CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 17 décembre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2430
CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 17 décembre 2009 : RG n° 08/09008
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que le fait que le contrat comporte des clauses de résiliation en cas de changement de situation de l'emprunteur, inscription au fichier national des incidents de paiements, de surendettement est indifférent et ne sera pas examiné par la cour des lors que la résiliation du contrat et les demandes en paiement de la SA BNP PARIPAS PERSONAL FINANCE ne se fondent pas sur l'application de ces stipulations contractuelles et qu'en tout état de cause, la sanction en présence d'une clause abusive est son inexistence et non pas la déchéance du droit aux intérêts ;Attendu que le moyen sera rejeté, l'action introduite par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, trouvant son fondement dans le non paiement des mensualités du crédit ».
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/09008. Jugement (N° 08-000011) rendu le 31 juillet 2008 par le Tribunal d'Instance de BÉTHUNE.
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [adresse], représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour, assistée de Maître Jean-Baptiste REGNIER, avocat au barreau de BÉTHUNE
INTIMÉS :
Monsieur X.
demeurant [adresse], représenté par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour, assisté de Maître Virginie LELEU, avocat au barreau de BÉTHUNE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
Madame Y. épouse X.
demeurant [adresse], représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour, Assistée de Maître Virginie LELEU, avocat au barreau de BÉTHUNE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro YY du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
[minute Jurica page 2]
DÉBATS : Audience publique du 14 octobre 2009 tenue par Sophie VEJUX magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Catherine PAOLI, Conseiller, Sophie VEJUX, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant offre préalable du 25 juillet 2000, la SA CETELEM consentait à Monsieur X. et Madame X., un prêt personnel d'un montant de 123.031 francs, soit 18.164,75 euros remboursable en 96 mensualités de 307,89 euros, incluant des intérêts au taux nominal de 11,07 %.
Des mensualités étant demeurées impayées, la SA CETELEM se prévalait de la déchéance du terme.
Par jugement du 31 juillet 2008, le Tribunal d'instance de BÉTHUNE déclarait la SA CETELEM déchue du droit aux intérêts, et la déboutait de sa demande en paiement.
La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, nouvelle dénomination de la SA CETELEM interjetait appel de ce jugement.
Elle sollicite la condamnation solidaire de Monsieur X. et de Madame X. au paiement de 9.033,12 euros outre intérêts au taux de 11,07 % l'an à compter du 6 septembre 2007, 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient, à titre principal, que la contestation de la régularité de l'offre de prêt élevée le 5 juin 2008, soit plus de deux années après la souscription du crédit est forclose et subsidiairement que les époux X. sont mal fondés à solliciter par le prêteur la production d'un bordereau détachable de rétractation.
Les époux X. sollicitent la confirmation du jugement entrepris et, à titre subsidiaire, l'octroi de délais de paiement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que la SA BNP PARIPAS PERSONAL FINANCE soutient que le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre préalable soulevée par l'emprunteur se heurte à la forclusion édictée par l'article L. 311-37 du Code de la consommation ;
[minute Jurica page 3] Attendu que l'article 125 du Code de procédure civile fait obligation au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public ;
Attendu que le Conseil des Communautés Européennes a recommandé dans une directive 87/102/CEE du 22 décembre 2006 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit à la consommation, en son article 14 que :
« 1. Les Etats membres veillent à ce que les contrats de crédit ne dérogent pas, au détriment du consommateur, aux dispositions de droit national qui mettent en application la présente directive ou lui correspondent.
1. Les Etats membres veillent en outre à ce que les dispositions qu'ils adoptent pour la mise en application de la présente directive ne puissent être tournées par des formes particulières données aux contrats, notamment par une répartition du crédit sur plusieurs contrats » ;
Que la Cour de Justice des Communautés Européenne a rappelé dans les arrêts des 4 octobre 2007 (Franfinance, KparK/epx Rampion) et 4 mars 2007 (Cofinoga/Sachithanathan), que le but recherché par la directive précitée est une meilleure protection des consommateurs par l'imposition de certaines conditions valables pour toutes les formes de crédits; que cet objectif double, doit donc tendre non seulement à la création d'un marché commun du crédit mais aussi à assurer la protection du consommateur; qu' en raison des risques liés à l'ignorance de ses droits ou aux difficultés à les exercer dans laquelle le consommateur peut se trouver et afin de permettre l'émergence de ce marché unique et concurrentiel, la Cour a été amenée à préciser que pour que ce double objectif soit effectivement atteint, il convient de permettre au juge national d'appliquer d'office les dispositions transposant en droit interne la directive précitée; que de ce double objectif, la protection du consommateur et le marché commun et concurrentiel étant d'égale importance, il se déduit également qu'il n'y a plus lieu en droit interne de distinguer selon que ces dispositions relèvent d'un ordre public de direction ou de protection ;
Attendu que dés lors, si le pouvoir désormais reconnu au juge de relever d'office les manquements aux dispositions d'ordre public transposant en droit interne la directive précitée participe de la poursuite de la mise en œuvre effective des objectifs précités, en revanche, dans les actions intentées par un professionnel à l'encontre d'un consommateur, enfermer ce pouvoir dans une limite temporelle à l'expiration de laquelle le juge ne pourrait plus constater ces manquements, soit d'office, soit à la suite d'une exception soulevée par un consommateur, serait de nature à rendre impossible ou excessivement difficile l'application du droit communautaire et va donc à l'encontre des droits reconnus aux consommateurs par la directive précitée et à l'effectivité recherchée de cette dernière ; qu'en effet, cela placerait le professionnel, qui n'aurait plus qu'à attendre l'expiration du délai d'action, dans une position plus favorable que celle du consommateur; qu' il convient en conséquence de considérer que dans cette hypothèse le délai de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ne peut trouver à s'appliquer ; que cette directive a fait l'objet d'une transposition en droit français à l'occasion de l'adoption de la loi du 23 juin 1989, puis d'une codification au livre III, titre I, chapitre 1 et suivants du Code de la consommation ( articles L. 311-1 et suivants) ;
Attendu que l'article L. 311-2 de ce Code dispose ainsi que ce chapitre 1 s'applique à toute opération de crédit, ainsi qu'à son cautionnement éventuel, consentie à titre habituel par des personnes physiques ou morales, que ce soit à titre onéreux ou gratuit; que l'article L. 313-16 du même Code de la consommation dispose quant à lui que les chapitres I et II et les sections 2 à 8 du Chapitre III du titre Ier sont d'ordre public ;
[minute Jurica page 4] Qu'en conséquence, les irrégularités et manquements aux dispositions précitées et notamment aux articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation peuvent être soulevées sans que l'on puisse opposer la forclusion de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ;
Attendu qu'il y a donc lieu de considérer que les moyens tirés de l'irrégularité de l'offre préalable soulevés en défense par les époux X. ne sont pas forclos ;
Attendu que l'article L. 311-15 du Code de la consommation dispose que pour permettre à l'emprunteur d'exercer sa faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable ;
Attendu que la mention pré-imprimée figurant au dessus de la signature de l'emprunteur et énonçant que ce dernier « déclare accepter la présente offre préalable après avoir pris connaissance de toutes les conditions figurant ci-dessus et au verso » et « reconnaît rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire détachable de rétractation ainsi que la notice d'assurance » suffit à établir que l'offre préalable remise à l'emprunteur comportait ledit formulaire ;
Attendu que l'emprunteur ne démontre pas l'inexactitude de cette mention ou l'irrégularité du bordereau en produisant l'exemplaire resté en sa possession ; qu'en outre, l'emprunteur ne peut demander la production par le prêteur d'un exemplaire du contrat comportant le bordereau de rétractation, dans la mesure où si l'article L. 311-8 du Code de la consommation prévoit la remise en double exemplaire de l'offre de crédit à l'emprunteur, dont l'un est destiné à être retourné au prêteur, le formulaire détachable, joint à cette offre préalable, dont l'usage est exclusivement destiné à l'emprunteur pour exercer sa faculté de rétractation, n'a pas lieu de figurer sur l'exemplaire destiné au prêteur ;
Attendu que le moyen tiré de l'absence de bordereau de rétractation sur l'offre du prêteur et d'absence de la régularité du dit bordereau est donc rejeté ; qu'en conséquence, la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue par le prêteur de ce chef ;
Attendu que le fait que le contrat comporte des clauses de résiliation en cas de changement de situation de l'emprunteur, inscription au fichier national des incidents de paiements, de surendettement est indifférent et ne sera pas examiné par la cour des lors que la résiliation du contrat et les demandes en paiement de la SA BNP PARIPAS PERSONAL FINANCE ne se fondent pas sur l'application de ces stipulations contractuelles et qu'en tout état de cause, la sanction en présence d'une clause abusive est son inexistence et non pas la déchéance du droit aux intérêts ;
Attendu que le moyen sera rejeté, l'action introduite par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, trouvant son fondement dans le non paiement des mensualités du crédit ;
Attendu que l'article L. 311-30 du Code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus et non payés et que jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts au taux égal à celui du prêt, outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû ;
Attendu qu'il ressort des pièces produites aux débats, que la créance de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de la manière suivante :
- mensualités échues impayées : 1.329,31 euros
- [minute Jurica page 5] capital restant dû (échu et reporté) : 7.543,52 euros
soit la somme de 8.872,83 euros outre les intérêts au taux contractuel au taux de 11,07 % l'an à compter du 6 septembre 2007, date de la mise en demeure, outre la somme de 258,75 euros, au titre de l'indemnité de 8 %, avec les intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2007, date de la mise en demeure ;
Attendu que l'attribution à la SA BNP PERSONNAL FINANCE d'une indemnité de recouvrement justifie le rejet de la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que les époux X. qui ne justifient du montant de leurs revenus et de leurs charges voient leur demande de délais de paiement rejetée ;
Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de faire supporter à la SA CETELEM les frais non taxables de la procédure ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau ;
Condamne solidairement Monsieur X. et de Madame X. à payer la somme de 8.872,83 euros outre les intérêts au taux contractuel au taux de 11,07 % l'an à compter du 6 septembre 2007, outre la somme de 258,75 euros, au titre de l'indemnité de 8 %, avec les intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2007 ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette la demande de délais de paiement ;
Condamne Monsieur X. et de Madame X. aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux règles de l'aide juridictionnelle et par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, s'agissant des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER
- 5707 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Forclusion - Crédit à la consommation
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- 5719 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Crédit à la consommation
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- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
- 5987 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Lien de la clause avec le litige : crédit à la consommation