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CA VERSAILLES (12e ch. B), 28 octobre 1999

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (12e ch. B), 28 octobre 1999
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 12e ch. sect. B
Demande : 1997/1488
Date : 28/10/1999
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurinet
Décision antérieure : T. COM. VERSAILLES (3e ch.), 20 décembre 1996
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1741

CA VERSAILLES (12e ch. B), 28 octobre 1999 : RG n° 1997/1488

Publication : Jurinet ; RJDA 2000/9-10, n° 924

 

Extrait  : « Mais considérant qu'il apparaît tout d'abord des pièces produites que le contrat a été souscrit par Madame X., en sa qualité de pharmacienne exclusivement et sans aucune restriction dès lors qu'elle y a apposé sa signature et son cachet professionnel et qu'elle s'est portée caution solidaire à titre personnel de son engagement commercial ; Qu'il se déduit de là que le contrat avait pour finalité essentielle de protéger la pharmacie et qu'il s'inscrit bien, contrairement à ce qui est prétendu, dans un cadre professionnel ; Considérant par ailleurs que, en raison de l'insécurité qui concerne bon nombre de pharmacie notamment en région parisienne du fait de la détention, par ces dernières, de produits classés au tableau A, l'installation d'un système d'alarme participe à l'évidence à la bonne marche de l'exploitation ; qu'il s'infère de là qu'il existe, au sens des dispositions précitées du Code de la Consommation, un rapport direct entre le contrat de location souscrit par Madame X. et l'activité professionnelle spécifique exercée par cette dernière ; Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté la protection revendiquée sur le fondement de la loi du 22 décembre 1972 modifiée et intégrée dans le Code de la Consommation ».

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

DOUZIÈME CHAMBRE B

ARRÊT DU 28 OCTOBRE 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt RG n° 1997-1488

COMPOSITION DE LA COUR : Présidence : M. F. ASSIE, Conseillers : Mme F. Laporte, M. J.-F. Fedou.

 

APPELANT :

Madame X.

 

INTIMÉE :

Société SAM COGESERVICES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame X., qui exploite une pharmacie à […], a souscrit auprès de la société SAM COGESERVICES, le 05 juin 1992, un contrat de location de longue durée afférent à un système d'alarme, moyennant 48 mensualités de 794,62 francs échelonnées du 30 juin 1992 au 30 mai 1996.

Madame X. ayant cessé d'honorer les échéances, la société SAM COGESERVICES lui a adressé, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 novembre 1993, une mise en demeure l'informant que, à défaut de règlement dans les huit jours de l'arriéré, le contrat serait résilié et que la créance deviendrait immédiatement exigible.

Cette mise en demeure étant demeurée sans effet, la société SAM COGESERVICES a saisi le Tribunal de Commerce de VERSAILLES.

Madame X. a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie et, subsidiairement, elle s'est opposée aux prétentions émises à son encontre par la société de location.

 

Par jugement en date du 20 décembre 1996 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal a rejeté l'exception d'incompétence invoquée par Madame X. et, faisant droit partiellement aux demandes de la société SAM COGESERVICES, il a condamné Madame X. à payer à cette société la somme de 35.365,12 francs avec intérêts de droit à compter du 28 novembre 1993, outre une indemnité de 3.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

Appelante de cette décision, Madame X., après avoir précisé qu'elle entend renoncer à se prévaloir de l'exception d'incompétence qui ne présente à ce jour plus d'intérêt, persiste à soutenir qu'elle est fondée à se prévaloir de la protection instaurée en faveur du consommateur par « les lois du 22 décembre 1972 et 10 janvier 1978 ».

Elle déduit de là que le contrat doit être tenu pour nul ou pour le moins l'action déclarée forclose en application de l'article 27 de la loi précitée du 10 janvier 1978 dès lors que ladite action n'a pas été engagée dans les deux ans. Subsidiairement, elle entend opposer à la société SAM COGESERVICES l'exception d'inexécution dans la mesure où, selon elle, le matériel loué n'a jamais correctement fonctionné. Elle argue encore de la nullité du contrat sur le fondement de l'article 1131 du Code Civil, motif pris essentiellement que la société SAM COGESERVICES ne serait pas propriétaire du matériel loué. Plus subsidiairement, elle sollicite la réduction des indemnités de résiliation qui lui sont demandées. Enfin, elle réclame à la société SAM COGESERVICES la somme de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

La société SAM COGESERVICES réfute point par point l'argumentation adverse et conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit son action recevable et le contrat valablement conclu.

Elle fait grief en revanche au premier juge d'avoir réduit le montant des indemnités par elle sollicitées en stricte application du contrat et, dans le cadre d'un appel incident, elle demande que Madame X. soit condamnée à lui payer la somme de 43.011,41 francs avec intérêt de droit à compter du 28 novembre 1993. Elle sollicite également une indemnité complémentaire de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et ce en sus de l'indemnité qui lui a déjà été allouée au même titre par le Tribunal.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* Sur l'applicabilité en l'espèce des dispositions protectrices du consommateur invoquées par l'appelante :

Considérant que l'article 8.1 de la loi n° 72.1137 du 22 décembre 1972, modifiée par la loi n° 89.1008 du 31 décembre 1989, et devenu l'article L 121.22.4° du Code de la Consommation exclut de son champ d'application « les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession » ;

Considérant que Madame X. soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sa qualité de pharmacienne ne saurait l'exclure de la protection qu'elle revendique, dans la mesure où le système d'alarme litigieux, financé par le contrat de location, n'a pas, selon elle, de rapport direct avec son activité commerciale et ou, de surcroît, il avait vocation non seulement à protéger la pharmacie, mais également l'appartement privé situé au-dessus de l'officine ;

Mais considérant qu'il apparaît tout d'abord des pièces produites que le contrat a été souscrit par Madame X., en sa qualité de pharmacienne exclusivement et sans aucune restriction dès lors qu'elle y a apposé sa signature et son cachet professionnel et qu'elle s'est portée caution solidaire à titre personnel de son engagement commercial ;

Qu'il se déduit de là que le contrat avait pour finalité essentielle de protéger la pharmacie et qu'il s'inscrit bien, contrairement à ce qui est prétendu, dans un cadre professionnel ;

Considérant par ailleurs que, en raison de l'insécurité qui concerne bon nombre de pharmacie notamment en région parisienne du fait de la détention, par ces dernières, de produits classés au tableau A, l'installation d'un système d'alarme participe à l'évidence à la bonne marche de l'exploitation ; qu'il s'infère de là qu'il existe, au sens des dispositions précitées du Code de la Consommation, un rapport direct entre le contrat de location souscrit par Madame X. et l'activité professionnelle spécifique exercée par cette dernière ;

Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté la protection revendiquée sur le fondement de la loi du 22 décembre 1972 modifiée et intégrée dans le Code de la Consommation ;

Considérant que l'article 3 de la loi du 10 janvier 1978, devenu l'article L. 311-3 du Code de la Consommation, exclut de son champ de protection, les prêts, contrats et opérations de crédit,... destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle ;

Considérant que, comme il a été vu précédemment, l'installation d'un système d'alarme pour protéger une officine de pharmacie participe directement à la sécurité de ce type d'activité et doit être dès lors tenu pour réalisée pour les besoins du commerce au sens des dispositions précitées ;

Qu'il en résulte que Madame X. ne peut se prévaloir utilement de la forclusion édictée par l'article L. 311-37 du Code de Consommation (anciennement article 27 de la loi du 10 janvier 1978) ; que le jugement sera encore confirmé de ce chef ;

 

* Sur l'exception d'inexécution :

Considérant que Madame X. prétend que la société SAM COGESERVICES lui aurait fourni « un système d'alarme d'occasion qui n'a jamais fonctionné » et qu'elle était donc fondée à opposer à cette société l'exception d'inexécution en arrêtant le paiement des loyers ;

Mais considérant que l'article 1.6° du contrat de location, dont Madame X. a reconnu avoir eu une parfaite connaissance, stipule que :

« la signature du procès-verbal de réception par le locataire fait que le bailleur ne pourra être tenu, par la suite, d'aucune responsabilité notamment en ce qui concerne les cas de fonctionnement défectueux. Aucun règlement de loyer ne pourra être différé sous le prétexte d'une contestation quelconque entre le locataire et le fournisseur. Le locataire bénéficiera de la garantie accordée par le constructeur ou le fournisseur et, à cette fin le bailleur subrogera le locataire dans ses droits en lui permettant d'exercer directement tous recours nécessaires auprès du fournisseur » ;

Or considérant que Madame X., agissant en qualité de commerçante, a non seulement signé sans la moindre réserve le contrat de location mais également le procès-verbal de mise à disposition du matériel fourni par la société VISAGEST de sorte que la clause exonératoire de responsabilité du bailleur doit recevoir application d'autant que Madame X. s'est vu subrogée dans les droits dudit bailleur à l'encontre du fournisseur et qu'elle ne justifie ni n'allègue avoir intenté la moindre action contre ce dernier ;

Que c'est donc également à bon droit que les premiers juges ont écarté l'exception d'inexécution invoquée, laquelle n'est au demeurant nullement établie autrement que par les propres affirmations ou écrits de l'appelante ;

 

* Sur la prétendue nullité du contrat par absence de cause :

Considérant que Madame X. fait encore grief à la décision entreprise d'avoir rejeté l'exception de nullité qu'elle a soulevée sur le fondement de l'article 1131 du Code Civil qui prévoir que l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet ;

Que plus particulièrement, Madame X. expose que le matériel donné à bail a été repris par la société CIPE en janvier 1995, alors qu'il avait été initialement fourni et mis à disposition par la société VISAGEST dont le nom figure sur le contrat de location en qualité de fournisseur ; qu'elle croit pouvoir déduire de là que la société SAM COGESERVICES n'est pas propriétaire du matériel fourni ;

Mais considérant que l'existence de la cause doit s'apprécier lors de la formation du contrat ; qu'à cet égard, il ne saurait être contesté, comme il ressort du contrat de location en date du 05 juin 1992, de la facture d'achat du matériel émise par la société VISAGEST le 27 mai 1992 et du procès-verbal de réception du matériel signé de Madame X., que la société SAM COGESERVICES a acquis le matériel litigieux auprès de la société VISAGEST et qu'elle l'a ensuite mise à disposition, dans le cadre du contrat de location, de Madame X. qui a reçu ledit matériel sans aucune réserve ; qu'il en résulte que non seulement le droit de propriété de la société de location est suffisamment établi mais encore que l'obligation pour le locataire de payer les loyers était parfaitement causée dès lors que ledit locataire a reçu en contrepartie le matériel spécifié au contrat ; qu'il n'importe dans ces conditions que le matériel ait été récupéré à la demande du bailleur, par une société CIPE FRANCE dont il n'est pas contesté qu'elle a repris une partie des activités de la société VISA FRANCE, maison mère de la société VISAGEST ; que l'exception de nullité invoquée sur le fondement de l'article 1131 du Code Civil précité sera en conséquence écarté ;

 

* Sur le quantum des indemnités réclamées par la société SAM COGESERVICES :

Considérant que l'article 6 des conditions générales du contrat de location, auquel Madame X. a souscrit, prévoit :

« c) 2° Outre la restitution du matériel, le locataire devra verser au loueur une indemnité égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % ainsi qu'une indemnité égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévu à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 % (sans préjudice de tous dommage et intérêts qu'il pourrait devoir). Il devra également rembourser au loueur les frais éventuellement engagés par lui à l'occasion de la résiliation et de la reprise du matériel » ;

Considérant que la société SAM COGESERVICES réclame dans le cadre de son appel incident, les sommes ci-après :

Montant de l'arriéré

- 16 loyers échus impayés de 794,61 francs chacun

du 30 juillet 1992 au 30 octobre 1992                         12.713,76 francs

- clause pénale 10 %                                                   1.929,98 francs

- intérêts de retard                                                      1.271,36 francs

                                                                                  ----------------------

soit                                                                             15.915,10 francs

Montant à échoir

- 32 loyers à échoir de 794,61 francs chacun

du 30 novembre 1993 au 30 mai 1996                        24.633,01 francs

- clause pénale                                                2.463,30 francs

                                                                                  -----------------------

Soit                                                                            27.096,31 francs

et au total         43.001,41 francs

Mais considérant que, si les loyers arriérés sont incontestablement dus, les autres éléments d'indemnisation proposés s'analysant en une clause pénale que le juge a la faculté de réduire ;

Considérant qu'en l'espèce, il sera tout d'abord observé que la société SAM COGESERVICES a acquis auprès de la société VISAGEST un matériel d'une valeur de 20.856,17 francs, matériel qu'elle a, à ce jour, récupéré et qui représente une valeur résiduelle certaine ; que, certes, si la société SAM COGESERVICES était en droit d'escompter un bénéfice commercial de l'opération, celui-ci ne saurait représenter plus du double de la valeur d'origine d'un matériel, de surcroît récupéré ;

Que dans ces conditions, la Cour fixera la réparation à laquelle peut prétendre la société SAM COGESERVICES, ainsi qu'il suit :

- 16 loyers échus et impayés

du 30 juillet 1992 au 30 octobre 1993 12.713,76 francs

- intérêts de retard                                           1.271,36 francs

- indemnité complémentaire auprès réduction

des montants réclamés                         15.000,00 francs

                                                                       -----------------------

Soit au total                                                     28.985,12 francs

au lieu de la somme manifestement excessive de 35.365,12 francs, eu égard à la récupération de matériel, retenue par le premier juge ;

Que Madame X. sera condamnée à payer ladite somme de 28.985,12 francs à la société SAM COGESERVICES, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 novembre 1993 ;

 

* Sur les autres demandes :

Considérant que Madame X. ne justifie pas du caractère abusif de la procédure engagée à son encontre ;

Qu'elle sera déboutée de la demande en dommages et intérêts qu'elle forme de ce chef ;

Considérant qu'il serait inéquitable, eu égard à ce qui précède, de laisser à la charge de la société SAM COGESERVICES, la totalité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire consacrer ses droits ;

Que Madame X. sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant enfin, que Madame X. qui succombe pour l'essentiel, supportera les entiers dépens exposés à ce jour ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REÇOIT Madame X. en son appel principal et la société SAM COGESERVICES en son appel incident ;

- CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que le contrat de location passé entre Madame X. et la société SAM COGESERVICES a été valablement conclu et en ce qu'il a dit l'action de la société SAM COGESERVICES recevable ;

- L'INFIRMANT du seul chef de la réparation allouée à la société SAM COGESERVICES et STATUANT à nouveau sur ce point,

- CONDAMNE Madame X. à payer à titre d'indemnité de résiliation à la société SAM COGESERVICES la somme de 28.985,12 francs et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 novembre 1993 ;

- REJETTE la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Madame X. ;

- CONDAMNE cette dernière à payer à la société SAM COGESERVICES une indemnité complémentaire de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle de 3.000 francs déjà allouée au même titre par le premier juge ;

- CONDAMNE également Madame X., qui succombe pour l'essentiel, aux entiers dépens de première instance et d'appel et AUTORISE la SCP d'Avoués FIEVET-ROCHETTE-LAFON à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE PRESIDENT : F. ASSIÉ  LE GREFFIER : M. Thérèse GENISSEL.