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CA NÎMES (1re ch. A), 23 mai 2002

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (1re ch. A), 23 mai 2002
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 1re ch. sect. A
Demande : 00/1142
Date : 23/05/2002
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 7/03/2000
Décision antérieure : TGI NÎMES (1re ch.), 8 février 2000
Numéro de la décision : 265
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1069

CA NÎMES (1re ch. A), 23 mai 2002 : RG n° 00/1142 ; arrêt n° 265

Publication : Juris-Data n° 187425

 

Extrait  : « Attendu que les époux X. font valoir que les clauses du contrat limitant la prise en charge de l'incapacité temporaire totale à l'âge de 60 ans sont abusives : que par ailleurs, ils sollicitent la garantie de la CNP pour leur condamnation envers la CRCAM du GARD ; Attendu que la CNP conteste à juste titre le caractère abusif de ladite clause ; qu'en effet, celle-ci doit s'apprécier d'une façon générale et non au cas individuel d'un assuré, lequel doit être précisément renseigné, compte [tenu] de sa situation particulière, par la personne physique avec laquelle il est en relation d'affaires ; Attendu, par ailleurs, que dans tous les contrats de prêt, à l'exclusion de celui signé le 7 mars 1989 989, les emprunteurs ont accepté d'être assurés suivant les modalités détaillées dans les conditions générales de l'assurance-collective à eux remises par le prêteur ainsi que sur les conditions particulières dont ils ont attesté avoir pris connaissance ».

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

PREMIÈRE CHAMBRE A

ARRÊT DU 23 MAI 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 00/1142. Arrêt n° 265.

Ce jour, VINGT TROIS MAI DEUX MILLE DEUX à l'audience publique de la PREMIÈRE CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE NÎMES, Monsieur DELTEL, Président, assisté de Madame ORMANCEY, Greffer, a prononcé l'arrêt suivant dans l'instance opposant :

 

D'UNE PART :

La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU GARD - CRCAM

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social [adresse], ayant pour avoué constitué la SCP TARDIEU et pour avocat le Cabinet TOURNIER et associés, APPELANTE

[minute page 2]

D'AUTRE PART :

1/ Monsieur X.

2/ Madame Y. épouse X.

demeurant et domiciliés ensemble [adresse] ayant pour avoué constitué la SCP POMIES RICHAUD ASTRAUD et pour avocat Maître LOSSOIS

3/ La CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE - CNP

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social [adresse] ayant pour avoué constitué la SCP GUIZARD-SERVAIS et pour avocat la SCP REINHARD DELRAN

INTIMÉS

 

Après que l'instruction a été clôturée par ordonnance du Conseiller de la Mise en État en date du 25 février 2002.

Après que les débats ont eu lieu à l'audience publique du 26 février 2002 où siégeaient : - Monsieur DELTEL, Président, - Madame JEAN, Conseiller, - Madame BRISSY-PROUVOST, Conseiller,

[minute page 3] assistés de : - Madame ORMANCEY, Greffier,

La Cour ainsi composée et assistée a entendu les avoués et avocats en leurs conclusions et plaidoiries.

Le prononcé de la décision a été ensuite fixé à la date du 16 avril 2002, prorogé à celle de ce jour.

Les magistrats du siège en ont ensuite délibéré en secret, conformément à la loi.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE - PRÉTENTIONS - MOYENS DES PARTIES :

Vu :

* le jugement contradictoire rendu le 8 février 2000 par le Tribunal de Grande Instance de NIMES,

* les conclusions récapitulatives signifiées le 7 juillet 2000 par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU GARD,

* les conclusions récapitulatives signifiées le 14 janvier 2002 par les époux X.,

* les conclusions récapitulatives signifiées le 29 janvier 2002 par la CNP,

auxquels il est fait expressément référence pour un plus ample exposé de la cause.

* * *

[minute page 4] Suivant actes suivants :

- contrat d'ouverture de crédit n° 456929 en date du 7 mars 1989 pour un montant de 200.000 francs,

- contrat de prêt n° 540012 en date du 18 mars 1991 pour un montant de 160.000 Francs,

- contrat de prêt n° 540013 en date du 17 avril 1991 pour un montant de 180.000 Francs,

- contrat de prêt n° 540552 en date du 17 avril 1991 pour un montant de 70.000 Francs,

- contrat de prêt n° 555249 en date du 13 juin 1991 pour un montant de 40.000 Francs,

- contrat de prêt n° 555247 en date du 13 juin 1991 pour un montant de 50.000 Francs,

- contrat de prêt du 2 décembre 1992 pour un montant de 167.000 Francs,

les époux X., exploitants agricoles, se sont portés co-emprunteurs auprès de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU GARD (dite CRCAM du GARD) et ont adhéré au contrat obligatoire d'assurance groupe décès-invalidité souscrit par cette banque auprès de la CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE dite CNP).

Monsieur X., né le 15 décembre 1933, a été victime le 28 octobre 1993 d'un accident du travail ayant entraîné diverses interventions chirurgicales ; la CNP a refusé sa garantie au titre de ces sept contrats dont les échéances ont cessé d'être payées.

Dans ces conditions, la CRCAM du GARD a assigné principalement en paiement des sommes dues au titre de ces prêts les époux X. qui ont eux-mêmes réclamé, d'une part, à la CNP l'exécution de son obligation d'assureur, d'autre part à la CRCAM et à [minute page 5] la même CNP, paiement d'une somme de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier, ces deux procédures ayant fait l'objet d'une ordonnance de jonction.

Par jugement du 8 février 2000, le Tribunal de Grande Instance de NÎMES

- a rejeté la demande de la CRCAM contre les époux X., eux-mêmes déboutés de leur demande contre la CNP,

- a condamné la CRCAM :

* à supporter la charge des débits et mensualités échus depuis la survenance de état d'incapacité de Robert X. et à échoir jusqu'à cessation dudit état,

* à verser aux époux X. !a somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,

* aux dépens des instances jointes.

Par déclaration en date du 7 mars 2000, la CRCAM du GARD a interjeté appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation tant en ce qui concerne les époux X. que la CNP.

Elle demande donc qu'à défaut de prise en charge du remboursement par la compagnie d'assurances, les emprunteurs soient condamnés solidairement à lui payer :

- en deniers ou quittances, la somme totale de 807.444 francs actualisée au 23 septembre 1998,

- outre celle de 10.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 6] Au contraire, les époux X. sollicitent :

- à titre principal, confirmation du jugement déféré,

- à titre subsidiaire,

* faisant droit â l'appel provoqué qu'ils forment à l'encontre de la CNP, réformation partielle du jugement, condamnation de la CNP à les garantir au titre des prêts,

* condamnation de la CRCAM du GARD et de la CNP à leur verser la somme de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts et au titre de l'indemnisation de leur préjudice moral et financier,

- à titre encore plus subsidiaire,

* condamnation de la CRCAM du GARD à leur payer une indemnité équivalente au montant des échéances à échoir jusqu'au terme de chacun des prêts,

* compensation entre les sommes qui pourraient être mises à leur charge et les dommages-intérêts que devra leur verser la CRCAM du GARD,

- en tout état de cause,

* condamnation de la CNP et de la CRCAM du GARD à leur payer une somme de 12.000 francs HT sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

* condamnation sous la même solidarité de la CNP et la CRCAM du GARD aux entiers dépens de première instance, comprenant les frais d'inscription et de mainlevée d'hypothèque judiciaire conservatoire, ainsi que ceux d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP POMIES RICHAUD ASTRAUD, avoués.

[minute page 7] Enfin, la CNP :

- s'en rapporte sur l'éventuelle responsabilité de la CRCAM du GARD,

- conclut au débouté des demandes des époux X. et réclame leur condamnation à paiement d'une somme de 1.524,49 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 février 2002.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur les demandes de la CRCAM contre les époux X. et des époux X. contre la CRCAM :

Attendu que la CRCAM du GARD soutient que les époux X. connaissaient le principe et le montant de leur dette lorsqu'ils ont reçu la lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure du 19 février 1996, laquelle vaut déchéance du terme à défaut de régularisation postérieure par les emprunteurs de cette situation débitrice ;

Que les époux X. considèrent que ce courrier ne pouvait en aucun cas avoir pour effet de les déchoir du bénéfice du terme, faute de viser pour chacun des différents contrats concernés, l'état des mensualités impayées échues et à échoir ;

Attendu que le premier juge a justement relevé la disproportion entre les sommes réclamées le 19 février 1996 et celles demandées par assignation pour en déduire que le courrier litigieux constituait, vu sa globalité et son imprécision alors qu'existaient sept lignes de prêt, une simple mise en demeure ;

Attendu par contre que suite à celle-ci, l'assignation doit être considérée comme valant déchéance du terme ;

[minute page 8] Qu'en conséquence les époux X. seront condamnés à verser à la CRCAM du GARD la somme de 807.444 francs soit 123.094 € selon décompte actualisé au 23 septembre 1998, et non sérieusement critiqué en son montant ;

* * *

Attendu que par acte du 8 novembre 1996, les époux X. ont assigné la CRCAM du GARD et la CNP pour obtenir principalement à l'égard de la banque :

- que la décision à intervenir lui soit déclarée commune et opposable,

- qu'elle soit condamnée solidairement avec la CNP à leur verser la somme de 50.000 francs en réparation de leur préjudice moral et financier ;

Attendu que la CRCAM du GARD fait donc valoir à juste titre qu'en la condamnant à paiement des prêts échus pendant l'ITT de Monsieur X., le Tribunal a statué ultra petita ;

Attendu que si la banque reste taisante sur les conditions dans lesquelles l'adhésion au contrat d'assurance groupe s'est réalisée lors de l'ouverture de crédit du 7 mars 1989, par contre elle considère que Monsieur X. avait parfaitement connaissance des conditions générales fixant à 60 ans la cessation de prise en charge de l'incapacité temporaire totale lorsqu'il a réalisé des emprunts en 1991 et 1992 ainsi qu'il résulte de sa demande d'adhésion dûment datée et signée ;

[minute page 9] Que les époux X. soulignent la mauvaise foi de la CRCAM du GARD, qui après avoir opposé un refus fondé sur la définition de l'incapacité temporaire totale, invoque désormais une cessation de garantie en raison de l'âge sans toutefois produire aux débats les notices et contrats contenant les clauses successivement invoquées ;

Mais attendu d'une part que dans chaque contrat de prêt au chapitre « conditions générales » et au paragraphe « assurance groupe décès invalidité », il est mentionné que « les emprunteurs soussignés ont donné leur consentement à l'assurance en signant un bulletin d'adhésion dont ils ont reçu un exemplaire » ;

Que la CRCAM du GARD ne produit de tels bulletins que pour les contrats n° 540.552 (70.000 francs), 555.249 (40.000 francs), 555.247 (50.000 francs) pour lesquels, ainsi que l'a retenu le premier juge, les époux X., qui n'arguent pas d'une modification de garantie unilatérale et postérieure à la souscription des emprunts, ne sauraient soutenir qu'ils n'ont pas eu connaissance de la limite d'âge ;

Que par contre, aucune adhésion des assurés aux conditions générales du contrat d'assurance n'est fournie et ne saurait résulter des questionnaires de santé signés par la CRCAM du GARD pour les contrats 540.012 du 18 mars 1991, 540. 13 du 17 avril 1991 et le prêt du 2 décembre 1992 ;

Attendu d'autre part que s'il est exact que la banque n'a joué qu'un rôle d'intermédiaire entre l'assureur et l'assuré, il n'en demeure pas moins que, s'agissant d'une assurance-groupe, elle était le seul interlocuteur de l'assuré envers lequel elle était tenue à un devoir de conseil auquel elle n'a pas satisfait puisqu'elle a obligé Monsieur X. à souscrire en mars et avril 91, une garantie dont elle ne pouvait ou ne devait pas ignorer qu'elle serait effective après douze mois d'attente et six mois de carence, donc pour le souscripteur né le 15 décembre 1933, le 18 octobre 1993 et le 14 décembre 1993, sort à l'âge de 59 ans et plus de dix mois pour le premier contrat et à l'âge de 59 ans et 364 jours pour le deuxième contrat alors que l'ITT était garantie jusqu'à l'âge de 60 ans ;

[minute page 10] Attendu que les fautes commises par la CRCAM du GARD, qui n'a pas informé ou conseillé correctement les époux X., ont entraîné pour ceux-ci un préjudice financier important lequel, au vu des éléments d'appréciation dont la Cour dispose, sera fixé à la somme de 45.734 francs soit 6.972 € ;

Attendu en définitive, que faisant droit à la demande de compensation entre les deux créances certaines, liquides et exigibles, les époux X. seront condamnés à payer à la CRCAM du GARD la somme de 116.122€ ;

Que le jugement sera donc réformé ;

 

Sur la demande des époux X. à l'égard de la CNP et la demande de la CNP à l'égard des époux X.

Attendu que les époux X. font valoir que les clauses du contrat limitant la prise en charge de l'incapacité temporaire totale à l'âge de 60 ans sont abusives : que par ailleurs, ils sollicitent la garantie de la CNP pour leur condamnation envers la CRCAM du GARD ;

Attendu que la CNP conteste à juste titre le caractère abusif de ladite clause ; qu'en effet, celle-ci doit s'apprécier d'une façon générale et non au cas individuel d'un assuré, lequel doit être précisément renseigné, compte [tenu] de sa situation particulière, par la personne physique avec laquelle il est en relation d'affaires ;

Attendu, par ailleurs, que dans tous les contrats de prêt, à l'exclusion de celui signé le 7 mars 1989 989, les emprunteurs ont accepté d'être assurés suivant les modalités détaillées dans les conditions générales de l'assurance-collective à eux remises par le prêteur ainsi que sur les conditions particulières dont ils ont attesté avoir pris connaissance ;

[minute page 11] Qu'aux termes des conditions contractuelles, l'ITT était couverte jusqu'à l'âge de 60 ans et après l'expiration d'un délai de carence de 120 jours ; que la CRCAM du GARD a donc légitimement refusé toute couverture en ce qui concerne ces prêts dans la mesure où, le sinistre étant survenu le 28 octobre 1993, il convenait de retarder la couverture de 120 jours, ce qui reportait à la fin février 1994, soit à une date à laquelle Monsieur X. avait atteint l'âge de 60 ans pour être né le 15 décembre 1933 ; que comme déjà souligné, seul la CRCAM du GARD, qui ne demande d'ailleurs pas à être relevée et garantie par l'assureur, a été en contact avec l'assuré et lui a proposé le contrat ; que la demande des époux X. à l'égard de la CNP sera donc rejetée ;

Attendu toutefois qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de la CNP les frais irrépétibles qu'elle a exposés dans cette procédure

 

Sur les dépens

Attendu que les époux X. et la CRCAM du GARD succombent partiellement ; que chacun supportera la charge de ses dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais irrépétibles exposés devant la juridiction de céans ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

- en la forme, déclare l'appel régulier et recevable,

- au fond, réformant partiellement le jugement entrepris,

- [minute page 12] condamne les époux X. à payer à la CRCAM du GARD la somme de 116.122 €,

- rejette toute demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- dit que la CRCAM du GARD et les époux X. supporteront la charge de leurs propres dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la SCP GUIZARD-SERVAIS et de la SCP TARDIEU, avoués.

Arrêt qui a été signé par Monsieur DELTEL, Président, et par Madame ORMANCEY, Greffier.