CA PARIS (3e ch. sect. C), 4 décembre 1998
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1334
CA PARIS (3e ch. sect. C), 4 décembre 1998 : RG n° 97/25454 ; arrêt n° 505
Publication : Lamyline
Extrait : « Considérant qu'ayant pour objet un matériel informatique et des logiciels, le contrat litigieux a été conclu pour les besoins professionnels de la société Synergie, de sorte qu'il ne relève pas de la législation sur les clauses abusives qui ne concerne que les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
TROISIÈME CHAMBRE SECTION C
ARRÊT DU 4 DÉCEMBRE 1998
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1997/25454. Arrêt n° 505. DECISION CONTRADICTOIRE, REFORMATION.
APPELANT :
Maître Véronique BECHERET prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SOCIETE COMPUTEL
[adresse], représenté par la SCP VARIN-PETIT, avoué, assisté de Maître d'ANTIN Emmanuel, avocat
INTIMÉE :
SA SYNERGIE
[adresse], représenté par Maître BODIN-CASALIS, avoué, assisté de Maître d'AUDIFFRET Joachim, avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Monsieur ALBERTINI.
CONSEILLERS : Mesdames LE JAN et BREGEON,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Maître Véronique Bécheret, agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Computel, a interjeté appel du jugement, rendu le 27 juin 1997 par le tribunal de commerce de Paris, qui condamne la société Synergie à payer, en deniers ou quittances à la société Computel et à Maître Olivier Sauvan ès qualités de commissaire à d'exécution du plan de cession de cette dernière, la somme de 16.000 francs, déboute ceux-ci du surplus de leurs demandes, condamne la société Synergie à payer aux demandeurs la somme de 8.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Référence étant faite à cette décision ainsi qu'aux écritures des parties pour un exposé plus complet des faits, de la procédure et des moyens retenus par les premiers juges, il suffit de rappeler que le 3 février 1992, la société Computel a donné en location des matériels informatiques à la société Erom Intérim et que le même jour un contrat de vente à terme, ayant pour objet les mêmes équipements a été conclu entre ces deux sociétés. Erom Intérim s'est obligée, si elle souhaitait lever l'option d'achat à l'issue de la période irrévocable du contrat de location de 48 mois, à manifester son intention avec un préavis de 9 mois notifié par lettre recommandée avec AR.
La société Synergie, aux droits et obligations de la société locataire, ayant laissé impayée la facture de loyers du 1er février 1996, a été rappelée à ses obligations par lettre recommandée du 5 mars 1996, puis mise en demeure de payer par lettre recommandée du 29 mai 1996, non suivies d'effet.
C'est dans ces conditions que la société Computel et Maître Olivier Sauvan, ès qualités, ont assigné la société Synergie devant le tribunal de commerce de Paris auquel ils ont demandé de :
- constater que le contrat de location a été reconduit pour une durée d'un an à compter du 3 février 1996,
- condamner en conséquence la société Synergie à leur payer la somme de 90.405 francs de loyers échus et les loyers à échoir, majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 1996, outre la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Pour débouter partiellement la société Computel de ses prétentions et réduire à la somme de 16.000 francs le montant de la condamnation mise à la charge de la société locataire, le jugement déféré, après avoir relevé, en substance, la rapide obsolescence de tout matériel informatique, retient que « le formalisme imposé par l'article 9-4 (du contrat) demandant au locataire, neuf mois avant le terme de la période de location de confirmer par lettre recommandée avec accusé de réception qu'il entend bien respecter le contrat initial et ne plus louer le matériel informatique après la période contractuelle, sinon il y a reconduction automatique d'un an avec un préavis cette fois de six mois concernant un matériel devenu manifestement obsolète, constitue une sanction contractuelle excessive. »
Au soutien de son recours visant à la réformation du jugement, Maître Bécheret, ès qualités, fait valoir que le contrat de location de matériels informatiques a été tacitement reconduit pour une durée d'un an à compter du 1er février 1996 jusqu'au 31 janvier 1997, puis, pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 1997, à défaut pour la société Synergie d'avoir acquis le matériel, que celle-ci n'est pas propriétaire de ce matériel et doit exécuter son obligation contractuelle de paiement, que le juge n'a pas le pouvoir de modifier l'accord des parties, la clause 9-4 du contrat n'étant ni une clause pénale, ni une clause abusive. L'appelante prie en conséquence la cour de condamner la société Synergie au paiement de la somme de 241.103,52 francs TTC, au titre des loyers du 1er février 1996 au 1er février 1998, de dire que ces loyers porteront intérêts à compter du 29 mai 1996 et enfin de condamner l'intimée au paiement de la somme de 20.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Synergie, intimée, répond que l'article 9-4 du contrat de location est une clause pénale excessive qu'il est au pouvoir du juge de modérer dès lors que, selon elle, l'obligation qui lui est faite de dénoncer le contrat dans un délai de neuf mois, équivaut à une obligation dont l'exécution est rendue obligatoire sous peine du paiement d'une année de loyers. Elle ajoute que la clause litigieuse constitue une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors qu'elle permet au bailleur de résilier le contrat dans un délai de huit jours alors que le locataire doit un préavis de neuf mois, ce qui confère un avantage excessif au loueur sans aucune contrepartie pour son cocontractant non professionnel. Elle invoque en outre les articles 1134 alinéa 3 et 1135 du Code civil et fait valoir, qu'en raison de l'existence d'une disproportionnalité manifeste entre les stipulations de l'article 9-4 et l'objet même du contrat, le matériel étant à l'état d'épave, le paiement de loyers supplémentaires serait une atteinte à la condition d'exécution de bonne foi des conventions. Concluant au rejet des prétentions de l'appelante visant à obtenir paiement de loyers supplémentaires, elle soutient avoir, par sa télécopie du 21 février 1996 puis par sa lettre recommandée avec accusé de réception du 10 avril 1996, manifesté de manière claire et réitérée son intention de mettre fin au contrat.
Elle prie, en conséquence la cour, de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Synergie à payer à la société Computel la somme de 8.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, de le réformer de ce chef, de condamner maître Véronique Bécheret ès qualités et la société Computel à payer à la société Synergie la somme de 20.000 francs à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA EXPOSÉ, LA COUR :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 des conditions particulières, le contrat de location a été conclu pour une durée de quarante huit mois, à compter de sa prise d'effet ; qu'il a été stipulé, à l'article 9-4 des conditions générales de ce contrat, que « le locataire doit informer le Loueur avec un préavis de neuf mois avant l'échéance contractuelle prévue, par lettre recommandée avec accusé de réception, de son intention de mettre un terme au contrat pour la durée prévue aux conditions particulières et donc de restituer l'équipement au termes du contrat.
Dans le cas contraire, au delà de la durée précisée aux conditions particulières le contrat est prolongé aux mêmes conditions par tacite reconduction pour un an minimum et sur la base du dernier loyer. Passé ce délai, le Locataire pourra y mettre fin à tout moment avec un préavis de six mois. » ;
Considérant que constitue une clause pénale la clause par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée ; que tel n'étant pas le cas de la stipulation litigieuse ci-dessus reproduite, dont l'objet est de permettre au locataire de se libérer unilatéralement de son engagement, il n'est pas, ici, au pouvoir de la Cour d'user de la faculté que lui reconnaît l'article 1152 alinéa 2 du Code civil ;
Considérant qu'ayant pour objet un matériel informatique et des logiciels, le contrat litigieux a été conclu pour les besoins professionnels de la société Synergie, de sorte qu'il ne relève pas de la législation sur les clauses abusives qui ne concerne que les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ;
Considérant que la société Synergie n'apporte aucune justification au soutien de ses allégations selon lesquelles les matériel et logiciels sont désormais complètement obsolètes ; que dans sa télécopie du 21 février 1996 elle indiquait à Computel qu'ayant repris l'exploitation des agences de la société Erom Intérim, signataire des contrats aux droits et obligations de laquelle elle se trouve, elle avait installé son propre système informatique ; que dans ces conditions et faute d'apporter la preuve de la « disproportionnalité » entre les obligations respectives des parties, elle ne peut utilement soutenir que la société Computel a manqué à son obligation de loyauté dans la mise en œuvre du contrat ;
Considérant enfin qu'il lui appartenait de se renseigner sur les contrats souscrits par la société par elle reprise et qu'elle ne peut pour se dispenser de respecter l'obligation de préavis litigieuse utilement se prévaloir de ce qu'elle a succédé au souscripteur initial à une date à laquelle l'exercice de la faculté de résiliation lui était fermée ;
Considérant qu'il s'ensuit que la société Computel est fondée, aux termes du contrat, à réclamer le paiement des loyers pour la période du 1er février 1996 au 31 janvier 1997 ; qu'ayant manifesté dès le 21 février 1996 son intention de résilier le contrat, Synergie est en outre tenue, au regard des dispositions contractuelles ci-dessus reproduites, au paiement des loyers pour la période du 1er février 1997 au 31 juillet 1997 ; qu'il y a lieu en définitive de condamner la société Synergie au paiement de la somme de 8.330 francs HT X 18 = 149.940 francs HT, assortie des intérêts au taux légal sur chaque mensualité à compter de son échéance ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Réformant le jugement déféré et statuant à nouveau,
Condamne la société Synergie à verser à la société Computel et à maître Véronique Bécheret, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession, la somme de 149.940 francs HT assortie des intérêts au taux légal sur chaque mensualité à compter de son échéance ;
Déboute les appelantes du surplus de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la société Synergie aux dépens de première instance et d'appel ;
Admet la SCP Varin et Petit, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5865 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Principes - Date d’appréciation
- 5878 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : besoins de l’activité
- 5946 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Informatique
- 6153 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Extension directe sans texte