CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 20 septembre 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1242
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 20 septembre 2007 : RG n° 06/03225 ; arrêt n° 337
Publication : Juris-Data n° 343031
Extrait : « L'offre préalable acceptée par Monsieur X. le 11 septembre 2003 ne constitue pas la reproduction fidèle de l'un des modèles-types prévus par l'article R. 311-6 du Code de la consommation, mais seulement une adaptation contractuelle, dont le juge judiciaire peut pleinement apprécier la régularité au regard des exigences du Code de la consommation. Du reste, quand bien même cette offre serait-elle la reproduction servile d'un modèle-type que la juridiction de céans ne serait pas pour autant privée de la possibilité d'apprécier sa conformité à la loi, compte tenu de la hiérarchie des normes, qui veut qu'un texte de nature législative prime sur les décrets et arrêtés pris pour son application. On cherchera là vainement une contradiction avec l'article 1er de la directive CEE n° 93-13 du 5 avril 1993, opposé par la société CETELEM, et aux termes duquel « les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives (...) ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive ».
On rappellera donc qu'aux termes de l'article L.132-1, alinéa 1, du Code de la consommation, […]. En l'espèce, est bien abusive la clause de l'offre (voir article II-3 des conditions générales) aux termes de laquelle « l'emprunteur peut faire évoluer le découvert utile jusqu'au montant du découvert maximum autorisé », sans acceptation d'une nouvelle offre préalable. Elle est en effet de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante : elle crée donc bien à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
On observera à cet égard que l'argument du préteur selon lequel le découvert utile ne correspondrait qu'a l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante est quelque peu artificiel. Il est en effet stipulé dans l'offre que « l'augmentation du découvert utile ne peut résulter du seul usage des moyens d'utilisation du compte et doit faire l'objet d'une demande expresse de l'emprunteur », ce qui tend à démontrer que le dépassement du découvert utile est bien assimilé à, une modification du découvert initialement consenti.
Aussi la clause permettant à l'emprunteur de dépasser le montant du découvert maximum autorisé sans nouvelle offre préalable doit-elle être considérée comme non-écrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/03225. Arrêt n° 337. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE COMPIÈGNE du 22 juin 2006.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA CETELEM
[adresse], Représentée par la SCP JEAN-CLAUDE MILLON ET PATRICK PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Maître HERMAN, avocat au barreau de LAON
INTIMÉ :
Monsieur X.
Assigné dans les conditions de l'article 659 du nouveau code de procédure civile suivant exploit de la SCP GROUSELLE Huissiers de Justice à COMPIÈGNE en date du 14 mai 2007 à la requête de la SA CETELEM. Non comparant.
DÉBATS : A l'audience publique du 7 juin 2007, où les débats ont été repris conformément à l'article 444 du nouveau code de procédure civile, devant Mme CORBEL et M. DAMULOT, entendu en son rapport, Conseillers, magistrats rapporteurs siégeant sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 septembre 2007.
GREFFIER : M. DROUVIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. et Mme le Conseiller en ont rendu compte à la Cour composée de : Mme CORBEL, Conseiller désigné pour remplacer dans le service de l'audience le Président de la 1ère chambre 1ère section empêché, M. DAMULOT et Mme SIX, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCÉ PUBLIQUEMENT, le 20 septembre 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; Mme CORBEL, Conseiller, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] DÉCISION :
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant offre préalable acceptée le 11 septembre 2003, la Société CETELEM a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit sous forme de découvert en compte, utilisable par fractions, au taux nominal de 12,84 % l'an (taux effectif global : 13,70 % l'an).
Par exploit du 7 février 2006, transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, la société CETELEM a fait assigner les époux X. devant le tribunal d'instance de Compiègne afin d'obtenir paiement de sommes dues au titre de deux prêts personnels et de l'ouverture de crédit précitée.
C'est ainsi qu'elle a demandé au Tribunal de condamner Monsieur X. à lui payer, au titre de ce crédit-revolving, la somme de 8.718,55 euros, outre intérêts au taux contractuel échus sur le capital restant dû depuis la déchéance du terme.
Par jugement du 22 juin 2008, réputé contradictoire (aucun des époux n'ayant comparu), le Tribunal a déclaré cette demande irrecevable, aux motifs que le « découvert unie avait été dépassé le 21 octobre 2003, sans jamais avoir été reconstitué depuis, de sorte que la forclusion biennale prévue par l'article L. 311-37 du Code de la consommation était acquise.
Il a par contre condamné les époux X. à paiement au titre des deux autres prêts.
Suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 1er août 2006, la société CETELEM a interjeté appel de ce jugement, contre les deux époux.
Elle n'en a cependant demandé la réformation qu'en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en sa demande fondée sur l'offre préalable du 11 septembre 2003.
Elle a demandé en conséquence à la juridiction de céans de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 8.718,55 euros, outre intérêts au taux de 12,84 % l'an sur 8.110,59 euros, et au taux légal sur 607,41 euros depuis le 7 octobre 2005.
Accessoirement, elle a sollicité une indemnité de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Assignés en application de l'article 908 du nouveau Code de procédure civile, par exploit du 3 janvier 2007 transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, les époux X. n'ont pas constitué avoué.
Par arrêt du 12 avril 2007, la Cour a :
- constaté que l'appel de CETELEM était limité aux dispositions du jugement qui l'ont déclaré irrecevable en son action en paiement au titre de l'offre acceptée le 11 septembre 2003 ;
- mis hors de cause Madame X. ;
- avant dire droit sur l'action en paiement de CETELEM, invité celle-ci à s'expliquer sur le moyen d'office tiré du caractère abusif de la clause permettant une augmentation, dans la limite de 12.000 euros, du montant maximum initialement autorisé (2.000 euros), et ce, sans nouvelle offre préalable ;
- réservé les dépens.
[minute page 3] L'appelante a cependant maintenu ses prétendons.
Elle fait valoir que le dépassement du découvert utile ne constitue pas un incident de paiement ou une défaillance de l'emprunteur, et ne peut donc constituer le point de départ du délai de forclusion biennal prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation, contrairement au dépassement du découvert autorisé ; qu'en l'espèce, ce dernier s'élevait à 12.000 euros ; que Monsieur X. n'a pas dépassé ce montant ; que la clause qui distingue entre découvert utile et découvert maximal autorisé ne saurait être jugée abusive alors qu'elle est conforme aux modèles-types prévus à l'article R. 311-6 du Code de la consommation ; qu'aucune nouvelle offre n'est nécessaire tant que le découvert maximal autorisé n'a pas été dépassé ; qu'en effet, le découvert utile ne correspond qu'à la première utilisation fractionnée ; que la directive CEE 93-13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives exclut de son champ d'application les clauses contractuelles qui reflètent les dispositions législatives ou réglementaires impératives ; que ne peut être considérée comme abusive une clause qui n'ouvre à l'emprunteur qu'une simple faculté ; qu'elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre tes droits et obligations des parties.
Pour un plus ample rappel de l'argumentation de CETELEM, on se reportera, au besoin, aux conclusions qu'elle a déposées le 7 mai 2007.
Monsieur X., à qui l'appelante a tenté de signifier ces conclusions par exploit du 14 mai 2007 transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, n'a toujours pas constitué avoué,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
L'offre préalable acceptée par Monsieur X. le 11 septembre 2003 ne constitue pas la reproduction fidèle de l'un des modèles-types prévus par l'article R. 311-6 du Code de la consommation, mais seulement une adaptation contractuelle, dont le juge judiciaire peut pleinement apprécier la régularité au regard des exigences du Code de la consommation.
Du reste, quand bien même cette offre serait-elle la reproduction servile d'un modèle-type que la juridiction de céans ne serait pas pour autant privée de la possibilité d'apprécier sa conformité à la loi, compte tenu de la hiérarchie des normes, qui veut qu'un texte de nature législative prime sur les décrets et arrêtés pris pour son application.
On cherchera là vainement une contradiction avec l'article 1er de la directive CEE n° 93-13 du 5 avril 1993, opposé par la société CETELEM, et aux termes duquel « les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives (...) ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive ».
On rappellera donc qu'aux termes de l'article L.132-1, alinéa 1, du Code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En l'espèce, est bien abusive la clause de l'offre (voir article II-3 des conditions générales) aux termes de laquelle « l'emprunteur peut faire évoluer le découvert utile jusqu'au montant du découvert maximum autorisé », sans acceptation d'une nouvelle offre préalable.
Elle est en effet de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage [minute page 4] qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante : elle crée donc bien à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
On observera à cet égard que l'argument du préteur selon lequel le découvert utile ne correspondrait qu'a l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante est quelque peu artificiel.
Il est en effet stipulé dans l'offre que « l'augmentation du découvert utile ne peut résulter du seul usage des moyens d'utilisation du compte et doit faire l'objet d'une demande expresse de l'emprunteur », ce qui tend à démontrer que le dépassement du découvert utile est bien assimilé à, une modification du découvert initialement consenti.
Aussi la clause permettant à l'emprunteur de dépasser le montant du découvert maximum autorisé sans nouvelle offre préalable doit-elle être considérée comme non-écrite.
Il en résulte que le dépassement par Monsieur X. du découvert utile, intervenu le 21 octobre 2003, constitue un incident de paiement.
Or cet incident n'a jamais été régularisé, le découvert n'ayant jamais été ramené sous le montant du découvert utile.
L'assignation n'ayant été délivrée que le 7 février 2006, la forclusion biennale est acquise.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré CETELEM irrecevable en sa demande en paiement au titre de l'ouverture de crédit souscrite le 11 septembre 2003.
Pour les mêmes motifs, elle sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, en dernier ressort, par défaut à l'égard de Monsieur X., et dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement entrepris ;
Déboute la société CETELEM de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société CETELEM aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER
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