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TI LENS, 23 juin 2005

Nature : Décision
Titre : TI LENS, 23 juin 2005
Pays : France
Juridiction : Lens (TI)
Demande : 11-05-000403
Décision : 720/2005
Date : 23/06/2005
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 9/05/2005
Décision antérieure : CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 21 décembre 2006
Numéro de la décision : 720
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 465

TI LENS, 23 juin 2005 : RG n° 11-05-000403 ; jugement n° 720/2005

(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 21 décembre 2006 : RG n° 05/07318)

 

Extraits : 1/ « Il ressort de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et de l'arrêt CJCE du 21 novembre 2002 (COFIDIS/ F...) que le juge peut, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, relever le caractère abusif d'une clause insérée dans le dit contrat sans que l'écoulement du délai de forclusion puisse lui être opposé. Par ailleurs, si l'article L. 311-37 du Code de la consommation prévoit un délai de forclusion de deux ans pour toutes les actions découlant des contrats de crédits à la consommation, il appartient au créancier, dans le cadre de disposition d'ordre public de rapporter la preuve de sa créance, en vertu de l'article 1315 du code civil et donc de prouver qu'il a satisfait aux exigences légales. »

2/ « Le contrat de crédit prévoit en son article relatif aux conditions du crédit que le découvert de base autorisé à l'ouverture du compte est de 10.000 Francs et qu'il pourra être augmenté, moyennant l'accord du prêteur, par fractions successives, dans la limite de 50.000 Francs. Or, cette clause, si elle autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit, dans la limite de la somme de 50.000 Francs, et si elle soumet l'exercice de cette faculté aux conditions qu'elle énonce, qui excluent la possibilité d'une augmentation tacite du montant du découvert, ne stipule pas l'obligation de délivrance d'une nouvelle offre préalable et par conséquent la nécessité d'une acceptation formelle de celle-ci et la faculté, pour les emprunteurs, de rétracter leur consentement. Une telle clause, qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose pas à cette occasion de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause doit donc être déclarée abusive. »

3/ « L'article L. 311-33 du code de la consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts. Les clauses litigieuses, qui aggravent la situation de l'emprunteur au regard des dispositions des articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation en ne lui permettant pas de bénéficier des garanties de formes et de délais prévues par le loi, rendent l'offre préalable non conforme aux dits articles, ce qui justifie la déchéance du droit aux intérêts. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

JUGEMENT RENDU AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE LENS

JUGEMENT DU 23 JUIN 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 11-05-000403. Minute n° 720/2005.

 

DEMANDEUR :

SA FINAREF

[adresse], représenté(e) par Maître HERMARY P.-FONTAINE D.-REGNIER JB., avocat du barreau de BÉTHUNE

 

DÉFENDEUR :

Monsieur X.

[adresse], non comparant

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Bérangère MEURANT

GREFFIER : Sylvie MENIS, Greffier

Débats à l'audience publique du : 26 mai 2005

JUGEMENT prononcé à l'audience publique de 23 juin 2005, date indiquée à l'issue des débats.

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] OBJET DU LITIGE :

Suivant offre préalable en date du 14 mai 1994, la SA FINAREF a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit utilisable par fractions et remboursable par échéances mensuelles fixées en fonction du solde dû, le taux effectif global de 18,60 % lors de la souscription du contrat étant révisable suivant les variations en plus ou en moins des variations du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature.

Alléguant le défaut de paiement des échéances mensuelles, la SA FINAREF a fait citer Monsieur X. devant ce tribunal par acte d'huissier en date du 9 mai 2005, en paiement des sommes suivantes :

- 8.447,07 euros, outre les intérêts au taux du contrat jusqu'à parfait paiement à compter du 20 mars 2004, au titre du prêt impayé,

- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La SA FINAREF sollicite en outre l'exécution provisoire de la présente décision. Monsieur X., régulièrement assigné à mairie, n'a pas comparu.

A l'audience, le tribunal a soulevé d'office le moyen tiré du caractère abusif de la clause contractuelle permettant la variation du montant du capital emprunté, clause qui rend l'offre irrégulière au regard des dispositions des articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation.

En réponse, la SA FINAREF sollicite l'entier bénéfice de son acte introductif d'instance.

A l'appui de sa position, elle indique en premier lieu que le juge ne peut soulever ce moyen d'office, et qu'en tout état de cause, il ne peut être utilisé pour contourner la loi SCRIVENER.

En second lieu, elle fait valoir que la variation est prévue par le contrat, que le bordereau de rétractation a été fourni au moment de la signature de l'offre initiale, que celle ci a été acceptée, clause de variation comprise, et que l'offre apparaît parfaitement régulière au regard du code de la consommation.

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande en paiement :

Il ressort de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et de l'arrêt CJCE du 21 novembre 2002 (COFIDIS/ F...) que le juge peut, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, relever le caractère abusif d'une clause insérée dans le dit contrat sans que l'écoulement du délai de forclusion puisse lui être opposé.

Par ailleurs, si l'article L. 311-37 du Code de la consommation prévoit un délai de forclusion de deux ans pour toutes les actions découlant des contrats de crédits à la consommation, il appartient au créancier, dans le cadre de disposition d'ordre public de rapporter la preuve de sa créance, en vertu de l'article 1315 du code civil et donc de prouver qu'il a satisfait aux exigences légales.

 

- [minute page 3] Sur le caractère abusif de la clause prévoyant la possibilité de faire varier le montant du  capital prêté :

L'article L. 311-9 du code de la consommation dispose que « lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti, l'offre préalable n'est obligatoire pour le contrat initial ». Cette dispense de réitération ne s'étend pas aux nouvelles ouvertures de crédit.

Dès lors, toute modification du montant ou du taux du crédit précédemment accordé, qui touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit être conclue dans les termes d'une offre préalable comportant les mentions prescrites par l'article L. 311-10 du code de la consommation.

Le contrat de crédit prévoit en son article relatif aux conditions du crédit que le découvert de base autorisé à l'ouverture du compte est de 10.000 Francs et qu'il pourra être augmenté, moyennant l'accord du prêteur, par fractions successives, dans la limite de 50.000 Francs.

Or, cette clause, si elle autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit, dans la limite de la somme de 50.000 Francs, et si elle soumet l'exercice de cette faculté aux conditions qu'elle énonce, qui excluent la possibilité d'une augmentation tacite du montant du découvert, ne stipule pas l'obligation de délivrance d'une nouvelle offre préalable et par conséquent la nécessité d'une acceptation formelle de celle-ci et la faculté, pour les emprunteurs, de rétracter leur consentement.

Une telle clause, qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose pas à cette occasion de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause doit donc être déclarée abusive.

 

- Sur les conséquences de la présence de clauses abusives dans le contrat de crédit :

L'article L. 311-33 du code de la consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts.

Les clauses litigieuses, qui aggravent la situation de l'emprunteur au regard des dispositions des articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation en ne lui permettant pas de bénéficier des garanties de formes et de délais prévues par le loi, rendent l'offre préalable non conforme aux dits articles, ce qui justifie la déchéance du droit aux intérêts.

En conséquence, la créance de la SA FINAREF qui verse aux débats :

- le contrat d'ouverture de crédit en date du 14 mai 1994,

- l'historique du compte,

- la mise en demeure adressée au débiteur le 20 mars 2004 valant déchéance du terme,

- le dernier décompte de la créance en date du 3 mai 2005,

[minute page 4] sera fixée à la somme de 991,85 euros, étant précisé que Monsieur X. n'avait pas adhéré à l'assurance facultative.

Le taux effectif global est révisable en plus ou en moins selon les variations du taux de base applicable.

La SA FINAREF ne justifiant pas par la production des barèmes diffusés auprès du public du taux en vigueur à la date de la déchéance du terme, il convient de faire courir les intérêts au taux légal.

Les articles L. 311-30 et suivants du Code de la consommation ne prévoient aucune dérogation aux règles édictées par l'article 1153 du Code civil.

En conséquence, les intérêts au taux légal courront à compter du 20 mars 2004, date de la mise en demeure.

En application de l'article L. 311-30 du Code de la consommation et de l'article 2 du décret 78.373 du 17 mars 1978, lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû, il peut demander une indemnité de 8 % qui dans ce cas est calculée sur le seul capital restant dû à la date de la défaillance, à l'exclusion des échéances impayées.

En l'espèce, l'indemnité de 8 % réclamée par le créancier apparaît manifestement excessive eu égard au taux d'intérêt contractuel élevé ayant couru pendant la durée d'application du contrat et aux paiements déjà intervenus. Il convient en conséquence de la réduire à la somme de 1 euro en application des articles 1152 alinéa 2 et 1231 du Code civil.

 

Sur l'exécution provisoire :

Compatible avec la nature de l'affaire, il convient de prononcer l'exécution provisoire du présent jugement.

 

Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

La partie défenderesse, qui succombe, sera condamnée aux dépens par application de l'article 696 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'au paiement de la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la demanderesse dans le cadre de cette procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE Monsieur X. à payer à la SA FINAREF, en deniers ou quittances valables,

- la somme de 991,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2004, à titre principal,

- la somme de 1 euro, au titre de l'indemnité légale,

- [minute page 5] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

PRONONCE l'exécution provisoire,

DÉBOUTE la SA FINAREF du surplus de ses demandes,

CONDAMNE Monsieur X. aux entiers dépens.

Ainsi jugé et prononcé aux lieu, jour, mois et an ci-dessus.

LE GREFFIER,                       LE PRÉSIDENT,