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TI LYON (sect. St. Genis), 13 septembre 2004

Nature : Décision
Titre : TI LYON (sect. St. Genis), 13 septembre 2004
Pays : France
Juridiction : Lyon (TI)
Demande : 11-03-003586
Date : 13/09/2004
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 11/09/2003
Décision antérieure : CA LYON (6e ch.), 2 mars 2006
Numéro de la décision : 269
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2775

TI LYON (sect. St. Genis), 13 septembre 2004 : RG n° 11-03-003586 ; jugement n° 269

(sur appel CA Lyon (6e ch. civ.), 2 mars 2006 : RG n° 04/06687)

 

Extraits : 1/ « Si l'application des articles 1156 et suivants du Code Civil semble exclue lorsque la formulation des dispositions contractuelles est claire et dénuée d'ambiguïté, la question de cette application reste d'actualité s'agissant d'apprécier la portée de dispositions contractuelles apparemment claires lorsque qu'une acception étroite des termes qu'elles contiennent aboutit à les priver de tout effet.

En l'espèce, la mise en œuvre de la garantie « annulation de voyage », ensuite d'une maladie grave, suppose la réunion de trois critères dont celui relatif à l'interdiction de garder la chambre. Il n'est pas établi que ce critère corresponde à des pratiques médicales ou hospitalières actuelles si ce n'est dans des pathologies très limitées. De ce fait, l'acception étroite de ce critère, limitée à la seule considération matérielle de la chambre à coucher, vide la garantie contractuelle de sa substance, même en cas de maladie grave reconnue comme tel par une autorité médicale compétente. Il convient donc, en application des articles 1157 et 1162 du Code Civil d'interpréter largement la notion de chambre, comme étant celle du domicile ou de la résidence.

Le Docteur F., dans son troisième avis médical du 17 décembre 2002, confirme que l'état de santé de Madame X., dans les suites de son intervention, nécessitait de cesser toute activité professionnelle ainsi qu'un repos au domicile. »

2/ « Au surplus, il convient de relever que la question du caractère abusif de la clause litigieuse reste posée, dans la mesure où le critère relatif à l'interdiction de quitter la chambre aboutit à vider la garantie de sa substance si cette notion est considérée étroitement et ce, nonobstant l'intervention du médecin traitant de l'assuré qui répondra fréquemment par la négative s'agissant de celui-ci, même en cas de maladie grave de son patient. Il en résulte que ce critère a pour effet de créer, au détriment de l'assuré, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE LYON

SECTION SAINT GENIS

JUEMENT DU 13 SEPTEMBRE 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-03-003586. Jugement n° 269. Code NAC : 56Z.

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE : LAROQUE Pierre

GREFFIER : AURELLE Murielle

 

ENTRE :

DEMANDEURS :

Monsieur X.

[adresse],  représenté de Maître PORTAL Jean-Michel T.32, avocat au barreau de LYON

Madame X.

[adresse], représentée de Maître PORTAL Jean-Michel T.32, avocat au barreau de LYON

 

ET :

DÉFENDEUR :

Société SNC ISMB

[adresse], représentée par Maître GUITTET Yann T 228, avocat du barreau de LYON, Citée à personne habilitée le 11 septembre 2003 par Maître PICARD huissier de Justice à LEVALLOIS PERRET

 

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Société CAMCA

[adresse],  représentée par Maître GUITTET Yann T 228, avocat du barreau de LYON

 

DÉBATS : Première audience : 20 octobre 2003

Date de la mise en délibéré : 5 juillet 2004

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur X. et Madame X. ont acquis, à la fin de l'année 2001 et pour la semaine du 9 au 16 février 2002, quatre séjours au Club Méditerranée à AGADIR pour eux-mêmes et leurs enfants.

Monsieur X. s'est acquitté du paiement du prix de ce voyage au moyen de sa carte « GOLD MASTERCARD ».

Le 1er février 2002, Madame X. a été opérée d'une tumeur du bas fond vésiculaire.

Par courrier du 8 février 2002, Monsieur X. a demandé à la SA Club Méditerranée de bien vouloir noter l'annulation du voyage et a sollicité, au titre de la maladie grave dont était atteinte son épouse, la mise en œuvre de la garantie « Annulation de voyage » bénéficiant aux titulaires de la carte EURO CARD MASTERCARD.

A la suite de courriers successifs et malgré la production de certificats médicaux plus circonstanciés, la Société ISMB, chargée de l'instruction de la demande, s'est refusée à mettre en œuvre la garantie sollicitée au motif que l'affection subie par Madame X. n'entrait pas dans la définition contractuelle de la maladie grave, notamment en ce qu'elle n'avait pas eu pour effet de lui interdire de quitter la chambre.

C'est dans ces conditions que, par exploit d'huissier du 11 septembre 2003, Monsieur et Madame X. ont assigné la Société ISMB devant le Tribunal de ce siège.

La Société CAMCA, auprès de laquelle a été souscrit le contrat d’ « assurance voyage » profitant à Monsieur X., est intervenue volontairement à l'instance aux côtés de son courtier, la Société ISMB.

Aux termes de leurs dernières écritures, Monsieur et Madame X. demandent au Tribunal de :

- Condamner solidairement les Sociétés ISMB et CAMCA à leur payer la somme de 4.488,75 € au titre du remboursement des frais de voyage exposés, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation,

A titre subsidiaire de,

- Dire et juger abusive la clause du contrat d'assurance,

- Condamner solidairement les Sociétés ISMB et CAMCA au paiement de la somme de 4.488,75 € au titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par eux à la suite du refus de remboursement des frais d'achat du voyage annulé,

Et en tout état de cause, de :

- Condamner celles-ci à leur payer la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,

- [minute page 3] Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- Condamner les défenderesses au paiement de la somme de 1.200 € en application de l'article 700 du NCPC

Au soutien de leurs demandes, qu'ils fondent sur l'application des articles 1134 et 1162 du Code Civil, et en réponse aux moyens de défense opposés par les défenderesses, ils incriminent à titre principal le caractère restrictif de la définition contractuelle de la maladie grave, laquelle empêche selon eux une application effective de la garantie sollicitée, ceci plus particulièrement en raison de l'imprécision de la formule « interdisant de garder la chambre » et du fait que cette dernière ne constitue pas un critère susceptible de caractériser la notion de maladie grave, qu'ils estiment devoir être retenue en l'espèce compte tenu de l'intitulé du questionnaire médical rempli par le chirurgien et de la teneur des certificats médicaux établis par celui-ci.

A titre subsidiaire, ils se prévalent, en application des articles L. 133-1 et L. 133- 2 du Code de la Consommation, du caractère abusif de la clause litigieuse en ce qu'elle est très défavorable aux consommateurs puisque conditionnée par des critères de mise en œuvre trop restrictifs pour lui conférer une application effective et qu'elle doit s'interpréter de ce fait, conformément aux intérêts des consommateurs. Ils font valoir que ceux-ci sont trompés sur l'étendue de la garantie consentie et incriminent sur ce point les manquements de l'assureur GOLD MASTERCARD à son devoir d'information.

Ils soutiennent enfin l'existence d'un préjudice moral tiré du discrédit opposé à leur demande d'indemnisation ainsi que la responsabilité encourue à cet égard par la Société ISMB en ce qu'elle a commis une faute dans l'appréciation d'une situation qui aurait dû donner lieu à la mise en œuvre de la garantie.

Les Sociétés CAMCA et ISBM concluent à la mise hors de cause de la Société ISMB au motif qu'elle n'est pas l'assureur des consorts X. et n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa mission de courtier, chargé de la gestion des sinistres, la vérification des conditions contractuelles de mise en œuvre de la garantie étant de l'essence même de sa mission et celle-ci s'étant limitée à opposer le fait que lesdites conditions n'étaient pas réunies en l'espèce.

A titre reconventionnel, la Société ISMB sollicite la condamnation des consorts X. au paiement de la somme de 1 € symbolique en réparation du préjudice moral ayant résulté de sa mise en cause.

La Société CAMCA fait valoir que sa garantie n'est pas due dans la mesure où les avis du médecin traitant et du médecin conseil ont concordé sur le fait que l'affection de Madame X. ne lui interdisait pas de quitter la chambre et qu'ainsi, les trois critères cumulatifs, nécessaires à la mise en œuvre de la garantie « annulation de voyage », au titre d'une maladie grave, n'étaient pas réunis.

Elle soutient que les termes de la clause litigieuse sont parfaitement clairs, qu'ils ne sont pas susceptibles d'une interprétation fondée sur l'application de l'article 1162 du Code Civil et que les demandeurs ont été à même, par sa [minute page 4] simple lecture, de mesurer l'étendue de la garantie souscrite.

Elle fait enfin valoir que cette clause ne peut être qualifiée d'abusive puisque le médecin traitant de l'assuré est associé à la qualification de la maladie grave qui détermine la mise en œuvre de la garantie et qu'ainsi, il n'existe pas déséquilibre significatif en défaveur de l'assuré.

A titre reconventionnel, elle sollicite la condamnation des consorts X. à lui payer, ainsi qu’à la Société ISMB, la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

L'affaire a été appelée à l'audience du 5 juillet 2004, lors de laquelle chacune des parties a été entendue en ses observations.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

A titre liminaire, il sera relevé que la qualité de mandataire de la Société ISMB n'est pas contestée. Il convient dès lors, de déclarer irrecevable la demande en paiement faite à son encontre et à titre principal par les consorts X., en ce qu'elle n'est pas partie au contrat et ne peut être tenue d'exécuter les obligations contractuelles de l'assureur.

Si l'application des articles 1156 et suivants du Code Civil semble exclue lorsque la formulation des dispositions contractuelles est claire et dénuée d'ambiguïté, la question de cette application reste d'actualité s'agissant d'apprécier la portée de dispositions contractuelles apparemment claires lorsque qu'une acception étroite des termes qu'elles contiennent aboutit à les priver de tout effet.

En l'espèce, la mise en œuvre de la garantie « annulation de voyage », ensuite d'une maladie grave, suppose la réunion de trois critères dont celui relatif à l'interdiction de garder la chambre.

Il n'est pas établi que ce critère corresponde à des pratiques médicales ou hospitalières actuelles si ce n'est dans des pathologies très limitées.

De ce fait, l'acception étroite de ce critère, limitée à la seule considération matérielle de la chambre à coucher, vide la garantie contractuelle de sa substance, même en cas de maladie grave reconnue comme tel par une autorité médicale compétente.

Il convient donc, en application des articles 1157 et 1162 du Code Civil d'interpréter largement la notion de chambre, comme étant celle du domicile ou de la résidence.

Le Docteur F., dans son troisième avis médical du 17 décembre 2002, confirme que l'état de santé de Madame X., dans les suites de son [minute page 5] intervention, nécessitait de cesser toute activité professionnelle ainsi qu'un repos au domicile.

Il résulte de ce certificat médical que les critères de détermination d'une maladie grave au sens du contrat sont en l'espèce réunis et que Monsieur et Madame X. peuvent valablement prétendre au bénéfice de la garantie « annulation de voyage ».

En conséquence, il convient de condamner la Société CAMCA à leur payer la somme de 4.488,75 € au titre du remboursement des frais de voyage exposés par eux, outre les intérêts y afférents à compter du 11 septembre 2003.

Au surplus, il convient de relever que la question du caractère abusif de la clause litigieuse reste posée, dans la mesure où le critère relatif à l'interdiction de quitter la chambre aboutit à vider la garantie de sa substance si cette notion est considérée étroitement et ce, nonobstant l'intervention du médecin traitant de l'assuré qui répondra fréquemment par la négative s'agissant de celui-ci, même en cas de maladie grave de son patient.

Il en résulte que ce critère a pour effet de créer, au détriment de l'assuré, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En revanche, il n'apparaît pas, à lecture des courriers échangés entre les époux X. et la Société ISMB que celle-ci ait tenté de jeter le discrédit sur l'affection dont souffrait Madame X. ni de tirer profit d'une position dominante.

Par ailleurs, sa seule divergence d'analyse des dispositions contractuelles, avec celle faite par les époux X., ne peut caractériser une faute de sa part, susceptible de fonder sa responsabilité délictuelle ou d'engager la responsabilité contractuelle de la Société CAMCA.

En conséquence, il convient de débouter les époux X. de leur demande en paiement de la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral allégué.

Réciproquement, la mise en cause par ceux-ci de la Société ISMB n'apparaît pas abusive dans le contexte de cette affaire et il convient en conséquence de débouter cette dernière de sa demande en paiement de la somme de 1 € symbolique à titre de dommages et intérêts.

L'exécution provisoire du présent jugement est compatible avec la nature du litige. Il convient en conséquence de la prononcer.

Pour faire valoir leurs droits, Monsieur et Madame X. ont été contraints d'exposer des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à leur charge. En conséquence, il y a lieu de condamner la Société CAMCA à leur payer la somme de 650 € en application de l'article 700 du NCPC.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

- Déclare irrecevable la demande en paiement de Monsieur X. et de Madame X. à l'encontre de la Société ISMB pour la somme de 4.488,75 € au titre du remboursement des frais de voyage exposés par eux,

- Donne acte à la Société CAMCA de son intervention volontaire,

- Condamne la Société CAMCA à payer à Monsieur X. et à Madame X. la somme de 4.488,75 € au titre du remboursement des frais de voyage exposés par eux, outre les intérêts y afférents à compter du 11 septembre 2003,

- Déboute Monsieur et Madame X. de leur demande en paiement de la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral allégué,

- Déboute la Société ISMB de sa demande en paiement de la somme d'1 € symbolique à titre de dommages et intérêts,

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

- Condamne la Société CAMCA à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 650 € en application de l'article 700 du NCPC,

- La condamne au paiement des entiers dépens.

LE GREFFIER            LE PRÉSIDENT