CASS. CIV. 1re, 28 avril 1987
CERCLAB - DOCUMENT N° 2116
CASS. CIV. 1re, 28 avril 1987 : pourvoi n° 85-13674 ; arrêt n° 470
Publication : Bull. civ. I, n° 134 ; Rapport 1987, p. 208 ; JCP 1987. II. n° 20893, note Paisant ; D. 1988, p. 1, note Delebecque
Extrait : 1/ « Mais attendu, sur le premier point, que les juges d’appel ont estimé que le contrat conclu entre Abonnement téléphonique et la société Pigranel échappait à la compétence professionnelle de celle-ci, dont l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause, était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur ; qu’ils en ont déduit à bon droit que la loi du 10 janvier 1978 était applicable ».
2/ « Et attendu, sur les trois autres points, que le vendeur étant tenu de délivrer une chose apte à rendre le service que l’acquéreur peut légitimement en attendre, la cour d’appel, qui a relevé que l’installation n’a pas fonctionné de manière satisfaisante, dès sa mise en service jusqu’à la décision de résiliation, et qu’elle a provoqué pendant ces deux années de nombreuses alertes intempestives, a ainsi légalement justifié, au regard de l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, le chef de son arrêt décidant de tenir pour abusives et donc non écrites, dans ces limites, les trois clauses ci-avant analysées ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 28 AVRIL 1987
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 85-13674. Arrêt n° 470.
DEMANDEUR à la cassation : SA Abonnement Téléphonique
DÉFENDEUR à la cassation : Société SA Pigranel
Président : M. Fabre. Rapporteur : M. Fabre. Avocat général : M. Charbonnier. Avocats : MM. Goutet et Choucroy.
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Abonnement téléphonique a installé un système d’alarme contre le vol dans un immeuble appartenant à la société Pigranel et que celle-ci a dénoncé le contrat en se prévalant du caractère abusif de certaines de ses stipulations et en faisant valoir que l’alarme se déclenchait fréquemment sans aucune raison ; que, sur son assignation, la cour d’appel a déclaré nulle la clause du contrat suivant laquelle Abonnement téléphonique ne contractait dans tous les cas qu’une obligation de moyens et non de résultat, celle qui prévoyait que les dérangements, quelle qu’en fût la cause, ne pourraient ouvrir droit à indemnité ni à résiliation du contrat, enfin celle qui attribuait au contraire à Abonnement téléphonique diverses indemnités quel que fût le motif invoqué pour mettre fin audit contrat ; qu’elle a en conséquence décidé que la société Pigranel avait eu le droit de résilier ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’Abonnement téléphonique reproche aux juges du second degré d’avoir ainsi statué, aux motifs que la loi du 10 janvier 1978 et le décret du 24 mars 1978 sont applicables en la cause, la société Pigranel se trouvant dans la situation de n’importe quel individu non commerçant, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une opération commerciale entre professionnels, à but lucratif pour l’une comme pour l’autre des parties, alors que, d’une part, selon le moyen, la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs ne s’applique pas aux contrats souscrits par des commerçants ou professionnels, lesquels sont en mesure de déceler et de négocier les clauses qu’ils jugent abusives, en particulier dans le cas de l’espèce puisque la société Pigranel est spécialisée dans la rédaction de contrats, de sorte que la cour d’appel a violé l’article 35 de ladite loi, les articles 1er à 5 du décret précité et l’article 1134 du Code civil ; qu’il est affirmé, d’autre part, qu’Abonnement téléphonique ne pouvait en aucun cas souscrire une obligation de résultat au regard des dommages prétendument subis et des mauvais fonctionnements de l’installation ; que, de troisième part, selon le moyen, la clause refusant à la société Pigranel tout droit à résiliation ou à dommages-intérêts en cas de dérangement n’était pas interdite par le décret, dont l’article 2 a donc été violé en même temps que l’article 1134 du Code civil ; qu’il est enfin prétendu que l’arrêt attaqué a encore violé les mêmes textes en annulant la clause attribuant diverses indemnités à Abonnement téléphonique en cas de cessation du contrat quel qu’en soit le motif ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, sur le premier point, que les juges d’appel ont estimé que le contrat conclu entre Abonnement téléphonique et la société Pigranel échappait à la compétence professionnelle de celle-ci, dont l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause, était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur ; qu’ils en ont déduit à bon droit que la loi du 10 janvier 1978 était applicable ;
Et attendu, sur les trois autres points, que le vendeur étant tenu de délivrer une chose apte à rendre le service que l’acquéreur peut légitimement en attendre, la cour d’appel, qui a relevé que l’installation n’a pas fonctionné de manière satisfaisante, dès sa mise en service jusqu’à la décision de résiliation, et qu’elle a provoqué pendant ces deux années de nombreuses alertes intempestives, a ainsi légalement justifié, au regard de l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, le chef de son arrêt décidant de tenir pour abusives et donc non écrites, dans ces limites, les trois clauses ci-avant analysées ;
Qu’en aucune de ses quatre branches le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il est aussi soutenu, d’une part que, la preuve d’une insuffisance du matériel n’étant pas faite, la cour d’appel ne pouvait pas justifier la résiliation du contrat aux torts d’Abonnement téléphonique sans inverser la charge de la preuve et violer les articles 1134 et 1315 du Code civil, et, d’autre part, qu’ayant renoncé à prononcer la résolution pour vice caché, elle ne pouvait pas justifier la résiliation du contrat de maintenance pour un motif propre au fonctionnement de l’installation ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’ayant estimé, par une appréciation souveraine des éléments de la cause, qu’eu égard au prix de l’installation et au coût de la maintenance, la société Abonnement téléphonique « avait traité avec une négligence et une désinvolture excessive », la cour d’appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que ces motifs justifiaient la résiliation unilatérale par la société Pigranel du contrat pris dans sa totalité ; Que le moyen n’est donc fondé en aucune de ses deux branches ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré qu’Abonnement téléphonique ne pouvait se voir accorder l’indemnité conventionnelle de résiliation, aux motifs qu’elle ne fournit aucun développement sur le bien-fondé, au point de vue économique, de l’exigence qui est la sienne en cas de résiliation avant dix ans des trois quarts des annuités restant à courir, ce qui représente une somme considérable, les annuités constituant au surplus le seul prix de la maintenance, de sorte qu’il n’y a aucune raison juridique ou pratique d’accorder à l’installateur une indemnisation quelconque ; qu’Abonnement téléphonique prétend, d’une part, que les juges du second degré ont ainsi statué sur ce qui ne leur était pas demandé et, d’autre part, que, ses conclusions ayant allégué que les contrats de longue durée permettent l’étalement des frais fixes et des annuités modérés, ce qui justifiait le montant de la clause pénale, elles ont été dénaturées ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que le moyen s’attaque à une argumentation surabondante, le refus d’accorder l’indemnité conventionnelle litigieuse ayant sa cause, selon les termes mêmes de l’arrêt attaqué, dans la résiliation du contrat aux torts de la société Abonnement téléphonique ; Qu’ainsi en aucune de ses deux branches le moyen ne peut être accueilli ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Maître GOUTET, Avocat aux Conseils pour la société ABONNEMENT TELEPHONIQUE.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
"Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nulles et non écrites la clause selon laquelle l'ABONNEMENT TELEPHONIQUE contracte une obligation de moyens et non de résultats, la clause stipulant que les dérangements quelle qu'en soit la cause ne donnent droit pour l'abonné qu'à la remise en état, en aucun cas à la résiliation du contrat ou à indemnité, et la clause attribuant à l'ABONNEMENT TELEPHONIQUE diverses indemnités en cas de cessation du contrat pour quelque motif que ce soit et, par voie de conséquence, d'avoir déclaré que RIGRANEL avait le droit de résilier le contrat du 5 mai 1980,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la loi du 10 janvier 1978 et le décret du 24 mars 1978 sont applicables en la cause puisque PIGRANEL se trouve dans la situation de n'importe que individu non commerçant, en matière d'installation d'alarm dans une villa, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une opération commerciale entre professionnels, à but lucratif pour l'un et l'autre,
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, D'UNE PART, la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs ne s'applique pas aux contrats souscrits par des commerçants ou des professionnels, lesquels sont en mesure de déceler et de négocier les clauses qu'ils jugent abusives, en particulier dans le cas d'espèce puisque la société PIGRANEL est spécialisée dans la rédaction de contrats, de sorte que la Cour d'appel a violé l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, les articles 1 à 5 du décret du 24 mars 1978 et l'article 1134 du Code civil,
ALORS QUE, D'AUTRE PART, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, l'ABONNEMENT TELEPHONIQUE ne pouvait en aucun cas souscrire une obligation de résultat au regard des dommages invoqués par PIGRANEL et des mauvais fonctionnements dus à des causes étrangères au matériel, de sorte qu'en statuant autrement la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil,
ALORS QU'EN OUTRE, la clause limitant les droits de PIGRANEL à la seule remise en état à l'exclusion de la résiliation ou de dommages-intérêts, en raison des dérangements, quelle qu'en soit la cause, n'est pas interdite par le décret, si bien que l'arrêt a violé l'article 2 du décret du 24 mars 1978 et l'article 1134 du Code civil,
ALORS QU'AU SURPLUS la Cour d'appel a violé à nouveau le décret du 24 mars 1978 en ses articles 1 à 5 et l'article 1134 du Code civil en déclarant nulle et non écrite la clause attribuant diverses indemnités à l'ABONNEMENT TELEPHONIQUE en cas de cessation du contrat quel que soit le motif invoqué."
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
"Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré que PIGRANEL avait à bon droit résilié son contrat à compter du 5 mai 1984 aux torts de l'ABONNEMENT TELEPHONIQUE,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE les déclenchements intempestifs causaient un désagrément voire un préjudice aux voisins et l'inconvénient de laisser l'installation en sommeil jusqu'à intervention du spécialiste, qu'ABONNEMENT TELEPHONIQUE n'a fait aucune observation ou réserve à l'époque du montage ou jusqu'en 1983 concernant la nécessité pour le client d'avoir des ouvertures connaissant des mouvements d'amplitude extrêmement faible, que l'installation n'a pas fonctionné de manière satisfaisante que si la raison en est l'état des menuiseries, il n'est pas sérieux de la part d'ABONNEMENT TELEPHONIQUE d'avoir attendu plus de deux ans et une mise en demeure pour en aviser sa cliente, laquelle était fondée à considérer qu'elle a été traitée avec désinvolture et négligence, quelle que fût la source de ses mécomptes, qu'il n'y a pas matière à résolution, faute de vice rédhibitoire mais il existe motifs suffisants pour justifier la résiliation aux torts d'ABONNEMENT TELEPHONIQUE,
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, D'UNE PART, la preuve d'une insuffisance du matériel n'étant pas rapportée, la Cour ne pouvait justifier la résiliation du contrat aux torts d'ABONNEMENT TELEPHONIQUE sans renverser la charge de la preuve et violer les articles 1134 et 1315 du Code civil,
ALORS QUE, D'AUTRE PART, ayant écarté l'existence d'un vice caché et renoncé à prononcer la résolution de la vente, la Cour d'appel ne pouvait justifier la résiliation du contrat de maintenance pour un motif propre au fonctionnement de l'installation, que par suite, en statuant comme elle l'a fait, la Cour a violé à nouveau l'article 1134 du Code civil."
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
"Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré que l'ABONNEMENT TELEPHONIQUE ne pouvait se voir accorder l'indemnité conventionnelle de résiliation,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE l'ABONNEMENT TELEPHONIQU ne fournit aucun développement sur le bien-fondé, au point de vue économique, de l'exigence qui est la sienne au cas de résiliation anticipée, de trois quarts des annuités restant à courir, ce qui représente une somme considérable, que les annuités représentent le seul prix de la maintenance, qu'il n'existe aucun motif juridique ou pratique d'accorder à l'ABONNEMENT TELEPHONIQUE une indemnisation quelconque,
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, D'UNE PART, la Cour d'appel a violé l'article 5 du nouveau Code de procédure civile et l'article 1134 du Code civil en statuant sur ce qui ne lui était pas demandé,
ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'ABONNEMENT TELEPHONIQUE soutenait dans ses conclusions que les contrats de longue durée permettent l'étalement des frais fixes et la fixation d'annuités d'un montant modéré, ce qui justifiait le montant de la clause pénale, que par suite en affirmant que l'ABONNEMENT TELEPHONIQUE ne fournit aucun développement sur le bien-fondé, au point de vue économique, de l'importance de l'indemnité de résiliation, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'intimée et violé les articles 1134 et 1152 du Code civil."
- 5841 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat - Clauses abusives - Décret du 24 mars 1978 (anc. art. R. 132-1 c. consom.)
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5873 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation (1978-1994)
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 6097 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Détermination des obligations - Obligations non monétaires - Allègement des obligations du professionnel
- 6477 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (9) - Obligations du vendeur - Clauses exonératoire et limitatives de responsabilité