CA NANCY (1re ch. civ.), 15 février 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 2600
CA NANCY (1re ch. civ.), 15 février 2011 : RG n° 09/00725 ; arrêt n°11/00458
Publication : Jurica
Extrait : « Or en premier lieu, c'est en termes dépourvus de toute équivoque que la clause critiquée précise que c'est à l'assuré, qui entend obtenir l'application de la garantie en cas de vol, de faire la preuve de l'événement garanti et des conditions pour bénéficier de sa mise en jeu. En second lieu, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, la preuve exigée de l'assuré n'est nullement impossible puisqu'en l'absence de traces d'effraction il est permis à l'assuré d'établir le vol par escalade, par usage de fausses clés ou par introduction clandestine. Enfin, c'est par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que l'appréciation par l'assureur du risque vol serait faussée si l'assuré, n'étant plus tenu de rapporter la preuve des conditions dans lesquelles le vol s'est réalisé, pouvait prétendre au bénéfice d'une assurance de vol tous risques, tout en réglant une prime très inférieure au titre d'un contrat multirisques habitation. Par conséquent, en dépit de l’avis n° 85-04 de la Commission des clauses abusives, qui ne s'impose pas au juge, Mme X. soutient en vain que l'article 83 susvisé serait une clause abusive, alors que n'est démontré aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.
Force est alors de constater que l'expert mandaté par l'assureur de dommages, pas plus que l'expert mandaté par l'assureur de protection juridique de Mme X. n'a pu constater de trace d'effraction sur la porte d'entrée ou sur le barillet. Et les deux expert admettent unanimement qu'eu égard aux caractéristiques de la serrure qui équipait cette porte, l'usage de fausses clés est exclue. Par conséquent, Mme X. n'alléguant aucune des autres circonstances prévues par le contrat, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté toutes ses demandes. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE NANCY
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/00725. ARRÊT n° 11/00458. Décision déférée à la Cour : Déclaration d'appel en date du 6 mars 2009 d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY, R.G. n° 08/03416, en date du 30 janvier 2009.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], Comparant et procédant par le ministère de la SCP MERLINGE BACH WASSERMANN ET FAUCHEUR SCHIOCHET, avoués à la Cour, Plaidant par Maître Maxime JOFFROY, avocat au barreau de NANCY,
INTIMÉE :
Compagnie d'assurances AREAS DOMMAGES
dont le siège est [adresse], prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, Comparant et procédant par le ministère de la SCP MILLOT LOGIER ET FONTAINE, avoués à la Cour, Plaidant par Maître Marie-Line DIEUDONNE, avocat au barreau de NANCY,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 janvier 2011, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, entendu en son rapport, Madame Joëlle ROUBERTOU, Conseiller, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame DEANA ;
À l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au Greffe le 15 février 2011, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 15 février 2011, par Madame OLMEDO, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Madame OLMEDO, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Propriétaire occupante de son logement situé à Nancy, Mme X. a souscrit auprès de la société AREAS Dommages, une police multirisques habitation. L'article 83 des conditions générales énonce que les conséquences du vol sont garanties lorsque les faits sont commis dans l'une des circonstances suivantes, que l'assuré doit établir :
a) l'effraction des locaux,
b) l'escalade caractérisée des locaux,
c) l'usage de fausses clés,
d) l'introduction clandestine, définie comme étant l'introduction du voleur dans les locaux renfermant les biens à l'insu de l'assuré, lorsque l'assuré ou toute personne autorisée se trouve dans les locaux, l'introduction par l'usage de fausse qualité étant assimilée à l'introduction clandestine,
e) l'introduction précédée ou suivie de violences mettant en danger la vie ou l'intégrité physique des personnes présentes dans les locaux.
Mme X., qui s'est absentée de son domicile le 5 juillet 2006 entre 14 h et 17 h15, a constaté à son retour l'impossibilité de déverrouiller la porte blindée. Elle a fait appel à un serrurier qui a percé le barillet à l'aide d'un chalumeau. Le jour même, elle a porté plainte pour vol, notamment de bijoux et d'objets de valeur, dont deux coupes Daum. L'assureur a fait examiner les lieux par un expert, qui a conclu à l'impossibilité de caractériser l'effraction et qui a exclu l'usage de fausses clés. Se fondant sur ces constations, la société a refusé sa garantie.
Faisant valoir que la société AREAS Dommages ne rapporte pas la preuve de l'exclusion de garantie qu'elle oppose, Mme X., par acte du 30 juin 2008, l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance en paiement d'une somme de 19.799,50 euros représentant la valeur des biens volés, d'une somme de 102 euros en compensation des frais d'intervention du serrurier et d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts. Dans le dernier état de ses écritures, Mme X., invoquant la recommandation n° 85-04 de la Commission des clauses abusives, a demandé au tribunal de réputer non écrite la clause de la police qui introduit des exclusions indirectes dans la définition de la garantie vol.
Par jugement du 30 janvier 2009, le tribunal a débouté Mme X. de toutes ses demandes. Après avoir rappelé que les recommandations de la Commission des clauses abusives n'ont pas valeur contraignante, le tribunal a estimé que la clause critiquée, qui ne requiert aucune interprétation, n'interdit pas à l'assuré, en l'absence d'effraction, d'établir que le vol a été commis par escalade, par usage de fausses clés, par introduction clandestine ou par violence. Il a estimé que l'appréciation par l'assureur du risque de vol serait faussée si l'assuré, n'étant plus tenu de rapporter la preuve des conditions dans lesquelles le vol s'est réalisé, pouvait prétendre au bénéfice d'une assurance vol tous risques, tout en ne réglant qu'une prime très inférieure dans le cadre d'un contrat multirisques habitation. Le tribunal en a déduit que la clause incriminée n'est pas abusive. Puis il a constaté que Mme X. ne rapporte la preuve, ni d'une effraction, ni d'une autre circonstance incluse dans la définition de la garantie du risque vol dans la police d'assurance.
Mme X. a interjeté appel par déclaration du 6 mars 2009.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par ses dernières écritures, notifiées et déposées le 23 novembre 2010, Mme X. demande à la cour, par voie de réformation du jugement déféré, de faire droit à ses demandes initiales et de condamner la société AREAS Dommages à lui payer une somme de 2.000 euros en remboursement de ses frais de défense non compris dans les dépens.
L'appelante fait valoir que dans le doute sur le mode opératoire mis en œuvre par le ou les voleurs, les conditions de la garantie doivent être réputées réunies, par application des articles 1156 et suivants du Code civil et 133-2 du Code de la consommation, dès lors que sa bonne foi n'est pas mise en cause. Elle relève que la valeur des biens dérobés n'excède pas le plafond de garantie et soutient qu'est probante, l'attestation rédigée par sa fille sur la valeur des coupes Daum, dans la mesure où elle est un spécialiste de la production de ce verrier. Elle fait valoir que les limitations de garanties relatives aux bijoux et objets précieux doivent être réputées non écrites, s'agissant de clauses abusives, selon la recommandation n° 85-04. Subsidiairement, elle invoque cette même recommandation pour réitérer qu'est abusive la clause qui restreint la définition de la garantie vol.
Par ses écritures dernières, notifiées et déposées le 9 décembre 2010, la société AREAS Dommages conclut à la confirmation du jugement et réclame une somme de 2.000 euros en remboursement de ses frais de défense non compris dans les dépens d'appel.
L'intimée réplique que l'impossibilité pour Mme X. de démontrer que l'une des conditions s'est trouvée accomplie n'a pas pour conséquence de rendre abusives les clauses stipulées, dès lors qu'il n'est pas avéré que ces clauses emportent un déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties. Subsidiairement, elle conteste la valeur probante des pièces produites pour estimer les biens volés.
L'instruction a été déclarée close le 13 décembre 2010.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article 83 des conditions générales de la police d'assurance dont l'application est en cause n'institue pas une cause d'exclusion, mais définit les conditions de la garantie relative aux vols commis dans les locaux assurés.
Aux termes de l’article L. 132-1, alinéa 1er du Code de la consommation, dans sa rédaction résultant de la loi du 1er février 1995, sont abusives, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.
Or en premier lieu, c'est en termes dépourvus de toute équivoque que la clause critiquée précise que c'est à l'assuré, qui entend obtenir l'application de la garantie en cas de vol, de faire la preuve de l'événement garanti et des conditions pour bénéficier de sa mise en jeu. En second lieu, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, la preuve exigée de l'assuré n'est nullement impossible puisqu'en l'absence de traces d'effraction il est permis à l'assuré d'établir le vol par escalade, par usage de fausses clés ou par introduction clandestine. Enfin, c'est par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que l'appréciation par l'assureur du risque vol serait faussée si l'assuré, n'étant plus tenu de rapporter la preuve des conditions dans lesquelles le vol s'est réalisé, pouvait prétendre au bénéfice d'une assurance de vol tous risques, tout en réglant une prime très inférieure au titre d'un contrat multirisques habitation. Par conséquent, en dépit de l’avis n° 85-04 de la Commission des clauses abusives, qui ne s'impose pas au juge, Mme X. soutient en vain que l'article 83 susvisé serait une clause abusive, alors que n'est démontré aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.
Force est alors de constater que l'expert mandaté par l'assureur de dommages, pas plus que l'expert mandaté par l'assureur de protection juridique de Mme X. n'a pu constater de trace d'effraction sur la porte d'entrée ou sur le barillet. Et les deux expert admettent unanimement qu'eu égard aux caractéristiques de la serrure qui équipait cette porte, l'usage de fausses clés est exclue. Par conséquent, Mme X. n'alléguant aucune des autres circonstances prévues par le contrat, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté toutes ses demandes.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne Mme X. à payer à la société AREAS Dommages une somme de CINQ CENTS EUROS (500 euros) au titre des frais de défense non compris dans les dépens d'appel ;
La condamne aux dépens de l'instance d'appel et accorde à l'avoué de l'intimée un droit de recouvrement direct dans les conditions prévues par l’article 699 du Code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur DORY, Président de la première Chambre Civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame OLMEDO, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : MC. OLMEDO.- Signé : G. DORY.-
- 5996 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Absence de caractère normatif
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 5999 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Avis de la Commission des clauses abusives
- 6019 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Adéquation au prix
- 6033 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Esprit du contrat - Contrat aléatoire
- 6381 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Habitation - Obligations de l’assureur - Vol