CA NANCY (2e ch. com.), 2 avril 2003
CERCLAB - DOCUMENT N° 1562
CA NANCY (2e ch. com.), 2 avril 2003 : RG n° 01/02544 ; arrêt n° 896/2003
Publication : Juris-Data n° 224150
Extrait : « L'ensemble de ces éléments fait présumer qu'à la date de l'installation du matériel litigieux, les locaux de l'entreprise artisanale de M. X. n'étaient pas encore situés au [n°, rue, Ville] où se trouvait déjà son domicile personnel ; Que, contrairement aux déductions des premiers juges, la SA KBC LEASE FRANCE n'établit pas que la location souscrite par M. X. avait un rapport direct avec ses activités commerciales et artisanales, au sens de l'article 8-1 de la loi n° 72-1137. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET DU 2 AVRIL 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 01/02544. Arrêt n° 896/2003.
APPELANT :
Monsieur X.
Demeurant [adresse], Suivant Déclaration d'appel déposée au Greffe de la Cour d'Appel de NANCY le 1er octobre 2001 d'un jugement rendu le 12 septembre 2001 par le Tribunal de Commerce de SAINT-DIÉ
Comparant et procédant par le ministère de la SCP MILLOT-LOGIER-FONTAINE, ses avoués associés constitués,
Plaidant par Maître JEANNEL, Avocat au Barreau de SAINT-DIE
INTIMÉE :
Société Anonyme KBC LEASE France (Venant aux droits de la Société SOCREA LOCATION)
Ayant son siège [adresse], Prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, Comparant et procédant par le ministère de la SCP MERLINGE-BACH-WASSERMANN, ses avoués associés constitués, Plaidant par Maître KNITTEL, Avocat au Barreau d'ÉPINAL.
DÉBATS : Sans opposition des Conseils des parties en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, La cause a été débattue à l'audience publique du 19 février 2003, devant Monsieur MOUREU, Président, assisté de Madame GRADE, Adjoint Administratif Principal, ayant prêté le serment de Greffier,
Les Avocats assistés des Avoués des parties ayant été entendus,
Le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu à l'audience publique du 19 mars 2003,
Monsieur MOUREU, Président, a fait rapport à ladite Chambre de la Cour composée de lui-même, de Monsieur JOBERT, Conseiller et de Monsieur RUFF, Conseiller,
Après rapport, il a été délibéré de la cause par les Magistrats susdits.
A l'audience publique du 19 mars 2003, le délibéré a été prorogé à l'audience publique du 02 avril 2003,
Et à l'audience publique de ce jour, 02 avril 2003, la Cour a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
BASES CONTRACTUELLES DU LITIGE FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE :
Par contrat du 15 novembre 1995, la SA SOCREA LOCATION a donné en location à M. X., exerçant une activité de charpente-couverture-zinguerie sous l'enseigne « X. fils » à [ville], un matériel de télésurveillance, fourni par la SA CEPA, pour la durée de 48 mois, moyennant un loyer mensuel de 759,48 Francs TTC à compter du 15 janvier 1996.
Selon procès-verbal de réception, le matériel a été installé le 23 novembre 1995.
Par lettre du 9 janvier 1996, M. X. entendait annuler « la commande faite [...] en date du 15 novembre 1995 » pour divers motifs tirés de la qualification du contrat et d'un prétendu dol.
Par lettre du 18 septembre 1997, la SA SOCREA LOCATION a mis en demeure M. X. de payer 19 loyers impayés et une indemnité de retard pour un total de 15.879,40 Francs dans les 8 jours, sous peine de résiliation.
VU la demande introduite contre M. X. par la SA KBC LEASE FRANCE selon assignation du 16 février 1999 tendant, dans le dernier état de ses conclusions, à la résiliation du contrat de location aux torts exclusifs du défendeur, à sa condamnation au paiement de 38.094,46 Francs TTC avec les intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 1997 et de 3.500 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à la restitution du matériel décrit au contrat sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard à compter du 3ème jour suivant la signification du jugement,
VU les conclusions de la partie défenderesse se disant prête à restituer le matériel et tendant au débouté de la SA KBC LEASE FRANCE et à l'allocation de 3.500 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
VU le jugement rendu par le Tribunal de commerce de SAINT-DIÉ des Vosges le 12 septembre 2001, non assorti de l'exécution provisoire, qui a condamné M. X. à payer à la demanderesse 38.094,46 Francs TTC et 1.500 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à restituer le matériel décrit au contrat sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement,
VU l'appel de ce jugement interjeté par M. X. le 1er octobre 2001,
VU les moyens et prétentions de l'appelant exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 19 novembre 2002 tendant à l'irrecevabilité de la SA KBC LEASE FRANCE pour défaut de qualité à agir, à l'annulation du contrat de location, à la restitution des loyers versés, au débouté de la SA KBC LEASE FRANCE, à ce qu'il soit donné acte à l'appelant de ce qu'il offre de restituer le matériel et à l'allocation de 900 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
VU les moyens et prétentions de la partie intimée exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 30 septembre 2002 tendant au rejet de l'appel principal et, sur appel incident, à l'allocation des intérêts au taux légal de 38.094,46 Francs à compter du 18 septembre 1997 et de 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
MOYENS DES PARTIES :
Au soutien de son appel, M. X. fait valoir que :
- après avoir réglé 2 mensualités, s'apercevant que le matériel ne fonctionnait pas, l'appelant a cessé de payer les loyers et a demandé que le matériel soit repris,
- la SA KBC LEASE FRANCE ne justifie pas qu'elle vient aux droits de la société SOCREA LOCATION, signataire du contrat,
- les dispositions protectrices du code de la consommation en matière de démarchage à domicile sont applicables puisque le matériel litigieux était destiné à protéger le domicile familial du défendeur alors que son entreprise professionnelle n'y était pas encore installée,
- le contrat litigieux ne respecte pas l'article L. 121-23 du Code de la consommation car il ne précise ni le délai de livraison, ni le prix global à payer, ni les modalités de paiement, ni les conditions d'exercice de sa faculté de rétractation,
- le contrat de location n'est pas conforme aux recommandations de la commission des clauses abusives : durée initiale supérieure à un an sans faculté de rupture anticipée pour motif légitime, défaut de distinction du prix de la location de matériel et du prix de la prestation de télésurveillance, obligation de poursuivre les paiements pendant la durée de remplacement du matériel détruit ou perdu ou postérieurement à la résiliation,
- la durée de 48 mois est une clause abusive qui encourt l'annulation,
- le matériel est tombé en panne 2 mois après l'installation et la SA CEPA n'a jamais assuré la prestation de télésurveillance,
- subsidiairement, le mécanisme de vente de la SA CEPA a été dénoncé par la revue « 60 millions de consommateurs »,
- M. X. n'aurait jamais contracté, sans les manœuvres dolosives de la SA KBC LEASE FRANCE.
La SA KBC LEASE FRANCE réplique que :
- seule la dénomination de la demanderesse a changé, sans modification de la personne morale, comme en fait foi l'extrait K bis,
- le matériel litigieux étant destiné à protéger les locaux commerciaux de M. X., les articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation ne s'appliquent pas,
- le contrat est en rapport direct avec l'activité professionnelle de M. X.,
- au surplus, le contrat est conforme aux dispositions protectrices en ce qui concerne l'identité du fournisseur, les modalités de paiement, la faculté de renonciation, la nature et les caractéristiques des biens et services proposés,
- la preuve des prétendues manœuvres dolosives n'est pas rapportée,
- la SA CEPA apparaît comme fournisseur et l'intimée, en qualité de bailleur,
- les recommandations de la commission des clauses abusives ne s'appliquent qu'entre consommateur et professionnel or M. X. n'a pas contracté en tant que consommateur,
- les sommes dues à la demanderesse correspondent au loyer du matériel,
- les recommandations ne s'imposent pas au juge,
- les premiers juges ont statué au delà des conclusions de M. André X. en refusant d'allouer les intérêts légaux depuis la mise en demeure.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu que l'appelant soutient vainement que la SA KBC LEASE FRANCE n'aurait pas qualité pour agir au nom de la SA SOCREA LOCATION, cocontractante initiale ;
Qu'il résulte de l'extrait K bis du registre du commerce et des sociétés que, par déclaration modificative du 3 décembre 1998, la SA SOCREA LOCATION a pris la nouvelle dénomination de « KBC LEASE France » (pièce N° 1 communiquée par l'intimée le 30 septembre 2002) ;
Attendu que la qualification du montage contractuel alléguée par la SA KBC LEASE FRANCE est confirmée par différents éléments de la cause, notamment, le procès-verbal de réception des matériels et la fiche d'intervention technique du 23 novembre 1995 à l'en-tête de la SA CEPA, fournisseur du matériel litigieux (pièces N° 3 et 4 de la SA KBC LEASE FRANCE) ;
Que, toutefois, cette société n'a pas été appelée en cause bien qu'il résulte de l'article 3 bis du contrat de location que la SA KBC LEASE FRANCE a transmis au locataire (M. X.) la totalité des recours en garantie contre le fournisseur et bien que ledit locataire invoque le mauvais fonctionnement de l'installation ;
Attendu qu'en l'état des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, il n'est nullement établi que le matériel de télésurveillance fourni par la SA CEPA et financé par la SA SOCREA LOCATION ait été installé pour protéger un local professionnel exclusivement ou en même temps qu'un logement particulier ;
Qu'il est constant que le matériel a été installé à l'adresse 85, Avenue de Y. à [ville Z.] ;
Que ce fait est, notamment, confirmé par les énonciations du procès-verbal de réception et de la fiche d'intervention qui mentionnent exclusivement cette adresse ;
Qu'il résulte d'une attestation du maire de la commune que les époux X. sont domiciliés à cette adresse depuis le 1er octobre 1995 ;
Que le cachet commercial apposé sur les pièces contractuelles porte l'inscription :
« X. Fils
Charpente - couverture - zinguerie
[10, cité V.]
[88XXX Ville Z.] »
Que M. X. verse aux débats l'avis de paiement de la taxe professionnelle destiné à « M. X. » le lieu d'imposition désigné étant « 87 rue de Y. " [Ville Z.] ;
Que l'ensemble de ces éléments fait présumer qu'à la date de l'installation du matériel litigieux, les locaux de l'entreprise artisanale de M. X. n'étaient pas encore situés au n° 85 [de l’avenue Y. de la Ville Z.] où se trouvait déjà son domicile personnel ;
Que, contrairement aux déductions des premiers juges, la SA KBC LEASE FRANCE n'établit pas que la location souscrite par M. X. avait un rapport direct avec ses activités commerciales et artisanales, au sens de l'article 8-1 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972, devenu l'article L. 121-22, 4° du Code de la consommation ;
Que les dispositions protectrices des consommateurs en matière de démarchage à domicile étaient donc applicables au contrat souscrit par les parties ;
Attendu que M. X. ne peut pas soutenir de bonne foi qu'il n'était pas informé des conditions d'exercice de la faculté de rétractation alors qu'il a versé aux débats une copie dudit contrat découpée au dessus du formulaire détachable destiné l'exercice de la faculté de renonciation, prévu à l'article L. 121-24 du Code de la consommation ;
Qu'en effet, après la reproduction de l'article 3 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972, l'imprimé incriminé comporte un tel formulaire intitulé « annulation de commande » énonçant les conditions et le délai d'annulation ;
Mais attendu que le contrat de location litigieux comporte plusieurs irrégularités substantielles au regard de l'article L. 121-23 du Code de la consommation qui prescrit les mentions obligatoires à peine de nullité ;
Que le nom du démarcheur n'est pas indiqué et ne résulte d'aucun autre document concomitant de la conclusion du contrat, versé aux débats ;
Que l'adresse du fournisseur fait défaut et ne figure que sur la fiche d'intervention technique établie le 23 novembre 1995, donc après l'expiration du délai de renonciation ;
Que l'adresse du lieu de conclusion du contrat n'est pas précisée, la seule adresse mentionnée étant l'adresse de l'entreprise 10, [Cités V. à Ville Z.] qui n'est pas celle de l'installation du matériel ;
Que la désignation du matériel loué se limite à « 1 Ensemble de Télésurveillance (mot illisible) contrat d'abonnement », ce qui ne correspond manifestement pas à la « désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés » exigée par l'article L. 121-23, 4° du Code de la consommation ;
Que la mention « contrat d'abonnement » est d'ailleurs en contradiction avec les énonciations suivantes puisque les cases « maintenance » et « abonnement de télésurveillance » ne sont pas cochées ;
Que le contrat est muet sur les conditions d'exécution des prestations et, notamment, le délai de livraison ou d'exécution de la prestation de service ;
Qu'enfin, si les modalités de paiement sont indiquées sous forme de 48 loyers HT et TTC avec les dates d'échéance, le contrat ne mentionne pas le prix global ;
Que la nullité du contrat est donc encourue ;
Qu'il convient de remettre les parties dans la situation antérieure au contrat ;
Qu'il y a lieu de donner acte à M. X. de son offre de restituer le matériel et d'ordonner cette restitution ;
Qu'il n'est pas justifié de condamner M. X. à une astreinte puisque la SA KBC LEASE FRANCE n'allègue pas et établit encore moins qu'elle se serait heurtée à la moindre difficulté en voulant se faire remettre le matériel litigieux en conséquence de la résiliation de la location ;
Que la SA KBC LEASE FRANCE doit rembourser les loyers versés, soit :
759,78 x 2 = 1.519,56 Francs , soit 231,66 euros
Attendu que, dans le contexte d'une installation mise à la disposition du locataire qui ne justifie d'aucune réclamation pour défaut de fonctionnement avant sa lettre du 25 septembre 1997 (pièce N° 1 de l'appelant) et qui reconnaît l'avoir débranchée (lettre du 24 septembre 1997, pièce N° 15 en première instance), l'équité justifie d'écarter l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré et, statuant à nouveau,
ANNULE le contrat de location du 15 novembre 1995,
DONNE ACTE à M. X. de son offre de restituer le matériel décrit dans le contrat et, au besoin, ordonne la restitution dudit matériel,
CONDAMNE la SA KBC LEASE FRANCE à restituer à M. X. la somme de DEUX CENT TRENTE ET UN EUROS ET SOIXANTE SIX CENTIMES (231,66 euros),
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples conclusions,
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
CONDAMNE la SA KBC LEASE FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel,
AUTORISE la SCP d'avoués MILLOT-LOGIER-FONTAINE à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du deux avril deux mil trois par Monsieur MOUREU, Président, en application de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame GRADE, Adjoint Administratif Principal, ayant prêté le serment de Greffier,
Et, Monsieur MOUREU, Président, a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier, Minute en onze pages
- 5865 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Principes - Date d’appréciation
- 5866 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection – Notion de professionnel - Principes - Charge de la preuve
- 5893 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Conclusion du contrat
- 5907 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Exécution du contrat - Lieu et période d’exécution
- 5959 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats mixtes - Usage mixte professionnel et privé