CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CASS. CIV. 1re, 2 avril 2009

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 2 avril 2009
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 08-11596
Date : 2/04/2009
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Décision antérieure : CA MONTPELLIER (1re ch. D), 1er août 2007
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 2840

CASS. CIV. 1re, 2 avril 2009 : pourvoi n° 08-11596 ; arrêt n° 442

 

Extrait : « Qu’en se déterminant ainsi sans rechercher, comme cela lui était demandé en considération de la clause permettant à l’établissement, en cas d’effectif d’élèves insuffisant, de proposer une prestation de remplacement au moins équivalente ou d’annuler l’inscription définitive, avec, dans ce dernier cas, remboursement des sommes perçues, d’une part, s’il ne résultait pas de l’ensemble des stipulations contractuelles un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en ce que le professionnel pouvait retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonçait à conclure ou à exécuter le contrat, sans que soit prévu le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’était celui-ci qui renonçait, et, d’autre part si, eu égard au montant élevé des frais de scolarité laissés à leur charge, les parents n’étaient pas empêchés de se dégager du contrat, même pour un motif légitime et impérieux, telle l’impossibilité, invoquée en l’espèce, de conduire les enfants à la suite d’un déménagement, alors que le contrat réservait la possibilité pour le professionnel d’annuler le contrat en cas d’effectif insuffisant, sans autre précision, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 2 AVRIL 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 08-11596. Arrêt n° 442

DEMANDEUR à la cassation : Madame Y., épouse X., et Monsieur X.

DÉFENDEUR à la cassation : Société Ecole privée bilingue

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation et les dispositions du 1-d), e) et f) de l’annexe à ce texte ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que les époux X., qui avaient inscrit leurs deux jeunes enfants auprès de l’Ecole privée bilingue, pour l’année scolaire 2005-2006 débutant le 1er septembre 2005, les ont retirés le 5 janvier 2006, en raison, selon eux, de leurs difficultés financières, consécutives à la cessation par M. X. de son activité commerciale, qui les avaient obligés à déménager ; qu’ayant fait opposition à l’injonction qui leur avait été faite de payer à l’Ecole privée bilingue la somme de 8.025,75 euros, l’arrêt déféré les a condamnés au paiement de cette somme représentant le solde de l’intégralité des frais dus au titre de la scolarité ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour estimer que les stipulations contractuelles selon lesquelles « à compter du huitième jour de la signature du présent contrat et après la date de la rentrée scolaire, tout désistement entraîne le paiement immédiat des sommes dues, soit le solde de la scolarité annuelle intégrale, options annuelles incluses et aucun remboursement ni réduction de tout ou partie des frais de scolarité ne pourra être consenti en cas ... d’absence, de départ volontaire » n’emportaient aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des consommateurs, l’arrêt retient qu’il était expressément stipulé qu’en cas de maladie ou hospitalisation supérieure à quatre semaines consécutives ou en cas de force majeure, l’école procéderait au remboursement des frais de scolarité au prorata des temps d’absence de l’élève, et, en outre, que les sommes versées sauf les frais d’inscription seraient remboursés en cas d’annulation dans les sept jours suivant la conclusion du contrat et que, de même, les sommes versées, exceptés les frais d’inscription et les arrhes seraient remboursés en cas de désistement à partir du huitième jour et avant la rentrée scolaire, de sorte que l’ensemble de ces dispositions enlevait tout caractère abusif à la clause de paiement des frais de scolarité ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en se déterminant ainsi sans rechercher, comme cela lui était demandé en considération de la clause permettant à l’établissement, en cas d’effectif d’élèves insuffisant, de proposer une prestation de remplacement au moins équivalente ou d’annuler l’inscription définitive, avec, dans ce dernier cas, remboursement des sommes perçues, d’une part, s’il ne résultait pas de l’ensemble des stipulations contractuelles un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en ce que le professionnel pouvait retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonçait à conclure ou à exécuter le contrat, sans que soit prévu le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’était celui-ci qui renonçait, et, d’autre part si, eu égard au montant élevé des frais de scolarité laissés à leur charge, les parents n’étaient pas empêchés de se dégager du contrat, même pour un motif légitime et impérieux, telle l’impossibilité, invoquée en l’espèce, de conduire les enfants à la suite d’un déménagement, alors que le contrat réservait la possibilité pour le professionnel d’annuler le contrat en cas d’effectif insuffisant, sans autre précision, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 1er août 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne la société Ecole privée bilingue aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile et l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Ecole privée bilingue à payer à la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat des époux X. la somme de 2.500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille neuf.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOYEN ANNEXÉ au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour les époux X.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté l’exception de nullité de la clause de paiement et d’avoir, en conséquence, confirmé la décision entreprise en ce qu’elle a solidairement condamné les époux X. à payer à l’EPBI la somme de 8.025,75 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2006 ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS que, « sur l’exception de nullité de la clause de paiement, le premier juge a, par des motifs pertinents que la Cour adopte, rejeté cette exception en retenant que la clause ne créait pas un grave déséquilibre au profit de l’une des parties, dans la mesure où il était expressément stipulé qu’en cas de maladie ou hospitalisation supérieure à 4 semaines consécutives, ou en cas de force majeure, l’école procéderait au remboursement des frais de scolarité au prorata des temps d’absence de l’élève ; qu’il était, en outre, expressément stipulé que les sommes versées sauf les frais d’inscription seraient remboursées en cas d’annulation dans les 7 jours suivant la conclusion du contrat et que, de même, les sommes versées exceptés les frais d’inscription et les arrhes seraient remboursés en cas de désistement à partir du 8ème jour et avant la rentrée scolaire ; que l’ensemble de ces dispositions enlève tout caractère abusif à la clause de paiement des frais de scolarité ; qu’enfin les motifs invoqués par les requérants justifiant le retrait de leurs enfants à la fin de l’année 2005 étant connus avant la date de rentrée scolaire (M. X. ayant cessé son activité le 1er septembre 2005), ceux-ci avaient tout loisir de se désister avant la rentrée scolaire et obtenir ainsi le remboursement des sommes versées à l’exception des seules arrhes ; qu’il convient, eu égard à ces éléments, de confirmer le jugement ayant rejeté l’exception de nullité de la clause ; que la radiation des enfants A. et M.-L. le 5 janvier 2006 par l’école n’est que la conséquence du retrait des enfants par les requérants à la fin de l’année 2005 ; que cette radiation ne vaut pas, contrairement à ce qu’ils soutiennent, accord de l’école sur la rupture du contrat et par suite, sur le remboursement des frais de scolarité des 2ème et 3ème trimestres ; qu’il échet, eu égard à ces éléments, de confirmer le jugement ayant condamné les époux X. à payer à l’école privée la somme de 8.025,75 € » (arrêt, p. 5 et 6) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)     

ALORS, de première part, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’en l’espèce, pour dénier le caractère abusif et faire application de la clause relative au paiement des frais de scolarité, l’arrêt retient que cette clause ne créait pas un grave déséquilibre au profit de l’une des parties ; qu’en érigeant la gravité du déséquilibre créé en critère requis pour la reconnaissance du caractère abusif de la clause quand le législateur n’exige qu’un déséquilibre simplement significatif, la Cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Alors, de deuxième part, que le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat ; qu’en l’espèce, pour dénier le caractère abusif et faire application de la clause relative au paiement des frais de scolarité, l’arrêt retient que cette clause ne créait pas un grave déséquilibre au profit de l’une des parties puisqu’il était stipulé, d’une part, qu’en cas de maladie ou hospitalisation ou en cas de force majeure, l’école procéderait au remboursement des frais de scolarité au prorata du temps d’absence de l’élève et, d’autre part, que les sommes versées sauf les frais d’inscription seraient remboursées en cas d’annulation dans les 7 jours suivant la conclusion du contrat et que, de même, les sommes versées, exceptés les frais d’inscription et les arrhes, seraient remboursés en cas de désistement à partir du 8e jour et avant la rentrée scolaire ; qu’en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause par laquelle l’établissement se réservait la possibilité discrétionnaire d’annuler l’inscription après la rentrée en cas d’effectifs insuffisants contre remboursement du montant de la scolarité annuelle déséquilibrait significativement le contrat au détriment des consommateurs qui ne pouvaient retirer les enfants en cours d’année que dans des conditions nettement moins favorables, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Alors, de troisième part, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, les clauses abusives sont réputées non écrites ; que selon la recommandation n° 91-01 de la Commission des clauses abusives, doivent être éliminées des contrats proposés par les établissements d’enseignement les clauses qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher la résiliation du contrat à la demande du consommateur qui justifie d’un motif sérieux et légitime ; qu’en l’espèce, pour dénier le caractère abusif et faire application de la clause relative au paiement des frais de scolarité, l’arrêt retient que cette clause ne créait pas un grave déséquilibre au profit de l’une des parties car il était notamment stipulé qu’en cas de maladie ou hospitalisation ou en cas de force majeure, l’école procéderait au remboursement des frais de scolarité au prorata des temps d’absence de l’élève ; qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la clause critiquée n’était pas abusive en ce qu’elle empêchait les parents de retirer leurs enfants de l’école pendant l’année scolaire en justifiant d’un motif sérieux et légitime tel qu’un déménagement imposé par des raisons professionnelles, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Alors, enfin, que les époux X. faisaient clairement valoir dans leurs conclusions d’appel qu’il fallait envisager distinctement le paiement des frais de scolarité et de cantine dans la mesure où, selon la Commission des clauses abusives, doivent être éliminées des contrats relatifs à la demi-pension proposés par les établissements d’enseignement les clauses prévoyant le paiement par le consommateur de frais pour des prestations non-consommées quel que soit le motif pour lequel les prestations n’ont pas été consommées ; qu’en omettant de répondre à ce moyen pertinent de nature à justifier une réduction du montant de la condamnation prononcée à l’encontre des époux X., la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du Code de procédure civile.