CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 5 avril 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3005
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 5 avril 2011 : RG n° 08/06598
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant que M. X. ne démontre pas que les clauses litigieuses appartiendraient à l'une des catégories mentionnées alors à l'annexe de l’article L. 132-1 du code de la consommation contenant une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa ; Considérant qu'il ne rapporte pas plus la preuve que ces clauses ont été analysées comme abusives par la Commission des clauses abusives ;
Considérant, enfin, que le fait pour un contrat prévoyant à titre subsidiaire une indemnisation complémentaire pour certains préjudices corporels (frais thérapeutiques, ITT, IPP et IPT, décès), suivant un mode de calcul appliquant à l'évaluation du préjudice un coefficient multiplicateur variable mais inférieur au taux du préjudice, ne constitue pas une clause abusive dès lors qu'au regard des primes versées, le souscripteur peut espérer toucher une indemnité bien supérieure ; Considérant qu'en l'espèce, il est établi que le souscripteur était tenu de verser une cotisation annuelle d'un montant de 229,16 F. TTC en 1996 alors que le sinistre lui donne droit à une indemnité contractuelle pour l'IPP évaluée par l'assureur à la somme de 695.500 F (106.028,29 euros), que le caractère abusif des clauses contractuelles fixant le mode de calcul de l'indemnité n'est donc pas établi ;
2/ « Considérant que M. X. fait valoir que cette clause, qui impose une réduction forfaitaire de 117.900 F sans fondement juridique, doit être écartée par application des articles 1116 et 1131 du code civil ; […] ; Considérant, en effet, que la cause de cette clause réside dans la volonté contractuelle et les obligations réciproques de chacune des parties ; Considérant, en outre, qu'elle ne saurait être qualifiée d'abusive, cette clause ne faisant qu'établir une franchise, qui ne prive pas le souscripteur du bénéfice d'une indemnité ainsi qu'il a été dit ci-dessus ».
3/ « Considérant que M X. allègue la nullité de la clause à raison de la non communication avant la formation du contrat à l'assuré de la table de référence et des chiffres donnés par celle-ci ; Considérant qu'il ajoute que cette table de mortalité ne saurait lui être opposée par application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, la dite clause étant abusive ;
Considérant que l'article 19.3.3 fait référence à « la table de mortalité utilisée réglementairement pour les calculs des assurances en cas de vie », qu'il ne saurait être argué que cette mention n'a pas permis au souscripteur d'être informé sur cette table dès lors que la référence à une utilisation réglementaire le renvoyait nécessairement à la consultation de la table de mortalité de l'INSEE publiée par arrêté ministériel en vigueur au jour de la souscription ; Considérant que l'utilisation d'une telle table, qui permet, pour calculer la rente due, de tenir compte de l'âge et de l'espérance de vie, n'est pas constitutif d'une clause abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 5 AVRIL 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/06598 (6 pages). Sur renvoi de cassation. Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 25 septembre 2003.
DEMANDEURS à la saisine :
Monsieur X. assisté de sa curatrice Madame Y.
Madame Y. agissant en qualités de curatrice de monsieur X.
Représentés par Maître N., avoué, Assistés de Caroline M.-D., avocat
DÉFENDEUR à la saisine :
Société LA SAUVEGARDE
Représentée par la SCP C.-D., avoué, Assistés de Maître Jean-Jacques L., avocat
INTIMÉE régulièrement assignée :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE LOIRE
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Mme Dominique REYGNER, président, M. Christian BYK et Mme Sophie BADIE, conseillers
GREFFIER : Lors des débats : Dominique BONHOMME-AUCLERE
DÉBATS : A l'audience publique du 1er mars 2011. Rapport fait par M. Christian BYK, conseiller, en application de l’article 785 du code civil
ARRÊT : Réputé contradictoire. Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile. Signé par Mme Dominique REYGNER, président, et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Monsieur X. a souscrit auprès de la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires (GMF), aux droits de laquelle vient la société LA SAUVEGARDE, un contrat dénommé GIX, ayant pour objet de garantir à titre subsidiaire une indemnisation de nature complémentaire des dommages corporels occasionnés par les accidents de la circulation automobile.
Victime le 15 octobre 1996 d'un tel accident, M. X. a assigné l'assureur devant le tribunal de grande instance de Paris lequel, par décision qualifiée de « ordonnance du juge de la mise en état » du 25 septembre 2003, a rejeté la demande d'annulation de certaines clauses du contrat et ordonné la réouverture des débats.
Par arrêt du 13 juin 2006, la cour de céans a dit que la décision du 25 septembre 2003 est un jugement, et non une ordonnance du juge de la mise en état, déclaré réputées non écrites les clauses des conditions générales de la police d'assurance relatives au mode de calcul de l'indemnité due à l'assuré atteint d'incapacité permanente et évalué le préjudice de M. X. à la somme de 80.881,83 euros au titre de l'IPP, à celle de 9.985,42 euros au titre de la tierce personne et à la somme de 3.295,19 euros pour l'indemnité complémentaire.
Par arrêt du 13 décembre 2007, la Cour de cassation a cassé cet arrêt notamment pour avoir dénaturé les termes de l'article 4 des conditions générales du contrat GIX d'où il résultait que les sommes versées par une caisse au titre du sinistre garanti viennent en déduction de l'indemnité due par l'assureur.
Par déclaration du 15 avril 2008, M. F. X., assisté de Mme Y., curatrice, a saisi la cour et, dans des dernières conclusions du 7 janvier 2011, demande à la cour de :
- dire que la décision déférée s'analyse comme un jugement,
- confirmer que les dispositions des articles 19-1-1, 19-1-4, 19-7-1 et 19-7-3 doivent être réputées non écrites et les mettre à néant,
- dire, au cas où la cour admettrait de déduire la capitalisation de la rente hors taxe du montant des indemnités, que cette capitalisation ne pourra se faire en application de la table de mortalité utilisée réglementairement par les calculs de tarif des assurances en cas de vie,
- évoquer et fixer l'indemnité contractuelle lui revenant à :
* la somme de 25.4623 euros pour l'IPP, ou 23.9642,85 euros à titre subsidiaire,
* la somme de 15.085,75 euros pour l'indemnité de tierce personne,
soit une somme totale, après actualisation contractuelle, de 308.597,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 1998,
- condamner, au cas où la cour annulerait le contrat, l'assureur à lui payer une indemnité de 300.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,
- condamner la compagnie LA SAUVEGARDE à lui payer la somme de 7.286,74 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'aux dépens, y inclus les frais d'expertise.
Par dernières conclusions du 29 avril 2009, la compagnie LA SAUVEGARDE sollicite la confirmation de la décision déférée et le débouté de M. X. de toutes ses demandes.
Assignée à personne habilitée le 22 octobre 2008, la CPAM de la HAUTE-LOIRE n'a pas constitué avoué.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CE SUR QUOI, LA COUR :
Sur la qualification de la décision déférée :
Considérant que le juge de la mise en état a clôturé la procédure le 6 février 2003 et renvoyé les parties à l'audience du 12 juin où l'affaire a été plaidée au fond et mise en délibéré au 25 septembre 2003 ;
Considérant que la décision rendue a, en déboutant M. X. de sa demande d'annulation de certaines clauses contractuelles, statué au fond, que la procédure s'est, au demeurant, déroulée conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, qui concernent la procédure au fond devant le Tribunal de grande instance, que la décision déférée doit ainsi s'analyser en un jugement ;
Sur les clauses contractuelles litigieuses :
- nullité des clauses 19.1.1 et 19.1.4 des conditions générales :
Considérant que M. X. estime que ces clauses entrent en contradiction avec les conditions particulières et viennent en vider l'objet par le mode de calcul qu'elles proposent de l'IPP et qui ne permet pas d'obtenir une indemnité plus élevée que la moitié de la somme promise, qu'il y a donc dol et que lesdites clauses présentent un caractère abusif ;
Considérant que la compagnie LA SAUVEGARDE réplique que le contrat n'a qu'une vocation d'indemnisation complémentaire, qu'il a fait l'objet d'un agrément de la part de la Commission de contrôle des assurances et que M. X. a reçu, lors de la souscription, tant les conditions générales que particulières ;
Considérant que la compagnie ajoute que M. X. ne prouve aucune manœuvre dolosive lors de la signature du contrat, qu'il existe bien une garantie d'indemnisation mais que celle-ci est subsidiaire et ne joue que si le préjudice n'a pas été entièrement réparé, que tel est le sens de la cassation, qui énonce le caractère clair et précis du principe de déduction des prestations perçues ;
Considérant, sur les clauses relatives au mode de calcul de l'indemnité, que l'assureur répond qu'étant de simples modalités d'exécution d'une obligation essentielle, elles ne peuvent être annulées ;
Considérant que M. X., qui invoque une erreur sur la substance et le dol n'en tire cependant pas les conséquences juridiques logiques en ne sollicitant pas la nullité du contrat, qu'au demeurant il ne caractérise ni des actes de tromperie ni des manœuvres frauduleuses de la part de l'assureur au moment de la souscription du contrat ;
Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de la rédaction de l’article L. 132-1 du code de la consommation à la date de souscription du contrat que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;
Considérant que M. X. ne démontre pas que les clauses litigieuses appartiendraient à l'une des catégories mentionnées alors à l'annexe de l’article L. 132-1 du code de la consommation contenant une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa ;
Considérant qu'il ne rapporte pas plus la preuve que ces clauses ont été analysées comme abusives par la Commission des clauses abusives ;
Considérant, enfin, que le fait pour un contrat prévoyant à titre subsidiaire une indemnisation complémentaire pour certains préjudices corporels (frais thérapeutiques, ITT, IPP et IPT, décès), suivant un mode de calcul appliquant à l'évaluation du préjudice un coefficient multiplicateur variable mais inférieur au taux du préjudice, ne constitue pas une clause abusive dès lors qu'au regard des primes versées, le souscripteur peut espérer toucher une indemnité bien supérieure ;
Considérant qu'en l'espèce, il est établi que le souscripteur était tenu de verser une cotisation annuelle d'un montant de 229,16 F. TTC en 1996 alors que le sinistre lui donne droit à une indemnité contractuelle pour l'IPP évaluée par l'assureur à la somme de 695.500 F (106.028,29 euros), que le caractère abusif des clauses contractuelles fixant le mode de calcul de l'indemnité n'est donc pas établi ;
- absence de cause de la clause 19.4 des conditions générales :
Considérant que M. X. fait valoir que cette clause, qui impose une réduction forfaitaire de 117.900 F sans fondement juridique, doit être écartée par application des articles 1116 et 1131 du code civil ;
Considérant que la compagnie La SAUVEGARDE répond que le contrat était bien causé au moment de la souscription au regard de la faiblesse des primes dues par rapport à l'indemnité pouvant être perçue ;
Considérant, en effet, que la cause de cette clause réside dans la volonté contractuelle et les obligations réciproques de chacune des parties ;
Considérant, en outre, qu'elle ne saurait être qualifiée d'abusive, cette clause ne faisant qu'établir une franchise, qui ne prive pas le souscripteur du bénéfice d'une indemnité ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;
- nullité de la clause 19.3.3 des conditions générales et sa non application :
Considérant que M X. allègue la nullité de la clause à raison de la non communication avant la formation du contrat à l'assuré de la table de référence et des chiffres donnés par celle-ci ;
Considérant qu'il ajoute que cette table de mortalité ne saurait lui être opposée par application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, la dite clause étant abusive ;
Considérant que l'article 19.3.3 fait référence à « la table de mortalité utilisée réglementairement pour les calculs des assurances en cas de vie », qu'il ne saurait être argué que cette mention n'a pas permis au souscripteur d'être informé sur cette table dès lors que la référence à une utilisation réglementaire le renvoyait nécessairement à la consultation de la table de mortalité de l'INSEE publiée par arrêté ministériel en vigueur au jour de la souscription ;
Considérant que l'utilisation d'une telle table, qui permet, pour calculer la rente due, de tenir compte de l'âge et de l'espérance de vie, n'est pas constitutif d'une clause abusive ;
- contrariété entre les clauses contenues dans les conditions particulières et générales :
Considérant que M X. soutient que, par application de l’article L. 132-2 du code de la consommation, doivent être déclarée non écrites ou à tout le moins abusives les clauses litigieuses ;
Mais, considérant que pour les motifs ci-dessus développés, il convient de dire que M X. ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de ces clauses ;
Sur la demande d'évocation :
Considérant que M X., faisant valoir que la cour dispose de tous les éléments pour se prononcer sur le montant détaillé de ses demandes, sollicite l'évocation ;
Mais considérant, d'une part, qu'il n'est pas contestable, au vu de l'arrêt de cassation, que l'indemnité due à M. X. au titre de l'incapacité permanente partielle doit déduire, conformément à l'article 4 de la police, les sommes versées par la CPAM au titre du sinistre ;
Considérant, d'autre part, qu'il est établi que la CPAM de la HAUTE LOIRE verse à M X. une rente, mais que celui-ci ne fournit pas de décompte de la caisse au-delà de l'année 2005, qu'il s'ensuit que la cour ne disposant pas de tous les éléments pour statuer définitivement sur les sommes éventuellement encore dues par l'assureur, ne peut faire droit à la demande d'évocation ;
Sur l’article 700 du Code de procédure civile :
Considérant que l'équité ne commande de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant en conséquence qu'il convient de confirmer la décision déférée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant en dernier ressort, par décision réputée contradictoire et publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme la décision déférée,
Dit n'y avoir lieu à évocation,
Dit n'y avoir lieu à faire application de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne M X. et Mme Y. es qualité aux dépens d'appel, y compris ceux de l'arrêt cassé du 13 juin 2006, et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
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