TGI LYON (4e ch.), 23 mai 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1088
TGI LYON (4e ch.), 23 mai 1996 : RG n° 94/18557
Publication : Lamyline
Extraits : 1/ « Attendu qu'il est constant, et non contesté par la compagnie UAP, que l'action en annulation d'une clause abusive n'est pas subordonnée à une interdiction par Décret ».
2/ « Attendu qu'au sens de cet article L. 132-1, dans sa rédaction antérieure à la Loi du 01 février 1995, deux critères caractérisent la clause abusive : l'abus de puissance économique et l'avantage excessif ; Attendu que la Commission des clauses abusives a recommandé (recommandation 90-01 publiée le 28 août 1990) dans les contrats d'assurance liés à une opération de crédit, à la consommation ou immobilier, que soient supprimées les clauses ayant pour effet ou pour objet de faire dépendre le prix à payer par le consommateur de la volonté des professionnels s'exerçant directement sur ce prix ou sur les éléments destinés à le déterminer ; Attendu que cette recommandation rappelle également que d'une façon générale, seules sont opposables au consommateur les clauses du contrat assureur-prêteur qui ont été portées à sa connaissance, préalablement à son adhésion à l'assurance ;
Attendu, s'agissant de contrat d'adhésion en matière d'assurance de groupe que les souscripteurs sont soumis à la puissance économique de l'assureur, aucune discussion de gré à gré ne s'instaurant, le consommateur ayant l'unique faculté, dans l'hypothèse où l'adhésion au contrat d'assurance groupe n'est pas imposée par l'établissement prêteur lui même, de refuser de contracter ;
Attendu que la clause querellée, en ce qu'elle ne subordonne les augmentations de primes à aucune condition édictée dans le contrat, en ce qu'elle ne fait référence à aucun critère, à aucun indice objectifs extérieurs à la compagnie UAP, apparaît abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ; Attendu qu'en effet elle confère à l'UAP un avantage excessif puisqu'elle n'a pas à justifier de l'augmentation des primes qu'elle opère, et qu'elle peut, eu égard à la faculté annuelle de résiliation dont elle dispose, résilier le contrat en cas de désaccord du souscripteur ;
Attendu que les clauses abusives étant réputées non écrites, il convient d'en ordonner la suppression sur tous les modèles de convention proposés par la compagnie UAP et ce dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 1.000,00 Francs par jour de retard passé ce délai ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LYON
QUATRIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 23 MAI 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 94/18557.
LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audience de la QUATRIEME CHAMBRE du 23 mai 1996, le jugement CONTRADICTOIRE suivant,
après que l'instruction a été clôturée le 26 septembre 1995, après que la cause a été débattue à l'audience publique du 28 mars 1996, devant : Mme Nicole BALUZE-FRACHET, Vice-Président, M. Georges PEGEON, Juge, Mme Marie C. FRANCESCHINI, Juge,
Et Madame ROBIN, Auditeur de Justice, qui a siégé en surnombre et participé avec voix consultative, au délibéré, en application de l'article 19 de l'Ordonnance n° 58-1270 du 22 DÉCEMBRE 1958, modifiée par l'article 3 de la Loi Organique n° 70-462 du 17 JUILLET 1970,
Assistés de Mme Thérèse HUSSON, Greffier Divisionnaire,
et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, dans l'affaire opposant :
DEMANDERESSE :
ASSOCIATION DES NOUVEAUX CONSOMMATEURS DU RHONE NCR-ANC
dont le siège social est : [adresse], prise en la personne de ses dirigeants légaux demeurant audit siège, DEMANDERESSE, Représentée par Maître PLANCHON Jean-Jacques Avocat au barreau de Lyon
ET :
DÉFENDERESSE :
SA UNION DES ASSURANCES DE PARIS UAP
dont le siège social est : [adresse], prise en la personne de ses dirigeants légaux demeurant audit siège, DÉFENDERESSE, Représenté de par Maître RIVA Michel Avocat au barreau de Lyon
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant contrat d'assurance de groupe souscrit auprès de la compagnie UAP, les clients de la CAISSE D'EPARGNE auxquels cet organisme financier a consenti un prêt immobilier et qui ont adhéré à cette assurance, sont garantis contre le risque perte d'emploi.
Le résumé des principales dispositions de ce contrat, remis aux adhérents, comporte la clause suivante :
« L'emprunteur qui a demandé son adhésion est garanti pour l'année civile en cours à partir de la date d'effet de l'assurance et sous réserve du paiement des primes semestrielles.
A l'issue de cette période, et a posteriori, la garantie est tacitement reconduite par périodes annuelles successives.
Dans le cas où les primes seraient augmentées ou d'autres conditions modifiées par l'assureur pour les exercices d'assurance futurs, l'assuré en serait informé au moins trois mois avant l'expiration de l'année civile en cours ; il pourra alors, s'il le souhaite, résilier son adhésion au plus tard un mois avant la fin de cette période, par lettre recommandée adressée à l'assureur ».
Monsieur X. a contracté un prêt immobilier auprès de la CAISSE D'ÉPARGNE et a adhéré à l'assurance perte d’emploi le 23 décembre 1992.
Le 14 SEPTEMBRE 1993, la compagnie UAP l'a informé qu'elle portait le taux de la prime de 2,2 % à 4,4 % en raison de l'important déficit causé par l'accroissement du nombre de sinistres pertes d'emploi indemnisés.
Monsieur X. a pris contact avec l'ASSOCIATION DES NOUVEAUX CONSOMMATEURS (ANC) DU RHÔNE.
Par acte du 8 SEPTEMBRE 1994, l'ANC DU RHÔNE a fait citer la compagnie UAP afin que le Tribunal :
- déclare abusif le troisième alinéa de cette clause, à savoir : [minute page 3] « Dans le cas où les primes seraient augmentées ou d'autres conditions modifiées par l'assureur pour les exercices d'assurance futurs, l'assuré en serait informé au moins trois mais avant l'expiration de l'année civile en cours ; il pourra alors, s'il le souhaite, résilier son adhésion au plus tard un mois avant la fin de cette période, par lettre recommandée à l'assureur », et ce, pour les contrat d'assurance liant la compagnie UAP à la CAISSE D'ÉPARGNE ou à tout autre établissement consentant des prêts immobiliers,
- ordonne à la compagnie UAP de supprimer, sur tous les modèles de conventions proposés aux adhérents, cette clause, et ce dans les trois mois de la signification du jugement à venir, à peine d'une astreinte définitive de 1.000,00 Francs par jour de retard,
- condamne la compagnie UAP à lui verser 10.000,00 Francs de dommages et intérêts et 6.000,00 Francs par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.
L'ANC DU RHÔNE soutient que la clause litigieuse est abusive au sens de l'article L. 132.1 du Code de la Consommation dès lors qu'elle donne à la compagnie UAP la possibilité de modifier unilatéralement, et en dehors de tout élément extérieur à sa volonté, le quantum des primes dont le versement est sollicité de l'adhérent et qu'elle lui confère ainsi un avantage excessif.
* * * * *
La compagnie UAP réplique que cette clause n'est pas imposée par un abus de puissance économique et ne lui procure aucun avantage excessif, puisque :
- l'assuré peut s'opposer au jeu de la tacite reconduction et résilier le contrat d'assurance,
- l'assureur dispose de la même possibilité,
- à l'expiration de la période de garantie, les parties peuvent négocier un nouveau contrat à de nouvelles conditions.
Elle ajoute que la décision de relever le tarif des primes est justifiée par les résultats techniques du contrat : le risque chômage étant un risque qui frôle « l'inassurabilité » en raison de la non sélection des souscripteurs et de sa fréquence.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] SUR CE :
Attendu qu'aux ternies de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, peuvent être interdites, limitées ou réglementées, par des Décrets en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission instituée par l'article L. 132-2, en distinguant éventuellement selon la nature des biens et des services concernés, les clauses relatives au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu'à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge des risques, à l'étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d'exécution, de résiliation, résolution ou reconduction des conventions lorsque de telles clauses apparaissent imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif.
De telles clauses abusives, stipulées en contradiction avec les dispositions qui précèdent, sont réputées non écrites.
Ces dispositions sont applicables aux contrats quels que soient leur forme ou leur support. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets, tickets contenant des stipulations ou des références à des conditions générales préétablies » ;
Attendu qu'il est constant, et non contesté par la compagnie UAP, que l'action en annulation d'une clause abusive n'est pas subordonnée à une interdiction par Décret ;
Attendu que l'action de l'ANC DU RHONE est donc recevable ;
Attendu qu'au sens de cet article L. 132-1, dans sa rédaction antérieure à la Loi du 1er FEVRIER 1995, deux critères caractérisent la clause abusive : l'abus de puissance économique et l'avantage excessif ;
Attendu que la Commission des clauses abusives a recommandé (recommandation 90-01 publiée le 28 AOUT 1990) dans les contrats d'assurance liés à une opération de crédit, à la consommation ou immobilier, que soient supprimées les clauses ayant pour effet ou pour objet de faire dépendre le prix à payer par le consommateur de la volonté des professionnels s'exerçant directement sur ce prix ou sus les éléments destinés à le déterminer ;
[minute page 5] Attendu que cette recommandation rappelle également que d'une façon générale, seules sont opposables au consommateur les clauses du contrat assureur-prêteur qui ont été portées à sa connaissance, préalablement à son adhésion à l'assurance ;
Attendu, s'agissant de contrat d'adhésion en matière d'assurance de groupe que les souscripteurs sont soumis à la puissance économique de l'assureur, aucune discussion de gré à gré ne s'instaurant, le consommateur ayant l'unique faculté, dans l'hypothèse où l'adhésion au contrat d'assurance groupe n'est pas imposée par l'établissement prêteur lui même, de refuser de contracter ;
Attendu que la clause querellée, en ce qu'elle ne subordonne les augmentations de primes à aucune condition édictée dans le contrat, en ce qu'elle ne fait référence à aucun critère, à aucun indice objectifs extérieurs à la compagnie UAP, apparaît abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
Attendu qu'en effet elle confère à l'UAP un avantage excessif puisqu'elle n'a pas à justifier de l'augmentation des primes qu'elle opère, et qu'elle peut, eu égard à la faculté annuelle de résiliation dont elle dispose, résilier le contrat en cas de désaccord du souscripteur ;
Attendu que les clauses abusives étant réputées non écrites, il convient d'en ordonner la suppression sur tous les modèles de convention proposés par la compagnie UAP et ce dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 1.000,00 Francs par jour de retard passé ce délai ;
Attendu que l'ANC DU RHONE ne démontre pas que la compagnie UAP ait résisté à sa demande avec l'intention de lui nuire ; qu'il ne sera pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, il sera alloué à l'ANC DU RHONE une indemnité de 5.000,00 Francs ;
Attendu qu'en raison de sa succombance, la compagnie UAP sera condamnée aux entiers dépens de l'instance ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal,
statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;
Déclare abusive la clause insérée dans la notice remise aux adhérents résumant les principales dispositions des contrats d'assurance groupe conclus entre la compagnie UAP et la CAISSE D'EPARGNE, ou tout autre établissement consentant des prêts immobiliers, et ainsi rédigée :
« Dans le cas où les primes seraient augmentées ou d'autres conditions modifiées par 1'assureur pour les exercices d'assurance futurs, l'assuré en serait informé au moins trois mois avant l'expiration de l'année civile en cours ; il pourra alors, s'il le souhaite, résilier son adhésion au plus tard un mois avant la fin de cette période, par lettre recommandée adressée à l'assureur » ;
Ordonne la suppression sur tous les modèles de conventions proposés aux consommateurs par la compagnie UAP de cette clause abusive et ce dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 1.000,00 (MILLE) Francs par jour de retard, passé ce délai ;
Condamne, en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile, la compagnie UAP à verser à 1'ANCDU RHONE une indemnité de 5.000,00 (CINQ MILLE) Francs ;
Rejette tout autre chef de demande ;
Condamne la compagnie UAP aux entiers dépens de l'instance ;
Prononcé par Madame BALUZE-FRACHET
EN FOI DE QUOI LE PRESIDENT ET LE GREFFIER ONT SIGNE LE PRESENT JUGEMENT.
- 5777 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Effets de l’action - Suppression des clauses - Astreinte
- 5780 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Effets de l’action - Réparation des préjudices - Préjudice collectif des consommateurs - Éléments d’appréciation
- 5802 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : principe
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6106 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Décret du 18 mars 2009 - Prix
- 6365 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Perte d’emploi ou chômage