CA RENNES (2e ch.), 19 mars 1997
CERCLAB - DOCUMENT N° 1823
CA RENNES (2e ch.), 19 mars 1997 : RG n° 95/04296 ; arrêt n° 301
Publication : Bull. inf. C. cass. 15 sept. 1997, n°457, p. 30 ; Juris-Data n° 045870
Extrait : « Considérant que les deux contrats concernent l'installation d'un système de télésurveillance destiné à protéger des locaux commerciaux ; que Mme Y. a agi en cette qualité et pour les besoins de son commerce ; que la commande du système de télésurveillance était directement et même exclusivement liée à l'activité commerciale; que les contrats litigieux ont un rapport direct avec cette activité et n’entrent pas par conséquent, aux termes de l'article L. 121-22, al. 4, de la loi du 22 décembre 1992 sur le démarchage, dans le champ d'application de cette loi ; Considérant que Mme Y. a été démarchée sur le lieu de son activité commerciale; qu'elle ne saurait en conséquence se prévaloir de la loi du 22 décembre 1992 sur le démarchage, en soutenant qu'elle était dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur, un commerçant étant nécessairement conduit à souscrire des contrats échappant à sa compétence professionnelle ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 19 MARS 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 9504296. Arrêt n° 301.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Président : Monsieur BOTHOREL Conseiller : Monsieur VAN RUYMBEKE Conseiller : Madame LETOURNEUR-BAFFERT
GREFFIER : Madame FOURNIER
DÉBATS : à l'audience publique du 18/02/97 devant M. VAN RUYMBEKE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé par Monsieur BOTHOREL, à l'audience publique du 19/03/97, date indiquée à l'issue des débats après prorogation du délibéré
PARTIES :
SOCIETE SAM COGESERVICES
[adresse], Maîtres BAZILLE et GENICON, Avoués, Maître BIARD, Avocat,
APPELANT
Madame X. épouse Y.
[adresse], Maîtres CADIOU-NICOLLE et GUILLOU, Avoués Maître DAVID, Avocat,
INTIMÉ
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DES FAITS - PROCÉDURE - OBJET DU RECOURS :
Le 26 septembre 1990, Mme Y. a signé un contrat d'abonnement de télésurveillance avec PROTEX ASSISTANCE et un contrat de location avec SAM COGESERVICES. Elle a également signé un procès-verbal de réception de matériel le 4 octobre 1990.
Le 9 mars 1994, SAM COGESERVICES faisait assigner Mme Y. en paiement de 27.417 francs, réclamant des loyers impayés.
Par jugement rendu le 22 février 1995, le tribunal de commerce de SAINT NAZAIRE a rejeté les demandes de SAM COGESERVICES à l'encontre de Mme Y., après avoir relevé la nullité du contrat au regard de la loi du 22 décembre 1992 sur le démarchage à domicile, ainsi que la demande reconventionnelle de Mme Y. en dommages intérêts et a condamné SAM COGESERVICES à payer à Mme Y. 2.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Par acte du 19 mai 1995, SAM COGESERVICES a formé appel de ce jugement.
MOYENS PROPOSÉS PAR LES PARTIES :
A l'appui de son appel, SAM COGESERVICES fait valoir que :
- le jugement a justement écarté l'exception d'incompétence, Mme Y. étant commerçante,
- la loi du 22 décembre 1992 est pour cette raison inapplicable, le contrat ayant un lien direct avec l'activité commerciale,
- le contrat n'est donc pas nul,
- de plus Mme Y. a respecté le contrat durant 8 mois,
- seul le contrat de fourniture du matériel et non celui de location est concerné par le démarchage à domicile,
- si l'applicabilité de la loi du 22 décembre 1992 devait être retenue, le tribunal d'instance est compétent et la Cour peut évoquer,
- en ce cas, Mme Y. est forclose, n'ayant pas agi dans le délai de 2 ans ayant couru à compter de la conclusion du contrat,
- le démarchage n'est pas de son fait mais de celui de PROTEX ASSISTANCE.
En conséquence, SAM COGESERVICES demande à la Cour de condamner Mme Y. à lui payer 27.417 francs outre les intérêts légaux, subsidiairement de relever la forclusion et réclame 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
[minute page 3] Mme Y. fait valoir que :
- lors de la signature du contrat avec PROTEX ASSISTANCE, elle n'agissait pas en qualité de commerçante mais de consommateur, le matériel échappant à sa compétence professionnelle,
- le contrat est donc soumis à la loi du 22 décembre 1992,
- le tribunal d'instance est compétent,
- PROTEX ASSISTANCE n'a pas respecté les dispositions d'ordre public de cette loi, en ne lui laissant aucun exemplaire du contrat qu'elle ne lui a expédié qu'après l'expiration de délai de rétractation de 7 jours,
- de plus le contrat est incomplet, aussi est il nul,
- le contrat de location qui s'en est suivi ne correspond pas à ce qui lui a été indiqué lors du démarchage, car il ne lui avait pas été indiqué que chaque branchement de l'appareil entraînerait la facturation de communications téléphoniques,
- SAM COGESERVICES a repris possession du matériel
- elle a indiqué par courrier du 21 janvier 1991 son refus de règlement des mensualités à compter de décembre 1990.
Elle demande le renvoi de l'affaire devant le tribunal d'instance de SAINT-NAZAIRE et conclut subsidiairement à la confirmation de la décision déférée sur les demandes de SAM COGESERVICES et sollicite 10.000 francs à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et injustifiée ainsi que 5.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Considérant que le contrat de location auquel est partie prenante SAM COGESERVICES n'est que la conséquence du contrat d'abonnement, sans lequel il n'aurait pas existé ;
Considérant que les deux contrats concernent l'installation d'un système de télésurveillance destiné à protéger des locaux commerciaux; que Mme Y. a agi en cette qualité et pour les besoins de son commerce ; que la commande du système de télésurveillance était directement et même exclusivement liée à l'activité commerciale ; que les contrats litigieux ont un rapport direct avec cette activité et n’entrent pas par conséquent, aux termes de l'article L. 121-22, al. 4, de la loi du 22 décembre 1992 sur le démarchage, dans le champ d'application de cette loi ;
[minute page 4] Considérant que Mme Y. a été démarchée sur le lieu de son activité commerciale ; qu'elle ne saurait en conséquence se prévaloir de la loi du 22 décembre 1992 sur le démarchage, en soutenant qu'elle était dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur, un commerçant étant nécessairement conduit à souscrire des contrats échappant à sa compétence professionnelle ;
Considérant que, s'agissant d'un litige entre commerçants, le tribunal de commerce était compétent ;
Considérant que, Mme Y. ne conteste pas avoir signé le contrat de location le 26 septembre 1990, contrat dont elle a reçu l'original le 12 octobre 1990 ; qu'elle a également signé un procès-verbal de réception du matériel le 4 octobre 1990 ;
Considérant que Mme Y. a contesté les termes du contrat et indiqué, par courrier dès le 21 janvier 1991, son refus de règlement des mensualités à compter de décembre 1990 ;
Considérant que si le contrat présente de nombreux blancs, force est de constater que ce contrat a commencé à être exécuté par Mme Y., qui, par la suite n'a plus voulu l'exécuter ; qu'elle n'invoque aucun moyen de droit autre que la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage inapplicable en l'espèce à l'appui de sa demande en nullité ; qu'ainsi le contrat a valablement été contracté ;
Considérant que le contrat de location prévoyait une indemnité en cas de résiliation égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat majorée d'une clause pénale de 10 % ; que le contrat retenait également une pénalité de 10 % sur les loyers échus impayés ;
Considérant au cas d'espèce qu'une telle clause pénale est manifestement excessive ; qu'en effet Mme Y. a adressé le 21 janvier 1991, soit moins de 4 mois après la signature du contrat, une lettre à SAM COGESERVICES indiquant que le vendeur lui avait assuré que les mensualités de location couvraient les frais de communications téléphoniques ; qu'elle avait en conséquence placé l'appareil hors service depuis 2 mois et ne l'a utilisé que très peu de temps ;
Considérant cependant qu'il doit être tenu compte de ce que le matériel n'a pu être récupéré que le 4 octobre 1991 ; que SAM COGESERVICES le savait, ayant elle même adressé un courrier à Mme Y., lui demandant de restituer le matériel, ce qui montre bien qu'elle n'entendait pas poursuivre la location dès lors qu'elle avait récupéré le matériel ;
Considérant que, selon le décompte présenté par [minute page 5] SAM COGESERVICES, le loyer a été payé jusqu'en avril 1991 ; que les échéances comprises entre le 20 mai et le 20 octobre 1991, pendant la période au cours de laquelle l'appareil était en possession de Mme Y. sont dues au titre des impayés, ce qui représente 2.757,43 francs auxquels il convient, comme le stipule le contrat, d'appliquer une majoration de 10 %, ce qui porte ce montant à 3.033,17 francs ;
Considérant que SAM COGESERVICES n'a adressé une mise en demeure que le 26 septembre 1993 ; qu'elle réclame indûment des loyers postérieurs à la restitution du matériel alors que le contrat était résilié ainsi que cela ressort de la commune intention des parties ;
Considérant, s'agissant de l'indemnité de résiliation, qu'au vu des éléments versés aux débats sur le préjudice réellement subi par SAM COGESERVICES, elle doit être fixée à 5.000 francs, ce qui représente à peu près la moitié de la valeur hors taxes du matériel (10.714 francs) ;
Considérant que Mme Y. sera donc condamnée à verser à SAM COGESERVICES 3.033,17 francs outre les intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 1993, date la mise en demeure, au titre des impayés, et une indemnité de 5.000 francs, outre les intérêts légaux à compter du 26 septembre 1993 ;
Considérant que Mme Y. qui échoue en son action n'est fondée à réclamer ni des dommages intérêts ni le remboursement de ses frais irrépétibles et supportera la totalité des dépens ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable, au vu de la discussion qui s'est instaurée, de laisser à la charge de SAM COGESERVICES ses frais irrépétibles ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré,
Condamne Mme Y. à payer à SAM COGESERVICES 8.033,17 francs outre les intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 1993,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne Mme Y. à l'ensemble des dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5886 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence juridique
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel