CA VERSAILLES (13e ch.), 30 mars 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 2533
CA VERSAILLES (13e ch.), 30 mars 2006 : RG n° 04/05926
Publication : Jurica
Extrait : « Mais la distribution de boissons à l'attention de la clientèle et du personnel est nécessairement en rapport avec l'activité commerciale de Monsieur X. qui reçoit le public dans les locaux d'attente ou de caisse où sont installés les appareils qui sont également à la disposition du personnel. Le contrat de location y afférant a donc bien été conclu entre professionnels et les dispositions du Code de la consommation, notamment celles relatives aux clauses abusives, ne sont dès lors pas applicables. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
[minute Jurica page 2]
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
TREIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 30 MARS 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 04/05926. Code nac : 59A. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 mai 2004 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES - N° chambre : 4 - N° RG : 2002f03224.
LE TRENTE MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
Monsieur X. exerçant sous l'enseigne « ELECTR'AUTOS »
[adresse], représenté par la SCP JUPIN-ALGRIN, avoués - N° du dossier 20710, assisté de Maître BERTIN, avocat au barreau de Nancy
INTIMÉE :
SA PARFIP FRANCE
[adresse], représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - N° du dossier 0440374, assistée de Maître Nathalie SAGNES-JIMENEZ, avocat au barreau de Bourg en Bresse
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 février 2006 devant la cour composée de : Monsieur Jean BESSE, président, Madame Dominique ANDREASSIER, conseiller, Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Agnès ANGELVY
ARRÊT : Contradictoire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute Jurica page 3] Monsieur X. est appelant d'un jugement rendu le 21 mai 2004 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES qu'il avait saisi d'une opposition à une ordonnance d'injonction de payer préalablement rendue le 9 juillet 2002 au profit de la SA PARFIP FRANCE par suite de la résiliation d'un contrat de location d'un distributeur de boissons et d'une fontaine à eau pour défaut de paiement des loyers, et qui l'a notamment :
- débouté de ses exceptions d'irrecevabilité, d'inopposabilité et de nullité ;
- condamné à payer à la SA PARFIP FRANCE la somme de 9.131,34 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2002 à titre d'indemnité de résiliation, outre celle de 1 € à titre de clause pénale ;
- condamné à restituer le matériel à la SA PARFIP FRANCE ;
- et condamné au paiement d'une indemnité de 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Monsieur X. avait en effet commandé en janvier 2002 à la société FONTEX un distributeur de boissons chaudes et une fontaine à eau, moyennant un loyer global à payer à la SA PARFIP FRANCE qui en était devenue propriétaire. La société FONTEX devait pour sa part assurer la maintenance des appareils et livrer les consommables. Or à partir de mai 2002, la société FONTEX, qui faisait l'objet d'une procédure collective, n'a plus assuré ses prestations. Se trouvant dès lors dans l'impossibilité d'utiliser le matériel, Monsieur X. considérait que la location en était également résiliée. Il interrompait donc le règlement des échéances de location. La SA PARFIP FRANCE engageait dès lors la présente procédure en résiliation du contrat de location aux torts du locataire et en paiement des indemnités contractuelles de résiliation.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 3 décembre 2004, Monsieur X. critique le jugement déféré ayant rejeté toute son argumentation sur le caractère indivisible des deux prestations et ayant prononcé la résiliation du contrat à ses torts par suite du non paiement des échéances de la location. Il prétend que les deux conventions de location longue durée et de prestation de services constituaient un ensemble indivisible s'inscrivant dans le cadre d'une opération globale reposant sur le même support contractuel, moyennant un loyer unique pour la location du matériel et la fourniture des consommables correspondants. Il soulève par ailleurs l'inopposabilité à son égard des dispositions contractuelles spécifiant l'existence de deux contrats distincts : il n'aurait en effet pas approuvé ces clauses figurant seulement en petits caractères au verso du document ; l'existence de la SA PARFIP FRANCE comme partenaire contractuel lui aurait été cachée ; enfin ces dispositions devraient être considérées comme abusives au sens du Code de la consommation, applicable entre professionnels dès lors que le contrat n'est pas en rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant. Il demande donc à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de débouter la SA PARFIP FRANCE de toutes ses prétentions et de la condamner au paiement d'une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
[minute Jurica page 4] Par conclusions signifiées le 27 décembre 2005, la SA PARFIP FRANCE soutient au contraire la confirmation du jugement pour les mêmes motifs que ceux qui y sont énoncés, sauf en ce qui concerne la réduction de la clause pénale, demandant donc à la cour, y ajoutant, de condamner Monsieur X. à lui payer les sommes de 946,65 € de clause pénale, de 15 € de frais et de 2.000 € pour frais irrépétibles.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il est constant que Monsieur X. qui exploite à [ville M.] un fonds de commerce de garage à l'enseigne « ELECTR'AUTOS », a signé le 10 janvier 2002 avec la société FONTEX un contrat de location longue durée d'un distributeur de boissons chaudes et d'une fontaine à eau, moyennant le paiement de 48 loyers mensuels de 255,25 € TTC, comprenant la location du matériel, son entretien et la livraison des produits consommables. Comme elle y était expressément autorisée par les conditions générales de vente, la société PARFIP s'est substituée à la société FONTEX le 18 février 2002 dans la location du matériel qu'elle lui avait cédé, lui laissant assurer les prestations de service relatives à l'entretien et à la livraison des consommables. Le contrat s'est déroulé normalement jusqu'à ce que la société FONTEX soit mise en redressement judiciaire le 16 avril 2002, puis en liquidation judiciaire le 13 mai 2002. Constatant alors la cessation des prestations de services, Monsieur X. cessait également de régler le loyer, malgré mise en demeure un 21 juin 2002 valant résiliation avec préavis de huit jours.
Comme en première instance, l'objet essentiel du litige porte sur les dispositions du contrat prévoyant, sur un support contractuel unique, l'indépendance juridique de deux contrats distincts de location de matériel et de fourniture de consommables : l'appelant en conteste la validité ou l'opposabilité à son égard ; enfin, pour s'opposer aux effets de la résiliation à ses torts du contrat de location par suite de l'interruption du paiement des loyers, il invoque à son profit la théorie de l'indivisibilité des contrats.
Sur l'exception d'inopposabilité :
Monsieur X. prétend qu'il n'aurait pas expressément approuvé les conditions générales de vente, dont notamment la clause permettant à la société FONTEX de céder le matériel à la SA PARFIP FRANCE, figurant seulement en petits caractères au verso du document dont il n'a signé que le recto.
Mais ces allégations ne sont pas conformes à la réalité : la production par la SA PARFIP France du contrat original démontre le locataire a bien signé un contrat l'obligeant tant à l'égard du bailleur que du prestataire de services, aux termes des conditions générales figurant au verso du contrat en caractères parfaitement lisibles. Il a ensuite dûment été informé de la cession du matériel à la SA PARFIP FRANCE qui s'est donc substituée à la société FONTEX en ce qui concerne la location, lui laissant assurer les prestations de service relatives à l'entretien et à la livraison des consommables. Le contrat a enfin été exécuté conformément aux conditions générales à l'égard desquelles le locataire n'a émis aucune réserve. Il est dès lors peu important que les conditions générales qui faisaient partie [minute Jurica page 5] intégrante du contrat n'aient pas été spécialement approuvées. Elles demeurent bien opposables à Monsieur X.
Sur l'exception de nullité :
En prétendant que l'existence de la SA PARFIP FRANCE comme partenaire contractuel lui aurait été cachée, Monsieur X. n'invoque pas seulement l'inopposabilité des dispositions contractuelles à son, égard, mais également leur nullité pour dol.
Or l'existence d'un support contractuel unique n'empêche pas la conclusion de deux contrats distincts, dont un contrat de location assuré par la SA PARFIP FRANCE, elle-même signataire du contrat et bénéficiant aux termes de son article 6, d'une clause lui permettant d'accéder à la propriété des équipements et donc à la qualité de bailleur. La preuve du dol invoqué par Monsieur X. n'est donc pas établie.
Sur l'exception de clause abusive :
Selon l'appelant, les dispositions contractuelles prévoyant le transfert du matériel à la SA PARFIP FRANCE et le maintien des obligations du locataire à son égard nonobstant l'absence de fourniture des consommables, devraient être considérées comme abusives au sens du Code de la consommation, applicable entre professionnels dès lors que le contrat n'est pas en rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant.
Mais la distribution de boissons à l'attention de la clientèle et du personnel est nécessairement en rapport avec l'activité commerciale de Monsieur X. qui reçoit le public dans les locaux d'attente ou de caisse où sont installés les appareils qui sont également à la disposition du personnel. Le contrat de location y afférant a donc bien été conclu entre professionnels et les dispositions du Code de la consommation, notamment celles relatives aux clauses abusives, ne sont dès lors pas applicables.
Sur la théorie de l'indivisibilité :
Monsieur X. prétend que les deux conventions de location longue durée et de prestation de services constituaient un ensemble indivisible s'inscrivant dans le cadre d'une opération globale reposant sur le même support contractuel, moyennant un loyer unique pour la location du matériel et la fourniture des consommables correspondants. Il soutient qu'en l'absence de fourniture des consommables et d'entretien des appareils, il était en droit de suspendre le paiement des loyers. Il appartenait selon lui au bailleur de faire en sorte que l'entretien et la fourniture des consommables soient assurés par un autre prestataire. En conséquence la résiliation du contrat ne résulterait pas du défaut de paiement des loyers, mais de la non exécution des obligations du bailleur.
Mais, s'il est exact que l’opération comporte d'une part la location de deux appareils, et d’autre part la fourniture de consommables dans des limites fixées, ainsi que l'entretien des appareils, elle [minute Jurica page 6] entraînait cependant pour Monsieur X. l'intervention de deux cocontractants : la SA PARFIP FRANCE d'une part qui s'était expressément réservée la possibilité de se substituer au fournisseur initial pour devenir le bailleur du matériel dont elle avait acquis la propriété ; et la société FONTEX d'autre part, chargée la livraison des consommables et de l'entretien des appareils. Ces dernières obligations n'incombaient donc nullement à la SA PARFIP France.
Les relations entre les trois parties sont d'ailleurs clairement régies par le contrat qui prévoit que le locataire versera les loyers mensuels à la SA PARFIP FRANCE, dont elle reversera à la société FONTEX la part lui revenant. L'attention du locataire y est enfin expressément attirée sur « l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur », dont il résulte que le locataire « renonce ainsi à toute suspension ou réduction du loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur ».
Ces stipulations écartent expressément toute indivisibilité entre le contrat de location du matériel et les fournitures et prestations annexes. Une telle indivisibilité ne résulte d'ailleurs d'aucune circonstance particulière tenant à la prestation de fourniture des consommables propres à un distributeur de boissons ou à une fontaine à eau qui, en réalité, se trouve aisément dans le commerce et ne comporte aucune difficulté technique majeure. C'est donc également à bon droit que les premiers juges ont écarté la théorie de l'indivisibilité.
Sur la résiliation des contrats :
Il est constant que par suite de la défaillance du fournisseur désormais en liquidation judiciaire, le contrat de prestation de services qui n'a pas été poursuivi, s'est trouvé résilié.
Mais la défaillance du prestataire ne dispensait pas Monsieur X. de payer à la SA PARFIP FRANCE les loyers convenus. La résiliation du contrat résulte donc de la mise en jeu de la clause résolutoire de plein droit pour non paiement des loyers. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté cette résiliation aux torts de Monsieur X., à compter du 21 juin 2002, après mise en demeure infructueuse dont il résultait une interpellation suffisante du débiteur et en ce qu'il a condamné Monsieur X. au paiement des loyers échus impayés et de l'indemnité de résiliation pour des montants qui ne sont plus contestés en cause d'appel.
Sur la clause pénale :
Le contrat prévoit à titre de clause pénale une majoration de 10 % du montant des loyers impayés et à échoir. Calculée forfaitairement, cette majoration constitue bien une clause pénale dont le montant, manifestement abusif, justifie la réduction appliquée par les premiers juges en vertu des dispositions de l'article 1152 du Code civil. Cette décision mérite également confirmation.
Sur les demandes annexes :
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais irrépétibles en [minute Jurica page 7] cause d'appel. Les demandes formées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile sont donc rejetées, indépendamment de la décision prise au même titre par les premiers juges et qui mérite encore confirmation. Enfin les dépens incombent à la partie succombante.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 21 mai 2004 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant, déboute Monsieur X. et la SA PARFIP FRANCE de leurs demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Condamne Monsieur X. aux entiers dépens, dont distraction au profit des avoués à la cause qui peuvent y prétendre, par application des dispositions de l'article 699 du même code.
Arrêt prononcé par Monsieur Jean BESSE, président, et signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Monsieur Jean-François MONASSIER, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,
- 5877 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : conclusion entre professionnels ou commerçants
- 5903 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Amélioration des conditions de travail
- 5904 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Amélioration du service offert au client
- 5907 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Exécution du contrat - Lieu et période d’exécution
- 5929 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Mise à disposition d’un distributeur de boissons
- 7287 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit antérieur aux arrêts de Chambre mixte