CA PARIS (15e ch. sect. B), 1er juin 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 2465
CA PARIS (15e ch. sect. B), 1er juin 2006 : RG n° 05/00870
Publication : Jurica
Extrait : « Mais considérant que le financement de l'achat d'un bien immobilier « à titre de résidence principale » excluant le principe d'une location était l'objet même du contrat et ne peut donc constituer une clause abusive ; Que la clause de domiciliation de salaire constitue pour la banque une garantie du règlement des échéances qui n'a pas non plus de caractère abusif ;
Considérant que les conditions particulières énoncent au titre « défaillance et exigibilité immédiate » que « si bon semble à la banque, toutes les sommes dues au titre du prêt, en principal, intérêts et accessoire, deviennent immédiatement exigibles… en cas de : non-respect de l'une quelconque des obligations résultant du présent contrat » ; Que la BANQUE avait bien, outre les agissements dolosifs constitués par le non respect de la clause de domiciliation des salaires et la location de l'appartement qui aurait dû être utilisé à titre de résidence principale par les appelants, un motif supplémentaire de douter de leur bonne foi, dès lors que les lettres recommandées qui leur ont été envoyées à l'adresse du bien immobilier étaient revenues avec la mention « NPAI » et qu'ils ont donné des informations inexactes sur leur situation financière, puisqu'ils ont déclaré au moment de leur demande de prêt, ce qui n'était pas le cas, qu'ils ne possédaient aucun bien immobilier et qu'ils ont acheté plusieurs appartements à la même date, comme cela résulte des relevés hypothécaires communiqués ; Que, dès lors, la BANQUE était fondée à faire application de la clause de déchéance du terme et d'exigibilité immédiate du prêt, comme elle l'a fait par une lettre du 10 octobre 2003 (et non du 6 octobre 2003 comme indiqué par erreur dans le jugement), et à prononcer sans préavis la clôture du compte qui n'était alimenté que par des remises de chèque ponctuelles ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
QUINZIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 1er JUIN 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/00870. Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 décembre 2004 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 03/13754
APPELANTE :
SA BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS NORD DE PARIS anciennement BANQUE POPULAIRE NORD DE PARIS
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour, assistée de Maître Philippe LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque : E578
INTIMÉS :
Monsieur X.
demeurant [adresse], représenté par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour, assisté de Maître Laurent LEGUIL, avocat au barreau de PARIS, toque : D876, substituant Meaître Suzanne MAWAS LE DAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R 227
Madame Y. épouse X.
demeurant [adresse], représentée par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour, assistée de Maître Laurent LEGUIL, avocat au barreau de PARIS, toque : D876, substituant Maître [minute Jurica page 2] Suzanne MAWAS LE DAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R 227
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 avril 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène DEURBERGUE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président, Madame Hélène DEURBERGUE, conseiller, Madame Evelyne DELBES, conseiller.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du nouveau Code de procédure civile.
GREFFIER : Lors des débats : Mademoiselle Sandrine KERVAREC
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président, signé par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Mademoiselle Sandrine KERVAREC, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'appel interjeté le 7 janvier 2005 par la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS (ci-après la BANQUE) d'un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny, du 2 décembre 2004, qui a constaté l'irrégularité de la mise en œuvre de la clause résolutoire affectant le contrat de prêt, rejeté ses demandes et l'a condamnée à payer aux époux X. 800 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la BANQUE, 21 février 2006, qui prie la Cour d'infirmer le jugement et de condamner solidairement les époux X. à lui payer 72.750 € avec intérêts au taux de 5,08 % à compter du 6 octobre 2003 jusqu'à complet paiement, 2.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et 2.000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions des époux X., du 5 avril 2006, qui prient la Cour de confirmer le jugement et de rejeter la demande de dommages et intérêts de la BANQUE, subsidiairement, de la débouter de sa demande de déchéance du prêt, plus subsidiairement, de leur accorder les plus larges délais de paiement et de rejeter les demandes de pénalités et d'intérêts de retard, à défaut de les réduire, de dire que les paiements devront s'imputer par priorité sur le capital, de condamner la BANQUE à leur rembourser 1.943,58 € au titre du solde créditeur de leur compte chèque avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2003 et de la condamner à leur payer 3.500 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA ÉTANT EXPOSÉ
[minute Jurica page 3] LA COUR :
Considérant que, le 22 janvier 2003, les époux X. ont contracté un prêt de 72.750 € destiné à l'acquisition d'un appartement effectuée le 16 février 2003 ; qu'ils ont aussi ouvert un compte chèques qu'ils approvisionnaient pour régler les échéances du prêt ;
Que, par lettre du 10 octobre 2003, la BANQUE leur a notifié la clôture du compte sans préavis, la déchéance du terme du prêt avec exigibilité immédiate des crédits, aux motifs qu'ils ne respectaient pas les conditions d'obtention du prêt ;
Que le tribunal saisi d'une demande de condamnation des emprunteurs à rembourser le montant du prêt a rejeté cette demande ;
Considérant que la BANQUE fait valoir que le tribunal a statué ultra petita et a fait une inexacte appréciation des faits en retenant que la mise en œuvre de la « clause résolutoire » du prêt était irrégulière aux motifs qu'elle se référait à un courrier du 6 octobre 2003 non communiqué et que le courrier du 10 octobre 2003 visait la violation de certaines conditions (sans précision) du contrat pour invoquer la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate des sommes dues, qu'elle avait commis une faute en ne respectant pas le délai de préavis pour la clôture du compte et que la clause résolutoire n'avait pas été invoquée de bonne foi, alors que les époux X. se bornaient à soutenir que les conditions générales auxquelles se référait la BANQUE concernait l'acquisition d'une maison individuelle et non l'achat d'un appartement ancien et qu'il s'agissait d'une sanction excessive, et à former une demande de délais de paiement ;
Mais considérant que la BANQUE ne tire pas d'autre conséquence de son argumentation sur la régularité du jugement que de solliciter sa réformation ; que le débat principal se trouve dès lors limité à l'examen de sa demande de remboursement du prêt et à la contestation que lui opposent sur ce point les époux X. qui prétendent que c'est en toute mauvaise foi que la BANQUE a mis en œuvre la clause de déchéance et d'exigibilité du contrat de prêt ;
Considérant que le prêt a été accordé en vue de financer l'achat d'un appartement ancien à titre de résidence principale ;
Considérant que les conditions particulières de l'offre de prêt acceptées par les époux X. qui les ont paraphées et signées, sous la rubrique « engagement de l'emprunteur », énoncent que « l'emprunteur s'engage personnellement pendant toute la durée du prêt et sous peine de résiliation du contrat à ne pas altérer de quelque manière que ce soit la valeur des biens immobiliers objet du prêt, à ne pas les hypothéquer, à ne pas les donner à bail » ;
Que les conditions générales de l'offre de prêt prévoient que les échéances du prêt « sont payables à terme échu et à date fixe par prélèvement d'office sur le compte de l'emprunteur ou éventuellement sur le compte d'un seul des co-obligés, ouvert sur les livres de la Banque, ce que l'emprunteur accepté et autorise expressément.
La banque pourra débiter ce compte de façon permanente, du montant des sommes exigibles. » ;
Que la demande de prêt comme l'acte de prêt comportent aussi une clause de domiciliation des salaires pendant toute la durée du prêt ;
Que force est de constater que les époux X. n'ont respecté aucune de ces exigences, comme ils l'ont reconnu dans leurs écritures de première instance, et que la circonstance que les conditions générales viseraient l'acquisition d'une maison individuelle est sans incidence sur les obligations mises à leur charge sur ce point, puisque le prêt a bien été accordé pour l'achat d'un appartement ancien, comme l'indique expressément les conditions particulières ;
[minute Jurica page 2] Considérant que les époux X. soutiennent avoir respecté leur obligation principale qui était le paiement des échéances assorti de diverses garanties, et estiment que la résiliation du contrat aux motifs qu'ils ont loué le bien immobilier acquis avec le prêt et qu'ils n'ont pas domicilié leurs salaires sur le compte ouvert à la BANQUE, est une sanction excessive et qu'il s'agit de clauses abusives puisque les articles L. 312-2 et 312-3 du Code de la consommation ne les imposent pas ;
Mais considérant que le financement de l'achat d'un bien immobilier « à titre de résidence principale » excluant le principe d'une location était l'objet même du contrat et ne peut donc constituer une clause abusive ;
Que la clause de domiciliation de salaire constitue pour la banque une garantie du règlement des échéances qui n'a pas non plus de caractère abusif ;
Considérant que les conditions particulières énoncent au titre « défaillance et exigibilité immédiate » que « si bon semble à la banque, toutes les sommes dues au titre du prêt, en principal, intérêts et accessoire, deviennent immédiatement exigibles… en cas de : non-respect de l'une quelconque des obligations résultant du présent contrat » ;
Que la BANQUE avait bien, outre les agissements dolosifs constitués par le non respect de la clause de domiciliation des salaires et la location de l'appartement qui aurait dû être utilisé à titre de résidence principale par les appelants, un motif supplémentaire de douter de leur bonne foi, dès lors que les lettres recommandées qui leur ont été envoyées à l'adresse du bien immobilier étaient revenues avec la mention « NPAI » et qu'ils ont donné des informations inexactes sur leur situation financière, puisqu'ils ont déclaré au moment de leur demande de prêt, ce qui n'était pas le cas, qu'ils ne possédaient aucun bien immobilier et qu'ils ont acheté plusieurs appartements à la même date, comme cela résulte des relevés hypothécaires communiqués ;
Que, dès lors, la BANQUE était fondée à faire application de la clause de déchéance du terme et d'exigibilité immédiate du prêt, comme elle l'a fait par une lettre du 10 octobre 2003 (et non du 6 octobre 2003 comme indiqué par erreur dans le jugement), et à prononcer sans préavis la clôture du compte qui n'était alimenté que par des remises de chèque ponctuelles ;
Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Considérant que les époux X. ne contestent pas le montant de la demande de la BANQUE ;
Qu'ils doivent être condamnés à lui payer 72.750 € avec intérêts au taux de 5,08 % à compter du 10 octobre 2003 jusqu'à complet paiement, le montant du solde créditeur de leur compte de 1.149,13 € venant en déduction de la somme précitée à compter de la date précitée ;
Considérant que les époux X. ont fait preuve de mauvaise foi et ne sont donc dès lors pas fondés à solliciter les plus larges délais de paiement, le rejet ou la réduction des demandes de pénalités et d'intérêts de retard, et l'imputation de ceux-ci par priorité sur le capital ;
Considérant que la BANQUE ne justifie pas d'un préjudice indépendant de celui réparé par les intérêts de retard ;
Que sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée ;
Considérant que l'équité commande de condamner les époux X. à payer à la BANQUE une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et de rejeter leur demande ;
[minute Jurica page 5] Considérant que les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge des époux X. qui succombent ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
DECLARE l'appel recevable,
INFIRME le jugement,
STATUANT A NOUVEAU
CONDAMNE les époux X. à payer à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS 72 750 avec intérêts au taux de 5,08 % à compter du 10 octobre 2003 jusqu'à complet paiement avec déduction de la somme de 1.149,13 € et 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande, y compris au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
CONDAMNE les époux X. aux dépens de première instance et d'appel,
ADMET les avoués au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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