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TI STRASBOURG, 10 février 2006

Nature : Décision
Titre : TI STRASBOURG, 10 février 2006
Pays : France
Juridiction : Strasbourg (TI)
Demande : 11-05-000499
Date : 10/02/2006
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 4/01/2005
Décision antérieure : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 29 septembre 2008
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2790

TI STRASBOURG, 10 février 2006 : RG n° 11-05-000499 

(sur appel CA Colmar (3e ch. civ. sect. A), 29 septembre 2008 : RG n° 06/01979 ; arrêt n° 08/0815)

 

Extrait : « Attendu qu'il est constant que Madame Y. épouse X. a le 29 mai 2002 signé un contrat de location pour une durée de six ans, la location portant sur une installation téléphonique utilisée dans le cadre du commerce de pompes funèbres exploité par Madame Y. épouse X. ;

Attendu que les dispositions du droit de la consommation invoquées par Madame Y. épouse X. sont inapplicables en l'espèce ; Attendu en effet que le contrat litigieux a été signé par Madame Y. épouse X., exploitant l'Entreprise Pompes Funèbres Y., dans le cadre précisément de l'exploitation de ce commerce ; Que ce standard téléphonique permettait effectivement d'assurer la liaison avec ses clients, de sorte qu'il est constant que le matériel loué destiné à promouvoir ou développer l'activité professionnelle avait un rapport direct avec celle-ci ; Qu'il est en effet impensable qu'un tel commerce puisse fonctionner sans installation téléphonique ;

Attendu dès lors que le contrat conclu dans de telles conditions par Madame Y. épouse X. pour les besoins de son commerce est exclusif de l'application des dispositions du droit de la consommation tant s'agissant des dispositions relatives aux démarchages à domicile que de celles concernant les clauses abusives ».

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE STRASBOURG

JUGEMENT DU 10 FÉVRIER 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° 11-05-000499/2C.

 

DEMANDEUR :

SA GRENKE LOCATION

représentée par son représentant légal, sise [adresse] SCHILTIGHEIM, représentée par Maître DIETRICH Jean Marie (C. 30), avocat du barreau de STRASBOURG

 

DÉFENDEUR :

Madame Y. épouse X.

exploitant à l'enseigne « POMPES FUNÈBRES Y. » exerçant [adresse], représentée par Maître PIRON Marie-Charlotte, avocat du barreau de ARRAS

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Madame Christine K. DORSCH, Vice-Président Madame Marie-Claude OHLMANN, Greffier,

DÉBATS : Audience publique du 27 janvier 2006

JUGEMENT : Contradictoire en premier ressort. Prononcé par mise à disposition au Greffe, par Madame Christine K. DORSCH, Vice-Président et signé par Madame Christine K. DORSCH, Vice-Président, et par Madame Marie-Claude OHLMANN, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte introductif d'instance du 4 janvier 2005, complété en cours de procédure, la Société GRENKE Location SA a saisi le Tribunal de céans d'une demande à l'encontre de Madame Y. épouse X., commerçante, exploitant à l'enseigne « Pompes Funèbres Y. », et tendant à :

- dire et juger que la résiliation de plein droit du contrat de location par la Société GRENKE Location SA le 24 juin 2003 aux torts exclusifs de Madame Y. épouse X., en vertu des dispositions des conditions générales du contrat et des dispositions de droit commun, était fondée,

en conséquence :

- condamner Madame Y. épouse X. à payer à la Société GRENKE Location SA la somme de 328,20 € au titre des loyers impayés, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 juin 2003,

- condamner Madame Y. épouse X. à payer à la Société GRENKE Location SA la somme de 4.922,74 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 juin 2003,

- condamner Madame Y. épouse X. à payer à la Société GRENKE Location SA la somme 800,00 €, à titre de dommages-intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner Madame Y. épouse X. à payer à la Société GRENKE Location SA la somme de 800,00 €, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner Madame Y. épouse X. aux entiers frais et dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

A l'appui de ses prétentions, la Société GRENKE Location SA expose avoir conclu avec Madame Y. épouse X. un contrat de location longue durée portant sur du matériel téléphonique. Elle poursuit avoir acquis ce matériel auprès du fournisseur choisi par Madame Y. épouse X., qui a confirmé la livraison le 12 juin 2002.

[minute page 3] La Société GRENKE Location SA déclare que la locataire a cessé de payer les loyers à compter du 6 mars 2003 de sorte qu'elle réclame notamment le paiement des loyers échus ainsi que des loyers à échoir.

Madame Y. épouse X., pour sa part, demande au Tribunal de :

- dire recevable et bien fondée Madame Y. épouse X. en ses demandes,

Vu les dispositions du Code de la consommation,

- constater l'absence de certaines mentions obligatoires sur le contrat litigieux au regard de la Loi du 22 décembre 1972,

- annuler en conséquence ledit contrat et condamner la Société GRENKE Location SA à rembourser à Madame Y. épouse X. l'intégralité des sommes perçues,

- et en tout cas, déclarer nulles les clauses abusives d'exonération totale d'obligation d'entretien et de jouissance paisible, ainsi que le paiement d'indemnité disproportionné,

- résilier le contrat litigieux,

- débouter la Société GRENKE Location SA de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la Société GRENKE Location SA à payer à Madame Y. épouse X. une somme de 1.000,00 €, en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner la Société GRENKE Location SA en tous les frais et dépens.

Madame Y. épouse X. estime que les dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation relatives aux démarchages à domicile lui sont applicables dans la mesure où une personne morale peut bénéficier de cette protection lorsque le contrat n'est pas en rapport direct avec l'activité professionnelle. Elle précise que tel n'est pas le cas, si le contrat porte sur un bien même utilisé dans sa profession dès lors que le contractant n'a pas de compétences particulières concernant le bien litigieux.

Or, Madame Y. épouse X. rappelle qu'elle exploite une enseigne de pompes funèbres tandis que le matériel litigieux est un matériel de téléphonie. N'ayant aucune compétence professionnelle dans la domaine de la téléphonie elle estime être à ce titre un simple consommateur pouvant invoquer les dispositions protectrices du démarchage à domicile.

[minute page 4] Elle soutient à cet égard que les dispositions de l'article L. 121-23 relatives aux précisions sur la désignation des biens et les modalités et les délais de livraisons n'ont pas été respectés. Elle en déduit que le contrat est nul.

Madame Y. épouse X. explique par ailleurs qu'elle n'a pu jouir du matériel dans la mesure où celui-ci non réparable a été inutilisable suite à la liquidation judiciaire du fournisseur. Elle estime que la clause d'exonération de responsabilité ou de garantie du bailleur est nulle pour plusieurs motifs. Elle affirme en premier lieu que nonobstant la délégation de ses droits vis-à-vis du fournisseur le bailleur demeure tenu de ses obligations générales de délivrance et d'entretien en application de l'article 1719 du Code civil. Elle déclare en second lieu que cette clause d'exonération n'est pas valable pour avoir été rédigée dans des termes généraux exonérant totalement le bailleur de sa responsabilité. Elle affirme enfin qu'il s'agit d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation compte tenu du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, de sorte que cette clause est réputée non écrite.

La Société GRENKE Location SA conclut au débouté de la demande reconventionnelle. Elle rappelle qu'en application de l'article 1" des conditions générales elle n'a fait qu'acquérir du matériel choisi par le locataire auprès d'un fournisseur également choisi par lui. Elle précise que le prix n'a été payé qu'après réception du procès-verbal de confirmation de livraison.

La Société GRENKE Location SA déclare que contrairement aux prétentions de Madame Y. épouse X., elle n'a pas une obligation d'entretien du matériel loué, cet entretien faisant d'ailleurs l'objet d'un contrat spécifique signé par Madame Y. épouse X. avec la Société PROTECNICOM France. Elle poursuit que l'article 1719 relatif aux baux des maisons et des biens ruraux n'a pas vocation à s'appliquer à un contrat de location longue durée de biens mobiliers à usage professionnel.

Quant à l'obligation générale de garantie, elle rappelle qu'il résulte des conditions générales du contrat que l'action en garantie doit être dirigée contre le fournisseur.

Elle souligne enfin que les dysfonctionnements ne sont pas démontrés et qu'elle n'a jamais été destinataire d'aucune lettre faisant état des difficultés rencontrées.

S'agissant de l'application du Code de la consommation, elle fait valoir que la jurisprudence considère que si l'objet du contrat est de permettre ou d'étendre l'activité professionnelle du co-contractant celui-ci ne peut être considéré comme un non-professionnel. Or, elle souligne que Madame Y. épouse X. a déclaré et attesté que le matériel était strictement et exclusivement destiné à l'exercice de son activité professionnelle et en rapport direct avec celle-ci. Elle ajoute que la location du matériel téléphonique devait permettre à la défenderesse d'assurer les liaisons de son commerce avec sa clientèle.

[minute page 5] Eu égard à la nature de la demande et à la représentation des parties, il est statué par jugement contradictoire en premier ressort.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DU JUGEMENT :

I - Sur la demande principale :

Sur l'application du droit de la consommation :

Attendu qu'il est constant que Madame Y. épouse X. a le 29 mai 2002 signé un contrat de location pour une durée de six ans, la location portant sur une installation téléphonique utilisée dans le cadre du commerce de pompes funèbres exploité par Madame Y. épouse X. ;

Attendu que les dispositions du droit de la consommation invoquées par Madame Y. épouse X. sont inapplicables en l'espèce ;

Attendu en effet que le contrat litigieux a été signé par Madame Y. épouse X., exploitant l'Entreprise Pompes Funèbres Y., dans le cadre précisément de l'exploitation de ce commerce ;

Que ce standard téléphonique permettait effectivement d'assurer la liaison avec ses clients, de sorte qu'il est constant que le matériel loué destiné à promouvoir ou développer l'activité professionnelle avait un rapport direct avec celle-ci ;

Qu'il est en effet impensable qu'un tel commerce puisse fonctionner sans installation téléphonique ;

Attendu dès lors que le contrat conclu dans de telles conditions par Madame Y. épouse X. pour les besoins de son commerce est exclusif de l'application des dispositions du droit de la consommation tant s'agissant des dispositions relatives aux démarchages à domicile que de celles concernant les clauses abusives ;

[minute page 6]

Sur la clause d'exclusion de garantie :

Attendu qu'aux termes de l'article 1 du contrat, le locataire choisit seul le matériel ainsi que le fournisseur du matériel avec lequel il convient des conditions de livraison ;

Que la clause précise : « ...le locataire est, en conséquence, seul responsable de ses choix, le bailleur ne pouvant à quel titre que ce soit être appelé en responsabilité ou garantie de ses chefs. La responsabilité du bailleur ne saurait pas davantage être recherchée en cas d'une quelconque défaillance du fournisseur, notamment au titre du devoir d'information et de conseil du vendeur. Il en résulte que l'engagement du bailleur consiste exclusivement et ce, à partir de la conclusion du contrat de location, à se porter acquéreur du matériel en versant le prix au fournisseur et le donner en location au locataire... ».

Attendu que contrairement aux affirmations de la Société GRENKE Location SA il résulte du rapprochement des articles 1709, 1711 et 1713 que les règles générales applicables au louage des biens immeubles le sont également au louage des biens meubles autant qu'elles sont compatibles avec la nature de la chose ;

Que l'article 1719 énumérant les obligations du bailleur à donc vocation à s'appliquer à la présente espèce ;

Mais attendu qu'il s'avère au regard des dispositions contractuelles que les dispositions du Code civil n'ont qu'une valeur supplétive et qu'elles ont été contractuellement écartées par les parties ayant convenu que l'engagement du bailleur se limite à l'acquisition du matériel choisi par le locataire, au paiement du prix et à la délivrance de la chose au locataire ;

Attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ;

Attendu par ailleurs que la clause d'exclusion ne peut être appliquée si elle est totale ou générale ; mais qu'en l'espèce l'obligation de délivrance a bien été respectée conformément à la signature par la locataire d'un bulletin de livraison attestant que le matériel a été délivré en parfait état de fonctionnement ;

Que s'agissant de l'obligation d'entretien, il apparaît que ladite clause est couplée avec la clause de cession par le bailleur au locataire des droits et actions qu'il détient contre le fournisseur ;

[minute page 7] Qu'il appartenait donc au locataire d'agir contre le fournisseur ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les arguments développés par Madame Y. épouse X. ne sont pas opposables à la Société GRENKE Location SA et sont rejetés ;

 

Sur les montants dus :

Attendu que la demande de la Société GRENKE Location SA est justifiée par la production :

- du contrat de location souscrit par Madame Y. épouse X. le 12 juin 2002,

- d'une facture du 14 juin 2002 de 27.318,98 Francs,

- de la confirmation de livraison du 12 juin 2002,

- d'une mise en demeure du 20 mai 2003,

- de la lettre de résiliation du 24 juin 2003 avec décompte ;

Attendu qu'il convient par conséquent de constater la résiliation de plein droit du contrat et de condamner Madame Y. épouse X. à payer à la Société GRENKE Location SA la somme de 5.250,94 € (328,20 + 4.922,74) augmentée des intérêts légaux à compter de la notification de la mise en demeure soit le 27 juin 2003 ;

Attendu en revanche que la Société GRENKE Location SA est déboutée de sa demande de dommages-intérêts dès lors que le paiement des loyers échus et à échoir indemnise l'intégralité du préjudice qu'elle subit ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la Société GRENKE Location SA l'intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens ;

Qu'il convient de lui allouer la somme de 300,00 €, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

[minute page 8]

II - Sur la demande reconventionnelle :

Attendu que Madame Y. épouse X. ne peut qu'être déboutée de sa demande reconventionnelle, tous les arguments fondant celle-ci ayant été écartés dans le cadre de la demande principale ;

 

III - Sur les autres demandes :

Attendu que l'exécution provisoire apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire ;

Qu'il y a lieu de l'ordonner par application des dispositions de l'article 515 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu enfin qu'il y a lieu de condamner Madame Y. épouse X. aux entiers frais et dépens de la procédure, par application des dispositions de l'article 696 du nouveau Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL,

statuant par jugement contradictoire en premier ressort, par mise à disposition au Greffe :

Sur demandes principale et reconventionnelle :

DIT et JUGE que la résiliation de plein droit du contrat de location par la Société GRENKE Location SA le 24 juin 2003 (notifiée le 27) l'est aux torts exclusifs de Madame Y. épouse X.,

CONDAMNE Madame Y. épouse X., exploitant à l'enseigne « Pompes Funèbres Y. », à payer à la Société GRENKE Location SA les sommes de :

- [minute page 9] 5.250,94 € (cinq mille deux cent cinquante euros et quatre-vingt-quatorze cents) avec les intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2003,

- 300,00 € (trois cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

DÉBOUTE la Société GRENKE Location SA pour le surplus,

DÉBOUTE Madame Y. épouse X., exploitant à l'enseigne « Pompes Funèbres Y. », de l'intégralité de sa demande reconventionnelle,

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement,

CONDAMNE Madame Y. épouse X., exploitant à l'enseigne « Pompes Funèbres Y. », aux entiers frais et dépens de la procédure,

ainsi JUGÉ et PRONONCE, en audience publique, les jour, mois et an susdits, et Nous, Vice-Président et Greffier, avons signé le présent jugement.

LE GREFFIER,           LE VICE-PRÉSIDENT,