CA POITIERS (2e ch. civ.), 2 décembre 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 1834
CA POITIERS (2e ch. civ.), 2 décembre 2008 : RG n° 07/01430 ; arrêt n° 723
Publication : Juris-Data 2008-009274
Extraits : 1/ « Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, les clauses abusives, sont celles « qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat » ; Attendu en la cause qu'il ressort du contrat litigieux que Monsieur X. a souscrit une garantie « bris de machine », qui, n'étant pas expressément limitée à la remorque, doit être considérée comme s'appliquant à l'ensemble du matériel loué ;
Attendu cependant que cette clause est suffisamment claire pour que Monsieur X. n'ignore pas qu'elle ne s'applique qu'au bris de machine, et ne couvre pas l'incendie du matériel ; Attendu qu'il importe peu à cet égard que les conditions générales figurant au verso du contrat soient imprécises ou inférieures au corps 8, en violation des recommandations de la commission des clauses abusives, la mention d'une assurance limitée au « bris de machine », inscrite au recto du contrat étant une indication suffisante pour un consommateur ; Attendu que Monsieur X. est dès lors, en l'absence d'assurance spécifique, tenu de régler les conséquences du sinistre par incendie survenu au matériel loué ».
2/ « Attendu cependant que le loueur professionnel de véhicules, qui entend bénéficier d'une clause d'exclusion de garantie, est tenu à l'égard de son client d'un devoir d'information en ce qui concerne l'existence de la clause et d'un devoir de conseil en ce qui concerne les conséquences éventuelles de cette clause et les moyens pour le client d'y remédier ; Attendu sur ce point, que, si l'adhésion à la clause « bris de machine » par Monsieur X. est sans ambiguïté, il n'en demeure pas moins qu'il n'est ni allégué, ni même soutenu par la SAS SERMAT qu'elle a clairement informé Monsieur X. des risques encourus en cas de sinistre, autre que le bris de machine ; […] Attendu qu'il lui incombait de mettre en garde Monsieur X. contre tous les dommages susceptibles de se produire, et de le conseiller sur les assurances qu'il devait souscrire ; Attendu que la SAS SERMAT, qui ne démontre pas avoir satisfait à cette obligation, a commis une faute dont elle doit réparation à Monsieur X., dont le préjudice indemnisable est constitué de la perte de chance de prendre une décision éclairée sur la nécessité de contracter une assurance complémentaire ».
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 2 DÉCEMBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/01430. Arrêt n° 723. Suivant déclaration d'appel du 18 avril 2007 d'un jugement du 12 mars 2007 rendu par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINTES.
APPELANTE :
SERMAT
dont le siège est sis [adresse], représenté par son Président, domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP LANDRY & TAPON, avoués à la Cour assistée de Maître EO GAVORY, avocat au barreau de NANTES,
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date], à [ville], demeurant […], représenté par la SCP MUSEREAU MAZAUDON-PROVOST-CUIF, avoués à la Cour, assisté de la SCP LEFEBVRE-LAMOUROUX-MINIER, avocats au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : En application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition des avocats des parties, Madame Nathalie PIGNON, Conseiller, a entendu seule les plaidoiries, assisté de Madame Véronique DEDIEU, Greffier, présente uniquement aux débats, et a rendu compte à la Cour composée lors du délibéré de : Monsieur Jean-Paul ROUX, Président, Monsieur Guillaume DU ROSTU et Madame Nathalie PIGNON. Conseillers,
[minute page 2] DÉBATS : À l'audience publique du 27 mai 2008, Les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour être mise à la disposition des parties au greffe le 30 septembre 2008, date prorogée au 2 décembre 2008, Ce jour, a été rendu, Contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement en date du 12 mars 2007, le tribunal d'instance de SAINTES a débouté la SAS SERMAT de sa demande dirigée contre Monsieur X. en paiement des réparations rendues nécessaires par les dégâts causés par un incendie au matériel loué au défendeur, et l'a condamnée à lui restituer la somme de 3.048 € versée à titre de dépôt de garantie.
Par déclaration en date du 18 avril 2007, la SAS SERMAT a régulièrement fait appel de cette décision en sollicitant la condamnation de Monsieur X. à lui payer la somme de 8.688,38 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2006, outre celle de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X. a sollicité à titre principal la confirmation du jugement entrepris, subsidiairement, la condamnation de la société SERMAT à lui payer, à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente à celle qu'il est susceptible de lui devoir, et que soit ordonnée la compensation entre les créances respectives des parties, enfin en tout état de cause l'allocation d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2008.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI LA COUR :
Attendu qu'il ressort des faits constants de la cause tels qu'ils sont établis par les écritures des parties et les documents versés aux débats :
- que suivant contrat en date du 26 mars 2004, la SAS SERMAT a loué à Monsieur X. un rouleau autoporté et une remorque pour une durée de 24 heures ;
- que le rouleau a été gravement endommagé par incendie au cours de la location,
Attendu qu'a l'appui de sa déclaration d'appel, la SAS SERMAT fait conclure que le contrat, qui ne crée aucun déséquilibre significatif au profit du professionnel et au détriment du consommateur, et se trouve parfaitement accessible à une personne dotée d'une capacité de compréhension moyenne, ne comporte aucune clause abusive, alors en outre que Monsieur X., en n'utilisant pas le matériel loué selon les conditions générales de location, puisqu'il l'a utilisé au domicile de son père, a encouru la résiliation automatique de la convention ;
Attendu que Monsieur X. fait valoir pour sa part :
- tout d'abord à titre principal le caractère abusif d'une part de l'article 10 du contrat, en raison de la typographie utilisée, inférieure au corps 8, et faute de définir précisément l'étendue de l'assurance souscrite, et d'autre part de l'article 2 (prévoyant la résiliation automatique du contrat) en raison de la [minute page 3] typographie,
- et subsidiairement, que la faute commise par la société SERMAT, qui ne l'a pas prévenu de l'absence d'assurance en cas d'incendie, est de nature à compenser son éventuelle responsabilité ;
Attendu que la Cour se référera par ailleurs pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties aux dispositions de la décision dont appel en ce qu'elles ne sont pas contraires à celles du présent arrêt ainsi qu'aux conclusions visées ci-dessus en référence et déposées au dossier de la procédure ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, les clauses abusives, sont celles « qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat » ;
Attendu en la cause qu'il ressort du contrat litigieux que Monsieur X. a souscrit une garantie « bris de machine », qui, n'étant pas expressément limitée à la remorque, doit être considérée comme s'appliquant à l'ensemble du matériel loué ;
Attendu cependant que cette clause est suffisamment claire pour que Monsieur X. n'ignore pas qu'elle ne s'applique qu'au bris de machine, et ne couvre pas l'incendie du matériel ;
Attendu qu'il importe peu à cet égard que les conditions générales figurant au verso du contrat soient imprécises ou inférieures au corps 8, en violation des recommandations de la commission des clauses abusives, la mention d'une assurance limitée au « bris de machine », inscrite au recto du contrat étant une indication suffisante pour un consommateur ;
Attendu que Monsieur X. est dès lors, en l'absence d'assurance spécifique, tenu de régler les conséquences du sinistre par incendie survenu au matériel loué ;
Attendu que le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la SAS SERMAT de ses prétentions, et l'a condamnée à restituer à Monsieur X. le montant du dépôt de garantie et que Monsieur X. sera condamné à payer à la SAS SERMAT la somme de 8.688,38 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2006, date de réception de la lettre de mise en demeure ;
Attendu cependant que le loueur professionnel de véhicules, qui entend bénéficier d'une clause d'exclusion de garantie, est tenu à l'égard de son client d'un devoir d'information en ce qui concerne l'existence de la clause et d'un devoir de conseil en ce qui concerne les conséquences éventuelles de cette clause et les moyens pour le client d'y remédier ;
Attendu sur ce point, que, si l'adhésion à la clause « bris de machine » par Monsieur X. est sans ambiguïté, il n'en demeure pas moins qu'il n'est ni allégué, ni même soutenu par la SAS SERMAT qu'elle a clairement informé Monsieur X. des risques encourus en cas de sinistre, autre que le bris de machine ;
Attendu que ce manquement est d'autant plus avéré que la SAS SERMAT a elle-même produit aux débats les conditions générales interprofessionnelles de location du matériel d'entreprise sans conducteur, document élaboré par une commission spécialisée, pour servir de modèles aux professionnels, qui prévoient dans son article 10-2 que les dommages pouvant être couverts pendant la durée de location sont : bris, incendie, vol ;
Attendu qu'en outre, il ressort de la facture émise par la SAS SERMAT postérieurement au sinistre que les conditions générales figurant au verso ont été modifiées, l'article 10-2 prévoyant au titre des dommages causés au matériel loué, les trois causes de sinistre, à savoir bris, incendie, vol, ce dont il convient de déduire que la SAS SERMAT a, peu après le sinistre litigieux, pris la mesure des [minute page 4] conséquences d'une assurance limitée au bris de machine ;
Attendu qu'il lui incombait de mettre en garde Monsieur X. contre tous les dommages susceptibles de se produire, et de le conseiller sur les assurances qu'il devait souscrire ;
Attendu que la SAS SERMAT, qui ne démontre pas avoir satisfait à cette obligation, a commis une faute dont elle doit réparation à Monsieur X., dont le préjudice indemnisable est constitué de la perte de chance de prendre une décision éclairée sur la nécessité de contracter une assurance complémentaire ;
Attendu qu'il ne peut en effet être exclu que Monsieur X., mis en garde sur les risques encourus, ait souscrit une assurance complémentaire et qu'il s'agit ainsi d'une perte de chance réelle et sérieuse en raison de sa probabilité suffisante ;
Attendu que la réparation due à Monsieur X. doit être mesurée à cette chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances décrites de la souscription du contrat de location, la Cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 8.000 € l'indemnité réparatrice de cette perte de chance ;
Attendu, par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu d'ordonner compensation entre les sommes dues par chacune des parties ;
Attendu enfin qu'il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens et qu'il ne sera pas fait application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que chacune des parties succombant partiellement à l'instance gardera à sa charge les frais et dépens dont elle aura pu faire l'avance ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Reçoit la SAS SERMAT en son appel du jugement rendu le 12 mars 2007 par le tribunal d'instance de SAINTES ;
L'y jugeant bien fondée,
Réforme partiellement ce jugement,
Condamne Monsieur X. à payer à la SAS SERMAT la somme de 8.688,38 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2006 ;
Dit que la SAS SERMAT a manqué envers Monsieur X. à son devoir d'information et de conseil ;
La condamne en conséquence à payer à Monsieur X. la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
[minute page 5] Dit que chacune des parties gardera à sa charge les frais et dépens dont elle aura pu faire l'avance ;
Ainsi prononcé et signé par Monsieur Jean-Paul ROUX, Président, assisté de Madame Véronique DEDIEU, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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