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TGI CHÂTEAUROUX, 2 septembre 1998

Nature : Décision
Titre : TGI CHÂTEAUROUX, 2 septembre 1998
Pays : France
Juridiction : Châteauroux (TGI)
Demande : 96/01821
Décision : 98/1/284
Date : 2/09/1998
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 2/12/1996
Numéro de la décision : 284
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2749

TGI CHÂTEAUROUX, 2 septembre 1998 : RG n° 96/01821 ; jugement n° 98/1/284

(sur appel CA Bourges (1re ch.), 7 mars 2000 : RG n° 199802068 ; arrêt n° 361)

 

Extrait : « Attendu que la documentation commerciale ne s'adresse qu'à des professionnels de la santé et non au public, que le matériel de stimulation et de drainage ne peut être vendu qu'à ces professionnels et non à des consommateurs, entendu dans le sens du Code de la Consommation, étant donné l'investissement important qu'il représente ; qu'enfin la vente des ce matériel à un rapport direct avec l'activité professionnelle de Madame X. qui est infirmière, peu importe que cette activité soit parallèle ou complémentaire ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CHÂTEAUROUX

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 2 SEPTEMBRE 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 96/01821. Jugement n° 98/1/284

 

DEMANDEUR :

Société CAPITAL FORME

[adresse], ayant constitué pour avocat postulant la SCP CALVEZ, TALBOT du barreau de CHÂTEAUROUX et pour avocat plaidant Maître LAMOTTE du barreau de PARIS

 

DÉFENDEUR :

Madame X.

[adresse], ayant constitué pour avocat Maître ROUET-HEMERY du barreau de CHÂTEAUROUX et plaidant par Maître BALLEREAU avocat collaboratrice de Maître ROUET HEMERY

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats, Président : M. Jacques LEFLAIVE ; Assesseurs : Madame Nicole CHARITONSKY, Juge ; Madame Geneviève PRADINES, Juge ; Assistés de Madame Béatrice VIRARD faisant fonctions de Greffier.

[minute page 2] DÉBATS : Les débats ont eu lieu à l'audience publique du 23 juin 1998, le Tribunal a mis l'affaire en délibéré pour le2 septembre 1998, et le Président en a avisé les parties, et ce jour 2 septembre 1998, le Tribunal après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le jugement suivant

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement par M. Jacques LEFLAIVE, Président.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS DES PARTIES :

Madame X., infirmière libérale, a signé le 5 septembre 1996 un bon de commande portant acquisition auprès de la Société CAPITAL FORME d'un appareil de stimulation musculaire et drainage pour un montant TTC de 198.990 francs. Elle s'est rétractée par courrier en date du 10 septembre 1996 et a demandé la restitution du chèque émis, représentant le montant du prix de vente. Par ordonnance de référé en date du 19 février 1997 le Président du tribunal de grande instance de CHÂTEAUROUX donnait acte à la société CAPITAL FORME de son accord de ne pas encaisser le chèque jusqu'à la solution du litige.

Par assignation en date du 2 décembre 1996, reçue au greffe le 9 décembre 1996, la société CAPITAL FORME a fait citer Madame X. devant le tribunal de grande instance de CHÂTEAUROUX aux fins de la voir condamner au paiement

- de la somme de 198.990 francs avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 1996,

- celle de 10.000 francs pour résistance abusive,

- celle de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens.

Par assignation en date du 5 décembre 1996, reçue au greffe le 10 décembre 1996, Madame X. a fait citer la société CAPITAL FORME devant ledit tribunal, aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire

* prononcer la nullité du bon de commande du 5 septembre 1996 et des ses annexes,

* [minute page 3] condamner la défenderesse au paiement de la somme de :

- 20.000 francs sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil,

- 100.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens.

Les procédures ont été jointes par ordonnance rendue le 24 janvier 1997.

Madame X. expose que le bon de commande signé le 5 septembre 1996 est nul en application des articles 1108, 1109, 1110 et 1116 du Code Civil, qu'en effet, elle a été victime des manœuvres dolosives du démarcheur de la société CAPITAL FORME qui a abusé de sa vulnérabilité due à son état de santé. Elle affirme que, fatiguée et perturbée, elle n'avait pas la capacité de contracter comme l'atteste le certificat médical délivré par le Docteur N. et que son état de santé n'était pas ignoré de son co-contractant comme le révèle le courrier qu'il lui adressait le 16 septembre 1996.

Elle ajoute que les soins d'amaigrissement apportés à l'aide du matériel relèvent plus de l'exercice illégal de la médecine et de la kinésithérapie ainsi que cela résulte de l'avis émis par l'Académie de Médecine dans sa séance du 15 novembre 1994.

Enfin, elle argue que, comme tout consommateur, elle doit bénéficier de la loi du 31 décembre 1989 et 22 décembre 1992 et qu'ainsi le vendeur devait lui remettre le formulaire détachable destiné à lui permettre d'exercer son droit de rétractation dans le délai de 7 jours et qu'en tout état de cause elle s'est rétractée dans le délai légal.

Par conclusions signifiées le 23 avril 1997, la société CAPITAL FORME a répliqué que Mme X. ne rapportait pas la preuve des manœuvres dolosives dont elle se prétend victime et que le certificat médical délivré par le Docteur N. est insuffisant pour démontrer une incapacité à contracter.

La défenderesse indique que l'avis émis par l'Académie de Médecine n'a aucune valeur réglementaire et qu'il est erroné en ce que d'une part les soins d'amaigrissement à l'aide de massages par électro-stimulation relèvent de l'exercice simple de la profession d'infirmière et en ce que, d'autre part les actes professionnels accomplis par les masseurs kinésithérapeutes sont constitués par des massages réalisés manuellement sur la peau ou par l'intermédiaire d'appareillages autres que les appareils d'électrothérapie alors que précisément les appareils vendus sont de cette catégorie.

[minute page 4] Enfin, elle affirme que la vente a été consentie à Madame X. dans le cadre de sa profession d'infirmière qui ne créait pas d'activité nouvelle puisque entrant dans l'exercice de sa profession et qu'ainsi la loi relative au démarchage à domicile n'est pas applicable.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 1998.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LE TRIBUNAL :

1 - Sur la nullité du bon de commande pour vice de consentement :

Attendu qu'au soutien de ses affirmations Madame X. produit une attestation du Docteur N. établie le 3 octobre 1996 indiquant qu'elle « présentait avant le 5 septembre 1996 un état psychologique fragile »,

- une documentation commerciale « Aspects juridiques et fiscaux » qui rappelle le rôle propre de la profession d'infirmier dans la dispense des soins d'amaigrissement et qui ne constituerait pas un exercice illégal de la médecine ni de la profession de masseur kinésithérapeute,

- une autre documentation commerciale intitulée « le traitement avec CAPITAL FORME » qui rappelle les textes du Code de la Santé Publique et le décret du 15 mars 1993 n° 93-345 réglementant la profession d'infirmier et la solution de CAPITAL FORME pour résoudre les problèmes de poids par la diététique, l'électro-stimulation musculaire et le drainage lymphatique,

- enfin le numéro 231 de la revue Avenir et Santé (revue des infirmières libérales) qui, dans un article indiquait que, selon l'avis de l'Académie de Médecine en date du 15 novembre 1994, l'utilisation d'appareils relevait de l'exercice illégal de la profession de masseur kinésithérapeute et les soins d'amaigrissement de l'exercice illégal de la médecine ;

Attendu, d'une part, qu'en soi un état psychologique fragile n'interdit pas à celui qui en est sujet de contracter ;

Attendu que l'attestation établie par le Docteur N. est rédigée en termes vagues, et ne démontre pas la vulnérabilité ou l'état de faiblesse invoqués qui auraient empêché Madame X. de donner un consentement éclairé, qu'il convient de relever que sa profession d'infirmière la mettait à même d'apprécier son état de santé ;

qu'au surplus, elle avait nécessairement conscience de la portée de son engagement puisqu'elle se rétractait 5 jours plus tard évoquant le délai de réflexion de 7 jours prévu par la loi (relative au démarchage) ;

[minute page 5] Attendu, d'autre part, que Madame X., qui est une professionnelle de la santé, ne peut prétendre avoir été trompée par la documentation remise par CAPITAL FORME qui ne faisait que rappeler les textes définissant les actes professionnels des infirmiers et masseurs kinésithérapeutes, les règles déontologiques en matière de secret professionnel et ainsi que les soins d'amaigrissement à l'aide d'appareil de stimulation musculaire et de drainage s'inscrivant dans un développement d'activités dans le cadre légal de la profession ;

qu'ainsi, il n'est pas rapporté la preuve de manœuvres dolosives et la demande de nullité sera rejetée ;

 

2 - Sur la nullité pour non respect de la loi sur le démarchage à domicile :

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L. 121-23 4° dudit Code « ne sont pas applicables les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 des ventes de biens ou de prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale, artisanale ou de toute autre profession » ;

Attendu que la documentation commerciale ne s'adresse qu'à des professionnels de la santé et non au public, que le matériel de stimulation et de drainage ne peut être vendu qu'à ces professionnels et non à des consommateurs, entendu dans le sens du Code de la Consommation, étant donné l'investissement important qu'il représente ;

qu'enfin la vente des ce matériel à un rapport direct avec l'activité professionnelle de Madame X. qui est infirmière, peu importe que cette activité soit parallèle ou complémentaire ;

que dans ces conditions, la demande de nullité sera également rejetée ;

 

3 - Sur la demande de 10.000 francs de la société CAPITAL FORME pour résistance abusive de Madame X. :

Attendu qu'il n'est pas rapporté la preuve du refus malicieux de Mme X. de payer le montant de la commande, celle-ci ayant contesté dans de brefs délais la validité du contrat ;

[minute page 6]

4 - Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société CAPITAL FORME les frais exposés non compris dans les dépens ;

 

5 - Sur les dépens :

Attendu que Madame X., qui succombe, supportera les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

DÉBOUTE Madame X. de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE Madame X. à payer à la société CAPITAL FORME la somme de 198.990 francs (CENT QUATRE VINGT DIX HUIT MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT DIX francs) avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 1996, date de la citation en justice,

DÉBOUTE la société CAPITAL FORME du surplus de ses demandes,

CONDAMNE Madame X. à payer à la société CAPITAL FORME la somme de 5.000 francs (CINQ MILLE francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

La CONDAMNE aux dépens.

Et le Président a signé avec le Greffier.

LE GREFFIER                LE PRÉSIDENT

B. VIRARD                        J. LEFLAIVE