CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA COLMAR (3e ch. A), 1er septembre 2003

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. A), 1er septembre 2003
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 00/02665
Date : 1/09/2003
Nature de la décision : Confirmation
Décision antérieure : TI STRASBOURG, 19 mai 2000
Décision antérieure :
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 1411

CA COLMAR (3e ch. A), 1er septembre 2003 : RG n° 00/02665

 

Extrait  : « Attendu que le rapport direct existant entre le contrat et l’activité professionnelle du contractant relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ; Qu’en l’espèce, la vente de produits luminaires échappe à la compétence professionnelle de Monsieur X., qui exploite une boutique de foulards et bijoux, et n’a pas de rapport direct avec l’activité qu’il exerce, Monsieur X. se trouvant dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur et sans compétence particulière pour apprécier la conformité des luminaires vendus et leurs caractéristiques techniques ».

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 1er SEPTEMBRE 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. N° : 00/02665. Minute N° : 3M

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme WALTZ, Président de la 3ème Chambre Civile, Section A - Mme SCHIRER et Mme MAZARIN, Conseillers, assesseurs,

Greffier présent aux débats et au prononcé : Mme LAEMLE,

DÉBATS A L'AUDIENCE PUBLIQUE du 3 mars 2003

ARRÊT CONTRADICTOIRE du 1er septembre 2003, prononcé publiquement par le Président.

NATURE DE L’AFFAIRE : Autres demandes relatives à la vente.

 

APPELANTE :

SA VETTER

ayant son siège [adresse], prise en la personne de son représentant légal audit siège, représentée par Maître Ch. LAISSUE-STRAVOPODIS, Avocat à la Cour.

 

INTIMÉ :

Monsieur X. exploitant sous l’enseigne « […] »

[adresse] représenté par Maître V. SPIESER, Avocat à la Cour

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X. a passé commande le 30 juin 1999 à la Société VETTER de divers luminaires pour un montant de 39.846,24 Francs ; en règlement de la commande, il a remis à la Société VETTER une lettre de change à échéance le 5 octobre 1999 ;

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 juillet 1999, Monsieur X. a annulé sa commande ; cette annulation n’a pas été acceptée par la Société VETTER qui l’a assigné devant le Tribunal d’instance de STRASBOURG en paiement du prix de la commande, de 78,39 Francs au titre des frais de rejet de la lettre de change, de 815,50 Francs au titre des frais de transport résultant du retour de la marchandise ;

Par jugement du 19 mai 2000, le Tribunal a annulé le contrat liant les parties, débouté la Société VETTER de sa demande, dit que la procédure n’était pas abusive et condamné la Société VETTER aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.500 Francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

La Société VETTER a régulièrement interjeté appel de ce jugement;

Elle fait valoir au soutien de son appel :

Que Monsieur X. a constamment fait preuve de mauvaise foi ; qu’il a fait intervenir Monsieur Y., commercial de la Société VETTER, avec qui il était en relation d’affaires depuis 1992 non pour remplacer des spots existants mais pour fournir de nouveaux luminaires dans le cadre de travaux d’agrandissement de son magasin ; qu’il avait donc parfaite connaissance du matériel ; que le 2 juillet, il a averti Monsieur Y. de l’annulation de la commande ; que le courrier d’annulation a suivi et que la marchandise a été retournée en port dû ;

Que les luminaires commandés avaient un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre de l’exploitation commerciale de Monsieur X. puisqu’ils étaient nécessaires à l’activité commerciale de ce dernier et que les dispositions de l’article L. 121-22-4 relatives au démarchage ne sont pas applicables ;

Que le premier juge a par conséquent fait une mauvaise application de la Loi en considérant que la vente de luminaires n’a pas de rapport avec l’activité de vente de bijoux et cadeaux exercée par Monsieur X. ;

Que ce dernier doit être condamné à prendre livraison à ses frais du matériel, à payer la commande et, en application des conditions générales, les intérêts au taux majoré de 50 % à compter du 5 octobre 1999, une indemnité contractuelle de 15 % du montant de la facture, soit 5.976,93 Francs, c’est à dire 911,18 Euros, les frais de rejet de la lettre de change, soit 11,95 Euros TTC et enfin à rembourser les frais de port dû ;

Que Monsieur X. n’a voulu annuler la commande que parce qu’il a été sensible ultérieurement aux conditions avantageuses de la Société ART DECO ; qu’il a utilisé de mauvaise foi tous les moyens pour s’opposer à l’exécution de ses engagements, ce qui été pour elle source de préjudice ;

Elle conclut :

« Infirmer le jugement du 19 mai 2000

Statuant à nouveau :

Condamner Monsieur X. à prendre livraison, à ses frais, du matériel correspondant au contrat de vente du 30 juin 1999

Condamner Monsieur X. à payer à la Société VETTER la somme de :

- 6.074,52 euros, avec les intérêts au taux légal majoré de 50 % à compter du 5 octobre 1999,

- 911,18 euros en application de l’indemnité contractuelle,

- 11,95 euros au titre des frais de rejet de la lettre de change,

- 124,32 euros au titre des frais de transport résultant du retour de la marchandise,

- 1.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Condamner Monsieur X. à payer à la société VETTER la somme de 1.600,00 euros en application de l’article 700 du NCPC,

Condamner Monsieur X. aux dépens de première instance et d’appel,

Débouter Monsieur X. de ses demandes. »

 

Monsieur X. répond :

Que Monsieur Y., commercial de la Société VETTER, s’est rendu dans sa boutique pour lui proposer la vente de spots ;

Qu’il a passé une commande puis l’a annulée ; que la marchandise a néanmoins été envoyée à Monsieur Y. qui l’a renvoyée à la Société VETTER en port dû ; que lui-même n’a jamais eu la marchandise entre les mains ;

Que l’achat de spots pour son magasin est sans rapport direct avec son activité commerciale qui consiste en la vente de foulards et bijoux ; qu’il est par conséquent en droit de bénéficier des dispositions de l’article L. 121-22-4° du Code de la Consommation ;

Que les conditions de l’article L. 121-23 du Code de la Consommation n’ont pas été respectées et que le contrat ne précise pas le lieu de conclusion du contrat ni la faculté de renonciation et les conditions d’exercice de ces facultés, ni de façon apparente le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-26 du Code de la Consommation ;

Qu’il a exercé sa faculté de rétractation dans les sept jours ;

Qu’aucune contrepartie ne pouvait être exigée avant l’expiration de ce délai ; qu’en tout état de cause la lettre de change devait lui être retournée dans les 15 jours de la rétractation ;

Que le contrat est par conséquent nul ;

Qu’il a subi un préjudice du fait de l’action abusive de la Société VETTER ;

Il conclut :

« Vu les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation,

- DIRE les dispositions protectrices en matière de démarchage à domicile applicables à Monsieur X.,

- ORDONNER la nullité du contrat conclu entre la société VETTER et Monsieur  X.,

En conséquence,

- DEBOUTER la société VETTER de l’ensemble de ses demandes et prétentions à l’encontre de Monsieur X.,

- CONDAMNER reconventionnellement la société VETTER au paiement de la somme de 5.000 FRS de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- CONDAMNER la société VETTER au paiement de 5.000 francs au titre de l’article 700 NCPC ainsi qu’aux entiers dépens. »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI LA COUR :

Vu les conclusions des parties en date du 22 novembre 2001 et 18 avril 2002 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens ;

Attendu que l’appel interjeté dans les formes légales apparaît recevable au vu des éléments fournis à la Cour ;

 

Au fond :

Attendu qu’il est constant que démarché dans sa boutique par Monsieur Y., commercial de la Société VETTER, Monsieur X. a passé commande le 30 juin 1999 de divers luminaires pour un prix de 39.846,24 Francs et qu’il a émis le même jour une lettre de change de ce montant à échéance au 5 octobre 1999 ; que dès le 5 juillet 1999 il a annulé la commande par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Attendu que le premier juge a retenu à bon droit que Monsieur X. était en droit de se prévaloir des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation ;

Attendu en effet qu’aux termes de l’article L. 121-22 du même Code ne sont pas soumises aux dispositions de l’article L. 121-23 à L. 121-28 « les ventes... lorsqu’elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d’une exploitation... commerciale ou de toute autre profession » ;

Attendu que le rapport direct existant entre le contrat et l’activité professionnelle du contractant relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ;

Qu’en l’espèce, la vente de produits luminaires échappe à la compétence professionnelle de Monsieur X., qui exploite une boutique de foulards et bijoux, et n’a pas de rapport direct avec l’activité qu’il exerce, Monsieur X. se trouvant dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur et sans compétence particulière pour apprécier la conformité des luminaires vendus et leurs caractéristiques techniques ;

Attendu que dès lors le bon de commande soumis à la signature de Monsieur X. aurait dû comporter, à peine de nullité les mentions exigées par l’article L. 121-23 du Code de la Consommation notamment la faculté de renonciation dont l’acheteur était en droit d’user dans les sept jours que le vendeur lui a refusée ;

Attendu qu’en application de l’article L. 121-26 la Société VETTER ne pouvait de surcroît bénéficier d’aucune contrepartie avant l’expiration du délai

de sept jours, cet article prévoyant d’ailleurs que les engagements ou ordre de paiement doivent être retournés au consommateur dans les 15 jours qui suivent sa rétractation ;

Attendu qu’il s’évince de ce qui précède que les dispositions d’ordre public du Code de la Consommation n’ont pas été respectées, que Monsieur X. était en droit de se rétracter dans les sept jours, ce qu’il a fait, et qu’en tout état de cause le contrat souscrit était nul ;

Attendu que c’est donc à bon droit que le premier juge a débouté la Société VETTER de sa demande en observant qu’il était sans emport pour elle de se prévaloir de la lettre de change dès lors que la demande était fondée sur le rapport de droit commun et que cette lettre de change n’avait aucune cause;

Attendu que la résistance de Monsieur X. était par conséquent fondée et non abusive ;

Attendu que ni la procédure de première instance intentée par la Société VETTER ni l’appel qu’elle a interjeté ne sauraient pour autant être qualifiés de manifestement abusifs dès lors que tant sa demande et que son appel ont été longuement motivés non seulement en fait mais par référence à des décisions de jurisprudence nombreuses et variées ;

Attendu que l’issue du litige conduit à condamner la SA VETTER aux entiers dépens d’appel ainsi qu’au paiement d’une somme de 760 Euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure, l’équité le commandant ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Et ceux non contraires du premier juge,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré,

DÉCLARE l’appel recevable en la forme,

LE DIT non fondé et le rejette,

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la Société VETTER aux entiers dépens d’appel,

LA CONDAMNE à payer à Monsieur X. la somme de 760 Euros (sept cent soixante euros) au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

DÉBOUTE les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Et le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent au prononcé.