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CASS. CIV. 1re, 5 novembre 1996

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 5 novembre 1996
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 94-18667
Date : 5/11/1996
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Bulletins officiels
Décision antérieure : CA BESANÇON (2e ch. com.), 10 juin 1994
Numéro de la décision : 1782
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2070

CASS. CIV. 1re, 5 novembre 1996 : pourvoi n° 94-18667 ; arrêt n° 1782 

Publication : Bull. civ. I, n° 377 ;  D. affaires 1997. 20 ; Contrats conc. consom. 1997, n° 23, obs. Leveneur ; ibid., n° 12, obs. Raymond

 

Extrait : « Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’objet du contrat avait un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par la société Boss, de sorte que le contrat ne relevait pas de la législation sur les clauses abusives, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 1996

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 94-18667. Arrêt n° 1782.

DEMANDEUR à la cassation : Compagnie des téléphones et d’électronique du Centre Centratel

DÉFENDEUR à la cassation : Société des Établissements BOSS

Président : M. Lemontey. Rapporteur : M. Chartier. Avocat général : Mme Le Foyer de Costil. Avocats : la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP de Chaisemartin et Courjon.

 

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par un contrat du 9 mars 1987, la société Centratel a loué à la société Etablissements Boss, du matériel téléphonique pour une durée de quinze années ; que, par une lettre du 13 juin 1989, la société Boss a résilié le contrat ; que la société Centratel a demandé l’application de la clause 8 du contrat prévoyant, dans certains cas de résiliation, le paiement d’une indemnité égale aux trois quarts des annuités restant à courir ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour dire la clause nulle, en même temps que la clause de l’article 3, alinéa 5, refusant ce droit de résiliation au locataire, l’arrêt retient qu’elles sont abusives, dès lors que la société Boss, fabricant de bracelets de cuir sans compétence particulière en matière d’électronique et de téléphone, doit être considérée comme un consommateur ayant contracté avec un professionnel ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’objet du contrat avait un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par la société Boss, de sorte que le contrat ne relevait pas de la législation sur les clauses abusives, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 juin 1994, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la compagnie des téléphones et d'électronique du centre Centratel.

 

MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN     (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la résiliation à l'initiative du locataire (la société BOSS) d'un contrat de location de matériel à durée déterminée, puis d'AVOIR débouté le bailleur (la société CENTRATEL, l'exposante) de sa demande tendant à la condamnation de son cocontractant à lui payer une indemnité réparatrice ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE la société CENTRATEL, qui déniait le droit à la société BOSS de dénoncer avant le terme contractuel la location, entendait se prévaloir d'une inexécution de ses obligations par le locataire pour prononcer (sic) la résiliation et demander le bénéfice de l'indemnité prévue dans cette hypothèse ; que le contrat comportait, au seul bénéfice de l'exposante, un droit de résiliation avec indemnité (article 8) tandis que ce droit était expressément refusé au locataire (article 3, alinéa 5) ; qu'ainsi l'exposante s'était réservé un droit que son cocontractant ne pouvait même pas s'aviser de faire reconnaître à son profit en justice ; que de telles clauses étaient abusives et devaient être réputées non écrites dès lors que la société BOSS devait être considérée comme un consommateur ayant contracté avec un professionnel qui, sur le plan local, en raison tout à la fois de la nécessité pour une entreprise d'assurer ses communications extérieures et de l'étroitesse de la concurrence, exerçait une position économique dominante ; qu'ainsi les demandes de résiliation que formaient réciproquement les parties devaient être analysées au regard des dispositions de l'article 1184 du Code civil ; que si, par l'attestation quasiment anonyme versée aux débats par la locataire, il n'était pas établi que l'exposante eût seulement été avertie de la panne du système en juin 1989, la bailleresse ne démontrait pas quant à elle la consistance de son préjudice ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE, de première part, si le juge peut toujours prononcer la résiliation d'une convention en cas de manquement de l'une des parties à ses obligations, il ne peut constater celle d'un contrat à durée déterminée que si une faculté de rupture unilatérale y a été prévue ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a tout à la fois, d'un côté, déclaré constater la résiliation du contrat à l'initiative de la locataire, qui ne rapportait d'ailleurs pas la preuve d'un manquement de la bailleresse à ses obligations, et, de l'autre, retenu que les demandes de résiliation qu'auraient formées réciproquement les parties devaient être analysées au regard de l'article 1184 du Code civil, amalgamant ainsi résiliation unilatérale et résiliation judiciaire ; qu'en laissant de la sorte incertain le fondement juridique du rejet des prétentions de l'exposante, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ;

ALORS QUE, de deuxième part, le juge ne peut constater la résiliation d'une convention à l'initiative d'une seule des parties que si le contrat est à durée indéterminée ou si, à durée déterminée, il prévoit une telle faculté ; qu'en rappelant que le bail était à durée déterminée et en constatant cependant sa résiliation à l'initiative de la locataire, sans indiquer la stipulation qui lui aurait conféré une telle faculté, peu important qu'eût été réputée non écrite la clause qui lui aurait refusé un droit de résiliation avec indemnité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE, de troisième part, l'exposante faisait valoir qu'aucune clause ne concédait au locataire le droit de rompre le contrat avant son terme, soulignant qu'il ne rapportait par ailleurs la preuve d'aucune faute de sa part pouvant motiver la résiliation, puis se prévalait de ce qu'il avait laissé impayée l'échéance du premier octobre 1989 au 30 septembre 1990 malgré mise en demeure et demandait, vu l'article 8 du contrat, de la déclarer bien fondée à avoir pris acte de la résiliation du bail et de condamner en conséquence le locataire à lui payer l'indemnité contractuelle de résiliation ; qu'elle n'avait donc nullement sollicité du juge, fût-ce à titre subsidiaire, de prononcer la résiliation du contrat sur le fondement de l'article 1184 du Code civil et n'avait pas davantage exprimé un accord pour que le litige fût réglé sous cet angle ; qu'en affirmant non seulement (dans son dispositif) que les parties s'accordaient pour revendiquer la résiliation du contrat mais également (dans ses motifs) que les demandes qu'elles formaient réciproquement devaient être analysées au regard des dispositions de l'article 1184 du Code civil, la Cour d'appel a dénaturé les écritures de l'exposante en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE, de quatrième part, les juges sont tenus de statuer dans les limites du débat telles que fixées par les conclusions des parties ; que le locataire n'avait nullement prétendu que l'article 3, alinéa 5, du contrat lui refusait le droit de demander sa résiliation judiciaire, ni soutenu que cette clause devait être considérée comme abusive ni davantage que le caractère abusif de l'article 8 devait être apprécié en contemplation de l'article 3, alinéa 5 ; qu'en retenant que le contrat comportait au seul bénéfice de l'exposante un droit de résiliation avec indemnité (article 8) tandis que cette faculté était expressément refusée au locataire (article 3, alinéa 5), en sorte que la bailleresse se réservait un droit que son cocontractant ne pouvait même pas s'aviser de faire reconnaître à son profit en justice et que de telles clauses, abusives, devaient être réputées non écrites, la Cour d'appel a méconnu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE, de cinquième part, une clause ne peut être qualifiée d'abusive que si elle apparaît avoir été imposée au non-professionnel ou consommateur par un abus de la puissance économique de l'autre partie et si elle confère à cette dernière un avantage excessif ; qu'en déclarant que devait être réputé non écrit l'article 8 prévoyant la résiliation de plein droit en cas de manquement du locataire à l'une de ses obligations ainsi qu'une indemnité de rupture, sans préciser en quoi de telles stipulations, pourtant fréquentes, auraient attribué à la bailleresse un avantage excessif, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 ;

ALORS QUE, enfin, pour justifier du préjudice que lui causait la résiliation anticipée du contrat, l'exposante faisait valoir qu'elle avait dû financer l'acquisition du matériel mis à disposition, lequel ne pouvait faire l'objet d'une revente du fait de l'évolution technologique, puis soulignait qu'elle avait par ailleurs mis en place un service de dépannage et devait assurer le changement des pièces défectueuses, ce qui impliquait la constitution d'un stock ; qu'en affirmant que la bailleresse ne démontrait pas la consistance de son préjudice sans répondre à ses conclusions déterminantes, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.