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CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 16 novembre 2010

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 16 novembre 2010
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 09/05397
Date : 16/11/2010
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/09/2009
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2892

CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 16 novembre 2010 : RG n° 09/05397

Publication : Jurica

 

Extrait : « Aux termes de l’article L. 132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation, […]. Ces dispositions, qui permettent aux cocontractants d'échapper aux conséquences du contrat souscrit, à charge pour eux de rapporter la preuve nécessaire, s'appliquent aux contrats conclus avec des non-professionnels ou consommateurs. Elles ne s'appliquent donc pas aux contrats de fournitures ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant, que ce professionnel agisse ou non dans la sphère de sa compétence personnelle. Celui-ci, pour tenter de bénéficier de ces dispositions favorables aux consommateurs, ne peut utilement alléguer qu'il agit comme un non-professionnel ou un consommateur hors de sa sphère de compétence personnelle.

Notamment, ces dispositions ne s'appliquent pas à un contrat de location accessoire à un contrat de télésurveillance, conclu par un commerçant en sa qualité de professionnel pour les besoins de son activité commerciale, le matériel de télésurveillance étant destiné à protéger les éléments de son local professionnel.

Ainsi, Madame X., qui a contracté les engagements litigieux à seule fin d'assurer la protection de ses locaux professionnels, ne saurait se prévaloir de dispositions spécifiques protectrices du consommateur pour en revendiquer le bénéfice. Elle ne peut donc soutenir que les clauses litigieuses sont abusives en se prévalant, de la sorte, de dispositions qui n'ont pas pour objet la protection des professionnels dans l'exercice de leur activité professionnelle. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/05397. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 2 juillet 2009 (R.G. 08/001051) par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 21 septembre 2009.

 

APPELANTE :

Madame X.,

née le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse],Représentée par la SCP Michel PUYBARAUD, Avoué à la Cour, et assistée de Maître Nicole VIOLLET, Avocat au barreau de BORDEAUX,

 

INTIMÉE :

SA PARFIP FRANCE (venant aux droits de la Société PARFIP FRANCE),

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la SCP FOURNIER, Avoués à la Cour, et assistée de Maître Pierre FREZOULS, Avocat au barreau de BORDEAUX, substituant Maître Nathalie SAGNES-JIMENEZ, Avocat au barreau de BOURG EN BRESSE,

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 septembre 2010 en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Monsieur Bernard OLIVIER, Adjoint d'Administration Principal assermenté faisant fonction de Greffier,

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame X., qui avait créé au mois de mai 2006 un fonds de commerce de vente de fleurs et de plantes exploité dans des locaux situés [...], a souscrit le 20 juin 2006 auprès de la société Toulouse TLS Distributeur Artys un contrat d'abonnement de télésurveillance. Le même jour, elle a souscrit avec la même société un contrat de location du matériel correspondant, prévoyant le versement d'un loyer mensuel de 75,50 euros hors taxes, soit 90,30 euros toutes taxes comprises, payable sur 60 mois. Le 29 juin 2006, elle a signé le procès-verbal de réception de matériels. Le 30 juin 2006, la société Toulouse TLS Distributeur Artys a, conformément aux dispositions du contrat de location souscrit, cédé ses droits sur ce matériel à la société Parfip France, désormais habilitée à recevoir les échéances de loyer. Le 31 mai 2007, faisant état de problèmes financiers, Madame X. a cessé son activité. Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 9 août 2007, la société Parfip France l'a mise en demeure de payer la somme de 780,19 euros, correspondant aux loyers échus et impayés et aux pénalités de retard, sous peine de résiliation anticipée du contrat.

Par ordonnance du 31 janvier 2008 rendue sur la requête de la société Parfip France à l'encontre de Madame X., le juge du tribunal d'instance de Bordeaux l'a enjointe de payer la somme de 4 933,99 euros en principal. L'ordonnance lui a été signifiée le 13 février 2008 en l'étude de l'huissier de justice. Par lettre reçue le 10 mars 2008, Madame X. a formé opposition à cette ordonnance. Elle a invoqué les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation et la recommandation n° 97-01 de la commission des clauses abusives, relative aux contrats concernant la télésurveillance.

Par jugement du 2 juillet 2009 se substituant à l'ordonnance d'injonction de payer, le tribunal d'instance de Bordeaux a déclaré Madame X. recevable en son opposition ; il a dit qu'en sa qualité de professionnelle, elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation pour un contrat en lien direct avec son activité et il l'a condamnée à payer à la société Parfip France la somme de 4.290,96 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.

Madame X. a relevé appel de ce jugement dans des conditions de régularité non contestées, par déclaration remise au greffe de la cour d'appel le 21 septembre 2009.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2010.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses dernières conclusions déposées le 21 janvier 2010, Madame X. sollicite de la cour qu'elle réforme le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Parfip France la somme de 4 290,96 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, qu'elle déclare abusives et non écrites les clauses 11 et 13 du contrat de télésurveillance du 20 juin 2006 et qu'en conséquence, elle annule l'ordonnance portant injonction de payer du 31 janvier 2008 et condamne la société Parfip France à lui payer une somme en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Exposant qu'elle avait résilié le bail commercial et le contrat de télésurveillance qui n'avait plus d'objet et que la société, après lui avoir enlevé le matériel de télésurveillance, lui réclamait le montant des loyers jusqu'au mois de juin 2011, elle se prévaut d'abord des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation et de la recommandation n° 97-01 de la commission des clauses abusives, relative aux contrats concernant la télésurveillance, pour soutenir que les articles 11 et 13 du contrat de télésurveillance sont abusives. Elle soutient ensuite que sa qualité de commerçante au moment du contrat n'exclut pas l'application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation.

Par ses dernières conclusions déposées le 18 mai 2010, la société Parfip France sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement et, en conséquence, qu'elle constate que Madame X. a contracté en qualité de professionnelle pour les besoins de son activité, qu'elle rejette la demande de celle-ci, constate la résiliation du contrat de location pour défaut de paiement des loyers, condamne Madame X. à lui payer la somme actualisée de 3.900,87 euros au titre des loyers, outre la somme de 390,09 euros au titre de la clause pénale contractuelle, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 août 2007, et, y ajoutant, qu'elle condamne Madame X. à lui payer une somme en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que Madame X. ne peut se prévaloir des dispositions protectrices des consommateurs relatives aux clauses abusives et ne justifie pas d'une résiliation anticipée, acceptée par la société Toulouse TLS. Elle affirme avoir elle-même respecté ses obligations contractuelles.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur l'application des dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives :

Madame X. se prévaut des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation et de la recommandation de la commission des clauses abusives relative aux contrats concernant la télésurveillance pour soutenir que les articles 11 et 13 du contrat de télésurveillance sont abusives et pour affirmer, à cet effet, que sa qualité de commerçante au moment du contrat n'exclut pas l'application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation puisque eu égard au contenu du contrat de télésurveillance, elle était dans le même état d'ignorance qu'un consommateur.

Aux termes de l’article L. 132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Selon le 9ème alinéa de cet article, les clauses abusives sont réputées non écrites.

Ces dispositions, qui permettent aux cocontractants d'échapper aux conséquences du contrat souscrit, à charge pour eux de rapporter la preuve nécessaire, s'appliquent aux contrats conclus avec des non-professionnels ou consommateurs. Elles ne s'appliquent donc pas aux contrats de fournitures ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant, que ce professionnel agisse ou non dans la sphère de sa compétence personnelle. Celui-ci, pour tenter de bénéficier de ces dispositions favorables aux consommateurs, ne peut utilement alléguer qu'il agit comme un non-professionnel ou un consommateur hors de sa sphère de compétence personnelle.

Notamment, ces dispositions ne s'appliquent pas à un contrat de location accessoire à un contrat de télésurveillance, conclu par un commerçant en sa qualité de professionnel pour les besoins de son activité commerciale, le matériel de télésurveillance étant destiné à protéger les éléments de son local professionnel.

Ainsi, Madame X., qui a contracté les engagements litigieux à seule fin d'assurer la protection de ses locaux professionnels, ne saurait se prévaloir de dispositions spécifiques protectrices du consommateur pour en revendiquer le bénéfice. Elle ne peut donc soutenir que les clauses litigieuses sont abusives en se prévalant, de la sorte, de dispositions qui n'ont pas pour objet la protection des professionnels dans l'exercice de leur activité professionnelle.

Dès lors, le contrat de location conclu entre la société Parfip France et Madame X. se trouve résilié pour défaut de paiement des loyers. Et celle-ci, qui se prévaut à tort de dispositions inapplicables à sa situation et qui ne discute pas par ailleurs les sommes dont la société Parfip France demande paiement en justifiant de sa créance, doit être condamnée à payer le montant total de 4.290,96 euros retenu par le tribunal, soit la somme de 3.900,87 euros au titre des loyers et celle de 390,09 euros au titre de la clause pénale contractuelle. Les intérêts au taux légal sur ce montant doivent courir à compter de la signification du jugement, comme l'a décidé le tribunal, et non à compter de la mise en demeure du 6 août 2007, retenue par la société Parfip France, puisque celle-ci n'a sollicité lors de cette mise en demeure que le paiement de la somme de 780,19 euros, sous peine de résiliation anticipée du contrat et de paiement des indemnités de résiliation.

En conséquence, la cour confirme le jugement en toutes ses dispositions.

 

Sur les autres chefs de demande :

Madame X., succombant en toutes ses prétentions, est condamnée aux dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Parfip France les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement prononcé le 2 juillet 2009 par le tribunal d'instance de Bordeaux,

Rejette la demande de la société Parfip France en condamnation de Madame X. à lui verser une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Madame X. aux dépens d'appel, et constate qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle.

Signé par Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, et par Madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

Est cité par :