TGI BOBIGNY (7e ch. sect. 3), 27 mai 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 3971
TGI BOBIGNY (7e ch. sect. 3), 27 mai 2008 : RG n° 06/07941
(sur appel CA Paris (pôle 5 ch. 11), 10 décembre 2010 : RG n° 08/14529 ; arrêt n° 395)
Extrait : « Attendu que la compagnie AIR FRANCE a versé aux débats, s'agissant des cinq billets de transport litigieux, cinq séries de relevés informatiques desquels il résulte que Monsieur X. n'a pas respecté l'ordre séquentiel des coupons de transport en empruntant seulement les vols transatlantiques, à l'exception des vols intra-européens précédant ou suivant ces derniers ; Que contrairement à ce qu'affirme Monsieur X., le fait que ces documents émanent des services de la société demanderesse ne suffit pas à considérer que la preuve de l'absence d'utilisation des vols intra-européens n'est pas rapportée eu égard à la nature même de ces pièces établies de manière automatisée, soumises à des obligations réglementaires, et qui ne sont pas arguées de faux, […] ;
Attendu que le paragraphe 3 de l'article III des conditions générales de transport prévoit que le billet est valable pour le transport indiqué via toute escale prévue lors de son achat et que les coupons doivent être utilisés dans leur ordre d'émission et qu'il est précisé que le tarif correspond au parcours indiqué ; Attendu que Monsieur X. fait valoir que la demanderesse ne démontre pas que cette clause lui serait opposable et que les conditions générales de transport de la société AIR FRANCE seraient toutes réputées non écrites, par application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, en tant qu'elles viseraient à imposer au consommateur son adhésion à des clauses dont il n'a pas effectivement eu connaissance avant la conclusion du contrat ;
Attendu cependant, d'une part, qu'il résulte de l'annexe à l'article L. 132-1 du Code de la Consommation qu'une clause pourrait être considérée comme abusive seulement si elle a pour objet ou pour effet de constater de manière irréfragable l'adhésion du consommateur à des clauses dont il n'a pas eu, effectivement, « l'occasion » de prendre connaissance avant la conclusion du contrat et, d'autre part, que cette disposition législative elle-même prévoit que l'appréciation du déséquilibre significatif entre professionnel et non professionnel formant l'abus d'une clause contractuelle « s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion » ;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que le billet de transport aérien, à l'instar du spécimen versé aux débats, fait référence aux conditions générales de transport de la compagnie comme partie intégrante du contrat et qu'il est constant que Monsieur X. est un voyageur fréquent comme le démontre la possession d'une carte de fidélisation établissant les nombreux voyages accomplis ;
Qu'en conséquence, le défendeur n'établit pas qu'il n'aurait pas eu « l'occasion » de prendre connaissance de la clause sur l'ordre séquentiel des vols au moment de la conclusion du contrat ni, au demeurant, qu'il aurait été engagé par ladite clause de manière irréfragable dans l'hypothèse même d'une non concomitance de la formation du contrat et de la remise des documents de voyage, ce qui est sujet à caution au regard de l'obligation de délivrance d'un billet faite, tant par la convention de VARSOVIE que par l'article L. 322-1 du Code de l'Aviation Civile, ce dernier disposant que « le contrat de transport des passagers doit être constaté par la délivrance d'un billet » »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY
SEPTIÈME CHAMBRE SECTION 3
JUGEMENT DU 27 MAI 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/07941.
DEMANDERESSE :
Société AIR FRANCE
[adresse], représentée par Maître Maxime MALKA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E930
C/
DÉFENDEUR :
Monsieur X.
[adresse],
représenté par Maître Romuald COHANA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 89
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Monsieur BAILLY, Vice-Président, statuant en qualité de Juge Unique, conformément aux dispositions des articles 801 et suivants du Code de Procédure Civile, assisté de Madame BARBIEUX, faisant fonction de Greffier.
DÉBATS : Audience publique du 8 avril 2008.
[minute page 2] JUGEMENT : Prononcé en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur BAILLY, Vice-Président, assisté de Madame BARBIEUX, faisant fonction de Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les dernières conclusions de la société AIR FRANCE, à la suite de l'assignation qu'elle a fait délivrer, le 30 mai 2006, à Monsieur X., au moyen desquelles elle expose que ce voyageur ayant acquis cinq billets d'avion au départ de différentes villes européennes, et à destination de MIAMI via PARIS Charles de Gaulle, n'a pas respecté l'ordre séquentiel des vols, sans emprunter totalement ou partiellement les autres vols prévus ainsi que cela résulte des documents versés aux débats, que le défendeur a été rendu destinataire d'une pochette comportant le règlement IATA et qui fait référence, comme l'envers du billet, aux conditions générales du transporteur qui font partie intégrante du contrat d'adhésion de transport et prévoient l'ordre séquentiel d'utilisation des coupons de vols qu'il ne pouvait au demeurant ignorer en sa qualité de voyageur fréquent auquel cette règle avait déjà été rappelée, que cette clause de respect de l'ordre séquentiel n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, que l'agent de voyage critiqué par le défendeur n'a pas été mis en cause par lui, que la demande de déblocage de la carte de fidélité « Fréquence plus » du défendeur n'est pas justifiée alors qu'elle a été résiliée suivant les conditions prévues aux conditions générales du programme de fidélisation, de sorte qu'elle sollicite du tribunal, sur le fondement de l'article 1134 du Code Civil
- qu'il déboute Monsieur X. de tous ses moyens,
- qu'il condamne Monsieur X. à lui payer la somme totale de 18.801 euros représentant la différence entre les prix des billets vendus et ceux correspondant à un trajet direct et unique entre MIAMI et PARIS, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2002, date de la première utilisation non séquentielle des coupons de voyage,
- qu'il ordonne l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- qu'il déboute Monsieur X. de sa demande au sujet de son ancien compte « Fréquence Plus » et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- qu'il condamne Monsieur X. à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les dernières conclusions de Monsieur X. du 6 septembre 2007 aux termes desquelles il est exposé que la société AIR FRANCE ne prouve pas qu'il n'aurait pas respecté l'itinéraire prévu, ce qu'il conteste formellement, que les conditions générales du transporteur lui sont inopposables puisqu'il n'est aucunement démontré qu'il en a eu connaissance avant la formation des contrats et dans des conditions posées par la jurisprudence pour les juger opposables, si bien [minute page 3] qu'elles doivent être réputées non écrites au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, qu'il n'a été averti de cette condition d'utilisation séquentielle des vols que le 16 mars 2004, date à laquelle un billet « prime » lui a été refusé dans des circonstances d'ailleurs contestables, que, subsidiairement, il appartenait aux agents de voyage auprès desquels il avait acquis ses billets de l'informer, notamment à la demande de la société AIR FRANCE, que très subsidiairement, la demanderesse ne démontre pas son préjudice, et qu'en tout état de cause, il lui appartient de mettre en œuvre un système permettant d'assurer le respect de l'ordre séquentiel des coupons, en application de l'article L. 322-2 du Code de l'Aviation Civile, que les miles et le fonctionnement normal de sa carte de fidélisation ont été interrompu abusivement, de sorte qu'il demande au tribunal :
- de déclarer non écrites les conditions générales de transport,
- de débouter la société AIR FRANCE de toutes ses demandes,
- de faire injonction à la société AIR FRANCE de débloquer son compte « miles » sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- de condamner la société AIR FRANCE à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 janvier 2008 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que la compagnie AIR FRANCE a versé aux débats, s'agissant des cinq billets de transport litigieux, cinq séries de relevés informatiques desquels il résulte que Monsieur X. n'a pas respecté l'ordre séquentiel des coupons de transport en empruntant seulement les vols transatlantiques, à l'exception des vols intra-européens précédant ou suivant ces derniers ;
Que contrairement à ce qu'affirme Monsieur X., le fait que ces documents émanent des services de la société demanderesse ne suffit pas à considérer que la preuve de l'absence d'utilisation des vols intra-européens n'est pas rapportée eu égard à la nature même de ces pièces établies de manière automatisée, soumises à des obligations réglementaires, et qui ne sont pas arguées de faux, et alors même qu'au contraire d'un autre vol postérieur, qui ne fait pas l'objet de la demande, il n'a produit aucun élément - comme sa carte d'embarquement ou un témoignage - permettant d'établir qu'il aurait emprunté les premières et dernières parties de ces trajets ;
Attendu que le paragraphe 3 de l'article III des conditions générales de transport prévoit que le billet est valable pour le transport indiqué via toute escale prévue lors de son achat et que les coupons doivent être utilisés dans leur ordre d'émission et qu'il est précisé que le tarif correspond au parcours indiqué ;
Attendu que Monsieur X. fait valoir que la demanderesse ne démontre pas que cette clause lui serait opposable et que les conditions générales de transport de la société AIR FRANCE seraient toutes réputées non écrites, par application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, en tant [minute page 4] qu'elles viseraient à imposer au consommateur son adhésion à des clauses dont il n'a pas effectivement eu connaissance avant la conclusion du contrat ;
Attendu cependant, d'une part, qu'il résulte de l'annexe à l'article L. 132-1 du Code de la Consommation qu'une clause pourrait être considérée comme abusive seulement si elle a pour objet ou pour effet de constater de manière irréfragable l'adhésion du consommateur à des clauses dont il n'a pas eu, effectivement, « l'occasion » de prendre connaissance avant la conclusion du contrat et, d'autre part, que cette disposition législative elle-même prévoit que l'appréciation du déséquilibre significatif entre professionnel et non professionnel formant l'abus d'une clause contractuelle « s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion » ;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que le billet de transport aérien, à l'instar du spécimen versé aux débats, fait référence aux conditions générales de transport de la compagnie comme partie intégrante du contrat et qu'il est constant que Monsieur X. est un voyageur fréquent comme le démontre la possession d'une carte de fidélisation établissant les nombreux voyages accomplis ;
Qu'en conséquence, le défendeur n'établit pas qu'il n'aurait pas eu « l'occasion » de prendre connaissance de la clause sur l'ordre séquentiel des vols au moment de la conclusion du contrat ni, au demeurant, qu'il aurait été engagé par ladite clause de manière irréfragable dans l'hypothèse même d'une non concomitance de la formation du contrat et de la remise des documents de voyage, ce qui est sujet à caution au regard de l'obligation de délivrance d'un billet faite, tant par la convention de VARSOVIE que par l'article L. 322-1 du Code de l'Aviation Civile, ce dernier disposant que « le contrat de transport des passagers doit être constaté par la délivrance d'un billet » ;
Attendu qu'en conséquence, la demande reconventionnelle tendant à voir réputées non écrites les conditions générales de transport de la compagnie doit être rejetée ; qu'il en ressort également que la clause pertinente sur l'ordre séquentiel des coupons de vol était opposable à Monsieur X., lequel n'ayant pas attrait en la cause le voyagiste qui lui aurait vendu les billets, ne peut utilement invoquer la responsabilité de ce dernier ;
Attendu, enfin, que la circonstance que la société AIR FRANCE n'ait pas constaté la violation contractuelle au moment des dits voyage n'est en rien de nature à permettre une violation des clauses contractuelles par Monsieur X., et que l'invocation par ce dernier de l'article L. 322-2 du Code de l'Aviation Civile, relatif aux conditions de séjour des passagers dans le pays de destination, est sans emport sur le présent litige
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur X., s'agissant des cinq transports litigieux, a manqué à son obligation contractuelle en ne respectant pas l'ordre séquentiel d'utilisation des vols prévus ;
* * *
[minute page 5] Attendu qu'en conséquence, la demande reconventionnelle de Monsieur X. tendant à recouvrer l'usage du programme de fidélisation doit être rejetée puisque l'exclusion du programme « Fréquence plus » et de tout les droits qui y sont attachés est la sanction prévue par l'article V du contrat dans l'hypothèse, avérée en l'espèce, de la violation des conditions générales du transporteur ;
Attendu, sur la demande principale de la société AIR FRANCE, qu'il convient d'observer que la sanction contractuellement prévue par le paragraphe 3 de l'article III des conditions générales de transport en cas de violation de l'ordre séquentiel des coupons de vol est la perte de validité des billets, l'imposition d'un nouveau tarif au moment du changement de voyage sans le consentement de la société AIR FRANCE ou encore l'annulation d'un vol en cas de non présentation du passager
Que ne sont ainsi envisagées que les conséquences d'une violation de la clause découverte par la compagnie avant l'achèvement du voyage et non la réparation d'un manquement conventionnel relevé a posteriori par le transporteur, comme en l'espèce ;
Attendu que les prétentions de la société AIR FRANCE s'analysent donc en une demande de dommages et intérêts en réparation du dommage subi du fait de la violation des conditions contractuelles, subordonnée, comme telle, à la démonstration d'un préjudice prévisible qui soit en lien direct avec le manquement ci-dessus caractérisé ;
Attendu que ce préjudice ne saurait être constitué par la différence tarifaire alléguée entre le coût des vols directs et le prix que Monsieur X. a effectivement payé pour les vols avec escales non intégralement utilisés dès lors que cette dernière modalité tarifaire et de voyage était effectivement offerte à la vente, de sorte que l'intégralité de ce manque à gagner, qui serait imputable au défendeur, n'est pas établie ;
Qu'en effet, le préjudice directement subi par la société AIR FRANCE du seul fait de la non utilisation des coupons de vol dans l'ordre prévu ne se confond pas, comme elle le fait valoir implicitement, avec l'économie retirée par Monsieur X. des modalités effectives de ses voyages ;
Attendu qu'en l'espèce, il doit être considéré que la perte de chance de la société AIR FRANCE de commercialiser les vols litigieux aux prix supérieurs des vols directs sur le trajet PARIS MIAMI sera réparée par la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts et que la société AIR FRANCE doit être déboutée du surplus de ses prétentions ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision qui n'apparaît pas nécessaire, ni compatible avec la nature de l'affaire
Attendu qu'il convient de condamner Monsieur X. à payer à la société AIR FRANCE la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant en audience publique, contradictoirement et en premier ressort,
- [minute page 6] Déboute Monsieur X. de sa demande tendant à voir réputées non écrites les conditions générales de transport,
- Condamne Monsieur X. à payer à la société AIR FRANCE la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;
- Déboute la société AIR FRANCE du surplus de ses demandes ;
- Déboute Monsieur X. de sa demande reconventionnelle ;
- Condamne Monsieur X. à payer à la société AIR FRANCE la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire de la présente décision ;
- Condamne Monsieur X. aux dépens de la présente instance.
Prononcé à l'audience publique du vingt-sept mai deux mille huit, par Monsieur BAILLY, Vice-Président, assisté de Madame BARBIEUX, faisant fonction de Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement
La Greffière Le Président
Corinne BARBIEUX Marc BAILLY
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
- 6011 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation de la personne du consommateur
- 6086 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Clauses inconnues du consommateur
- 6090 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Absence de document signé par le consommateur (affichage ; tickets)
- 6142 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Encadrement des modes de preuve
- 6455 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Transport - Transport aérien de voyageurs