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T. COM. FRÉJUS, 1er mars 1993

Nature : Décision
Titre : T. COM. FRÉJUS, 1er mars 1993
Pays : France
Juridiction : Frejus (TCom)
Demande : 92/1908
Date : 1/03/1993
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 30/06/1992
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 211

T. COM. FRÉJUS, 1er mars 1993 : RG n° 92/1908 et n° 92/2032

Publication : JCP 1994. II. 22194, note Coutant et Alexandre

 

Extraits : 1/ « Le TRIBUNAL estime que la SA X. ne possédant pas la qualité de professionnel du crédit bancaire, en conséquence l'affaire qui nous occupe par sa nature rentre bien dans le cadre des dispositions de la Loi du 10 janvier 1978 en son Article 35 » […] ».

2/ « Le TRIBUNAL considère qu'il résulte du quasi monopole du GIE CARTES BANCAIRES et des dispositions de la clause de résiliation à caractère unilatéral, un avantage excessif au profit du GIE CARTES BANCAIRES, ainsi qu'un abus de puissance économique ».

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE FRÉJUS

JUGEMENT DU 1er MARS 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 92/1908 et 92/2032.

ENTRE :

DEMANDEUR :

La société X.

dont le siège social est : [adresse], comparaissant : par Maître SCP HAWADIER-IZARD, Avocat au Barreau de DRAGUIGNAN, demandeur ; d'UNE PART,

ET :

DEFENDEUR :

- Le GIE GROUPEMENT DES CARTES BANCAIRES « C.B. »

dont le siège social est : [adresse].

- La société CREDIT LYONNAIS Agence de SAINT-RAPHAEL dont le siège est : [adresse], comparaissant : par Maître ANTOINE-TIMSIT, Avocat au Barreau de DRAGUIGNAN, défendeur ; d'AUTRE PART.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que par acte du 30 juin 1992, la SA X. a assigné le GIE CARTES BANCAIRES et le CREDIT LYONNAIS afin de voir rétablir le contrat d'adhésion Cartes Bancaires dont elle bénéficiait du service depuis le 01 février 1971, résilié sans préavis par lettre recommandée AR [N.B. accusé de réception] du 07 avril 1992, au motif que d'importants achats par des utilisateurs de fausses cartes ont été effectués à la SA X., créant un préjudice important au Groupement des Cartes Bancaires ;

Par Jugement Avant Dire Droit du 13 juillet 1992, le TRIBUNAL a ordonné au GIE ainsi qu'au CREDIT LYONNAIS, le rétablissement provisoire du fonctionnement du système de paiement par les moyens cartes bancaires, jusqu'au jour de la signification du jugement définitif à intervenir, sous astreinte provisoire de 2.000,00 Francs par jour de retard ;

Par remise au rôle de notre TRIBUNAL du 14 septembre 1992, la SA X. réitère sa demande initiale qui est la suivante :

- déclarer en tant que de besoin nulle, sans effet et abusive, la clause de résiliation du contrat d'adhésion souscrit le 09 mars 1989 par la SA X.,

- déclarer en tant que de besoin nulle et abusive la résiliation du contrat, notifiée le 07 avril 1992 à la SA X.,

- de rétablir le fonctionnement du système de paiement par cartes bancaires CB au profit de la SA X., sous astreinte de 10.000,00 Francs par jour de retard,

- de condamner le GROUPEMENT CARTES BANCAIRES à payer à la SA X. la somme de 200.000,00 Francs de dommages-intérêts pour préjudice subi du 07 avril 1992 au jour du rétablissement du système bancaire,

- l'exécution provisoire,

- 15.000,00 Francs d'Article 700 du NCPC :

[minute page 2]

En réponse, le GIE CARTES BANCAIRES et le CREDIT LYONNAIS invoquent le préjudice qu'ils ont subi d'un montant de 584.485,00 Francs et les résiliations de la résiliation du contrat ; une vaste entreprise d'escroquerie ayant été mise en place au cours du premier trimestre 1992, certains des utilisateurs de fausses cartes ont été arrêtés et incarcérés le 08 avril 1992 ; devant l'ampleur de l'activité frauduleuse, il était urgent et justifié de suspendre l'accès au système CARTES BANCAIRES du point de vente manifestement choisi par les fraudeurs, étant bien présent à l'esprit que par le système interbancaire, le commerçant est garanti du paiement de ses transactions, en contrepartie, professionnel averti doit exercer la plus grande vigilance ;

Le 09 mars 1989, la société X. a signé avec le CREDIT LYONNAIS un nouveau contrat d'adhésion au système bancaire par les moyens d'un TERMINAL remplaçant l'imprimante manuelle ayant fait l'objet des contrats précédents ; au cours de contrôles systématiques et sur la période de 3 mois entre le 01 janvier 1992 et le 31 mars 1992, le GIE CARTES BANCAIRES a constaté que le point de vente exploité par la SA X. présentait de graves anomalies concernant l'utilisation du paiement par carte bancaire ; les montants des transactions effectuées au moyen des cartes étrangères étaient subitement très élevés, les autorisations sollicitées se succédaient à une cadence extrêmement rapide, les mêmes cartes étaient utilisées en des temps très courts pour des sommes différentes, la même carte refusée pour un montant X était immédiatement représentée pour un montant Y, soit inférieur, soit supérieur ; l'analyse du compte de la SA X. démontre un pourcentage de 85,86 % de fraude ;

Analyse faite par comparaison des chiffres réalisés par la SA X., il est apparu que le chiffre réalisé en 3 mois représente 80 % du chiffre réalisé au cours de toute l'année 1991 ; que d'autre part, les transactions habituelles par cartes bancaires se situent entre 500,00 Francs et 4.000,00 Francs alors que l'on relève en 6 mois, 7 transactions égales ou supérieures à 10.000,00 Francs ;

La SA X. aurait dû être méfiante par le comportement d'un tout petit nombre d'acheteurs qui en des temps très courts, sans prendre le temps de choisir comme il est de coutume en matière de joaillerie, présentant des cartes bancaires différentes, renouvelaient plusieurs fois leurs achats en quelques minutes pour des objets différents et pour des valeurs différentes ;

La SA X. aurait également dû être alertée par les nombreux refus d'autorisation qu'ils sollicitaient eux-mêmes sur la même carte revantn [N.B : version conforme à la minute ; lire sans doute « revenant »] à la charge pour des montants différents ;

Ces anomalies, dont la SA X. devait tenir compte (article 3 du CONTRAT), auraient dû être signalées ;

Par ailleurs, concernant l'Article 8 du CONTRAT, cette clause de résiliation est très claire et parfaitement licite au regard des conditions exigées par les Articles 1108 et 1134 du CODE CIVIL ;

[minute page 3]

En réplique, la SA X. affirme que le raisonnement employé par le GIE CARTES BANCAIRES et le CREDIT LYONNAIS ne peut prospérer pour les raisons suivantes :

Le moyen tiré de la nécessité de lutter contre la fraude ou la preuve n'est pas rapportée que la SA X. ait commis la moindre faute ;

La résiliation étant abusive, le maintient du service doit être ordonné ; La SA X. est accusée d'avoir utilisé de façon anormale le système, cependant, il convient de préciser que les transactions litigieuses se sont déroulées en 2 temps ; tout d'abord en janvier puis ensuite en mars, le gérant de la X. ayant reçu la visite de clients asiatiques qui prétendaient être venus en séjour et désirant profiter de l'occasion pour acheter des montres de marque ROLEX, moins chères dans notre pays que dans le leur ;

Ces clients étaient nombreux et disposaient chacun comme nombre de clients de plusieurs cartes de crédit, aucune de ces cartes n'étant signalé perdue ou volée ;

- d'ailleurs 2 mois après les premiers achats aucun incident n'a été signalé par le GIE, ceci étant de nature à tranquilliser la concluante, en fait c'est le système de contrôle du GIE qui était insuffisant ; la SA X. n'ayant aucun moyen pour détecter la vrais nature des cartes ;

 

De façon orale confirmée par écrit en cours de délibéré, copie adressée au Conseil de la SA X., le Conseil des requis demande que le TRIBUNAL ordonne à la SA X., si elle désire continuer à adhérer au système interbancaire de conclure un nouveau contrat d'adhésion avec obligation pour la SA X. d'être dotée d'un matériel sécuritaire plus perfectionné

Confirment pour le surplus, sa demande initiale de dommages-intérêts ainsi que sa demande de confirmation de résiliation du contrat et l'application de l'Article 700 du N.C.P.C. ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Agrès examen des éléments portés à la connaissance du TRIBUNAL par les pièces versées aux débats, les explications apportées à la barre et les observations versées en cours de délibéré et communiquées à l'adversaire avec l'autorisation du TRIBUNAL, il apparaît les considérations suivantes :

Le TRIBUNAL estime que la SA X. ne possédant pas la qualité de professionnel du crédit bancaire, en conséquence l'affaire qui nous occupe par sa nature rentre bien dans le cadre des dispositions de la Loi du 10 janvier 1978 en son Article 35 ;

Que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, ou consommateurs, peuvent être interdites les clauses considérées abusives ;

Le TRIBUNAL considère qu'il résulte du quasi monopole du GIE CARTES BANCAIRES et des dispositions de la clause de résiliation à caractère unilatéral, un avantage excessif au profit du GIE CARTES BANCAIRES, ainsi qu'un abus de puissance économique ;

[minute page 4] Cependant, même en présence d'une telle clause la rendant réputée non écrite selon les termes de l'Article 35 alinéa 2 de la Loi du 10 janvier 1978, il apparaît au TRIBUNAL nécessaire de sanctionner le comportement dont à fait preuve la SA X., qui n'a pas respecté certaines des obligations du contrat en ne tenant pas compte des messages délivrés par le TERMINAL et en présentant à plusieurs reprises à des intervalles différents, les transactions refusées ! [N.B. : conforme à la minute] également en fractionnant les montants des achats comme le démontre le relevé du 29 août 1992, au surplus de n'avoir manifestement pas satisfait à son devoir de vigilance imposé par la logique propre à tout commerçant, en présence d'une situation exceptionnelle due à la manifestation répétée des mêmes clients, ayant un comportement douteux en raison des montants et de la rapidité des achats ; en présence d'un pareil phénomène, la SA X. aurait dû par prudence, informer le GIE CARTES BANCAIRES de cette situation !

Néanmoins, le TRIBUNAL observe que le GIE CARTES BANCAIRES n'a détecté que tardivement la présence des fausses cartes bancaires, laissant ainsi entrevoir l'habileté des faussaires ;

Concernant la demande relative à l'attribution de dommages et intérêts au profit du GIE CARTES BANCAIRES, le TRIBUNAL l'estime injustifiée, car en situant bien les limites de la responsabilité de la SA X., les conséquences ne doivent pas en dépasser le termes du contrat conclu par les parties dans lequel aucune disposition ne prévoit de dédommagement particulier ;

De ces considérations, il ressort que l'attitude de la SA X. ne doit avoir comme conséquence que la résiliation du contrat, sans donner lieu à l'attribution de dommages et intérêts ;

Par ailleurs, le TRIBUNAL donne acte au GIE CARTES BANCAIRES qu'il propose à la SA X. la conclusion d'un nouveau contrat avec dotation d'un matériel de contrôle des CARTES BANCAIRES plus perfectionné ;

Concernant les demandes relatives à l'indemnité en vertu des dispositions de l'Article 700 du N.C.P.C., le TRIBUNAL considère équitable d'accorder à chacun des défendeurs la somme de 3.000,00 Francs ;

Qu'il résulte également de toutes ces constatations que les dépens devront être à la charge de la SA X.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant Publiquement Contradictoirement et en Premier Ressort :

Déboute la SA X. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Prononce la résiliation du contrat conclu le 01 février 1992 à compter de la signification de la présente décision ;

Met fin à la mesure conservatoire ordonnée par le Jugement Avant Dire Droit du 13/07/92 par le TRIBUNAL De céans ;

Condamne la SA X. à payer 3.000,00 Francs d'Article 700 du N.C.P.C. à la société CRÉDIT LYONNAIS et 3.000,00 Francs au GIE CARTES BANCAIRES ;

Dépens à la charge de la SA X. 300,00.