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CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 21 décembre 2006

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 21 décembre 2006
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 1
Demande : 05/07318
Date : 21/12/2006
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TI LENS, 23 juin 2005
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1673

CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 21 décembre 2006 : RG n° 05/07318

Publication : Juris-Data n° 327549

 

Extrait : « Cette clause, en ce qu'elle n'a d'autre but que de dispenser le prêteur d'adresser à l'emprunteur une nouvelle offre préalable en cas de dépassement du montant maximum et par la même de le dispenser également de ses obligations de mise en garde, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et doit être réputée non écrite au regard des dispositions légales sus-rappelées. ».

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

HUITIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n°05/07318. Tribunal d'Instance de LENS du 23 juin 2005.

 

APPELANTE :

SA FINAREF

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant : [adresse], Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour, Assistée de Maître DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

demeurant [adresse], Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

 

DÉBATS à l'audience publique du 12 septembre 2006, tenue par Madame PAOLI magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DESBUISSONS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. SCHAFFHAUSER, Président de chambre, Mme PAOLI, Conseiller, M. BOUGON, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 DÉCEMBRE 2006 après prorogation du délibéré du 16 novembre 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. SCHAFFHAUSER, Président et Mme DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 7 SEPTEMBRE 2006.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Selon offre préalable acceptée le 14 mai 1994, la SA FINAREF a consenti à M. X. une ouverture d'un crédit utilisable par fractions et remboursable par échéances mensuelles fixées en fonction du solde dû et au taux effectif global initialement de 18,60 % mais stipulé révisable en fonction des variations du taux de base que le prêteur appliquera aux opérations similaires.

Par lettre recommandée avec avis de réception elle a mis en demeure M. X. de payer les échéances échues et s'est prévalue de la déchéance du terme.

Par acte du 9 mai 2005, elle a fait assigner devant le Tribunal d'instance de LENS M. X. afin d'obtenir paiement de la somme en principal de 8.447,07 € outre les intérêts, les dépens et une indemnité de procédure.

Le Tribunal d'instance, par jugement dont appel en date du 23 juin 2005, a partiellement fait droit à la demande à hauteur de la somme de :

- 991,85 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2004 ;

- 1 € au titre de l'indemnité de résiliation ;

- 300 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; et débouté la SA FINAREF du surplus de ses demandes.

La SA FINAREF a relevé appel du jugement le 19 décembre 2005. Par mention au dossier, le Conseiller de la Mise en état a invité les parties à :

- préciser la première échéance impayée non régularisée susceptible de faire courir le délai de forclusion ;

- justifier de l'accord des parties et d'une offre préalable sur le dépassement du découvert autorisé et le taux d'intérêt pratiqué ;

- conclure sur le caractère éventuellement abusif de la clause autorisant l'augmentation du découvert ;

- conclure sur l'exigibilité des intérêts au regard des dispositions de l'article 1907 du code civil ;

- verser à toutes fins un décompte des intérêts au taux légal sur les sommes dues en principal.

L'appelant, la Société FINAREF, conclut le 16 mars 2006, à l'infirmation du jugement et demande à la Cour de condamner M. X. à payer :

- 8.447,07 € arrêtée à la date du 3 mai 2005 et avec intérêts au taux de 16,14 % l'an à compter du 4 mai 2005 ;

- 1.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- les dépens.

La Société de crédit soutient que la clause prévoyant l'augmentation du découvert autorisé ne peut être qualifiée d'abusive au regard des dispositions du décret du 24 mars 1978 et de l'avis de la Commissions des clauses abusives du 27 mai 2004. Elle précise par ailleurs que le contrat stipulait d'une part une fraction initialement disponible et, d'autre part. le montant maximum utilisable par l'emprunteur que ce dernier reconnaissait dès la signature du contrat.

[minute page 3] Enfin, elle précise que le juge civil ne peut déclarer illicite une clause expressément prévue et validée par les pouvoirs publics.

Par conclusions du 18 août 2006, M. X. conclut à l'infirmation du jugement et à l'irrecevabilité des demandes de la SA FINAREF en raison de la forclusion. A titre incident au visa de l'article 1376 du code civil, il demande la condamnation de la Société FINAREF à lui rembourser les intérêts indûment perçus soit L. 524,49 € outre 500 € au titre de l'indemnité de procédure.

Il expose que la Société FINAREF lui a consenti à plusieurs reprises, notamment après qu'il ait remis à zéro un précédent solde, des avances d'un montant sans cesse croissant et ce sans nouvelle offre préalable, en méconnaissance des dispositions des articles L. 311-10 et L. 311-9 du code de la consommation. La société de crédit, qui n'a jamais consenti de nouvelle offre préalable régulière, doit être déclarée forclose, la première offre préalable du 14 mai 1994 ne portant que sur la somme de 10.000 Francs qui a été dépassée à compter du 21 février 1995.

En l'absence d'offre préalable régulière les intérêts n'étaient pas dus. Hormis ceux relatifs à la somme de 10.000 Francs prévue à l'offre préalable du 14 mai 1994 qui restent acquis au prêteur, celui-ci doit rester sur les sommes indûment perçues depuis.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat, les actions nées d'un contrat de crédit à la consommation doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance ; s'agissant d'une action en paiement, le point de départ du délai de forclusion est fixé à la date de l'exigibilité des sommes dont le recouvrement est poursuivi. Plus précisément, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie de l'obligation de remboursement à échéances convenues, le point de départ de ce délai se situe au moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur.

Par ailleurs, en matière de crédits utilisables par fractions, l'article L. 311-9 du code de la consommation rappelle l’« obligation d'une offre préalable pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ». Si lors d'un renouvellement du contrat initial cet article dispense le prêteur de soumettre à l'acceptation de l'emprunteur une nouvelle offre préalable, cette dispense ne s'étend toutefois pas aux nouvelles ouvertures de crédits auxquelles doivent être assimilées toutes modifications du montant du crédit ou du taux du crédit précédemment consenti, lesquelles doivent donc être conclues dans les termes d'une offre préalable répondant aux exigences des dispositions des articles L. 311-9-1 et L. 311-10 du même code.

[minute page 4] Enfin, il convient de rappeler que l'article L. 132-1 du code de la consommation répute non écrite comme étant abusive une clause qui a pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. À cet égard, une clause contractuelle dispensant le prêteur d'une nouvelle offre préalable lors d'augmentations du crédit initial qui interviennent sans acceptation par l'emprunteur créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et doivent être réputées non écrites.

M. X. a signé deux offres préalables en date du 14 mai 1994 et du 4 janvier 2000.

L'examen de l'extrait de compte « compte mistral » permet de constater qu'après un fonctionnement débiteur entre le 30 mai 1994 et le 3 septembre 1997, M. X. a ramené à zéro le solde de son compte par un versement en date du 29 septembre 1997 ; un tel fonctionnement a été réitéré entre janvier 1999 et le 28 juin 1999, date à laquelle le compte a de nouveau été ramené à zéro. Sur la base de la première offre préalable le compte a de nouveau connu une position débitrice variant de 20.000 Francs à 49.830,22 Francs entre le 24 septembre 1999 et 24 avril 2001, date à laquelle un nouveau versement a soldé le découvert, étant observé qu'une nouvelle offre préalable a été soumise à la signature de M. X. le 4 janvier 2000 afin de prendre en compte le dépassement du montant de l'offre initiale. Aussi, si le prêteur pouvait éventuellement avoir perdu son droit d'action antérieurement à janvier 2000, l'emprunteur n'en avait pas moins, durant cette période, exécuté le contrat en régularisant le découvert, de telle sorte que la question de l'éventuelle forclusion de l'action introduite par le prêteur ne se pose qu'à compter du 14 juin 2001 après une demande de virement de 45.000 Francs qui porte le solde du compte de zéro audit montant.

Aux termes de l'offre préalable du 4 janvier 2000, la Société FINAREF consent à M. X. un découvert en compte d'un montant maximum utilisable de 50.000 Francs, et « d'un montant maximum de crédit autorisé de 60.000 Francs ». Au verso du contrat, aux « conditions générales du crédit » il est stipulé à l'article 2 § 2 qu’« à l'issue d'un délai de six mois suivant la date d’ouverture de votre contrat, le montant du crédit utilisable pourra évoluer par fractions successives, à votre demande ou sur proposition du prêteur, dans la limite du montant maximum du crédit autorisé, et sous réserve que vous ne trouviez pas dans l'une des conditions de suspension ou de résiliation visées à l'article 8 ci-après.

Toute utilisation de votre compte au delà du montant de crédit utilisable sera considérée comme une demande de mise à disposition d'une fraction supplémentaire de votre crédit autorisé.

…/…

Vous conservez par ailleurs, la possibilité de régler à FINAREF, à votre convenance toute somme supérieure à la mensualité réclamée, ou même de rembourser le solde dû par anticipation sans indemnité.

Le montant de la mensualité minimale mentionnée sur le relevé, peut être modifié par FINAREF, avec votre accord. Les modifications de mensualité ou de crédit utilisable, apparaîtront sur votre relevé de compte. L’absence de réclamation concernant les opérations figurant sur votre relevé de compte, dans les soixante jours suivant sa réception, vaut acceptation de votre part ».

[minute page 5] Cette clause, en ce qu'elle n'a d'autre but que de dispenser le prêteur d'adresser à l'emprunteur une nouvelle offre préalable en cas de dépassement du montant maximum et par la même de le dispenser également de ses obligations de mise en garde, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et doit être réputée non écrite au regard des dispositions légales sus-rappelées.

Le montant maximum autorisé de 50.000 Francs soit 7.622,45 € a été atteint et dépassé le 27 décembre 2002 par l'utilisation d'un crédit supplémentaire de 540 € portant ainsi à 7,795,71 € au 3 janvier 2003 le solde débiteur du crédit qui n'a plus été ramené par la suite en deçà du seuil de 7.622,45 €.

Cette utilisation d'un crédit d'un montant de 540 € le 27 décembre 2002, qui porte à cette date à 7.645,87 € le montant total utilisé non régularisé par la suite, constitue le premier incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur au sens des dispositions précitées. Après une vaine mise en demeure de payer la SA FINAREF a assigné en paiement M. X. le 9 mai 2005. Elle doit être déclarée irrecevable en ses demandes comme forclose par application des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation.

Le jugement sera infirmé.

M. X. présente, sur la base de l'offre préalable de 1994, des demandes incidentes de répétition de l'indu en application de l'article 1376 du code civil, arguant des stipulations du contrat et des conditions de l'exécution de celui-ci. Toutefois, il résulte de la motivation précédente relative à ce premier contrat que les sommes payées étaient dues et qu'il ne saurait donc y avoir lieu à répétition.

La SA FINAREF qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ; l'équité et les circonstances de l'espèce commandent que les demandes de M. X. au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile soient rejetées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement ;

DÉCLARE la SA FINAREF irrecevable ;

DÉBOUTE M. X. de ses demandes au titre de la répétition de l’indu et de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

[minute page 6] CONDAMNE la SA FINAREF aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,                       LE PRÉSIDENT,

A. DESBUISSONS                D. SCHAFFHAUSER