CA RENNES (1re ch. B), 14 avril 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1785
CA RENNES (1re ch. B), 14 avril 2005 : RG n° 04/04109 ; arrêt n° 271
Publication : Juris-Data n° 278507
Extrait : « Attendu que les activités d'affichage publicitaire sont régies par la loi du 29 décembre 1979, laquelle ne réglemente pas le démarchage à domicile de telles opérations ; Qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 29 décembre 1979 seules les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation particulière ne sont pas soumises aux dispositions de cette loi ; Que la loi du 2 février 1995 [N.B. : conforme à la minute] exclut l'application des articles L. 121-23 L. 121-29 des activités de ventes, locations ou locations de vente de biens ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle commerciale ou artisanale ou toute autre profession ; Que tel n'est pas le cas d'espèce le contrat de location n'ayant aucun rapport direct avec l'activité exercée par Monsieur X. ; Que la Cour de Cassation a déjà jugé que le démarchage au domicile du propriétaire pour lui proposer un contrat de ce même type constitue un démarchage en vue de la location d'un bien visé par l'article 1 de la loi du 22 décembre 1972, démarchage qui ne fait l'objet d'aucune réglementation par un texte législatif particulier ».
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 14 AVRIL 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/04109. Arrêt n° 271.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Monique BOIVIN, Président, Madame Rosine NIVELLE, Conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller.
GREFFIER : Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé.
DÉBATS : A l'audience publique du 10 février 2005 devant Madame Monique BOIVIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Madame Monique BOIVIN, Président, à l'audience publique du 14 Avril 2005.
APPELANT :
Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP Y. CHAUDET - J, BREBION - J.D. CHAUDET, avoués, assisté de Maître DE CADENET, avocat
INTIMÉE :
SARL MADE IN V
[adresse], représentée par la SCP GRUTIER-LHERMITTE, avoués, assistée de Maître IHOU, avocat
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Le 7 novembre 2002 Monsieur X. a signé avec la société MADE IN V un contrat de location d'emplacement de panneau publicitaire pour une période de trois ans.
Le 15 février 2003 la société AFFIOUEST avec laquelle il avait signé le 12 février 1992 un contrat de location d'emplacement de panneau publicitaire pour un délai de 3 ans, renouvelé par tacite reconduction, lui a demandé de procéder à la dépose immédiate du panneau de la société MADE IN V en arguant de la clause d'exclusivité stipulée à son contrat.
Le 23 avril et 9 mai 2003 Monsieur X. a dénoncé le contrat conclu avec la société MADE IN V qui a refusé de mettre fin au contrat sans indemnités.
Le 3 juillet 2003 Monsieur X. a assigné la société MADE IN V. Par jugement du 29 avril 2004 le tribunal d'instance de BREST l'a débouté de ses demandes de nullité et de résiliation du contrat.
Monsieur X. qui a interjeté appel sollicite la réformation du jugement, la nullité du contrat de location, à titre subsidiaire la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société MADE IN V, en tout état de cause, la condamnation de cette dernière à procéder à ses frais à la dépose de son panneau publicitaire dans un délai de 10 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, la condamnation de la société MADE IN V à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 915 euros, somme qui se compensera avec la somme de 915 euros, remboursement du loyer de la première année de location .
Il sollicite une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Au soutien de son appel il fait valoir que :
- le contrat de location de panneau publicitaire est soumis aux obligations du code de la consommation afférentes aux contrats de démarchage.
- [minute page 3] le contrat, conformément aux dispositions de l'article L. 121-24 du code de la consommation, et selon une jurisprudence conforme, devait impérativement comprendre un formulaire détachable de rétractation, et en l'absence de tel formulaire le contrat de location était entaché de nullité.
- le contrat signé le 7 novembre 2002 n'a été contre-signé par la société MADE IN V que le 10 mars 2003, en méconnaissance de l'article 2.2 du contrat qui prévoit un délai de deux mois, faute de quoi le preneur sera réputé avoir renoncé à la location et le bailleur dégagé de toute obligation ; le contrat n'a donc jamais existé.
- la société MADE IN V a manqué son devoir d'information et de conseil, l'a trompé sur la possibilité de faire coexister sur le même terrain deux contrats de location d'emplacement publicitaire ; elle est de particulière mauvaise foi à soutenir l'irrégularité de cette clause alors que son contrat de location est quasi-identique celui de la société AFFIOUEST.
- le commercial de la société MADE IN V l'a même assuré de la possibilité de faire coexister les panneaux d'affichage sur son terrain.
La société MADE IN V conclut à la confirmation du jugement en l'absence de vice affectant le contrat de location, en l'absence de validité de la clause d'exclusivité dans le contrat AFFIOUEST. Elle sollicite une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
En réplique elle allègue que :
- les activités d'affichage publicitaire sont régies par la loi du 29 décembre 1979, relèvent du droit commun des contrats locatifs exclus du champ d'application du code de la consommation article L. 121-23 à L. 121628 ; la jurisprudence de la Cour de Cassation et les débats parlementaires de la loi du 1er février 1995 confirment cette situation.
- l'absence de bordereau détachable est inopérante en l'espèce ; le contrat de location ne peut être frappé de nullité.
- [minute page 4] la clause d'exclusivité au delà de 10 ans est contraire au principe de la liberté du commerce et de l'industrie il s'agit en fait d'une clause contractuelle de préférence.
- la société AFFIOUEST de manière indirecte ne peut solliciter la résiliation du contrat.
- en l'absence de dol de violence ou d'erreur le contrat de location est valable, le délai préfix de deux mois pour signer le contrat est sans incidence sur sa validité qui résulte de la rencontre des deux volontés, de l'exécution du contrat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Attendu que les activités d'affichage publicitaire sont régies par la loi du 29 décembre 1979, laquelle ne réglemente pas le démarchage à domicile de telles opérations ;
Qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 29 décembre 1979 seules les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation particulière ne sont pas soumises aux dispositions de cette loi ;
Que la loi du 2 février 1995 [N.B. : conforme à la minute] exclut l'application des articles L. 121-23 L. 121-29 des activités de ventes, locations ou locations de vente de biens ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle commerciale ou artisanale ou toute autre profession;
Que tel n'est pas le cas d'espèce le contrat de location n'ayant aucun rapport direct avec l'activité exercée par Monsieur X. ;
Que la Cour de Cassation a déjà jugé que le démarchage au domicile du propriétaire pour lui proposer un contrat de ce même type constitue un démarchage en vue de la location d'un bien visé par l'article 1 de la loi du 22 décembre 1972, démarchage qui ne fait l'objet d'aucune réglementation par un texte législatif particulier ;
[minute page 5] Que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que le contrat était soumis aux dispositions des articles L. 121-23 et 121-24 du code de la consommation ;
Attendu que l'article L. 121.24 prévoit la présence d'un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation ;
Qu'en l'espèce il n'est pas contesté que le contrat de location ne comportait pas le bordereau de rétractation ;
Que si seules les mentions énumérées à l'article L. 121-23 du code de la consommation sont exigées à peine de nullité, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-24, règle d'ordre public est également sanctionnée par la nullité du contrat en application de l'article 6 du code civil ;
Que conformément à la jurisprudence constante il convient de prononcer la nullité du contrat du 7 novembre 2002, d'ordonner la dépose du panneau publicitaire, d'ordonner la restitution par Monsieur X. de la somme de 915 euros perçue à titre de loyer ;
Attendu que la société MADE IN V en faisant signer à Monsieur X. le contrat litigieux lui a causé un préjudice matériel qui sera indemnisé par une somme équivalente au montant du loyer, étant observé que la société MADE IN V a bénéficié de fait depuis le 7 novembre 2002 d'un emplacement publicitaire ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X. ses frais irrépétibles qui seront indemnisés par la somme de 1500 euros ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Vu la loi du 29 décembre 1979 ;
Vu l'article 6 du code civil ;
[minute page 6] Vu les articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation ;
Infirme le jugement du 29 avril 2004 ;
Prononce la nullité du contrat de location d'emplacement publicitaire du 7 novembre 2002 ;
Condamne la société MADE IN V à procéder à ses frais à la dépose du panneau publicitaire dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai ;
Ordonne la restitution par Monsieur X. de la somme de 915,00 euros ;
Condamne la société MADE IN V à payer à Monsieur X. à titre de dommages intérêts la somme de 915 euros ;
Ordonne la compensation entre ces deux sommes ;
Condamne la société MADE IN V à payer à Monsieur X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
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