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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 10 décembre 2010

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 10 décembre 2010
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 08/14529
Décision : 10/395
Date : 10/12/2010
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TGI BOBIGNY (7e ch. sect. 3), 27 mai 2008
Numéro de la décision : 395
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2999

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 10 décembre 2010 : RG n° 08/14529 ; arrêt n° 395

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Considérant que M X. conteste l'opposabilité des conditions générales de vente au motif qu'il n'en a pas eu connaissance avant de conclure l'achat des billets et que les mentions portées sur les billets et sur les pochettes IATA renvoyant à ces conditions générales ne permettaient pas, pour autant, avec la facilité nécessaire, d'en prendre connaissance ;

Considérant, toutefois, que les billets et les pochettes portent mention à leur verso que le porteur du billet doit vérifier que le trajet emprunté est conforme à ce qu'il a acheté et précise que toute compagnie peut refuser à bord un passager qui ne détient pas un billet conforme au vol ».

2/ « Considérant donc que la question posée à titre essentiel est celle de la conformité du prix payé au prix qui aurait dû être facturé ; […] ; Considérant, en fait, que la société Air France justifie du prix des billets au moyen de tarifs pour lesquels l'intimé ne présente pas d'autres modes de calcul et ne dit pas en quoi ils seraient erronés ; qu'il ne fournit aucun élément ou début de preuve que la société Air France lui ait appliqué, par le redressement, des tarifs erronés ;

Considérant qu'il apparaît de ce qui précède que M. X. n'est pas fondé à s'étonner de ce que le prix d'un billet pour un « certain circuit » est inexact au seul motif qu'il est moins élevé que celui d'un circuit plus long puisque les calculs de prix ne répondent pas à une règle purement proportionnelle de longueur mais à des critères techniques, y compris de taxation, qui peuvent justifier, comme en l'espèce, un coût plus élevé pour un voyage plus court comportant moins d'étapes ; que ce décalage apparent de prix ne traduit donc pas une erreur ; Considérant qu'il apparaît donc que M. X. ne montre ni qu'il a été trompé lors de l'achat de ses billets ni que les tarifs pratiqués ne correspondent pas à son achat ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/14529. Arrêt n° 395. Décision déférée à la Cour : jugement du 27 mai 2008 - Tribunal de grande instance de BOBIGNY - Chambre 7 section 3 - R.G. n° 06/07941.

 

APPELANTE :

SA AIR FRANCE

agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social, situé [adresse], représentée par la SCP KIEFFER-JOLY - BELLICHACH, avoué à la Cour, assistée de Maître Maxime MALKA, avocat au barreau de PARIS, toque E 930

 

INTIMÉ :

M. X.

représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoué à la Cour, assisté de Maître Romuald COHANA plaidant pour le Cabinet FCRB, avocat au barreau de PARIS, toque J 89

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, lequel a été préalablement entendu en son rapport, en présence de Mme Pascale BEAUDONNET, Conseiller.

M. Bernard SCHNEIDER et Mme Pascale BEAUDONNET ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Fabrice JACOMET, Président, M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller, Madame Pascale BEAUDONNET, Conseiller.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mademoiselle Carole TREJAUT

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, signé par M. Fabrice JACOMET, Président, et par Mademoiselle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

M. X., domicilié aux États-Unis, voyageant régulièrement sur les lignes d'Air France a notamment acheté à cette compagnie 5 billets, en 2002, 2003 et 2004, pour les parcours suivants :

- Luxembourg Paris Miami / Miami Paris Luxembourg ;

- Milan Paris Miami / Miami Paris Milan ;

- Rome Paris Miami / Miami Paris Rome ;

- Florence Paris Miami / Miami Paris Florence ;

- Milan Paris Miami /Miami Paris Milan ;

Le 17 mars 2004, la société Air France, Direction de l'Audit Interne et de la Prévention des Fraudes, a fait connaître à M. X. que lors de l'enregistrement du vol AF090 du 16 mars, les contrôleurs tarifaires avaient procédé à un réajustement en raison d'une utilisation « sans respect de l'ordre séquentiel du contrat de transport » ;

Dans ce courrier, la société Air France a fait observer que :

- cette pratique constitue une violation des conditions générales de transport de la compagnie, plus précisément les articles III et VII, déposées, entre autres, auprès de la DGAC Française et du DOT Américain que tout voyageur est tenu de respecter lors de tout achat et de toute utilisation d'un contrat sur les lignes de la compagnie,

- l'étude des billets portés au crédit de son compte de fidélisation montre qu'il s'agit d'une pratique récurrente ;

La société Air France ajoute : « vous avez utilisé, à plusieurs reprises, des titres de transport qui vous ont permis de voyager avec des tarifs auxquels vous ne pouviez pas prétendre pour les parcours que vous avez réellement effectués. En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir régler... la différence tarifaire correspondant au prix des voyages que vous avez effectués, calculés à la date du voyage et selon la classe de transport, à savoir 21.778 US $, soit 18.801 euros » ;

À l'issue de ses demandes restées sans règlement, la société Air France a fait assigner M. X. devant le tribunal de grande instance de Bobigny lequel, par jugement du 27 mai 2008, a :

- débouté M X. de sa demande tendant à voir réputées non écrites les conditions générales de transport,

- condamné M. X. à payer à la société Air France une somme de 1000 euros de dommages-intérêts et rejeté le surplus de la demande,

- l'a condamné à payer 1500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ayant relevé appel de cette décision, la société Air France, par dernières conclusions signifiées le 2 décembre 2008, demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré opposable à l'intimé les conditions générales de transport mais que le réformant, la Cour condamne ce dernier à lui payer l'intégralité du montant du redressement tarifaire soit 18'801 euros augmentés des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2002, date de la première utilisation non séquentielle des coupons de voyages ; elle demande, en outre, la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté l'intimé de ses demandes relatives à son ancien compte Fréquence + ;

Elle demande, enfin, l'allocation d'une somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Au soutien de ses demandes, l'appelante expose que l'intimé a acheté des parcours qu'il n'a pas effectués intégralement en bénéficiant de tarifs préférentiels ; qu'en réduisant ses parcours à de simples aller-retour et en ne respectant pas ainsi l'ordre séquentiel de ces billets, il perdait le bénéfice de ce tarif ;

La société Air France ajoute que l'intimé est mal fondé à soutenir qu'il n'avait pas pris connaissance des conditions générales de vente au moment de l'achat des billets alors que la pochette de vente des billets contient en copie la réglementation de l'IATA laquelle renvoie aux conditions tarifaires du transporteur et aux conditions générales de celui-ci ;

Elle ajoute que ces conditions sont également reproduites au dos de chaque billet ;

Elle fait valoir, par ailleurs, que les dispositions relatives à l'application du tarif au regard du respect ou non de l'ordre séquentiel du parcours ne constitue pas une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation puisqu'elle n'est pas à l'origine d'un « déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat » ;

Elle ajoute que le « redressement tarifaire » consiste à faire payer un supplément de prix correspondant à la différence entre le prix payé et le prix calculé en appliquant le tarif conforme à l'usage effectif qui a été donné aux billets ; qu'il relève de la stricte application de tarifs en fonction des prix du billet acheté et du prix du billet utilisé ;

Elle ajoute, en dernier lieu, que la responsabilité alléguée de l'agent de voyages, vendeur de billets, ne peut être prise en considération dès lors que celui-ci n'est pas dans le cause ;

Par dernières conclusions signifiées le 25 mars 2009, l'intimé expose, à titre liminaire, que la preuve n'est pas rapportée que l'ordre séquentiel des coupons de voyage n'a pas été respecté ; il fait valoir, en second lieu, que les conditions générales de transport d'Air France ne lui ont pas été communiquées dès lors que les pochettes IATA ne reproduisent pas ces conditions générales et font seulement renvoi à ces conditions. Il ajoute enfin qu'il n'a pris connaissance des conditions de la vente qu'après la vente elle-même puisque la remise de la pochette est postérieure à la transaction ;

Il ajoute, qu'à tout le moins, aucun renseignement n'est fourni sur la façon d'obtenir la communication de ces conditions générales et qu'il appartient pourtant au contractant - en l'espèce la société Air France, fournisseur de transport - de faire connaître les clauses qu'il compte opposer à ses clients ; que cette façon de procéder relève des clauses abusives ;

Il entend dénoncer la pratique de l'appelante qui, après avoir dressé la fiche d'anomalie le 16 mars 2004, a fait obstacle sans motif à ce qu'il utilise les miles lui appartenant de sa carte de fidélité ;

Il conclut également de l'ensemble de la procédure qu'il n'a connu la pratique de la société Air France concernant l'utilisation des billets qu'à compter de la réception du procès-verbal de redressement, le 17 mars 2004, et ne pouvait connaître les conséquences pratiques de la non application du parcours initial acheté ;

Il ajoute également que l'agence qui lui a vendu les billets a manqué à son devoir d'information en ne lui indiquant pas les conditions d'utilisation de ces billets ;

Il conteste, en dernier lieu, le montant du préjudice allégué par l'appelante ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que M X. conteste l'opposabilité des conditions générales de vente au motif qu'il n'en a pas eu connaissance avant de conclure l'achat des billets et que les mentions portées sur les billets et sur les pochettes IATA renvoyant à ces conditions générales ne permettaient pas, pour autant, avec la facilité nécessaire, d'en prendre connaissance ;

Considérant, toutefois, que les billets et les pochettes portent mention à leur verso que le porteur du billet doit vérifier que le trajet emprunté est conforme à ce qu'il a acheté et précise que toute compagnie peut refuser à bord un passager qui ne détient pas un billet conforme au vol ;

Considérant que ces directives sont déjà déterminantes du sens des demandes de l'appelante ; M. X. ne démontre pas, par ailleurs, qu'il a acheté des billets non conformes à ses demandes lorsqu'il affirme que les conditions générales ne lui sont pas opposables ; qu'en effet, il a délibérément acheté des billets pour des voyages entre Paris et Miami dont les escales terminales étaient au-delà de ces deux destinations, pour profiter d'un tarif plus favorable, alors que la contrepartie était d'accomplir toutes les escales ;

Considérant donc que la question posée à titre essentiel est celle de la conformité du prix payé au prix qui aurait dû être facturé ;

Considérant que la société Air France fonde sa demande en paiement sur cette différence de tarifs que l'intimé conteste à la fois parce qu'il estime qu'elle n'est pas prouvée et parce qu'elle a fait l'objet d'une demande tardive ;

Considérant, en fait, que la société Air France justifie du prix des billets au moyen de tarifs pour lesquels l'intimé ne présente pas d'autres modes de calcul et ne dit pas en quoi ils seraient erronés ; qu'il ne fournit aucun élément ou début de preuve que la société Air France lui ait appliqué, par le redressement, des tarifs erronés ;

Considérant qu'il apparaît de ce qui précède que M. X. n'est pas fondé à s'étonner de ce que le prix d'un billet pour un « certain circuit » est inexact au seul motif qu'il est moins élevé que celui d'un circuit plus long puisque les calculs de prix ne répondent pas à une règle purement proportionnelle de longueur mais à des critères techniques, y compris de taxation, qui peuvent justifier, comme en l'espèce, un coût plus élevé pour un voyage plus court comportant moins d'étapes ; que ce décalage apparent de prix ne traduit donc pas une erreur ;

Considérant qu'il apparaît donc que M. X. ne montre ni qu'il a été trompé lors de l'achat de ses billets ni que les tarifs pratiqués ne correspondent pas à son achat ;

Considérant, qu'à tout le moins, s'il avait effectivement découvert à la lecture des billets qu'ils n'étaient pas conformes à son souhait, il disposait d'un temps suffisant, au moins à compter du deuxième billet, pour effectuer un échange ;

Considérant que M. X. ne pouvait donc malgré les mentions claires qu'il avait pu lire avec les documents qui lui avaient été remis soutenir qu'il n'avait pas compris l'obligation ainsi imposée de parcourir l'ensemble des escales des billets ce qui est d'autant plus manifeste qu'il ne conteste pas avoir déjà fait l'objet, le 2 juin 2002, d'un précédent contrôle ayant donné lieu à correction du prix du billet en raison du non-respect de l'ordre séquentiel ;

Considérant qu'en l'absence de tout autre élément sérieux de contestation, la demande de nouveau calcul du prix réclamé doit être rejetée sans qu'il y ait lieu de recourir à une mesure d'expertise ;

Considérant, également, que l'intimé ne s'explique pas sur les fautes qu'il impute aux agents de voyages eux-mêmes et sur le fait que la société Air France aurait dû veiller par un contrôle efficace à la communication des conditions générales ;

Mais considérant que M. X. n'a pas fait intervenir dans la cause ces agents et ne donne aucune précision sur les fautes alléguées à leur encontre ;

Considérant qu'il convient donc de condamner l'intimé à payer à la société Air France tant à titre de dommages-intérêts que de redressement tarifaire la somme de 18.801 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2002, la date de ce point de départ n'étant pas discutée ;

Considérant que M. X. ne peut qu'être débouté de sa demande relative à son compte Fréquence + dès lors qu'il ne contredit pas utilement les affirmations de la société Air France selon lesquelles ce compte ne peut être débloqué avant paiement des sommes dont il est redevable ;

Considérant que pour des raisons d'équité, il convient d'allouer 3.500 euros à la société Air France par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts ;

L'infirmant sur ce point et statuant à nouveau,

Condamne M. X. à payer à la société Air France la somme de 18.801 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2002 ;

Condamne M. X. à payer à la société Air France 3.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne M. X. aux dépens d'appel ;

Dit qu'il sera fait application de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier                Le Président