CA CAEN (1re ch. sect. civ.), 3 octobre 2000
CERCLAB - DOCUMENT N° 2137
CA CAEN (1re ch. sect. civ.), 3 octobre 2000 : RG n° 98/03678 ; arrêt n° 592
(sur pourvoi Cass. 27 novembre 2002 : pourvoi n° 00-21.839 ou 835, non admission)
Publication : Lexbase
Extrait : « Aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, [...]. L'annexe de ce texte énonce notamment qu'il en est ainsi des clauses limitant de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis à vis du professionnel ou d'une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque des obligations contractuelles.
En l'espèce, outre qu'il n'est pas démontré en quoi la limitation de responsabilité de Monsieur S. aurait été retenue de manière inappropriée, ladite clause ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties puisqu'elle est compensée par la limitation réciproque de responsabilité de Monsieur X., laquelle concerne, non pas la responsabilité légale envers les tiers tirée de l'article 1385 du Code Civil, mais sa responsabilité contractuelle. Par ailleurs, il convient de souligner que tout recours n'est pas exclu pour l'une comme pour l'autre des parties, puisqu'il est réservé, de manière parfaitement justifiée, le cas de faute lourde. La clause limitative de responsabilité querellée ne présente donc aucun caractère abusif au regard du texte susvisé.
Quant à la cause des obligations de Monsieur S., elle se trouve dans les propres obligations de Monsieur X., le tout en vue de l'amélioration des qualités du cheval concerné. »
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE - SECTION CIVILE
ARRÊT DU 3 OCTOBRE 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 98/03678. Arrêt n° 592. ORIGINE : DÉCISION DU TGI COUTANCES en date du 5 novembre 1998.
APPELANT :
Monsieur X.
[adresse], représenté par Maître SEBIRE, avoué, assisté de Maître LEPRIEUR, avocat au barreau de COUTANCES
INTIMÉ :
Monsieur S.
[adresse], représenté par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoué, assisté de Maître DEVIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CALLE, Président, rédacteur, Mademoiselle CHERBONNEL, Conseiller, Monsieur FABRE, Conseiller, Monsieur CHALICARNE, magistrat stagiaire qui a siégé en surnombre et participé avec voix consultative au délibéré
DÉBATS : A l'audience publique du 30 juin 2000
GREFFIER : Madame CHAILLOUX
ARRÊT prononcé à l'audience publique du 3 octobre 2000 par Monsieur CALLE, Président
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Monsieur X. a confié le cheval DOLY DE QUETTEHOU dont il est propriétaire à Monsieur S., entraîneur de chevaux de sports, aux fins de préparation et participation aux concours de saut d'obstacles dans le but d'en faire un compétiteur de haut niveau.
A cet effet, il a été signé par les parties, le 31 janvier 1996, une « convention de garantie réciproque » dans les termes suivants :
« Afin d'éviter toute difficulté dans l'avenir, Monsieur X., propriétaire des chevaux, déclare par les présentes qu'il dégage de toute responsabilité Monsieur S., exploitant des écuries, et son personnel, pour tout accident ou maladie, mortels ou non, survenu aux chevaux pendant la durée de la pension, y compris le débarquement, l'embarquement, les déplacements en compétitions.
Cette exonération est générale, s'applique à tous les cas, sauf faute lourde démontrée à l'encontre de l'entraîneur, et s'étend à tous les propriétaires des chevaux stationnés aux écuries.
Réciproquement, il est entendu que Monsieur X., propriétaire des chevaux, ne pourra être inquiété pour les accidents ou dommages occasionnellement causés par ses chevaux, sauf également faute lourde de sa part.
Par leurs signatures apposées au bas de la convention, les deux parties acceptent expressément la présente convention qui a pour objet d'écarter à l'avance tous les différends éventuels dans les rapports entre les propriétaires et l'entraîneur ».
Le premier septembre 1996, à l'issue d'un transport effectué par Monsieur S. pour le faire participer à un concours à FONTAINEBLEAU, le cheval a été retrouvé mort dans le véhicule, étouffé suite à une strangulation par son licol.
Monsieur X. recherche la responsabilité de Monsieur S. et l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement rendu le 5 novembre 1998 par le Tribunal de Grande Instance de COUTANCES, il a été débouté de ses demandes qu'il fondait alors sur le fondement tant de l'article 103 du Code de Commerce que de l'article 1784 du Code Civil.
[minute page 3] Admettant en cause d'appel que le contrat liant les parties ne peut être qualifié de contrat de transport et que le transport réalisé n'est qu'un accessoire au contrat principal qui est un contrat d'entreprise, Monsieur AUX soutient, par conclusions du 25 mai 2000, d'une part, que la clause de limitation de responsabilité est abusive et sans contrepartie réelle, donc réputée non écrite en application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation et, d'autre part, qu'elle est nulle pour absence de cause en application des dispositions de l'article 1131 du Code Civil.
Il retient la faute de Monsieur S. pour avoir transporté ensemble des chevaux de sexes opposés, sans surveillance particulière, et pour avoir effectué le trajet à une vitesse trop rapide. Il demande ainsi de déclarer ce dernier responsable de la mort de DOLY DE QUETTEHOU.
Suivant le rapport établi par l'expert judiciaire A. sur la valeur du cheval, il réclame une somme de 430.000 Francs pour la perte d'exploitation et une de 50.000 Francs pour le préjudice de notoriété de son élevage et pour préjudice moral.
Il réclame enfin 30.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 16 juin 2000, Monsieur S. affirme que la convention est parfaitement valable, alors qu'elle respecte un équilibre contractuel, et qu'elle est parfaitement causée.
En outre, il prétend qu'aucune faute n'est démontrée à son encontre.
Enfin, il conteste la valeur du cheval.
Ainsi, il demande de débouter Monsieur X. de ses demandes, de confirmer le jugement ; subsidiairement, de dire que le préjudice ne saurait excéder 175.000 Francs, sauf à faire apporter des précisions par l'expert ; en tout état de cause, il réclame 20.000 Francs pour ses frais irrépétibles.
La clôture a été prononcée le 23 juin 2000.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] SUR CE :
Aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'annexe de ce texte énonce notamment qu'il en est ainsi des clauses limitant de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis à vis du professionnel ou d'une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque des obligations contractuelles.
En l'espèce, outre qu'il n'est pas démontré en quoi la limitation de responsabilité de Monsieur S. aurait été retenue de manière inappropriée, ladite clause ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties puisqu'elle est compensée par la limitation réciproque de responsabilité de Monsieur X., laquelle concerne, non pas la responsabilité légale envers les tiers tirée de l'article 1385 du Code Civil, mais sa responsabilité contractuelle.
Par ailleurs, il convient de souligner que tout recours n'est pas exclu pour l'une comme pour l'autre des parties, puisqu'il est réservé, de manière parfaitement justifiée, le cas de faute lourde.
La clause limitative de responsabilité querellée ne présente donc aucun caractère abusif au regard du texte susvisé.
Quant à la cause des obligations de Monsieur S., elle se trouve dans les propres obligations de Monsieur X., le tout en vue de l'amélioration des qualités du cheval concerné.
La clause limitative de responsabilité étant valable, force est de constater que Monsieur X. ne fait aucunement la démonstration d'une faute lourde équipollente au dol, ce qu'il n'allègue d'ailleurs pas.
Le jugement mérite ainsi entière confirmation, par motifs substitués,
Il serait inéquitable de laisser à Monsieur S. la charge des sommes exposées par lui en appel et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué de ce chef une somme de 4.000 Francs, celle déjà fixée par le premier juge au même titre étant confirmée.
[minute page 5] Monsieur X., débouté de ses demandes, doit conserver la charge de ses propres frais irrépétibles comme celle des entiers dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 novembre 1998 par le Tribunal de Grande Instance de COUTANCES ;
Condamne Monsieur X. à verser à Monsieur S. la somme de 4.000 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel
Condamne Monsieur X. aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de la SCP GRANDSARD - DELCOURT, avoué.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. CHAILLOUX B. CALLE
- 5984 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Règles de preuve
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
- 6021 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations secondaires
- 6115 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 - Présentation et arguments génériques
- 6343 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Animaux
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)