TI BREST, 29 avril 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 2123
TI BREST, 29 avril 2004 : RG n° 11-03-000708
(sur appel CA Rennes (1re ch. B), 14 avril 2005 : RG n° 04/04109 ; arrêt n° 271)
Extrait : « Aux termes de l'article 8 de la loi du 22 décembre 1972, seules les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation particulière ne sont pas soumises aux dispositions de cette loi. Si la loi du 29 décembre 1979 réglemente le contenu du contrat de louage d'emplacement aux fins de publicité, elle ne réglemente pas le démarchage à domicile de telles opérations. Dès lors le démarchage au domicile du propriétaire pour lui proposer de donner à bail un emplacement afin d'y apposer un panneau publicitaire constitue un démarchage en vue de la location d'un bien visé par l'article premier de la loi du 22 décembre 1972. »
TRI BUNAL D’INSTANCE DE BREST
JUGEMENT DU 29 AVRIL 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. N° 11-03-000708
DEMANDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], représenté(e) par Maître DE CADENET, avocat au barreau de BREST, substitué par Maître CLOAREC,
D'UNE PART
DÉFENDEUR(S) :
SARL MADE IN V
[adresse], représenté(e) par Me IHOU Alexis, avocat au barreau de Lille
D'AUTRE PART
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Pierrette HANDEL, Vice Présidente au Tribunal de Grande Instance de BREST, chargée du Tribunal d'Instance.
GREFFIER ayant assisté aux débats : Madame LE GOAZIGO
DÉBATS à l'audience publique du 16 mars 2004
PLAIDOIRIES DE : Maître CLOAREC et de Maître IHOU
JUGEMENT CONTRADICTOIRE EN PREMIER RESSORT prononcé publiquement, en présence de Madame Isabelle LE GOAZIGO, Greffier à l'audience de ce jour dont la date a été indiquée par Madame le Président à l'issue des débats.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte d'huissier en date du 3 juillet 2003, M. X. a fait assigner la SARL Made IN V devant le présent tribunal afin de voir :
A titre principal :
- Prononcer la nullité du contrat de location d'emplacement publicitaire conclu avec la SARL Made IN V.
À titre subsidiaire :
- Dire et juger que M. X. est dégagé de toute obligation envers la SARL Made IN V au titre du contrat de location d'emplacement publicitaire.
À titre très subsidiaire :
- Prononcer la résolution du contrat de location d'emplacement publicitaire conclu entre M. X. et à SARL Made IN V, aux torts exclusifs de cette dernière.
En tout état :
- condamner la sociétés SARL Made IN V à procéder, à ses fiais, à la dépose de son panneau publicitaire installé sur la propriété de M. X. dans un délai de 10 jours à compter de la signification de la décision intervenir, et sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai.
- condamner la société Made IN V à payer à M. X. la somme de 915 € à titre de dommages et intérêts.
- procéder à la compensation entre cette somme et celle due par M. X. à la SARL Made IN V au titre du remboursement du loyer de la première année de location,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision intervenir.
- condamner la société Made IN V à payer à M. X. la [minute page 3] somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
- condamner la société Made IN V aux entiers dépens.
À l'appui de sa demande M. X. expose qu'il est propriétaire d'une maison donnant sur un grand terrain, située à [ville B.], [adresse].
Suivant acte sous seing privé en date du 12 février 1992, il a conclu avec la société Affichage 2000 devenue la société Affiouest un contrat de location d'emplacement de panneau publicitaire pour une période de trois années.
Il précise que depuis lors la convention s'est renouvelée d'année en année par tacite reconduction.
M. X. indique que fin 2002, un commercial de la société Made IN V est venu le démarcher à son domicile afin de lui proposer l'installation d'un autre panneau publicitaire sur sa propriété.
M. X. précise que suite à ses interrogations ce professionnel lui a répondu que les deux contrats de location pouvaient parfaitement coexister.
C'est ainsi que le 7 novembre 2002 il a signé avec la SARL Made IN V un nouveau contrat de location d'emplacement de panneau publicitaire pour une période de trois années.
Par courrier du 15 avril 2003 la société Affiouest lui a demandé de procéder à la dépose immédiate du panneau publicitaire de la société Made IN V, arguant de la clause d'exclusivité stipulée au contrat.
M. X. précise que par courrier des 23 avril et 9 mai 2003 il a dénoncé le contrat auprès de la société Made IN V, laquelle a refusé qu'il soit mis fin à son contrat de location sans indemnités.
M. X. fait valoir que le contrat litigieux est nul faute de comprendre un formulaire détachable de rétractation.
[minute page 4] Par ailleurs il estime que conformément à l'article 2.2 du contrat il est dégagé de plein droit de toute obligation à l'égard de la SARL Made IN V celle-ci n'ayant pas contresigné le contrat de location dans les deux mois prévus au dit article.
Enfin M. X. estime que la société Made IN V a incontestablement manqué à son devoir d'information et de conseil, en lui indiquant la possibilité de faire coexister deux contrats de location d'emplacement publicitaire.
En sa qualité de professionnelle la SARL Made IN V ne pouvait ignorer qu'il existait dans chaque contrat une clause d'exclusivité.
M. X. estime avoir été trompé par la SARL Made IN V.
Dans ses conclusions en réponse la société fait valoir que le contrat de location d'emplacement publicitaire n'est pas soumis aux dispositions du code de la consommation puisque les activités d'affichage et de publicité sont régies par la loi du 29 décembre 1979. Dès lors l'argument tiré de la non présentation d'un bordereau détachable au contrat est inopérant.
Concernant la prétendue clause d'exclusivité la société fait valoir qu'outre le fait qu'elle n'était tenue à aucune obligation de conseil de M. X. à raison du précédent contrat le liant à la société Affiouest, la clause d'exclusivité invoquée est irrecevable.
La société précise que tant la jurisprudence de la Cour de Cassation que celle du Conseil de la Concurrence indique clairement le caractère anticoncurrentiel des clauses de préférence en fin de bail en matière d'affichage publicitaire.
La société estime que le contrat la liant à M. X. ne souffre d'aucun vice pouvant justifier sa nullité ou sa résolution. Ainsi le non-respect par la SARL Made IN V du délai de deux mois fixé par le contrat pour régulariser l'acte est sans incidence sur sa validité.
La SARL Made IN V demande au tribunal de : [minute page 5]
- juger M. X. irrecevable en ses demandes, fins et conclusions.
- juger qu'il n'y a aucun vice qui affecte la convention conclue le 10 mars 2003 entre les parties.
- juger que M. X. est irrecevable à invoquer les dispositions de l'article 2.2 du contrat qu'il a signé.
- juger que ledit contrat reste valable et qu'il n'y a pas lieu à résolution.
- juger que M. X. ne peut valablement opposer à la SARL Made IN V la clause d'exclusivité contenue dans le contrat qui le lie à la société Affiouest.
- juger qu'il n'y a pas lieu à compensation de quelque somme que ce soit.
- condamner M. X. au paiement de la somme de 1.500 € qui de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la nullité du contrat.
Aux termes de l'article 8 de la loi du 22 décembre 1972, seules les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation particulière ne sont pas soumises aux dispositions de cette loi.
Si la loi du 29 décembre 1979 réglemente le contenu du contrat de louage d'emplacement aux fins de publicité, elle ne réglemente pas le démarchage à domicile de telles opérations.
Dès lors le démarchage au domicile du propriétaire pour lui proposer de donner à bail un emplacement afin d'y apposer un panneau publicitaire constitue un démarchage en vue de la location d'un bien visé par l'article premier de la loi du 22 décembre 1972.
En conséquence le contrat litigieux est bien soumis aux dispositions de l'article L. [minute page 6] 121-24 du code de la consommation qui prévoit la présence d'un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation.
Il n'est pas contesté que le contrat ne comportait pas de bordereau de rétractation.
Cependant l'absence de formulaire détachable n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat.
Seules sont exigées à peine de nullité du contrat les mentions énumérées à l'article L. 121-23 du code de la consommation et notamment l'indication de la faculté de rétractation ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté.
Force est de constater que le contrat signé avec la SARL Made IN V le 7 novembre 2002 comporte ces mentions.
En conséquence M X. sera débouté de sa demande de nullité du contrat.
Sur la libération de M. X.
Il est prévu à l'article 2.2 du contrat : « faute par le preneur de retourner le présent contrat signé par lui, dans un délai maximum de deux mois à compter de la signature du bailleur, le preneur sera réputé avoir renoncé à la présente location et le bailleur sera dégagé de plein droit de toute obligation à son égard. »
S'il est vrai que la SARL Made IN V n'a pas contresigné la convention dans les deux mois, il n'en demeure pas moins que cette convention s'est appliquée puisque le panneau publicitaire a été installé par la SARL Made IN V et que M. X. a perçu un chèque concernant la première année de location.
Dès lors il apparaît que M. X. n'a pas entendu se prévaloir de cette disposition du contrat qui a reçu exécution sans contestation de sa part.
[minute page 7]
Sur la résolution contrat.
M. X. fait valoir que la société Made IN V a manqué à son devoir d'information et de conseil puisqu'elle ne pouvait ignorer qu'il existait dans chaque contrat de location une clause d'exclusivité, rendant impossible la signature du second contrat.
Il est versé au dossier par M. X. le contrat de location d'emplacement signé le 12 février 1992 avec la société Affichage 2000.
Il est prévu dans ce contrat la clause suivante : « pour éviter que le preneur soit frustré de ses efforts de promotion et de mise en valeur de l'emplacement loué, le bailleur ne pourra, en cas de dénonciation de sa part du bail, louer ou autoriser, ou laisser occuper ledit emplacement à usage publicitaire pendant un an. »
Il est également porté au bas du contrat « il est entendu qu'aucun affichage concurrent à [supermarché] ne sera apposé côté [adresse].»
Ces clauses sont parfaitement claires et visibles dans le contrat et M. X. ne pouvait ignorer l'étendue de son engagement à l'égard de la société Affiouest.
Par ailleurs M. X. de la Flèche n'établit pas que par des pressions ou des manœuvres dolosives la SARL Made IN V l’ait induit en erreur au moment de la signature du second contrat.
S'il avait le moindre doute sur ses obligations à l'égard de la société Affiouest, il lui était loisible de se renseigner auprès de cette société sur la possibilité de signer un second contrat.
En conséquence M. X. sera débouté de sa demande tendant à voir constater la nullité du contrat ainsi que de sa demande de résolution du contrat.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties le montant de ses frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 8] PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort
Déboute M. X. de ses demandes de nullité ou de résolution du contrat le liant à la SARL Made IN V
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne M. X. aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé le 29 avril 2004
Le greffier Le président
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