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CA AIX-EN-PROVENCE (4e ch. A), 12 mars 2010

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (4e ch. A), 12 mars 2010
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), 4e ch.
Demande : 08/14037
Décision : 2010/91
Date : 12/03/2010
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/07/2008
Décision antérieure : TGI MARSEILLE (10e ch. civ.), 6 mai 2008
Numéro de la décision : 91
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2869

CA AIX-EN-PROVENCE (4e ch. A), 12 mars 2010 : RG n° 08/14037 ; arrêt n° 2010/91

Publication : Jurica

 

Extrait : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; les clauses abusives sont réputées non écrites ; en l'espèce, le mandat que la société SAINT MICHEL a fait signer à M. X. prévoit : « Le mandant... a) s'engage à signer au prix, charges et conditions convenues toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d'une demande de prêt immobilier (loi n° 79-596 du 13.7.1979), avec tout acquéreur présenté par le mandataire... c) garde toute liberté de procéder lui-même à la recherche d'un acquéreur. Cependant, en cas de vente réalisée par lui-même ou par un autre cabinet ou en cas d'acceptation d'une offre d'achat pendant la durée du mandat, il s'engage à en informer immédiatement le mandataire par courrier recommandé avec A.R. en indiquant les noms et adresse de l'acquéreur, du notaire chargé de la déclaration de l'acte et du cabinet éventuellement intervenu dans cette affaire... En cas de non-respect (de ces) obligations... il s'engage expressément à verser au mandataire... une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue » ;

ainsi que la société SAINT MICHEL le souligne elle-même dans ses écritures, le refus du mandant de réaliser la vente avec une personne qui lui est présentée par son mandataire n'ouvre droit au profit de celui-ci qu'à des dommages-intérêts, s'il prouve une faute de celui-là qui l'aurait privé de la réalisation de l'opération ; or elle n'offre pas de rapporter une telle preuve, ne reprochant en définitive à M. X. que de ne pas l'avoir informée en temps utile et de la manière convenue de l'indisponibilité du bien ; seul le point c) susvisé fait donc débat ; sur ce point, M. X. a obtenu une offre ferme d'achat le samedi, et en a informé la société SAINT MICHEL par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le lundi ; compte tenu des horaires d'ouverture des bureaux de postes, on ne peut pas agir plus « immédiatement » ; or la société SAINT MICHEL conclut que « le fait que le 11 février soit un samedi est indifférent à la solution du litige » ; entendue ainsi, sa clause est léonine, puisque le non-professionnel ne peut pas échapper à son application ; elle doit donc être réputée non écrite, avec pour conséquence le rejet des demandes de la société SAINT MICHEL ».

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

QUATRIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 12 MARS 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/14037. Arrêt n° 2010/91. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 6 mai 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 06/4476.

 

APPELANTE :

SARL SAINT MICHEL exploitant sous l'enseigne CONNEXION IMMOBILIER,

prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualité audit siège, [adresse], représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour, ayant Maître Richard COHEN, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉ :

Monsieur X.,

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Maître RIOU, avocat au Barreau de Marseille

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 février 2010 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président, Monsieur André FORTIN, Conseiller, Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Véronique DEVOGELAERE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 mars 2010.

ARRÊT : Contradictoire. Magistrat Rédacteur : Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président. Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 mars 2010. Signé par Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président et Madame Sylvie AUDOUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 4 octobre 2005 M. X. a confié à la société SAINT MICHEL « Connexion Immobilier » un mandat de vente non exclusif, prévoyant une rémunération de « 7 % MAXIMUM » à la charge de l'acquéreur ; le 13 janvier 2006 M. X. a reçu d'un autre agent immobilier une offre d'achat sans recours à l'emprunt, sous condition de la possibilité de transférer la location d'une place de stationnement ; cela n'étant pas réalisable, il semblait que les choses doivent en rester là ; cependant le 11 février 2006 M. X. a reçu un courrier lui indiquant : « Je vous informe que je renonce au transfert à mon nom de la location de l'emplacement de parking et vous confirme les termes de mon offre du 13 janvier 2006 » ; il se trouve que le même jour la société SAINT MICHEL a envoyé à M. X. un télégramme, l'informant avoir recueilli une proposition d'achat au prix stipulé dans le mandat ; le jour en question étant un samedi, ce n'est que le lundi 13 février 2006 que M. X. a écrit à la société SAINT MICHEL, par télécopie et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception remise le lendemain : « Je vous confirme à nouveau ainsi que je vous l'ai déjà justifié que le bien mis en vente a fait l'objet d'une offre acceptée et qu'il n'est plus disponible. Vous voudrez bien en prendre acte » ; au lieu de cela la société SAINT MICHEL lui a réclamé la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité compensatrice, d'abord amiablement puis judiciairement ;

Par jugement du 6 mai 2008 le tribunal de grande instance de MARSEILLE a rejeté les demandes de nullité du mandat et de la clause pénale de M. X., mais considérant que celui-ci n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles, il a débouté la société SAINT MICHEL de ses prétentions, et il l'a condamnée à payer à M. X. la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

La société SAINT MICHEL a relevé appel de cette décision le 28 juillet 2008 ;

Au terme de dernières conclusions du 1er décembre 2008 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, elle fait valoir qu'ayant obtenu une proposition d'achat moyennant le prix réclamé le 11 février 2006, elle s'est empressée d'en informer M. X. le jour même, avec confirmation le 13 février 2006 ; elle prétend que ce dernier a manqué à ses obligations contractuelles, et lui a ainsi causé préjudice ;

Evoquant un appel limité, la société SAINT MICHEL demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris seulement en sa disposition relative à l'application de la clause pénale, et de condamner M. X. à lui payer la somme de 15.000 euros à titre d'indemnisation pour la perte de sa commission, celle de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et celle de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Au terme de dernières conclusions du 2 février 2009 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, celui-ci réplique qu'ayant reçu la confirmation d'une offre d'achat intéressante pour lui le 11 février 2006, il en a informé la société SAINT MICHEL qui a n'en a tenu aucun compte ; il soutient que l'envoi du télégramme le samedi à 17 h 55, soit juste avant la fermeture des bureaux, témoigne de la volonté de cette dernière de forcer la vente ; il soulève l'irrégularité du mandat, compte tenu de l'indétermination de la commission, et celle de la clause pénale, en raison du déséquilibre existant entre les parties ; à défaut il entend que celle-ci soit écartée, ou à tout le moins réduite ;

M. X. demande à la Cour d'infirmer la décision déférée en ses dispositions relatives à la validité du mandat et de la clause pénale, subsidiairement de la confirmer en ce qu'elle a débouté la société SAINT MICHEL de ses prétentions, plus subsidiairement de réduire le montant de l'indemnité allouée, et de condamner la société SAINT MICHEL à lui payer la somme de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2010 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée ; les éléments soumis à la Cour ne permettent pas d'en relever d'office l'irrégularité ;

Il s'agit d'un appel général « tendant à l'annulation, à l'infirmation ou, à tout le moins, à la réformation » du jugement entrepris, et non d'un appel limité ; par l'effet dévolutif, la Cour est donc saisie de l'entier litige ;

Le mandat du 4 octobre 2005 mentionne qu'en cas de réalisation de la vente par son intermédiaire, la rémunération de la société SAINT MICHEL sera de « 7 % MAXIMUM... à la charge de l'acquéreur » ; le prix auquel le bien devait être proposé étant de 280.000 euros, la commission de l'agent immobilier ne devait ainsi pas excéder la somme de 19.600 euros ; une telle stipulation, qui prévoit expressément la possibilité pour le mandataire de réduire ses prétentions financières en cours de négociation afin de favoriser la conclusion d'un accord entre le vendeur et l'acheteur, est conforme aux exigences de la loi du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972; le mandat est donc valable ;

Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; les clauses abusives sont réputées non écrites ; en l'espèce, le mandat que la société SAINT MICHEL a fait signer à M. X. prévoit : « Le mandant... a) s'engage à signer au prix, charges et conditions convenues toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d'une demande de prêt immobilier (loi n° 79-596 du 13 juillet 1979), avec tout acquéreur présenté par le mandataire... c) garde toute liberté de procéder lui-même à la recherche d'un acquéreur. Cependant, en cas de vente réalisée par lui-même ou par un autre cabinet ou en cas d'acceptation d'une offre d'achat pendant la durée du mandat, il s'engage à en informer immédiatement le mandataire par courrier recommandé avec A.R. en indiquant les noms et adresse de l'acquéreur, du notaire chargé de la déclaration de l'acte et du cabinet éventuellement intervenu dans cette affaire... En cas de non-respect (de ces) obligations... il s'engage expressément à verser au mandataire... une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue » ; ainsi que la société SAINT MICHEL le souligne elle-même dans ses écritures, le refus du mandant de réaliser la vente avec une personne qui lui est présentée par son mandataire n'ouvre droit au profit de celui-ci qu'à des dommages-intérêts, s'il prouve une faute de celui-là qui l'aurait privé de la réalisation de l'opération ; or elle n'offre pas de rapporter une telle preuve, ne reprochant en définitive à M. X. que de ne pas l'avoir informée en temps utile et de la manière convenue de l'indisponibilité du bien ; seul le point c) susvisé fait donc débat ; sur ce point, M. X. a obtenu une offre ferme d'achat le samedi, et en a informé la société SAINT MICHEL par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le lundi ; compte tenu des horaires d'ouverture des bureaux de postes, on ne peut pas agir plus « immédiatement » ; or la société SAINT MICHEL conclut que « le fait que le 11 février soit un samedi est indifférent à la solution du litige » ; entendue ainsi, sa clause est léonine, puisque le non-professionnel ne peut pas échapper à son application ; elle doit donc être réputée non écrite, avec pour conséquence le rejet des demandes de la société SAINT MICHEL ;

M. X. a engagé en cause d'appel des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser supporter intégralement la charge ; il convient de lui allouer la somme de 1.300 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, s'ajoutant à la juste indemnité déjà accordée par le premier juge ;

La société SAINT MICHEL qui succombe doit supporter les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS ;

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition au Greffe,

Reçoit l'appel de la société SAINT MICHEL ;

Réforme le jugement entrepris du chef de la validité de la clause pénale, et statuant à nouveau,

Déclare la clause du mandat de vente non exclusif du 4 octobre 2005, aux termes de laquelle « En cas de vente réalisée par lui-même ou par un autre cabinet ou en cas d'acceptation d'une offre d'achat pendant la durée du mandat, (le mandant) s'engage à en informer immédiatement le mandataire par courrier recommandé avec A.R. en indiquant les noms et adresse de l'acquéreur, du notaire chargé de la déclaration de l'acte et du cabinet éventuellement intervenu dans cette affaire. En cas de non-respect (de cette) obligation () ... il s'engage expressément à verser au mandataire, en vertu des articles 1142 et 1152 du Code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue », abusive et réputée non écrite ;

Confirme la décision déférée pour le surplus ;

Condamne la société SAINT MICHEL à payer à M. X. la somme de 1.300 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société SAINT MICHEL aux dépens et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la S.C.P. DE SAINT FERREOL - TOUBOUL conformément aux dispositions de l’ article 699 du Code de procédure civile ;

LE GREFFIER             LE PRÉSIDENT

S. AUDOUBERT         J-P. ASTIER