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CA PARIS (16e ch. sect. B), 22 mars 1990

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (16e ch. sect. B), 22 mars 1990
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 16e ch. sect. B
Demande : 88/8306
Date : 22/03/1990
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Recueil Dalloz
Décision antérieure : T. COM. PARIS (10e ch.), 4 mars 1988
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1307

CA PARIS (16e ch. sect. B), 22 mars 1990 : RG n° 88/8306

Publication : D. 1990. IR. 98 ; RTD civ. 1990. 474, obs. Mestre

 

Extrait : « Considérant que le CENTRE D'INFORMATION DES COMITES D'ENTREPRISES ET COLLECTIVITES, bien qu'ayant la forme juridique d'une association et n'exerçant son activité que dans un but autre que de partager des bénéfices, puise une partie de ses ressources, selon l'article VII, 2° de ses statuts « des sommes perçues en contrepartie des prestations fournies par l'association, notamment d'abonnement à la revue édité par l'association » ; que pour l'exercice de son activité d'édition, le CICEC doit être regardé comme un professionnel au sens de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 Janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services ;

Considérant que, de son côté, Madame X. exerce à titre personnel le commerce de joaillerie et n'a aucune compétence en matière d'édition ni d'imprimerie ; qu'elle était en droit de penser, après avoir vu la « maquette » qui lui avait été présentée, que l'impression serait correcte sans qu'elle éprouve le besoin de vérifier elle-même le « bon à tirer », distinction étrangère en profane ; que, dans ses rapports avec l'éditeur, elle doit être considérée comme un non-professionnel au sens de l'article 35 de la loi précitée ;

Considérant que, selon les « conditions générales de vente » ci-dessus reproduites, le contrat portait sur « la vente d'espaces publicitaires », contrat entrant dans le champ d'application de l'article 2 du décret n° 78-464 du 24 Mars 1978 ;

Considérant que sont manifestement abusives les clauses tendant à interdire au souscripteur toute réclamation après la signature de l'ordre de publicité et à dégager l'éditeur de toute responsabilité quant à l'exécution technique de la publicité ; que ces clauses doivent donc être réputées non écrites ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

SEIZIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 22 MARS 1990

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 88-8306.

PARTIES EN CAUSE :

1°) Association CENTRE D'INFORMATION DES COMITÉS D'ENTREPRISES ET COLLECTIVITÉS – CICEC

dont le siège est […], agissant par son président y domicilié, Appelante, Représentée par Maître GIBOU-PIGNOT, Avoué Assistée de Maître DENARIE, Avocat

2°) Madame X.

exerçant le commerce sous la dénomination « JOAILLERIE X. » demeurant […], Intimée, Représentée par la SCP TEYTAUD, Avoué, Assistée de Maître PARIS, Avocat, remplacé à l'audience par Maître BERJAUD, Avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur DECHEIX. Conseillers : Madame BERCERAS Monsieur de VILLERS

GREFFIER : Madame ROPARS lors des débats.

Monsieur DEZOTEUX lors du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS : A l'audience publique du 13 décembre 1990 puis, après réouverture des débats à l'audience publique du 31 janvier 1990

ARRÊT : contradictoire - prononcé publiquement par Monsieur DECHEIX, Président lequel a signé la minute avec Monsieur DEZOTEUX Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] La Cour statue sur l'appel interjeté à titre principal par le CENTRE D'INFORMATION DES COMITES D'ENTREPRISES ET COLLECTIVITES (CICEC) et à titre incident par Madame X. à l'encontre du jugement du 4 mars 1988 par lequel la 10ème Chambre du Tribunal de Commerce de PARIS les a déboutés de leur demande respective.

 

ÉLÉMENTS DU LITIGE :

L'Association CENTRE D'INFORMATION DES COMITES D'ENTREPRISES ET DES COLLECTIVITES qui a notamment pour objet de conseiller ses adhérents « sur les lieux de vente compétitifs pour l'acquisition de biens de consommation » a proposé à Madame X., joaillière, une publicité dans le numéro 24 de la revue trimestrielle qu'elle édite et qui est « tiré à 30.000 exemplaires diffusés d'une part auprès de responsables décisionnaires de 11.000 comités d'entreprise environ sur PARIS et la Région parisienne, d'autre part auprès de comités d'entreprise et collectivités de l'Ile de France. »

Le 10 octobre 1986, Madame X. a souscrit, pour le prix de 43.882 toutes taxes comprises, un « ordre de publicité » à paraître dans le numéro de décembre 1986. Les conditions générales de vente stipulaient notamment :

« Le délégué à la prospection ne peut en aucun cas se prévaloir de faire partie d'un ministère, ni être fonctionnaire, ni être Agent ou Responsable syndical. Sa charge est uniquement la vente d'Espaces Publicitaires pour le CICEC. Le CICEC ne peut être tenu civilement responsable du fait de cet ordre de publicité.

Par la signature du présent ordre de publicité, le souscripteur en accepte toutes les clauses, charges et obligations. Notamment, il s'oblige au paiement de la somme indiquée ci-dessus. Cette somme représente le prix de la surface choisie sur le support publicitaire dans la revue. EN PLUS, LE SOUSCRIPTEUR S'OBLIGE A PAYER LES FRAIS DE COMPOSITION, DE CLICHE OU MAQUETTE QUE LE TEXTE DE SON ANNONCE ENTRAINERA. Ces frais seront payés au CICEC à la première demande de celui-ci.

[minute page 3] Il ne sera pas remis à l'annonceur de bon à tirer concernant sa publicité sauf demande expresse de celui-ci lors de l'établissement du présent contrat.

Aucune réclamation de la part du souscripteur n'est acceptée après la signature du présent ordre. Le CICEC se réserve le droit de refuser un ordre de publicité dans les dix jours de la date à laquelle il est parvenu dans ses bureaux. Le CICEC n'est pas responsable de l'exécution technique de l'ordre de publicité et le souscripteur s'interdit tout recours à son égard, le CICEC n'étant tenu de communiquer au souscripteur que les renseignements lui permettant son recours contre le ou les exécutants techniques. »

Madame X. a versé un acompte de 10.674 francs et s'est engagée à payer le solde en quatre versements égaux. Elle a reçu le 1er décembre 1986 une facture toutes taxes comprises de 54.200,20 francs sur laquelle il lui a été réclamé un solde de 43.526,20 francs.

A la réception du justificatif, Madame X. a écrit au CEC (Comités d'Entreprises et Collectivités) le 17 décembre 1986 pour se plaindre « de la photo trouble et irrégulière, du texte illisible et plein d'erreurs graves, de l'effet de publicité inverse à celui souhaité ». Elle a refusé de payer la facture et a réclamé le remboursement de son acompte. Sur assignation du CEC, le Tribunal a statué par le jugement entrepris.

Par note du 14 décembre 1986, la Cour a invité :

1°) L'Association CENTRE D'INFORMATION DES COMITES D'ENTREPRISES ET COLLECTIVITES à verser ses statuts aux débats ;

2°) Les parties à s'expliquer sur l'application éventuelle de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 et de l'article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 ;

3°) Les parties à appeler en la cause l'imprimeur de l'ouvrage litigieux, [adresse].

[minute page 4] L'Association CEC a versé ses statuts aux débats. Les parties ont de nouveau conclu mais n'ont pas appelé en cause l'imprimeur.

 

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES EN APPEL :

1°) Le CICEC indique qu'elle a soumis la maquette de la page de publicité à Madame X. et soutient qu'elle a rempli ses obligations, étant dégagée de toute responsabilité par les dispositions contractuelles. Elle fait valoir que la loi du 10 janvier 1978 est inapplicable, s'agissant d'un contrat passé entre professionnels. « Dans un esprit de conciliation », il renonce à la différence de 10.318,20 francs existant entre sa facture et le prix convenu qui correspondrait à des « frais techniques ». Il prie la Cour d'infirmer le jugement et de condamner Madame X. à lui payer la somme de 33.208 francs avec les intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1986, date de la mise en demeure ainsi que celle de 75.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

2°) Madame X. prie la Cour de constater que les clauses contenues dans les conditions générales de vente doivent être réputées non écrites. Elle conclut à la confirmation du jugement et, en outre, à la condamnation du CEC à lui payer la somme de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CELA ETANT EXPOSÉ, LA COUR,

Considérant que le CENTRE D'INFORMATION DES COMITES D'ENTREPRISES ET COLLECTIVITES, bien qu'ayant la forme juridique d'une association et n'exerçant son activité que dans un but autre que de partager des bénéfices, puise une partie de ses ressources, selon l'article VII, 2° de ses statuts « des sommes perçues en contrepartie des prestations fournies par l'association, notamment d'abonnement à la revue édité par [minute page 5] l'association » ; que pour l'exercice de son activité d'édition, le CICEC doit être regardé comme un professionnel au sens de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services ;

Considérant que, de son côté, Madame X. exerce à titre personnel le commerce de joaillerie et n'a aucune compétence en matière d'édition ni d'imprimerie ; qu'elle était en droit de penser, après avoir vu la « maquette » qui lui avait été présentée, que l'impression serait correcte sans qu'elle éprouve le besoin de vérifier elle-même le « bon à tirer », distinction étrangère en profane ; que, dans ses rapports avec l'éditeur, elle doit être considérée comme un non-professionnel au sens de l'article 35 de la loi précitée ;

Considérant que, selon les « conditions générales de vente » ci-dessus reproduites, le contrat portait sur « la vente d'espaces publicitaires », contrat entrant dans le champ d'application de l'article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 ;

Considérant que sont manifestement abusives les clauses tendant à interdire au souscripteur toute réclamation après la signature de l'ordre de publicité et à dégager l'éditeur de toute responsabilité quant à l'exécution technique de la publicité ; que ces clauses doivent donc être réputées non écrites ;

Considérant qu'il est établi que la reproduction des bijoux offerts à la vente n'est pas nette et qu'une grande partie du texte est très difficile à lire, certaines lignes étant parfaitement illisibles, même à l'aide d'une loupe, ce qui constitue, pour un professionnel de l'édition, un manquement grave à son obligation ; que c'est donc à bon droit que les premiers Juges ont débouté le CICEC de sa demande en paiement ;

Considérant qu'en relevant appel du jugement qui l'avait condamné, le CICEC n'a fait qu'user du droit qui lui est reconnu par la loi et que la demande de dommages-intérêts formée contre lui pour appel abusif doit être écartée ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposées par elles et non compris dans les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Déboute chacune des parties de toutes ses demandes ;

[minute page 6] Condamne l'Association Centre d'Information des Comités d'Entreprises et Collectivités aux dépens d'appel ;

Admet la SCP TEYTAUD, Avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.