CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA COLMAR (2e ch. civ. A), 3 mai 2007

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (2e ch. civ. A), 3 mai 2007
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 2e ch. civ. sect. A
Demande : 05/00318
Décision : 368/2007
Date : 3/05/2007
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 6/01/2005
Décision antérieure : CASS. CIV. 3e, 25 février 2009, TGI MULHOUSE (1re ch. civ.), 16 novembre 2004
Numéro de la décision : 368
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 1392

CA COLMAR (2e ch. civ. A), 3 mai 2007 : RG n° 05/00318 ; arrêt n° 368/2007

(sur pourvoi Cass. civ. 3e, 25 février 2009 : pourvoi n° 07-21194 ; arrêt n° 257)

 

Extraits : 1/ « Attendu que c'est en méconnaissant les principes qui régissent les relations contractuelles entre un professionnel et un non professionnel que le Tribunal a écarté les demandes de la SCI ERLENBACH ; que c'est à tort qu'il a considéré que la SCI qui s'avérait dépourvue de compétence notoire en matière de construction - son gérant étant un professionnel de l'automobile - s'était contractuellement engagée, après avoir attesté de la nature du sol, à supporter le coût éventuel de l'étude de sol et de la réalisation de fondations spéciales ; Attendu que c'est à bon droit que la SCI ERLENBACH se prévaut des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ainsi que d'un manquement de la SA VELKOS, qui se trouvait être un professionnel de la construction, à ses devoirs de conseil et d'information ».

2/ « Attendu que les manquements de la SA VELKOS à ses obligations contractuelles se trouvent en conséquence caractérisés comme il est patent que les clauses des pièces contractuelles du marché tendaient à exclure la responsabilité de la SA VELKOS, professionnelle, envers un maître d'ouvrage non professionnel, de sorte qu'au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, ces dispositions s'avèrent abusives et sont réputées non écrites ; Attendu que l'ensemble de cette analyse ne peut à l'évidence être remise en cause par la circonstance - que le premier Juge a de manière erronée cru pouvoir retenir - que l'expert avait souligné que le mode opératoire mis en œuvre en l'espèce était une pratique courante, celle-ci étant néanmoins irréductiblement contraire aux dispositions légales régissant la matière ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 3 MAI 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 05/00318. Arrêt n° 368/2007. Décision déférée à la Cour : jugement du 16 novembre 2004 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE.

 

APPELANTE et demanderesse :

La SCI ERLENBACH

prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social [adresse], représentée par Maître LEVY, avocat à COLMAR

 

INTIMÉE et défenderesse :

La SA VELKOS, venant aux droits et obligations de la SA W DÉVELOPPEMENT

prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social [adresse], représentée par Maîtres D'AMBRA, BOUCON & LITOU-WOLFF, avocats à COLMAR plaidant : Maître MULLER, avocat à MULHOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau code' de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Martine CONTE, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Michel WERL, Président de Chambre Christine MITTELBERGER, Conseiller Martine CONTE, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Sylvie UTTARD

[minute page 2] ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile. - signé par Michel WERL, Président et Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

Ouï Martine CONTE, Conseiller en son rapport,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 4 mai 2001 la SCI ERLENBACH a signé un contrat d'entreprise avec la SA W DÉVELOPPEMENT - aux droits de laquelle vient la SA VELKOS - ayant pour objet la construction d'un bâtiment à usage de garage automobile sur un terrain situé à [ville H.] moyennant le prix de 1.086.000 F. HT.

Il avait été précisé dans le contrat que la SCI ERLENBACH attestait de la bonne qualité du sol permettant une exécution sans l'adaptation de fondations spéciales de sorte qu'il n'avait pas été prévu de procéder à une étude de sols. Les parties avaient toutefois convenu que si après les premiers travaux de terrassement un doute apparaissait sur la nature du sol, il serait procédé aux frais du maître d'ouvrage à une étude de celui-ci, et que la SCI ERLENBACH supporterait les coûts supplémentaires des travaux de fondation apparus utiles.

Tel a été le cas et le 9 février 2002 la SCI ERLENBACH a signé un ordre de service pour la réalisation d'une étude de sol, dont il est résulté que la mise en œuvre de fondations spéciales s'imposait moyennant un surcoût de 36.587 €.

Les parties s'étant opposées à cet égard, à la requête de la SCI ERLENBACH un expert judiciaire a été désigné le 3 décembre 2002 en référé qui le 19 juillet 2003 a conclu à la nécessité de procéder à des fondations spéciales, mais il a préconisé un mode de réalisation plus économique, pour un coût de 17.500 € maximum.

[minute page 3] Par acte introductif d'instance du 27 avril 2002, la SCI ERLENBACH a fait citer la SA VELKOS en résolution judiciaire du contrat les liant, remboursement des acomptes versés à hauteur de 19.800,69 € et paiement de la somme de 7.000 € à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 16 novembre 2004, le Tribunal de grande instance de MULHOUSE a débouté les parties de la totalité de leurs prétentions.

Le 6 janvier 2005 la SCI ERLENBACH a interjeté appel général de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 novembre 2006.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé, la Cour se réfère expressément aux dernières conclusions déposées par les parties :

- le 29 septembre 2006 par la SCI ERLENBACH,

- le 29 mai 2006 par la SA VELKOS.

Par voie d'infirmation du jugement déféré la SCI ERLENBACH réitère ses prétentions formées en première instance sauf à élever à la somme de 253.291,93 € sa demande de dommages-intérêts.

La SA VELKOS a conclu à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI ERLENBACH de ses prétentions, mais elle a relevé appel incident pour réclamer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu que c'est en méconnaissant les principes qui régissent les relations contractuelles entre un professionnel et un non professionnel que le Tribunal a écarté les demandes de la SCI ERLENBACH ;

[minute page 4] que c'est à tort qu'il a considéré que la SCI qui s'avérait dépourvue de compétence notoire en matière de construction - son gérant étant un professionnel de l'automobile - s'était contractuellement engagée, après avoir attesté de la nature du sol, à supporter le coût éventuel de l'étude de sol et de la réalisation de fondations spéciales ;

Attendu que c'est à bon droit que la SCI ERLENBACH se prévaut des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ainsi que d'un manquement de la SA VELKOS, qui se trouvait être un professionnel de la construction, à ses devoirs de conseil et d'information ;

Attendu que tout d'abord la SA VELKOS ne justifie pas avoir valablement informé la SCI ERLENBACH de tous les effets du contrat d'entreprise dont s'agit ;

qu'il était stipulé dans ce contrat que le propriétaire attestait de la bonne qualité du sol permettant une exécution sans l'adaptation de fondations spéciales et que les travaux seraient réalisés pour un prix « global et forfaitaire » qui serait ferme et définitif pour la durée du délai contractuel ;

qu'il s'évinçait de ces dispositions, régies par l'article 1793 du Code civil, que la SA VELKOS ne pouvait exiger aucune augmentation de prix d'autant que le problème éventuel de l'obligation de procéder à des fondations spéciales, qui ne s'avérait en tout état de cause pas imprévisible pour la professionnelle qu'elle était, avait été clairement envisagé ;

Mais attendu que simultanément, la SA VELKOS soumettait à la signature du maître d'ouvrage l'avant-projet sommaire de l'opération de construction prévoyant - et les termes de cette clause ont été énoncés en exorde de l'arrêt - que si un doute sur la nature du sol rendait nécessaire une étude de sol, qui n'avait pas été faite au préalable, les frais en seraient supportés par la SCI ERLENBACH ;

Attendu que la SA VELKOS n'établit pas avoir informé la SCI ERLENBACH sur la contradiction des deux engagements qu'elle lui avait fait souscrire et qui permettait, nonobstant le caractère forfaitaire du marché, de faire supporter une augmentation de prix ;

qu'au surplus la SA VELKOS ne prouve même pas avoir au moins renseigné son cocontractant sur les montants qu'il devait éventuellement supporter pour faire exécuter une étude de sols et des fondations spéciales ;

[minute page 5] Attendu qu'il s'infère du tout que la SCI ERLENBACH n'a pas été informée du prix de l'objet du marché et que la SA VELKOS qui a entendu lui faire supporter le risque - qu'elle mesurait elle parfaitement en sa qualité de professionnelle - d'engager le chantier sans étude de sol préalable, ne prouve pas avoir utilement éclairé celle-là des conséquences de ce choix ;

que la SA VELKOS ne pouvait se dispenser d'exécuter ces obligations au motif que le maître d'ouvrage avait attesté de la nature du sol, alors que le défaut de compétence spécialisée de ce dernier dans ce domaine, privait de tout caractère fiable sa déclaration ;

qu'au surplus dans un courrier du 12 juillet 2007 adressé à l'avocat de la SCI ERLENBACH, la SA VELKOS passait l'aveu du fait que Monsieur et Madame W. - gérant et membre de la SCI - lui avaient signalé la présence d'un remblai de 1,50 mètre sur la zone concernée, ce qui confirme de plus fort la légèreté de l'intimée qui a néanmoins accepté d'ouvrir le chantier sans étude préalable de sol et sans établir avoir attiré l'attention de la SCI ERLENBACH sur les risques subséquents, quand bien même celle-ci aurait accepté cette solution dans un souci d'économie ;

que la SA VELKOS se devait d'être particulièrement attentive alors que le permis de construire rappelait que le terrain considéré était situé en zone II pour le risque sismique ;

Attendu que les manquements de la SA VELKOS à ses obligations contractuelles se trouvent en conséquence caractérisés comme il est patent que les clauses des pièces contractuelles du marché tendaient à exclure la responsabilité de la SA VELKOS, professionnelle, envers un maître d'ouvrage non professionnel, de sorte qu'au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, ces dispositions s'avèrent abusives et sont réputées non écrites ;

Attendu que l'ensemble de cette analyse ne peut à l'évidence être remise en cause par la circonstance - que le premier Juge a de manière erronée cru pouvoir retenir - que l'expert avait souligné que le mode opératoire mis en œuvre en l'espèce était une pratique courante, celle-ci étant néanmoins irréductiblement contraire aux dispositions légales régissant la matière ;

Attendu que l'infirmation totale du jugement s'impose en conséquence;

Attendu qu'eu égard à la gravité du manquement de la SA VELKOS, qui engage pleinement sa responsabilité contractuelle et l'oblige à réparation intégrale de tous les préjudices en résultant pour la [minute page 6] SCI ERLENBACH, cette dernière est fondée à demander que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la SA VELKOS et que celle-ci soit condamnée à restituer l'acompte de 19.893 € augmenté des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 août 2002 constituant la première mise en demeure clairement interpellative au sens de l'article 1146 du Code civil ;

Attendu que la SCI ERLENBACH qui avait formé en première instance une demande de dommages-intérêts à hauteur de 7.000 €, s'avère recevable - contrairement à ce que soutient l'intimée - en application des articles 565 et 566 du Nouveau code de procédure civile, à élever celle-ci devant la Cour ;

qu'il échet donc d'examiner si la SCI ERLENBACH justifie des préjudices qu'elle allègue ;

Attendu que la SCI ERLENBACH produit aux débats une pièce établissant les frais qu'elle a exposés en vue du projet de construction, et qui du fait de l'abandon de celui-ci par la faute de la SA VELKOS sont pour elle dépourvus de contrepartie utile.;

qu'il s'agit de la note d'honoraires acquittée auprès de l'architecte Monsieur A. le 21 juin 2001 pour un montant de 3.720 € ;

qu'en revanche l'acquittement du droit d'enregistrement à hauteur de 1.500 € ne résulte d'aucun document ;

que les frais payés le 5 juin 2003 au Ministère de l'Equipement pour des essais pénétrométriques en cours de procédure, ou les honoraires payés en 2005 à un consultant qui a techniquement assisté la SCI au cours de l'expertise, s'analysent comme des frais irrépétibles de procédure qui seront pris en compte à ce titre ;

que la demande de 1.329,21 € au titre des frais de constitution de la SCI, dont l'intérêt n'était pas limité à la réalisation des travaux de construction sera rejetée ;

que les frais d'expertise seront compris dans les dépens ;

Attendu que la SA VELKOS sera donc condamnée à payer la somme de 3.720 € augmentée à titre indemnitaire des intérêts à compter de l'assignation ;

Attendu que pour réclamer la somme de 223.200 € la SCI expose qu'elle avait contracté un prêt pour les besoins de la construction - ce dont il est justifié par une attestation du CRÉDIT MUTUEL : prêt de 165.560 € pour une durée de 15 ans au taux de 4,9 % - et qu'elle est [minute page 7] contrainte de le rembourser sans percevoir les loyers que la SARL W., qui exploite le garage, lui aurait payé au titre des nouveaux locaux ;

qu'il y a là un préjudice financier certain, qui n'est toutefois pas égal comme le soutient la SCI au montant total des échéances ;

que si la SCI rembourse le prêt, le montant est disponible pour d'autres opérations ;

qu'elle ne produit pas d'éléments comptables ;

que ce dommage sera intégralement réparé par la condamnation de la SA VELKOS à payer la somme de 15.000 €, ce montant se situant en outre à dire d'expert dans la fourchette du coût que la SCI devait supporter pour faire réaliser des fondations au cas où elle entreprendrait une construction analogue à celle qu'elle avait prévue ;

que les intérêts sur cette somme courront à compter de l'arrêt ;

.Attendu que la réclamation de la somme de 206.875 € au titre de la perte forfaitaire de patrimoine qui n'est fondée que sur les propres allégations de la SCI à l'exclusion de tout élément propre à l'étayer sera rejetée ;

Attendu que toutes les demandes de la SA VELKOS doivent par voie de dépendance nécessaire de ce qui précède être rejetées ;

Attendu que la SA VELKOS qui succombe principalement sera condamnée aux entiers dépens d'appel en ceux-ci compris les honoraires d'expertise, ainsi qu'au paiement à la SCI de la somme de 5.000 € pour frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

INFIRME totalement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat du 4 mai 2001 aux torts de la SA VELKOS ;

CONDAMNE la SA VELKOS à payer à la SCI ERLENBACH les sommes suivantes :

- 19.893 € (DIX-NEUF MILLE HUIT CENT QUATRE-VINGT TREIZE EUROS) augmentés des intérêts au taux légal à compter du 27 août 2002 en remboursement de l'acompte,

- [minute page 8] 3.720 € (TROIS MILLE SEPT CENT VINGT EUROS) augmentés des intérêts au taux légal à compter du 27 août 2002 en réparation du préjudice matériel ;

- 15.000 € (QUINZE MILLE EUROS) augmentés des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt en réparation du préjudice financier ;

- 5.000 € (CINQ MILLE EUROS) pour frais irrépétibles de première instance et d'appel avec intérêts légaux à compter de l'arrêt ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE la SA VELKOS aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ceux-ci compris les honoraires d'expertise.

Le Greffier                Le Président