CA CAEN (1re ch. sect. civ. com.), 7 juin 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 2246
CA CAEN (1re ch. sect. civ. com.), 7 juin 2007 : RG n° 05/03711
Extrait : 1/ « La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat. Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.
Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales. En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive. Dès lors, le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première fois par Madame X. dans ses écritures du 4 septembre 2006, soit plus de deux ans après la formation du contrat est irrecevable comme atteint de forclusion. »
2/ « Concernant la clause pénale qui s'élève à 1.310,50 euros, elle ne constitue pas une clause abusive et son montant n'apparaît pas manifestement excessif dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant de 8 % du capital restant dû, et n'augmentant pas le taux d'intérêts, même indirectement ou de manière déguisée, est conforme aux dispositions légales et réglementaires et qu'aucune circonstance particulière n'a pour conséquence qu'elle soit excessive en l'espèce. »
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 7 JUIN 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/03711. ORIGINE : DÉCISION en date du 17 novembre 2005 du Tribunal d'Instance de PONT L'EVEQUE - R.G. n° 11-05-191.
APPELANTE :
SAS SOGEFINANCEMENT
[adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués, assistée de Maître Isabelle HOUDAN, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉE :
Madame X.
[adresse], représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués, assistée de Maître Henry MONS, avocat au barreau de LISIEUX, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur LE FEVRE, Président, Madame HOLMAN, Conseiller, rédacteur, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,
DÉBATS : À l'audience publique du 24 avril 2007
[minute Jurica page 2] En présence de Mme VALLANSAN, Magistrat stagiaire ayant participé au délibéré avec voix consultative
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 7 juin 2007 et signé par Monsieur LE FEVRE, Président, et Mme LE GALL, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La SAS SOGEFINANCEMENT (la banque) a interjeté appel du jugement rendu le 17 novembre 2005 par le Tribunal d'Instance de Pont l'Evêque dans un litige l'opposant à Madame X.
* * *
Le 27 février 2001, la banque a consenti à Madame X. un prêt personnel dit « EXPRESSO » d'un montant de 120.000 francs (18.293,88 euros) remboursable en 84 mensualités au taux d'intérêt contractuel de 7,25 %.
Le 1er mars 2001, la banque a également consenti à Madame X. un crédit renouvelable et utilisable par fraction au taux contractuel de 14,76 %.
Le 4 juin 2002, Madame X. a bénéficié d'un plan conventionnel de réaménagement de ses dettes intégrant ces deux crédits.
Madame X. a ultérieurement bénéficié d'un second plan conventionnel de réaménagement de ses dettes approuvé par la Commission de surendettement des particuliers du Calvados le 26 mars 2003 aux termes duquel il était prévu que les sommes restant dues à la banque seraient remboursées, après un moratoire de 5 mois, en 71 mensualités de 73 euros pour le prêt « EXPRESSO » et en 71 mensualités de 51,46 euros pour le crédit renouvelable.
Madame X. n'ayant pas respecté les modalités de remboursement prévues dans le cadre de ce plan, la banque après mises en demeure du 27 juillet 2004 pour le prêt, 2 juillet 2004 pour le crédit l'a par acte du 22 avril 2005, fait citer devant le Tribunal afin de la voir condamner au paiement des sommes de :
- 18.018,07 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,25 % à compter du 27 juillet 2004, sous déduction des acomptes de 4.724,48 euros ;
- 3.157,54 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,76 % à compter du 2 juillet 2004, sous déduction des acomptes de 982,92 euros ;
- 600 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par le jugement déféré, le Tribunal a débouté la banque de ses demandes au motif qu'elle ne produisait pas les offres de crédit.
* * *
Vu les écritures signifiées : [minute Jurica page 3]
* Le 6 février 2007 par la banque qui conclut à l'infirmation du jugement et demande paiement de :
- au titre du prêt EXPRESSO : la somme de 18.018,07 euros, sous déduction de la somme de 4.724,48 euros, avec intérêts au taux contractuel de 7,25 % sur la somme de 16.707,57 euros à compter du 27 juillet 2004 et les intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date ;
- au titre du crédit renouvelable : la somme de 3.157,54 euros, sous déduction de la somme de 982,82 euros, avec intérêts au taux contractuel de 14,76 % sur la somme de 2.923,65 euros à compter du 2 juillet 2004 et les intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date ;
- 800 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que le rejet de la demande de délais.
* Le 2 février 2007 par Madame X. qui conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement à la réduction des sommes dues au seul montant du capital à raison de la déchéance du droit aux intérêts, très subsidiairement à l'octroi des délais.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - SUR LE PRÊT « EXPRESSO » :
En cause d'appel, la banque produit l'offre préalable de crédit, le tableau d'amortissement et l'historique du prêt, ainsi que les deux plans.
Madame X. soutient que cette offre ne répond pas aux dispositions de l'article L. 311-10 du Code de la Consommation qui prévoit notamment que l'offre préalable rappelle les dispositions des articles L. 311-15, L. 311-17 et L. 311-32 [....] et reproduit celles de l'article L. 311-37.
La banque prétend que ce moyen de contestation est irrecevable comme atteint par la forclusion en application de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation en sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001.
La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.
Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.
Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales.
En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive.
[minute Jurica page 4] Dès lors, le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première fois par Madame X. dans ses écritures du 4 septembre 2006, soit plus de deux ans après la formation du contrat est irrecevable comme atteint de forclusion.
Au vu des décomptes produits, la créance de la banque s'élève en principal à la somme de 16.707,57 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,25 % à compter du 27 avril 2004, date de la mise en demeure.
Il sera déduit de cette somme l'acompte de 4.724,48 euros réglé par Madame X. et la créance sera donc fixée à la somme de 16.707,57 - 4.724,48 euros = 11.983,09 euros
Concernant la clause pénale qui s'élève à 1.310,50 euros, elle ne constitue pas une clause abusive et son montant n'apparaît pas manifestement excessif dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant de 8 % du capital restant dû, et n'augmentant pas le taux d'intérêts, même indirectement ou de manière déguisée, est conforme aux dispositions légales et réglementaires et qu'aucune circonstance particulière n'a pour conséquence qu'elle soit excessive en l'espèce.
II - SUR LE CRÉDIT RENOUVELABLE :
Si l'offre préalable de crédit n'est pas produite, il doit être considéré que constitue un commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 du Code Civil le plan signé par Madame X. le 4 juin 2002 où figure le crédit litigieux, dont il est précisé le montant du capital initial soit 3.049 euros, le taux soit 14,76 %, et le solde restant dû soit 3.089,77 euros.
Ce commencement de preuve par écrit est corroboré par l'historique du compte, produit aux débats, et la sommation interpellative du 30 mars 2005 qui faisait expressément référence au décompte joint du 19 janvier 2005 en ce inclus la clause pénale, dans laquelle Madame X. s'est reconnue débitrice de l'intégralité de la somme due.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la banque rapporte la preuve de l'obligation dont elle réclame l'exécution.
Pour les motifs ci-dessus exposés relatifs au prêt, le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable est atteint de forclusion.
Également pour les motifs ci-dessus exposés, il n'y a pas lieu à réduction de la clause pénale.
Au vu des décomptes produits, et non utilement contestés la créance de la banque s'élève en principal à 2.923,65 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,76 % à compter du 2 juillet 2004, date de la mise en demeure.
Il sera déduit de cette somme l'acompte de 982,92 euros réglé par Madame X. et la créance sera donc fixée à la somme de 2.923,65 euros - 982,92 euros = 1.940,73 euros.
La clause pénale s'élève à 233,89 euros.
III - SUR LES DÉLAIS :
Madame X. qui a bénéficié d'un plan qu'elle n'a pas respecté, ainsi que, à la faveur de la procédure d'appel, de larges délais de paiement, est hors d'état au vu des justificatifs produits, de régler sa dette dans les délais requis par l'article 1244 du Code Civil.
[minute Jurica page 5] En conséquence sa demande de délais, infondée, sera rejetée.
IV - SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :
La banque conservera en équité la charge des frais irrépétibles par elle exposés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement.
Condamne Madame X. à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT les sommes de :
- 11.983,09 euros avec intérêts au taux de 7,25 % à compter du 27 juillet 2004, 1.310,50 euros avec intérêts au taux légal à compter de la même date au titre du prêt « expresso »
- 1.940,73 euros avec intérêts au taux de 14,76 % à compter du 2 juillet 2004, 233,89 euros avec intérêts au taux légal à compter de la même date au titre du crédit renouvelable.
Déboute Madame X. de sa demande de délais.
Déboute la SAS SOGEFINANCEMENT de sa demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne Madame X. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL A. LE FEVRE
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