette particularité du contrat n'est en aucune manière précisée dans le reste de la plaquette, dont la lecture laisse à penser, à défaut d'indications en ce sens, que le « montant garanti » correspond au montant qui sera effectivement versé ; que l'imprécision est favorisée par les mentions répétées de formules telles que « maintien de revenu » ou « revenu de substitution », lesquelles n'ont aucun pouvoir informatif, et ce en dépit de l'argumentation des sociétés défenderesses, en l'absence d'éléments de référence tels que le niveau des revenus « maintenus » ou la valeur des revenus auxquels il est « [minute page 4] substitué » ;

Qu'il n'est fait mention de la stipulation litigieuse que de façon discrète, au neuvième alinéa du corps d'un article qui en compte douze ; que cette façon de procéder à l'information du co-contractant caractérise la volonté sinon d'occulter mais tout au moins de rendre fort mal aisé l'accès à un élément déterminant du contrat ;

Attendu que le caractère abusif de la disposition litigieuse ne doit pas s'apprécier en fonction de sa seule littéralité ; que certes les parties disposent du droit de limiter contractuellement l'objet des prestations réciproques en vertu de circonstances qu'elles ont préalablement défini, si ces limitations sont clairement et librement consenties ;

Attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que les circonstances qui entourent la conclusion de ce contrat, et notamment compte tenu de la forme de la plaquette de souscription, des mentions mises en évidence et de celles qui délibérément ne le sont pas confèrent à ce texte un caractère abusif en ce qu'il a pour effet de créer, au détriment de Mme X., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

Qu'en effet cette dernière s'est acquittée d'une cotisation d'un montant fixé pour une prestation de 400 Francs par jour d'indemnités journalières alors que ces paiements ne correspondaient pas à la réalité de ses revenus définitivement pris en compte au moment de la réalisation de la garantie ; qu'il lui a été en définitive versé 6 Francs par jour ; que le déséquilibre manifeste et excessif entre les prestations des parties résulte de l'avantage conféré à l'assureur par les conditions de conclusion du contrat et l'atténuation volontaire de la portée de la disposition contractuelle incriminée ;

Attendu que l'argumentation des sociétés défenderesses sera écartée, en ce qu'elles estiment que la clause litigieuse porte sur l'objet principal ou sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert ; qu'en effet l'objet principal du contrat consiste dans le versement d'indemnités par l'assureur en contrepartie du paiement des primes au cas de survenance des événements envisagés ; que la clause litigieuse porte sur les modalités de l'exécution du contrat et non sur la définition de son objet ; que la seconde branche de son argument n'a aucun rapport avec le présent litige, la contestation ne portant pas sur les primes versées ;

Que dès lors, il y a lieu de déclarer la première phrase de l'alinéa neuf de l'article 5 des conditions générales du contrat « Providencial » abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, et en conséquence non écrite, en l'état du fait que cet élément essentiel du contrat ne figure ni aux conditions particulières, ni dans les documents de présentation ;

Attendu que le contrat a été conclu entre Mme X. et le Groupe April SA ; que cette société a été son interlocuteur pour l'exécution de ce contrat ; qu'il n'y a pas lieu de la [minute page 5] mettre hors de cause ;

Attendu que le contrat « Providencial » est assuré par la SA Sprinks ; qu'il y a lieu de condamner solidairement la SA Sprinks et le Groupe April SA à verser à Mme X. le montant des indemnités journalières prévues au contrat, soit 30.400 Francs ;

Attendu que le Groupe April SA s'est livré sciemment à une rédaction des documents de présentation du contrat qui ne permet pas à un souscripteur normalement avisé de prendre la mesure de la réalité des garanties souscrites ; que cette attitude commerciale outrepasse largement le « dolus bonus » admissible et qu'elle a occasionné notamment à l'égard de Mme X. un préjudice certain que le Tribunal est en mesure d'évaluer forfaitairement à la somme de 10.000 Francs et dont le Groupe April SA doit réparation ;

Attendu qu'il est nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire au sens de l'article 515 du Nouveau Code de Procédure Civile d'assortir la présente décision de l'exécution provisoire ;

Que les demandes fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile doivent être rejetées ;

Que le Groupe April SA et la SA Sprinks seront condamnées aux dépens, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,-avec distraction au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION DU TRIBUNAL :

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en matière civile, et en premier ressort ;

Reçoit la SA Sprinks en son intervention volontaire ;

Rejette la demande de mise hors de cause du Groupe April SA ;

Déclare la première phrase de l'alinéa neuf de l'article 5 des conditions générales du contrat « Providencial » signé par Mme X. abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, et par conséquent non écrite, en l'état du fait que cet élément essentiel du contrat ne figure ni aux conditions particulières, ni dans les documents de présentation ;

Condamne solidairement le Groupe April. SA et la SA Sprinks à payer à Mme X. la somme de 30.400 Francs ;

Condamne le Groupe April SA à payer à Mme X. la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts ;

[minute page 6] Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;

Dit n'y avoir lieu à accorder de sommes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne solidairement le Groupe April SA et la SA Sprinks aux dépens, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, avec distraction au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT,