CA ANGERS (1re ch. A), 8 janvier 2008
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1233
CA ANGERS (1re ch. A), 8 janvier 2008 : RG n° 07/00092 ; arrêt n° 4
Publication : Juris-Data n° 369056
Extraits : 1/ « Que les clauses dont Mme X. invoque l'inexécution et qui subordonnent la défaillance de la condition suspensive à la preuve du refus de plusieurs demandes de prêts dans un délai de seulement 30 jours, voire incitent à un fractionnement du concours financier auquel les acquéreurs devaient recourir, ont pour effet de restreindre la portée de la protection légale accordée aux emprunteurs immobiliers ; que ces clauses ont été jugées inopportunes par la Commission des Clauses Abusives qui en a recommandé la suppression par un avis du 22 janvier 1988 ; que leur non-respect éventuel ne peut donc être regardé comme fautif ».
2/ « Attendu qu'après avoir exercé des pressions sur ses cocontractants pour qu'ils réitèrent l'acte authentique de vente en invoquant, pour se prévaloir de l'exigibilité de l'indemnité forfaitaire, de « l'avis favorable » d'une banque contactée d'initiative par l'agent immobilier qu'elle avait seule mandaté, Mme X. a poursuivi jusqu'en cause d'appel l'exécution de clauses contractuelles condamnées par la Commission des Clauses Abusives et dont la jurisprudence refuse de sanctionner l'inexécution de façon constante depuis 1999 ; qu'elle a d'ailleurs fait preuve du même acharnement à l'égard de son mandataire qui a précisé lors de son audition par les enquêteurs qu'il regrettait d'avoir fourni à sa cliente la photocopie de l'accord de principe de l'UCB dont elle s'était servie ultérieurement contre lui ; que ces éléments permettent de caractériser l'abus du droit d'action »
COUR D’APPEL D’ANGERS
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 8 JANVIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/00092. Arrêt n° 4. Jugement du 11 décembre 2006, Tribunal de Grande Instance de LAVAL, n° d'inscription au RG de première instance 06/1118.
APPELANTE :
Madame X.
[adresse], représentée par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour, assistée de Maître Pierre THOMAS, avocat au barreau de LAVAI,
INTIMÉS :
Monsieur Y.
[adresse]
Madame Z. épouse W.
[adresse]
représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour, assistés de Maître Eric L'HELIAS, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 19 novembre 2007 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAUVEL, conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 22 décembre 2006 pour exercer les fonctions de président, Madame VERDUN, conseiller ayant été entendu en son rapport, et Monsieur MARECHAL, conseiller, qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
[minute page 2] ARRÊT : contradictoire - Prononcé publiquement le 8 janvier 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. Signé par Madame CHAUVEL, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte sous-seing privé du 14 février 2004, rédigé en présence et avec le concours de l'agence immobilière LAVAL OUEST IMMOBILIER, mandatée par Mme X., les consorts Y.-W. ont acheté la maison d'habitation de celle-ci, située [adresse] au prix de 145.000 euros hors frais d'agence et de 162.400 euros frais inclus. Cette vente a été conclue sous la condition suspensive d'obtention d'un ou plusieurs prêts bancaires d'un montant global de 162.400 euros, d'une durée de 20 ou 25 ans, et au taux maximum de 5,5 % l'an.
Le 5 mai 2004, date prévue pour la réitération authentique de la vente, les acquéreurs ne se sont pas présentés chez le notaire, Par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 7 mai 2004, Mme X., faisant état de « l'avis favorable provenant de l'UCB » a mis les acquéreurs en demeure de réitérer l'acte authentique, et à défaut, de lui payer la somme de 14.500 euros, acquise à titre de clause pénale.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 mai 2004, ces derniers ont avisé la venderesse que leur demande de prêt avait été refusée par le Crédit Mutuel et que le compromis de vente était, par conséquent, caduc.
Par acte d'huissier de justice des 18 et 19 novembre 2004, Mme X. a fait assigner les consorts Y.-Z. en paiement de la clause pénale stipulée à l'acte en cas de défaillance des acquéreurs.
Par jugement en date du 11 décembre 2006, le tribunal de grande instance de LAVAL l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, en retenant que la condition suspensive était défaillie de sorte que le compromis, devenu caduc, ne pouvait produire aucun effet.
Mme X. a relevé appel de cette décision par déclaration du 12 janvier 2007.
Les parties ayant constitué avoué et conclu au fond, la clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2007.
[minute page 3]
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les dernières conclusions déposées par Mme X. le 19 juin 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris, notamment en ce qu'il s'est fondé sur les procès-verbaux d'une enquête préliminaire qui n'a été ni produite aux débats ni communiquée entre les parties, en violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile,
- sur le fond, de constater que la non-obtention des prêts est imputable à faute aux consorts Y.-W.,
- de les condamner solidairement à lui payer la somme de 14.500 euros, à titre d'indemnité forfaitaire sur le fondement des articles 1152, 1178 et 1226 du Code civil, et de clause pénale conventionnelle,
- de les condamner solidairement à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices moral, matériel et financier, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, ainsi qu'une indemnité de procédure de 3.500 euros,
- de les condamner aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions déposées par M. Y. et Mme Z. veuve W. le 27 juillet 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles ils sollicitent :
- le rejet de l'appel et la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme X. de l'ensemble de ses demandes,
- l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, et l'allocation, à ce titre, d'une somme de 4.000 euros,
- la condamnation de Mme X. aux dépens d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I) Sur la violation du principe de la contradiction :
Attendu que Mme X. soutient que le tribunal aurait fondé sa décision sur des procès-verbaux d'une enquête préliminaire de gendarmerie non communiquée ni produite au dossier de première instance, et aurait ainsi violé le principe de la contradiction ;
Mais attendu qu'il ressort des pièces de procédure et notamment du « bordereau de pièces visées » joint aux conclusions déposées au greffe du tribunal le 10 janvier 2006, ainsi que d'un bordereau de communication de pièces daté du 11 février suivant, que cette procédure d'enquête préliminaire a été régulièrement communiquée à l'avocat de Mme X. plus de sept [minute page 4] mois avant l'ordonnance de clôture ;
Que le moyen, pris d'une prétendue violation du principe de la contradiction, manque donc en fait ;
II) Sur l'accomplissement ou la défaillance de la condition suspensive :
Attendu que la cour ne peut qu'adopter les motifs pertinents desquels les premiers juges ont déduit que la défaillance de la condition suspensive d'obtention du prêt était acquise du seul fait du refus opposé pour insuffisance de revenus par le Crédit Mutuel le 23 avril 2004, à une demande de prêt répondant en tous points aux spécifications mentionnées dans l'acte de vente, et qu'il importait peu, pour l'appréciation de cette défaillance, que les acquéreurs aient, aux termes de l'acte sous-seing privé du 14 février 2004, indiqué qu'ils pourraient solliciter « un ou plusieurs prêts », auprès de « tous organismes de crédit » dès lors que cette stipulation édictait une simple faculté et non une obligation ;
Qu'en effet, le comportement de l'acquéreur dans l'accomplissement des démarches d'obtention du prêt ne peut être sanctionné par l'application de l'article 1178 du Code civil, qui répute la condition suspensive accomplie, que s'il manifeste l'intention délibérée d'échapper à l'engagement d'achats que tel n'est pas le cas en l'espèce, où les consorts Y.-W., après avoir déposé dans le délai requis, une demande de prêt conforme aux caractéristiques indiquées dans leur promesse d'achat, et même à un taux d'intérêt annuel inférieur, ce qui était de nature à optimiser leur chance d'obtenir le concours de la banque, se sont vus opposer un refus absolu motivé par l'insuffisance de leur revenus, avant la date prévue pour la réitération authentique jusqu'à laquelle la venderesse s'était engagée à immobiliser son bien ;
Que les clauses dont Mme X. invoque l'inexécution et qui subordonnent la défaillance de la condition suspensive à la preuve du refus de plusieurs demandes de prêts dans un délai de seulement 30 jours, voire incitent à un fractionnement du concours financier auquel les acquéreurs devaient recourir, ont pour effet de restreindre la portée de la protection légale accordée aux emprunteurs immobiliers ; que ces clauses ont été jugées inopportunes par la Commission des Clauses Abusives qui en a recommandé la suppression par un avis du 22 janvier 1988 ; que leur non-respect éventuel ne peut donc être regardé comme fautif ;
Qu'au demeurant, les consorts Y.-W. justifient s'être adressés à quatre autres organismes de crédit qui, à l'issue de simulations de prêt réalisés entre les mois de février et mars 2004, soit dans le délai de réalisation de la condition suspensive, ont unanimement refusé leur concours pour les mêmes motifs que le Crédit Mutuel (leurs pièces n° 2 à 4 et 7) ; qu'ils ont averti l'agence immobilière, mandataire de Mme X., de l'échec de leur financement ainsi qu'il résulte du procès-verbal d'audition du gérant de l'agences que ces éléments de preuve achèvent de convaincre de la parfaite loyauté contractuelle des acquéreurs et du peu de sérieux des demandes de la venderesse, quel qu'en soit le fondement juridiques ;
[minute page 5] Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de l'intégralité de ses demandes ;
III) Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive :
Attendu qu'après avoir exercé des pressions sur ses cocontractants pour qu'ils réitèrent l'acte authentique de vente en invoquant, pour se prévaloir de l'exigibilité de l'indemnité forfaitaire, de « l'avis favorable » d'une banque contactée d'initiative par l'agent immobilier qu'elle avait seule mandaté, Mme X. a poursuivi jusqu'en cause d'appel l'exécution de clauses contractuelles condamnées par la Commission des Clauses Abusives et dont la jurisprudence refuse de sanctionner l'inexécution de façon constante depuis 1999 ; qu'elle a d'ailleurs fait preuve du même acharnement à l'égard de son mandataire qui a précisé lors de son audition par les enquêteurs qu'il regrettait d'avoir fourni à sa cliente la photocopie de l'accord de principe de l'UCB dont elle s'était servie ultérieurement contre lui ; que ces éléments permettent de caractériser l'abus du droit d'action ;
Que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté les défendeurs de leur demande en dommages-intérêts, et Mme X. condamnée à payer aux défendeurs la somme de 2.000 euros, en réparation du préjudice moral et matériel engendré par la nécessité de se défendre, y compris en déposant plainte pour usage de fausse qualité à l'encontre de la venderesse et de son mandataire, à cette action abusive ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;
Le RÉFORMANT,
CONDAMNE Mme X. à payer aux consorts Y.-W. la somme de 2.000 euros, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusives
La CONDAMNE aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés [minute page 6] conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. LEVEUF S. CHAUVEL
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