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TI LILLE, 3 septembre 2007

Nature : Décision
Titre : TI LILLE, 3 septembre 2007
Pays : France
Juridiction : Lille (TI)
Demande : 07-001515
Décision : 1515/07
Date : 3/09/2007
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 5/04/2007
Décision antérieure : CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 15 janvier 2009
Numéro de la décision : 1515
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1261

TI LILLE, 3 septembre 2007 : RG n° 07-001515 ; jugt n° 1515/07

(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 15 janvier 2009 : RG n° 07/06088)

 

Extraits : 1/ « La directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et l'arrêt CJCE du 21 novembre 2002 (COFIDIS/ F.) prévoient que le juge peut, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, relever le caractère abusif d'une clause insérée dans le dit contrat.

L'article L. 311-9 du code de la consommation dispose que « lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l’usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti, l'offre préalable n'est obligatoire pour le contrat initial ». Cette dispense de réitération ne s'étend pas aux nouvelles ouvertures de crédit. Dès lors, toute modification du montant ou du taux du crédit précédemment accordé, qui touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit être conclue dans les termes d'une offre préalable comportant les mentions prescrites par l'article L. 311-10 du code de la consommation.

Le contrat de crédit prévoit en son article relatif aux conditions du crédit que le montant de la fraction disponible choisie est de 6.000 €, et qu'elle pourra évoluer sur demande spécifique de la part de l'emprunteur dans la limite du découvert maximum autorisé fixé au recto, sauf si, depuis l'ouverture du crédit ou la dernière augmentation de fraction disponible du découvert, l'emprunteur se trouve dans un des cas visés à l'article II.6. Contrairement aux affirmations de SA MEDIATIS, cette clause ne détermine pas des fractions utilisables selon une périodicité définie, mais permet une augmentation ou une variation du montant du capital prêté, ce qui n'est pas conforme aux modèles types réglementaires. De plus, cette clause, si elle autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit, dans la limite de la somme de 15.000 €, et si elle soumet l'exercice de cette faculté aux conditions qu'elle énonce, qui excluent la possibilité d'une augmentation tacite du montant du découvert, ne stipule pas l'obligation de délivrance d'une nouvelle offre préalable et par conséquent la nécessité d'une acceptation formelle de celle-ci et la faculté, pour les emprunteurs, de rétracter leur consentement.

Une telle clause, qui permet au prêteur de ne pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et de priver l'emprunteur de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause doit donc être déclarée abusive. »

2/ « La clause litigieuse, qui aggrave la situation de l'emprunteur au regard des dispositions des articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation en ne lui permettant pas de bénéficier des garanties de formes et de délais prévues par le loi, rend l'offre préalable non conforme aux dits articles, ce qui justifie la déchéance du droit aux intérêts. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE LILLE

JUGEMENT DU 3 SEPTEMBRE 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07-001515. Jugement n° 1515/07.

 

DEMANDEUR(S) :

SA MEDIATIS Recouvrement Judiciaire

[adresse], représenté(e) par Maître HANUS Christian, avocat du barreau de LILLE

 

DÉFENDEUR(S) :

Madame X.

Chez M. Y. [adresse], comparant en personne

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Emilie PECQUEUR

Greffier : Dominique DEBRUYNE

DÉBATS : Audience publique du : 25 juin 2007

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, rendu le 3 septembre 2007, par Émilie PECQUEUR, Président, assisté de Dominique DEBRUYNE, Greffier, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] OBJET DU LITIGE :

Suivant offre préalable en date du 28 septembre 2004, la SA MEDIATIS a consenti à Madame X. une ouverture de crédit utilisable par fractions et remboursable par échéances mensuelles fixées en fonction du solde dû, le taux effectif global de 16,61 % lors de la souscription du contrat étant révisable suivant les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature.

Alléguant le défaut de paiement des échéances mensuelles, la SA MEDIATIS a fait citer Madame X. devant ce tribunal par acte d'huissier en date du 5 avril 2007, en paiement des sommes suivantes :

- 12.207,35 €, outre les intérêts au taux du contrat jusqu'à parfait paiement à compter du 13 octobre [2006] sur la somme de 11.292,77 €, au titre du prêt impayé,

- 400 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA MEDIATIS sollicite en outre l'exécution provisoire de la présente décision.

Madame X. a comparu à l'audience et, tout en reconnaissant le principe de la dette, a indiqué être actuellement en retraite, avoir eu des problèmes de santé et ne plus pouvoir régler aucune somme à l'heure actuelle. Elle ajoute avoir fait un dossier de surendettement, déclarée irrecevable par la commission de surendettement et être en attente de la décision du juge de l'exécution.

A l'audience, le tribunal soulève d'office le caractère abusif de la clause de variation du capital prêté, qui, aggravant la situation de l'emprunteur, constitue une irrégularité de l'offre préalable justifiant la déchéance du droit aux intérêts.

En réponse, la SA MEDIATIS conclut à l'entier bénéfice de son acte introductif d'instance. Elle fait valoir que l'avis ne lie pas le juge, que cette clause correspond à la possibilité offerte par les modèles types réglementaires qui prévoient la possibilité de stipuler des fractions périodiquement disponibles et que dès lors que l'offre est conforme aux modèles types, le tribunal ne peut soulever le caractère abusif de la clause sans violer le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Elle ajoute que la qualification de clause abusive ne convient pas et que l'abus est inexistant, qu'en réalité, le tribunal tente de relever une irrégularité formelle sous le qualificatif de clause abusif, ce qui lui est interdit en présence d'un ordre public de protection.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le caractère abusif de la clause de variation du capital :

Vu la directive 93/13/CEE du 5 avril 2003 relative aux clauses abusives ;

Vu les articles L. 132-1 et suivants, et L. 311-8 et suivants du code de la consommation ;

Vu les avis n° 02-04 et 03-04 de la commission des clauses abusives en date du 27 mai 2004 ;

Vu l'avis de la cour de cassation en date du 10 juillet 2006 ;

Vu l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation en date du 1er décembre 1993 (CGL c/ DAGUERRE),

[minute page 3] La directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et l'arrêt CJCE du 21 novembre 2002 (COFIDIS/ F.) prévoient que le juge peut, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, relever le caractère abusif d'une clause insérée dans le dit contrat.

L'article L. 311-9 du code de la consommation dispose que « lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l’usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti, l'offre préalable n'est obligatoire pour le contrat initial ». Cette dispense de réitération ne s'étend pas aux nouvelles ouvertures de crédit.

Dès lors, toute modification du montant ou du taux du crédit précédemment accordé, qui touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit être conclue dans les termes d'une offre préalable comportant les mentions prescrites par l'article L. 311-10 du code de la consommation.

Le contrat de crédit prévoit en son article relatif aux conditions du crédit que le montant de la fraction disponible choisie est de 6.000 €, et qu'elle pourra évoluer sur demande spécifique de la part de l'emprunteur dans la limite du découvert maximum autorisé fixé au recto, sauf si, depuis l'ouverture du crédit ou la dernière augmentation de fraction disponible du découvert, l'emprunteur se trouve dans un des cas visés à l'article II.6.

Contrairement aux affirmations de SA MEDIATIS, cette clause ne détermine pas des fractions utilisables selon une périodicité définie, mais permet une augmentation ou une variation du montant du capital prêté, ce qui n'est pas conforme aux modèles types réglementaires.

De plus, cette clause, si elle autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit, dans la limite de la somme de 15.000 €, et si elle soumet l'exercice de cette faculté aux conditions qu'elle énonce, qui excluent la possibilité d'une augmentation tacite du montant du découvert, ne stipule pas l'obligation de délivrance d'une nouvelle offre préalable et par conséquent la nécessité d'une acceptation formelle de celle-ci et la faculté, pour les emprunteurs, de rétracter leur consentement.

Une telle clause, qui permet au prêteur de ne pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et de priver l'emprunteur de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause doit donc être déclarée abusive.

 

Sur les conséquences de la présence de clauses abusives dans le contrat de crédit :

L'article L. 311-33 du code de la consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts.

La clause litigieuse, qui aggrave la situation de l'emprunteur au regard des dispositions des articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation en ne lui permettant pas de bénéficier des garanties de formes et de délais prévues par le loi, rend l'offre préalable non conforme aux dits articles, ce qui justifie la déchéance du droit aux intérêts.

En conséquence, la créance de SA MEDIATIS sera fixée comme suit :

Montant total emprunté : 12.484 €

Montant total remboursé : 4.389 €

Somme restant due : 8.095 €, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2006, date de la mise en demeure.

[minute page 4] L'article L. 311-33 du code de la consommation exclut la condamnation au paiement de toute somme autre que le montant du capital prêté, il convient de débouter la SA MEDIATIS de ses demandes au titre des primes d'assurance et de l'indemnité légale.

 

Sur la demande de délais de paiement :

En application de l'article 1244-1 du Code civil et eu égard à la situation économique de la partie défenderesse, il y a lieu de lui accorder un report de la dette pour une durée de 8 mois, dans l'attente de la décision du juge de l'exécution sur la recevabilité de la demande d'admission à la procédure de surendettement.

 

Sur l'exécution provisoire :

Compte tenu du report accordé, l'exécution provisoire n'apparaît pas nécessaire.

 

Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Madame X., qui perd, sera condamnée aux dépens par application de l'article 696 du nouveau Code de procédure civile, mais l'équité commande de ne pas allouer l'indemnité demandée par la SA MEDIATIS sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :

CONDAMNE Madame X. à payer à la SA MEDIATIS, la somme de 8.095 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2006 ;

REPORTE le paiement de cette somme à 8 mois, à compter du prononcé de la présente décision ;

DÉBOUTE la SA MEDIATIS du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE Madame X. aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé aux lieu, jour, mois et an ci-dessus.

LE GREFFIER,        LE PRÉSIDENT,