CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 26 octobre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2890
CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 26 octobre 2010 : RG n° 09/04052
Publication : Jurica
Extrait : « Enfin, la société L' ÉTOILE, en affirmant que le règlement du service d'eau doit être remis à l'abonné à charge pour le service de justifier cette remise, et qu'il est tenu de payer même si le service des eaux n'a pas rempli ses obligations, ne démontre avoir été victime d'un déséquilibre constitutif d'une clause abusive. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/04052. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 5 mai 2009 (R.G. 09/306 - 5ème chambre civile) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 7 juillet 2009,
APPELANTE :
SCI L'ÉTOILE,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], représentée par la SCP Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Géraldine DELETTRE, substituant Maître Véronique GARCIA, Avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉE :
SA LYONNAISE DES EAUX,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], et en sa Direction Générale de l'Eau, Centre Régional Sud Gironde, sise [adresse], représentée par la SCP Luc BOYREAU et Raphaël MONROUX, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Alexandra BECHAUD, substituant la SCP Georges TONNET - Alexandra BAUDOUIN, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 31 août 2010 en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Marceline LOISON
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Lyonnaise des eaux assurait les services de la fourniture de l'eau et de l'assainissement d'un immeuble, situé [...], qui appartenait à la société civile immobilière L'ÉTOILE. Par acte d'huissier de justice du 27 mars 2008, elle a assigné cette société en paiement de factures correspondant à son abonnement « eau et assainissement » pour les années 2004 à 2007, restées impayées à la date du 22 novembre 2007 malgré mise en demeure.
Par jugement du 5 mai 2009, le tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné la société L'ÉTOILE à payer à la société Lyonnaise des eaux la somme de 12.235,74 euros avec intérêts au taux légal à compter de cette décision et rejeté la demande de délais de paiement présentée par la société L'ÉTOILE.
La société L'ÉTOILE a relevé appel de ce jugement dans des conditions de régularité non contestées, par déclaration remise au greffe de la cour d'appel le 7 juillet 2009.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 août 2010.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par ses dernières conclusions déposées le 10 août 2010, la société L'ÉTOILE sollicite de la cour qu'elle réforme le jugement frappé d'appel, rejette la demande de la société Lyonnaise des eaux et la condamne à lui payer une somme en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait d'abord valoir qu'un accord est intervenu entre elle et la société Lyonnaise des eaux sur la fermeture du compteur d'eau en 2004, qu'ainsi, le contrat de fourniture qu'elle reconnaît avoir passé avec cette société a, d'un commun accord, été suspendu mais non résilié, que l'usager ne peut être confondu avec le cocontractant et qu'elle est un tiers au contrat qui a pu lier son locataire à la société Lyonnaise des eaux. Ensuite, elle soutient que le règlement applicable à leurs relations lui est inopposable. Elle affirme encore qu'elle ne peut être tenue de payer une eau qui a été distribuée sans son accord et qu'elle n'a pas consommée, qu'il convient de distinguer la qualité d'usager et celle de cocontractant, la distribution ayant été rétablie à la demande et au profit d'un locataire, avec qui, le cas échéant, le contrat de distribution a été conclu. Arguant enfin de sa bonne foi, elle fait valoir qu'elle avait suspendu la consommation d'eau et qu'il appartenait à la société Lyonnaise des eaux de l'informer de la surconsommation.
Par ses dernières conclusions déposées le 23 juillet 2010, la société Lyonnaise des eaux sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société L'ÉTOILE au paiement de la somme de 12.235,74 euros, rejette la demande de cette société et, en conséquence, la condamne au paiement de cette somme selon arrêté de compte du 22 novembre 2007, dise que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 novembre 2007 jusqu'au jour du paiement effectif et la condamne à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'il existait un contrat de distribution d'eau entre elle et la société L'ÉTOILE, que le règlement applicable à cette distribution est opposable à cette société, que celle-ci reste donc tenue par ses obligations initiales.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'existence et le contenu des obligations de la société L'ÉTOILE à l'égard de la société Lyonnaise des eaux :
Les nouvelles dispositions réglementaires, postérieures aux faits de l'espèce, sont inapplicables à ces faits. Seul le règlement antérieur est ici applicable.
La société L'ÉTOILE soutient que l'usager ne peut être confondu avec le cocontractant et qu'elle est un tiers au contrat qui a pu lier son locataire à la société Lyonnaise des eaux, que le règlement antérieur lui est inopposable aux motifs que la société Lyonnaise des eaux ne se prévaut d'aucun écrit établissant le contenu du contrat, que l'acte administratif portant règlement du service d'eau potable, susceptible d'être applicable au moment des faits, doit être daté, publié, porté à sa connaissance et approuvé par elle, ce qui n'est pas justifié, et que les clauses invoquées sont abusives en ce qu'elles créent un déséquilibre pour le consommateur.
Cependant c'est à l'usager qu'il incombe de payer les services de fourniture d'eau et d'assainissement et cette qualité d'usager, qui n'est pas subordonnée à l'existence d'un contrat, doit être reconnue à celui qui bénéficie de ces prestations.
Ensuite, l'ancien règlement du service de l'eau, acte administratif opposable aux usagers du service des eaux dès lors qu'il est publié et qui ne peut être contesté devant les juridictions de l'ordre judiciaire, dispose en son article 2 :
« Toute personne... souhaitant bénéficier des prestations fournies par le service des eaux doit faire une demande d'accès au service auprès du concessionnaire. Il devient alors abonné. ... Le présent règlement, qui précise les obligations réciproques du concessionnaire et de l'abonné, sera remis à celui-ci dès sa demande d'accès au service. Les obligations réciproques de l'abonné et du concessionnaire courent dès l'accès au service... »
Il résulte de ces dispositions que c'est l'accès au service qui fait courir les obligations de l'abonné et non le moment de la remise du règlement à l'abonné lors de sa demande d'accès au service.
En l'espèce, la société L'ÉTOILE, abonnée au service de fourniture de l'eau, qui reconnaît avoir bénéficié du service de la société Lyonnaise des eaux pendant plusieurs dizaines années et qui ne conteste pas avoir réglé les factures correspondantes depuis l'origine de cette relation, avait de ce fait la qualité d'usager de ce service.
Enfin, la société L'ÉTOILE, en affirmant que le règlement du service d'eau doit être remis à l'abonné à charge pour le service de justifier cette remise, et qu'il est tenu de payer même si le service des eaux n'a pas rempli ses obligations, ne démontre avoir été victime d'un déséquilibre constitutif d'une clause abusive.
Sur les effets de la suspension de la fourniture de l'eau :
La société L'ÉTOILE fait valoir, en produisant une attestation, qu'à la fin du mois d'août 2004, elle a demandé la coupure du service de fourniture d'eau et donc la suspension de son contrat, mais non sa résiliation, ce que ne conteste pas la société Lyonnaise des eaux.
Cependant, puisque la société L'ÉTOILE bénéficiait, depuis plusieurs dizaines d'années, de la distribution d'eau, qu'elle est toujours propriétaire de l'immeuble desservi et qu'elle ne soutient pas que le contrat de distribution a été résilié, elle reste tenue des obligations résultant de cette distribution, nonobstant les circonstances dans lesquelles la réouverture du compteur a été effectuée.
Dès lors, la société L'ÉTOILE, qui ne prouve pas que la consommation excessive serait imputable à une tierce personne, reste tenue de payer le coût afférent à l'eau distribuée. Et la société Lyonnaise des eaux est donc bien fondée à demander à la société L'ÉTOILE paiement des factures restées impayées.
Sur la bonne foi de la société L'ÉTOILE :
La société L'ÉTOILE argue enfin de sa bonne foi en faisant valoir qu'elle avait suspendu la consommation d'eau et qu'il appartenait à la société Lyonnaise des eaux de l'informer de la surconsommation.
Cependant, sur ce point, la cour reprend les constatations faites par le tribunal qui a relevé que, compte tenu du délai écoulé depuis la facture originaire et en l'absence de tout élément d'appréciation sur sa situation, il n'y a pas lieu de lui accorder des délais de paiement.
En conséquence, la cour confirme le jugement en toutes ses dispositions, y compris sur le point de départ des intérêts au taux légal pour le motif retenu par le jugement.
Sur les autres chefs de demande :
La société L'ÉTOILE, succombant en toutes ses prétentions, est condamnée aux dépens. Elle est également condamnée au paiement de la somme de 500 euros au profit de la société Lyonnaise des eaux en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Confirme le jugement prononcé le 5 mai 2009 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,
Condamne la société L'ÉTOILE à payer à la société Lyonnaise des eaux la somme de 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
La condamne aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Signé par Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, et par Madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- 5847 - Code de la consommation - Domaine d’application - Légalité des actes réglementaires - Compétence administrative
- 5984 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Règles de preuve
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6313 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Eau (fourniture) - Formation et contenu du contrat
- 6314 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Eau (fourniture) - Obligations du consommateur