TI SAINTES (greffe de Royan.), 12 octobre 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 3097
TI SAINTES (greffe de Royan.), 12 octobre 2005 : RG n° 11-05-000247
(sur appel de CA Poitiers (2e ch. civ.), 13 mars 2007 : RG n° 05/03412 ; arrêt n° 126)
Extrait : 1/ « Attendu que les motivations du législateur communautaire et du législateur français se rejoignent donc pour inscrire le crédit à la consommation dans le cadre général du fonctionnement du marché et pour en faire un outil de régulation économique majeur ; que l'ordre public de direction qui en résulte permet au juge de relever d'office les moyens de purs droit découlant des irrégularités affectant les contrats dont l'exécution est réclamée en justice ».
2/ « … la Cour de Justice des Communautés européennes a confirmé cette solution en jugeant que « la protection que la directive (sur les clauses abusives) assure aux consommateurs s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » (CJCE 21 novembre 2002, Fredout, n° 473/00) ; que cette solution doit être transposée à toutes les réglementations dérivées de directives relatives à la protection du consommateur, leur inspiration et leur finalité étant identiques ».
3/ « Que les parties ne peuvent pas déroger aux dispositions d'ordre public de l’article L. 311-9 du code de la consommation, qui font exception aux exigences des articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation, qui imposent pour tout crédit ou modification de crédit la remise à l'emprunteur d'une offre préalable ; Qu'en effet, l'offre de renouvellement vient se substituer à l'offre préalable exigée par ces derniers textes ; Que si aucun formalisme n'est prévu et que la preuve est libre, l'article 1315 du code civil met néanmoins à la charge du prêteur de rapporter la preuve de la réalité de cette information laquelle conditionne la tacite reconduction ;
4/ « Attendu qu'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type prévu par les articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation rompt l'équilibre contractuel voulu par le législateur et constitue nécessairement au profil du prêteur professionnel un déséquilibre significatif révélant le caractère abusif de la dite clause que dès lors, il entre dans l'office du juge de relever le caractère abusif de cette clause nonobstant la jurisprudence de la Cour de cassation qui doit être écartée en raison de la primauté du droit communautaire ; qu'une fois le caractère abusif de la clause relevé d'office par le juge, celui-ci doit appliquer les sanctions prévues en droit interne et rien ne s'oppose à ce qu'une clause abusive au sens de L. 132-1 du code de la consommation, puisse en outre aggraver la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type ; que dans une telle hypothèse, les protections, qu'elles soient d'origine communautaire ou interne, doivent être combinées conformément à l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 13 décembre 2001 (Georg Heininger et Helga Heininger Bayerische Hypo- und Vereinsbank AG, Les activités de la CJCE el du TPI des Communautés européennes, n° 33/01, p. 47) ; que dès lors, après avoir relevé d'office le caractère abusif d'une clause en application des arrêts Oceano groupe et Fredout c/ Cofidis, le juge peut ensuite combiner les divers dispositifs pour appliquer la sanction de déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L. 311-33 du code de la consommation, lorsque la clause abusive constitue en outre une aggravation de la situation de l'emprunteur ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINTES
GREFFE DÉTACHÉ DE ROYAN
JUGEMENT DU 12 OCTOBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 11-05-000247. NAC : 53B.
DEMANDEUR(S) :
Société Anonyme MEDIATIS
[adresse], représenté(e) par SCP A. ROUDET L. ROUDET P. BOISSEAU N. BOISSEAU, avocat au barreau de SAINTES
DEFENDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], actuellement sans domicile connu, non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Philippe FLORES
GREFFIER Françoise SUANT
DÉBATS : Audience publique du 21 septembre 2005
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 1 - NB : les deux premières pages sont numérotées page 1] Selon offre préalable acceptée le 15 février 1998, la société COFINOGA a consenti à M. X., une ouverture de crédit d'un montant en capital de 40.000 francs ouvrant pour la société de crédit à la perception d'intérêts au taux effectif global de 15,48 % calculés sur les sommes réellement empruntées.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société de crédit a provoqué la déchéance du terme.
Par acte du 5 septembre 2005, LA SOCIÉTÉ MEDIATIS, qui vient aux droits de COFINOGA a fait assigner M. X. afin d'obtenir avec exécution provisoire, sa condamnation eu paiement des sommes suivantes :
- 4.581,13 euros pour solde du crédit,
- les intérêts conventionnels
- 300 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Assigné conformément à l'article 659 du NCPC, M. X. n'a pas comparu. Le tribunal a invité les parties à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office tiré du défaut de preuve de la régularité du contrat de crédit el sur les conséquences mai peuvent en découler (art. 1315 du code civil, L. 311-8 à L. 311-13, R. 311-6 et R. 311-7 et L. 311-33 du code de la consommation).
LA SOCIÉTÉ MEDIATIS a exposé que :
- le tribunal ne pouvait pas soulever d'office le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions relatives au crédit à la consommation
- le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre était atteint par la forclusion prévue à L. 311-37 du code de la consommation,
- le tribunal ne pouvait affirmer que le bordereau de réflexion n'était pas régulier et ce d'autant plus qu'aucune disposition n'importait au prêteur de prouver la régularité du bordereau ni d'en remettre un double au juge. Aucune confusion ne devait être faite entre le bordereau de rétractation et le contrat qui étaient distincts l'un de l'autre, l'obligation de conserver autant d'exemplaires que de contrats ne concernant pas le bordereau de rétractation. En outre l'emprunteur avait reconnu rester en possession d'un exemplaire de l'offre doté du bordereau de rétractation el il lui appartenait donc de la produire.
- aucune condition de forme n'est imposée pour ce qui concerne l'offre de renouvellement du contrat prévue à l'article L. 311-9 du code de la consommation. Or des messages très précis figurent dans les relevés de comptes envoyés client, lequel ne conteste pas les avoir reçus
- la méconnaissance de l'obligation d'informer l'emprunteur n'est pas sanctionnée [minute page 2] par la nullité du contrat mais par la déchéance du droit aux intérêts sur les sommes prêtées en inexécution du contrat reconduit
- la liberté contractuelle permettant aux parties d'ajouter des dispositions conventionnelles. En outre, le préteur ne se prévaut pas des clauses contestées, lesquelles si ales étaient abusives seraient seulement non écrites sans que déchéance du droit aux intérêts soit applicable.
La SOCIÉTÉ MEDIATIS a maintenu l'intégralité de ses prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur les conséquences du défaut de comparution du défendeur :
Attendu que selon l'article 472 du nouveau code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée ;
que le silence du défendeur ne vaut pas à lui seul acceptation (Civ. 1ère, 16 avril 1996 : Bull. civ. I, n° 181) ;
Sur l'office du juge :
Attendu que la législation du crédit à la consommation dérive du droit communautaire, les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation transposant en droit interne les dispositions de la directive n° 87/102 du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation ; que la Cour de justice des communautés européennes considère que « le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel » (CJCE 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, Rec. p. 629) ; qu’« en appliquant le droit national, qu'il s'agisse de dispositions antérieures ou postérieures à la dite directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer à l'article 189, troisième alinéa du traité » (CJCE, 16 décembre 1993, Marleasing, Rec. p. 6911),
Attendu que pour l'application de la directive n° 93/13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, la Cour de justice des communautés européennes a estimé que l'objectif poursuivi par l'article 6 de la directive, qui impose aux États membres de prévoir que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, ne pourraient être atteints si ces derniers devaient se trouver dans l'obligation de soulever eux-mêmes le [minute page 3] caractère abusif de telles clauses. […] S'il est vrai que, dans nombre d'États membres, les règles de procédure permettent dans de tels litiges aux particuliers de se défendre eux-mêmes, il existe un risque non négligeable que, notamment par ignorance, le consommateur n'invoque pas le caractère abusif de la clause qui lui est opposée. Il s'ensuit qu'une protection effective du consommateur ne peut être atteinte eue si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (Cour de justice des Communautés Européennes 27 juin 2000, Oceano groupo, JCP 2001, 10513, obs. G. Paisant et M. Carballo Fidalgo) ;
que la généralité du principe dégagé par la Cour de justice des communautés européennes doit être transposée à l'application de la directive relative au crédit à la consommation dont l'inspiration et la finalité sort identiques, à savoir assurer un haut degré de protection de l'emprunteur-consommateur, conformément à l'article 38 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000 ; qu'en effet l'impératif d'application de la protection du consommateur se heurte au même risque d'ignorance du consommateur de sorte qu'une protection efficace et conforme aux objectifs de la directive impose la possibilité pour le juge national de soulever d'office les éléments de droit applicables ; que du reste dans son arrêt du 21 novembre 2002 (Cofidis c/ Fredout), la Cour de Justice des communautés européennes a repris les mêmes motifs pour juger que « la protection que la directive (sur les clauses abusives) assure aux consommateurs s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée clans ledit contrat » ; que le simple fait que le délai de forclusion ne puisse être opposé l'office du juge démontre que pour la Cour, cet office non seulement existe mais relève de l'essence même du dispositif issu de la directive ;
Attendu en toute hypothèse que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes fait obligation au juge de relever d'office les moyens tirés du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit ; qu'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type prévu par les articles L. 311-13 et L. 311-6 du code de la consommation rompt l'équilibre contractuel voulu par le législateur et constitue nécessairement au profit du préteur professionnel un déséquilibre significatif révélant le caractère abusif de la dite clause ; que dès lors, il entre dans l'office du juge de relever le caractère abusif de cette clause nonobstant la jurisprudence de la Cour de cassation qui doit être écartée en raison de la primauté du droit communautaire ; qu'une fois le caractère abusif de la clause relevé d'office par le juge, celui-ci doit appliquer les sanctions prévues en droit interne et rien ne s'oppose à ce qu'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisse en outre aggraver la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type que dans une telle hypothèse, les protections, qu'elles soient d'origine communautaire ou interne, doivent être combinées conformément à l'arrêt rend par la Cour de Justice des [minute page 4] Communautés européennes le 13 décembre 2001 (Georg Heininger et Helga Heininger c/ Bayerische Hypo- und Vereinsbank AG, Les activités de la CJCE et du TPI des Communautés européennes, n° 33/01, p. 47) ; que dès lors, après avoir relevé d’office le caractère abusif d'une clause en application des arrêts Oceano groupo el Fredout c/ Cofidis, le juge peut ensuite combiner les divers dispositifs pour appliquer la sanction de déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L. 311-33 du code de la consommation, lorsque la clause abusive constitue en outre une aggravation de la situation de l'emprunteur ;
Attendu que dans son exposé des motifs la directive n° 82/102 du Conseil du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation, souligne que les disparités de réglementation sont susceptibles « d'entraîner des distorsions de concurrence entre les préteurs dans le marché commun », « influent sur la libre circulation des biens et des services susceptibles d'être affectés d'un crédit et ont ainsi un impact direct sur le fonctionnement du marché commun » et que « les consommateurs, les prêteurs, les fabricants, les grossistes et les détaillants, ainsi que les prestataires de services tireraient tous profits de la création d'un marché commun du crédit à la consommation » ; qu'il en découle que cette directive n'a pas pour seul objet d'accorder une certaine bienveillance à une catégorie de personnes présumées faibles, auxquelles il appartiendrait ensuite de faire respecter leurs droits, mais bien d'organiser le Marché intérieur pour le plus grand profit de l'ensemble des agents économiques ; que cet objectif répond à la définition en droit interne de l'ordre public de direction, lequel permet au juge de relever d'office les moyens tirés de son manquement ;
Attendu qu'en droit interne, le législateur est animé de la même volonté de régulation économique ; qu'ainsi, lors de la discussion de la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005, tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, le rapporteur, M. Chatel, a exposé que « la consommation est au cœur de la vie de nos concitoyens, En premier lieu, le consommateur dispose d'un poids économique important puisque les ménages contribuent à hauteur de 54 % au produit intérieur brut de notre pays, ce explique que l'évolution de la consommation constitue un outil de prévision largement utilisé. La consommation constitue en second lieu la finalité de toute notre organisation économique. Un des objectifs majeurs de nos concitoyens est de pouvoir consommer mieux et davantage. [...] Il est aujourd'hui temps d'ajouter une nouvelle pierre à cet édifice pour prendre en compte un contexte économique et social en plein bouleversement au cours de la dernière décennie. […] L'objectif de la proposition de loi est donc de redonner confiance au consommateur, pour que, demain, sa contribution à la croissance soit encore plus déterminante, par le biais de trois mesures très concrètes mais fondamentales […] ; qu'il en découle que cette réforme des dispositions relatives au crédit à la consommation n'a d'autre objet que de favoriser la croissance économique et s'inscrit donc clairement dans l'ordre public économique, lequel est un ordre public de direction ;
[minute page 5] Attendu que les motivations du législateur communautaire et du législateur français se rejoignent donc pour inscrire le crédit à la consommation dans le cadre général du fonctionnement du marché et pour en faire un outil de régulation économique majeur ; que l'ordre public de direction qui en résulte permet au juge de relever d'office les moyens de purs droit découlant des irrégularités affectant les contrats dont l'exécution est réclamée en justice ;
Attendu qu'en procédant, conformément à l'article 12 du NCPC, à l'application de la règle de droit appropriée après avoir sollicité les observations des parties, le juge s'inscrit bien dans le cadre de l'impartialité prévue par l'article 6-1 de la Convention Européenne des droits de l’Homme (V. en ce sens J. Normand, RTD civ. 1996, p. 689) et assure en outre la prééminence du droit objectif poursuivi par la dite Convention ;
Sur la demande principale :
A) Quant à la forclusion :
Attendu que pour l'application des droits accordés par le consommateur en application de directives européennes, la Cour de justice européenne écarte tout délai de nature à restreindre la protection issue du droit communautaire ; qu'en effet si « les droits conférés par le droit communautaire doivent être exercés devant les juridictions nationales selon les modalités déterminées par la règle nationale (...), ces modalités et délais ne doivent pas aboutir à rendre en pratique impossible l'exercice de droits que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder » (CJCE 16 décembre 1976, Renie Zentralfinanz, n° 33/76, Rec. p. 1989) ; que du reste, c'est après avoir pris conscience de ce que le délai de forclusion empêchait en réalité le consommateur de faire valoir les droits que devait lui offrir la réglementation du crédit à la consommation que le législateur a réformé l'article L. 311-37 du code de la consommation pour en limiter les effets aux seules actions en paiement du préteur ;
Attendu ainsi que dans une espèce relative à l'application de la directive 85/577 du 20 décembre 1985, relative au démarchage à domicile, où en l'absence d'information du consommateur de l'existence du délai de rétractation, l'exercice de ce droit était limité dans le temps à un an à compter de la conclusion du contrat, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que : « quant à l’argument selon lequel il est indispensable de limiter le délai d'exercice du droit de révocation pour des motifs de sécurité juridique, il convient d'observer que de tels motifs ne peuvent prévaloir dans la mesure où ils impliquent une limitation des droits expressément accordés par la directive […] au consommateur pour le protéger contre les risques découlant du fait que les institutions de crédit ont choisi de conclure des contrats de crédit [...] en dehors de leurs établissements commerciaux. En effet, si ces institutions choisissent de telles méthodes pour commercialiser leurs services, elles peuvent sans difficulté sauvegarder tant les intérêts des consommateurs que leurs propres exigences de sécurité juridique en se [minute page 6] conformant à leur obligation d'informer ceux-ci » (CJCE, 13 décembre 2001, Georg Heininger et Helga Heininger c/ Bayerische Hypo-und Vereinsbank AG, Les activités de la CJCE et du TPI des Communautés européennes, n° 33/01, p. 47) ;
que de même, dans une hypothèse où le moyen tiré du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit à la consommation se voyait opposé le délai de forclusion prévu à l'article L. 311-33 du code de la consommation, la Cour de Justice des Communautés européennes a confirmé cette solution en jugeant que « la protection que la directive (sur les clauses abusives) assure aux consommateurs s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » (CJCE 21 novembre 2002, Fredout, n° 473/00) ; que cette solution doit être transposée à toutes les réglementations dérivées de directives relatives à la protection du consommateur, leur inspiration et leur finalité étant identiques ;
que mutatis mutandi le délai de forclusion opposable à l'emprunteur contrevient à l'esprit et à la finalité de la directive du 22 décembre 1987 en ce qu'elle empêche l'emprunteur de bénéficier des dispositions protectrices et des droits qui lui sont dévolus ; que le juge national est tenu d'assurer l'effectivité de la directive et d'écarter les dispositions qui contreviendraient à ce principe ; que dès lors ce délai de forclusion doit être écarté ;
B) Quant aux irrégularités de l'offre :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur qui ne saisit pas l'emprunteur ou la caution d'une offre conforme aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation est déchu du droit aux intérêts ;
- le bordereau de rétractation :
Attendu que l'article L. 311-34 du code de la consommation incrimine le fait pour le préteur d'omettre de « prévoir un formulaire détachable dans l'offre préalable » ce qui démontre bien que le bordereau détachable, qui selon l'article L. 311-15 est joint à l'offre préalable, fait bien partie intégrante de cet acte ;
que de surcroît la présence du bordereau est exigée par les modèles-types d'offres préalables fixées par les articles R. 311-6 et R. 311-7 du code de la consommation ;
Que le prêteur pourrait très facilement en justifier si l'offre préalable avait réellement été émise en double exemplaire, ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du code de la consommation, el si ces deux originaux étaient réellement identiques, ainsi qu'il résulte [minute page 7] tant du texte susvisé que de l'article 1325 du code civil ;
Que force est de constater que l'exemplaire produit par le prêteur est dénué de bordereau détachable de sorte que la preuve de la régularité n'est pas rapportée ; qu’il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quart à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau détachable ne saurait démontrer la régularité du dit bordereau qu'en effet la reconnaissance ou l'aveu de l'emprunteur ne peut porter que sur un élément de fait et non sur un point de droit, ainsi qu'il résulte des articles 1354 et suivants du code civil ; qu'en conséquence la reconnaissance ne peut constituer la preuve de l'existence d'un contrat (Com. 13 décembre 1993, Bull. IV n° 346) ou de sa régularité ;
Attendu en toute hypothèse que le modèle-type de bordereau de rétractation fixé par l’article R. 311-7 du code de la consommation impose la mention de la date d'expiration du délai de réflexion de l'offre, et, le prêteur, qui n'est pas juge de l'opportunité d'une loi ou d'un règlement ne saurait s'affranchir de l'obligation de cette mention au motif que l’article L. 311-15 est rappelé ;
que le fait que l'emprunteur puisse se rétracter sur tout moyen, le cas échéant sur papier libre, n'a aucune incidence sur l'obligation pour le prêteur de remettre avec l'offre préalable un bordereau de rétractation régulier destiné à faciliter l'usage du délai de réflexion ;
Qu'au demeurant, le simple rappel de l'article L. 311-15 du code de la consommation est insuffisant puisqu'il ne permet pas à l'emprunteur de connaître les conditions de computation des délais, ni de prorogation lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé ; que la simple indication du délai de sept jours peut induire à l'erreur l'emprunteur sur ses possibilités réelles d'exercice de la faculté de rétractation que dès lors, l'obligation d'indiquer la date d'expiration du délai de réflexion perd toute sa résonance ;
Qu’il appartient bien au prêteur, conformément à l'article 1315 du code civil de justifier de la régularité du bordereau de rétractation, qui doit comporter au recto et au verso les mentions requises par l'article R. 311-7 du Code de la consommation, en produisant son propre exemplaire (CA Bordeaux, 11 mai 1999, Bull. inf. C. cass. 15 octobre 1999, n° 1147) ;
Attendu enfin que le défaut de régularité du bordereau de rétractation est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts (Civ. 1ère, 8 juillet 1997, Bull. inf. C. cass. 1997, n° 1460), l'article L. 311-13 du code de la consommation prévoyant que les modèles-types; dont le respect est sanctionné par l'article L. 311-33, sont établis par décret, à savoir les articles R. 311-6 et R. 311-7 ;
[minute page 8]
- le renouvellement du crédit en harmonie avec l'article L. 311-9 du code de la consommation :
Attendu qu'aux termes de l'article 1315 alinéa du code civil, le débiteur d'une obligation, de quelque nature qu'elle soit, doit rapporter la preuve de sa libération ; que la bonne foi, laquelle est effectivement toujours présumée, n'a aucune incidence sur les règles d'administration de la preuve, un débiteur, qu'il s'agisse d'une obligation de faire ou de payer, bénéficiant toujours de cette présomption de bonne foi ; que cependant cette présomption n'a pas pour effet de renverser la charge de la preuve de sa libération ;
Attendu que selon l'article L. 311-9 du code de la consommation, la durée d'une ouverture de crédit est limitée à un an, et, trois mois avant le terme, le prêteur doit faire connaître à l'emprunteur les conditions de renouvellement ;
Qu'à défaut d'accord sur le renouvellement, le contrat est résilié, et le solde du crédit est réglé de façon échelonnée selon les termes initiaux ;
Qu’il en découle qu'en l'absence de résiliation du contrat, les conditions contractuelles doivent obligatoirement faire l'objet d'une négociation conforme aux règles légales, à savoir l'envoi par le prêteur d'un avis trois mois avant le terme, des nouvelles conditions et l'acceptation tacite de l'emprunteur, qui s'abstient de le contester ;
Que les parties ne peuvent pas déroger aux dispositions d'ordre public de l’article L. 311-9 du code de la consommation, qui font exception aux exigences des articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation, qui imposent pour tout crédit ou modification de crédit la remise à l'emprunteur d'une offre préalable ;
Qu'en effet, l'offre de renouvellement vient se substituer à l'offre préalable exigée par ces derniers textes ;
Que si aucun formalisme n'est prévu et que la preuve est libre, l'article 1315 du code civil met néanmoins à la charge du prêteur de rapporter la preuve de la réalité de cette information laquelle conditionne la tacite reconduction ;
Que le prêteur, qui n'est pas juge de l'opportunité d'une loi, doit adapter son comportement de telle sorte qu'il soit compatible avec des exigences légales ; qu’il ne peut donc s'affranchir de la charge de la preuve au motif que la masse de courriers à traiter est, selon lui, trop importante ;
Attendu de surcroît que l'offre de renouvellement permet la tacite reconduction du contrat, c'est à dire la conclusion d'un nouveau contrat (Com. 13 mars 1990, Bull. IV n° 77), Or la conclusion d'une nouvelle convention implique la rencontre des consentements et donc un [minute page 9] nouvel accord, fût-il tacite sur les éléments essentiels du nouveau contrat (Civ. 1ère, 24 novembre 1998, RTD civ. 1999, p. 398, obs. J. Mestre) ; que pour que cette dernière intervienne, il est nécessaire que l'emprunteur ait eu connaissance de l'offre de renouvellement, faute de quoi son consentement ne peut pas s'exprimer, fût-ce tacitement ; que l'offre de renouvellement est un acte réceptice qui ne peut produire un effet que s'il n'est reçu par son destinataire ;
Qu'en l'espèce, LA SOCIETÉ MEDIATIS ne prouve pas la réception de l'offre de renouvellement ;
Que dès lors la déchéance du droit aux intérêts est encourue ;
- l'aggravation de la situation de l'emprunteur :
Attendu qu'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type prévu par les articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation rompt l'équilibre contractuel voulu par le législateur et constitue nécessairement au profil du prêteur professionnel un déséquilibre significatif révélant le caractère abusif de la dite clause que dès lors, il entre dans l'office du juge de relever le caractère abusif de cette clause nonobstant la jurisprudence de la Cour de cassation qui doit être écartée en raison de la primauté du droit communautaire ; qu'une fois le caractère abusif de la clause relevé d'office par le juge, celui-ci doit appliquer les sanctions prévues en droit interne et rien ne s'oppose à ce qu'une clause abusive au sens de L. 132-1 du code de la consommation, puisse en outre aggraver la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type ; que dans une telle hypothèse, les protections, qu'elles soient d'origine communautaire ou interne, doivent être combinées conformément à l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 13 décembre 2001 (Georg Heininger et Helga Heininger / Bayerische Hypo- und Vereinsbank AG, Les activités de la CJCE el du TPI des Communautés européennes, n° 33/01, p. 47) ; que dès lors, après avoir relevé d'office le caractère abusif d'une clause en application des arrêts Oceano groupo et Fredout c/ Cofidis, le juge peut ensuite combiner les divers dispositifs pour appliquer la sanction de déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L. 311-33 du code de la consommation, lorsque la clause abusive constitue en outre une aggravation de la situation de l'emprunteur ;
Attendu que toute clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type applicable, constitue une irrégularité entraînant la déchéance du droit aux intérêts du prêteur (Civ. 1ère, 1er décembre 1993, Bull. II, n° 354) ; que cette sanction est applicable que le prêteur se soit prévalu ou non de la clause illicite, la sanction étant attachée au fait pour le prêteur d'avoir inclus une telle clause dans le contrat ; qu'en effet, le propre d'une clause abusive est de faire accroire à sa force obligatoire et d'avoir un effet comminatoire sur le consommateur, indépendamment de son application réelle ; que [minute page 10] le but de la loi, tant dans le cadre de l'article L. 132-1 du code de la consommation que dans celui des dispositions combinées des articles L. 311-13, L. 311-33 et R. 311-7 du code de la consommation, est de sanctionner de telles pratiques, y compris de façon préventive, avant même qu'elle ait été mis en œuvre par le prêteur ;
Attendu que toute clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type applicable, constitue une irrégularité entraînant la déchéance du droit aux intérêts du prêteur (Civ. 1ère, 1er décembre 1993, Bull. I, n° 354) ;
Attendu que force est de constater que le contrat prévoit la résiliation du prêt pour d'autres causes que la défaillance de l'emprunteur (inexactitude des renseignements confidentiels, défaut de communication immédiate des renseignements concernant le débiteur), aggravant ainsi la situation de ce dernier par rapport aux prévisions du modèle-type ;
Que la déchéance du droit aux intérêts est donc encourue de ce chef ;
C) Quant au montant de la créance :
Attendu que la déchéance du droit aux intérêts, qui est destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, en faveur de l'ensemble des consommateurs n'est absolument pas subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur (CA Paris 27 octobre 1987, D. 1987, IR, 249) ;
Qu'il s'ensuit que, conformément à l'article L. 311-33 du code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort (Cass. avis 8 octobre 1993, D. 1993, IR n° 48 ; Civ. 1ère 30 mars 1994, D. 1994, IR p. 101 ; Civ. 1ère 10 avril 1996, note T. Hassler déjà citée) ;
Que cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l’article L. 311-30 du code de la consommation et l'article D. 311-11 du code de la consommation ;
Que la créance de LA SOCIÉTÉ MEDIATIS s'établit à 1.937,62 euros ;
que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 5 septembre 2005, date de l'assignation, conformément à l'article 1153 du code civil ;
Sur l’exécution provisoire :
Attendu qu'aucune circonstance particulière ne vient justifier l'exécution provisoire ;
[minute page 11]
Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne permet de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure ;
Sur les dépens :
Attendu que la partie succombante doit supporter les dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort,
CONDAMNE M. X. à payer à LA SOCIÉTÉ IVIEDIATIS, la somme de 2.937,62 euros pour solde du crédit, avec les intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2005.
DÉBOUTE LA SOCIÉTÉ MEDIATIS du surplus de ses prétentions.
RAPPELLE qu'en cas de mise en place d'une procédure de surendettement la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans la dite procédure.
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE M. X. à régler les dépens de l'instance.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Le Greffier Le Juge d’Instance
- 5707 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Forclusion - Crédit à la consommation
- 5717 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Clauses abusives
- 5719 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Crédit à la consommation
- 5725 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Conditions - Respect de la prescription
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
- 5987 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Lien de la clause avec le litige : crédit à la consommation
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit