TI PALAISEAU, 20 janvier 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 101
TI PALAISEAU, 20 janvier 2004 : RG n° 03/000765 ; jugement n° 04/65
(sur appel CA Paris (25e ch. A), 23 septembre 2005 : RG n° 04/06998)
Extrait : « Or, la recommandation n° 82-03 de la Commission des Clauses Abusives stipule que les contrats d'installation de cuisine comportent une clause d'échelonnement des versements impliquant en général que la quasi-totalité du prix soit versée avant la pose effective des divers éléments, voire leur livraison, et que cette disposition peut se révéler abusive dès lors qu'elle implique des versements dont l'importance ne correspond pas à l'exécution successive des prestations prévues au contrat.
Il convient donc d'examiner la part respective de chacune des prestations (livraison de meubles ou installation) par rapport au total du prix de vente. En l'espèce, le 1er contrat a été conclu pour un total de 7.627 € dont 2.756 € d'installation soit 36 %, le 2ème contrat pour un total de 6.373 € dont 3.095 € d'installation soit 48,56 %, le 3ème contrat pour un total de 790 € dont 113 € d'installation soit 14,30 %, le 4ème contrat pour un total de 450 € dont 450 € d'installation (travaux) 100 %. Au total, la part représentée par la livraison d'équipements mobiliers et autres représente 56,63 % du prix de vente, l'installation de ce mobilier 43,37 %, et l'acompte versé 38 %. C'est donc une fraction supplémentaire d'environ 18,63 % du prix de vente qui aurait dû être versée par les demandeurs à la livraison, et non les 62 % réclamés. La clause figurant aux contrats conclus entre les parties peut donc s'analyser en une clause abusive, dans la mesure où l'importance des versements sollicités ne correspond pas à l'exécution successive des prestations prévues au contrat.
Par application de l'article L. 132-1 alinéa 6 du Code de la consommation, cette clause abusive est donc réputée non écrite. Dès lors, les demandeurs n'étaient pas tenus de verser la totalité du solde à la livraison. Celle-ci n'ayant pas eu lieu du fait du refus de la société VGC DISTRIBUTION de livrer le matériel sans être payé en retour de la totalité, ce qui n'est pas contesté, il apparaît que l'inexécution de la prestation est imputable à la société VGC DISTRIBUTION ; Monsieur et Madame X. sont donc bien fondés à solliciter la résolution du contrat aux torts de cette dernière et obtenir en conséquence la restitution des acomptes versés, soit la somme de 5.740 €, qu'il convient d'assortir des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2003, date de réception de la lettre de mise en demeure ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE PALAISEAU
JUGEMENT DU 20 JANVIER 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n ° 11-03-000765. Jugement n° 04-65.
DEMANDEUR(S) :
Monsieur et Madame X. née Y.
[adresse], représenté(e) par Maître ALTMANN Karine, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR(S) :
SA VGC DISTRIBUTION exerçant sous l'enseigne VOGICA
[adresse], représenté(e) par Maître POSOKHOW-DEPECKER Catherine, avocat au barreau de VERSAILLES
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : Madame PRACHE Aurélie.
Greffier : Madame VALENTIN Roselyne.
DÉBATS : Audience publique du 9 décembre 2003.
DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, prononcée publiquement le 20 janvier 2004 par Madame PRACHE Aurélie, Président, assistée de Madame VALENTIN Roselyne, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Le 28 décembre 2002, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ont signé auprès de la société VGC DISTRIBUTION un bon de commande pour la livraison et l'installation d'une cuisine et salle de bains équipées, et versé des acomptes de 2.710 € et 2.500 €. Le 7 décembre 2002, ils ont passé commande pour la peinture des plafonds de la cuisine et versé un acompte de 180 €. Le 28 mars 2003, ils ont commandé l'installation de sanitaires et versé un acompte de 350 €.
Par acte en date du 7 octobre 2003, ils ont fait assigner la société VGC DISTRIBUTION devant ce Tribunal pour entendre prononcer la résolution des contrats souscrits, dire que ceux-ci comportent des clauses abusives, et obtenir la condamnation de la société à leur rembourser les acomptes de 5.740 €, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2003, et capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, et à leur payer la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
La livraison devait avoir lieu le 30 avril 2003. Le contrat portait sur la livraison et l'installation du matériel, et ils étaient en droit d'attendre que les prestations soient réalisées correctement pour effectuer le paiement. Ceci a été refusé par le défendeur, estimant que ce point n'était pas prévu au contrat. La société VGC DISTRIBUTION a refusé alors de livrer le matériel et s'est opposée à la restitution des acomptes. Dès le 13 juin 2003, ils ont dénoncé le contrat pour défaut de livraison, par application des articles L. 114-1 et R. 114-1 du Code de la consommation.
La clause obligeant le non professionnel à exécuter son obligation alors que le professionnel n'aurait pas exécuté les siennes est une clause abusive. La recommandation n° 82-03 rappelle d'ailleurs ce point s'agissant de l'installation de cuisines équipées.
La société VGC DISTRIBUTION conclut au rejet de l'ensemble des prétentions et demande reconventionnellement que soit ordonnée l'exécution forcée des contrats. Elle demande la condamnation solidaire de Monsieur et Madame X. à :
- lui verser la somme de 9.230 € représentant le solde du prix de vente,
- fixer un rendez-vous au livreur dans les 8 jours de la signification du jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai,
- lui fixer un rendez-vous pour assurer la pose de la cuisine dans les 8 jours du passage du livreur, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai,
- le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
- lui verser la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le solde des commandes devait être versé à la livraison, laquelle devait intervenir le 30 avril 2003. La société a informé ses clients que la livraison interviendrait entre le 14 et le 20 avril 2003. Le 28 avril, Monsieur X. s'est plaint de ce que la livraison n'avait pas encore eu lieu. Le 29 avril, la société a indiqué aux clients que la livraison des éléments commandés ne pouvait avoir lieu en raison de leur refus de régler le solde du prix de vente à la livraison. Monsieur et Madame X. ont clairement refusé d'honorer leur engagement, seule raison de l'inexécution par la société de ses obligations.
Le contrat ne comporte aucune clause abusive. L'article 1244 du Code Civil prévoit que le [minute page 3] débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette. Il n'est pas abusif de prévoir un acompte à la commande et le paiement du solde à la livraison, date à laquelle la société exécute l'essentiel de ses obligations. La livraison du matériel représente plus de la moitié du prix de la prestation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Sur la résolution du contrat pour inexécution par la société VGC DISTRIBUTION de ses obligations :
Par application de l'article L. 114-1 du Code de la consommation, dans tout contrat ayant pour objet la vente d'un bien meuble ou la fourniture d'une prestation de services à un consommateur, le professionnel doit, lorsque la livraison du bien ou la fourniture de la prestation n'est pas immédiate et si le prix convenu excède les seuils fixés par voie réglementaire, indiquer la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation.
Il ressort des pièces du dossier que le solde du prix de chacun des contrats devait être versé à la livraison. Il n'est pas contesté que la livraison devait avoir lieu avant le 30 avril 2003. Un courrier du 29 avril 2003 de la Société VGC DISTRIBUTION, adressé aux demandeurs, indique que, contactés pour une livraison le 26 avril 2003, ils ont refusé le versement au livreur du solde du prix de vente.
Ce point n'est d'ailleurs pas contesté par les époux X., qui indiquent avoir refusé ce versement, proposant de régler la somme convenue après l'installation définitive des différents matériaux.
Or, la recommandation n° 82-03 de la Commission des Clauses Abusives stipule que les contrats d'installation de cuisine comportent une clause d'échelonnement des versements impliquant en général que la quasi-totalité du prix soit versée avant la pose effective des divers éléments, voire leur livraison, et que cette disposition peut se révéler abusive dès lors qu'elle implique des versements dont l'importance ne correspond pas à l'exécution successive des prestations prévues au contrat.
Il convient donc d'examiner la part respective de chacune des prestations (livraison de meubles ou installation) par rapport au total du prix de vente.
En l'espèce, le 1er contrat a été conclu pour un total de 7.627 € dont 2.756 € d'installation soit 36 %, le 2ème contrat pour un total de 6.373 € dont 3.095 € d'installation soit 48,56 %, le 3ème contrat pour un total de 790 € dont 113 € d'installation soit 14,30 %, le 4ème contrat pour un total de 450 € dont 450 € d'installation (travaux) 100 %.
Au total, la part représentée par la livraison d'équipements mobiliers et autres représente 56,63 % du prix de vente, l'installation de ce mobilier 43,37 %, et l'acompte versé 38 %.
C'est donc une fraction supplémentaire d'environ 18,63 % du prix de vente qui aurait dû être versée par les demandeurs à la livraison, et non les 62 % réclamés. La clause figurant aux contrats conclus entre les parties peut donc s'analyser en une clause abusive, dans la mesure où l'importance des versements sollicités ne correspond pas à l'exécution successive des prestations [minute page 4] prévues au contrat.
Par application de l'article L. 132-1 alinéa 6 du Code de la consommation, cette clause abusive est donc réputée non écrite.
Dès lors, les demandeurs n'étaient pas tenus de verser la totalité du solde à la livraison. Celle-ci n'ayant pas eu lieu du fait du refus de la société VGC DISTRIBUTION de livrer le matériel sans être payé en retour de la totalité, ce qui n'est pas contesté, il apparaît que l'inexécution de la prestation est imputable à la société VGC DISTRIBUTION ;
Monsieur et Madame X. sont donc bien fondés à solliciter la résolution du contrat aux torts de cette dernière et obtenir en conséquence la restitution des acomptes versés, soit la somme de 5.740 €, qu'il convient d'assortir des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2003, date de réception de la lettre de mise en demeure,
Il n'y a pas lieu à dommages et intérêts faute de démonstration d'un préjudice ou d'abus à avoir résisté aux demandes.
La capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière est de droit, par application de l'article 1154 du Code Civil, s'agissant d'une demande judiciaire.
L'exécution provisoire ne paraissant pas spécialement nécessaire vu la nature de l'affaire, il n'y a pas lieu de déroger à la règle de l'effet suspensif des voies de recours ordinaires ;
La société VGC DISTRIBUTION, tenue aux dépens, sera condamnée au paiement de la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
- Dit que la clause prévoyant le versement du solde du prix de vente à la livraison est une clause abusive,
- Dit que cette clause est en conséquence réputée non écrite,
- Constate que la livraison n'est pas intervenue dans le délai prévu, et que cette inexécution est imputable à la société VGC DISTRIBUTION,
- Par conséquent, prononce la résolution judiciaire des contrats de livraison et d'installation de sanitaires, cuisine, et salle de bain équipées, conclus entre les parties,
- Condamne la Société VGC DISTRIBUTION à restituer à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. la somme de 5.740 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2003,
- Ordonne la capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année entière,
- [minute page 5] Déboute Monsieur et Madame X. de leur demande de dommages et intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamne la société VGC DISTRIBUTION à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- Condamne la société VGC DISTRIBUTION aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé à l'audience publique de ce jour ; et Nous avons signé avec le Greffier.
LE GREFFIER LE JUGE
- 5742 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Droits et obligations du consommateur
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6101 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Détermination des obligations - Obligations monétaires - Date de paiement du prix
- 6482 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente d’ameublement - Cuisine intégrée (vente et installation) (2) - Obligations de l’acheteur